Épuisement professionnel : 19 octobre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 21/01138

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Épuisement professionnel : 19 octobre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 21/01138

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 10

ARRET DU 19 OCTOBRE 2022

(n° , 1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/01138 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDCD4

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Décembre 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 19/01092

APPELANTE

S.A.S. EDUSERVICES prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Valérie LE BRAS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0267

INTIMEE

Madame [J] [V]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Véronique ATLAN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0046

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Gwenaelle LEDOIGT, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Nicolas TRUC, Président de la chambre

Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de la chambre

Madame Anne MEZARD, Vice Présidente placée faisant fonction de conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 28 avril 2022.

Greffier, lors des débats : Mme Sonia BERKANE

ARRET :

– contradictoire

– mis à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente et par Sonia BERKANE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Mme [J] [V] a été engagée par la société Compagnie de formation appartenant au groupe Eduservices, suivant lettre d’engagement à durée indéterminée en date du 4 avril 2007, en qualité de gestionnaire de paie. Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective des organismes de formation.

A compter du 7 avril 2014, la salariée a été promue Responsable Paie.

Par convention du 15 mars 2016, son contrat de travail a été transféré à la société par actions simplifiée (SAS) Eduservices et les relations contractuelles se sont trouvées régies par la convention collective nationale des bureaux d’étude technique, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils (dite Syntec). La salariée a continué a exercé des fonctions de Responsable Paie au statut Cadre, position 2.3, coefficient 150 avec application d’une convention de forfait en jours de 218 jours.

Eduservices est un groupe spécialisé dans l’éducation supérieure privée depuis 2010, il regroupe des écoles proposant des cursus post-baccalauréat formant aux métiers du management, du commerce, du numérique, de l’hospitalité (tourisme, hôtellerie, loisirs) de la beauté, du bien-être et du sport.

Dans le dernier état des relations contractuelles, la salariée percevait une rémunération mensuelle brute de 4 004 euros (moyenne sur les 12 derniers mois).

A compter du 8 novembre 2017 et jusqu’au 31 août 2018, la salariée a été placée en arrêt de travail.

Le 28 mai 2018, Mme [J] [V] s’est vu notifier son licenciement pour absence prolongée désorganisant le service et nécessitant son remplacement définitif dans les termes suivants :

« Vous êtes en arrêt maladie continue depuis le 8 novembre 2017, soit depuis plus de 6 mois à ce jour.

Vos arrêts sont reconduits, au mieux, d’un mois sur l’autre et nous sommes prévenus de vos prolongations 2 à 3 jours avant le terme de votre arrêt maladie en cours.

En outre, vous occupez les fonctions de Responsable Paie pour le groupe Eduservices. à ce titre, vous êtes la seule salariée du groupe à occuper ce poste. Vos fonctions impliquent le management des gestionnaires de paie, le pilotage des projets de paie, la production des données sociales obligatoires, le paramétrage des bases de paie et la sécurisation de nos process paie.

Or, votre absence prolongée de maintenant plus de 6 mois, sans perspective de retour, perturbe le bon fonctionnement de l’entreprise et rend nécessaire votre remplacement définitif.

Dans un premier temps, constatant le renouvellement périodique de vos arrêts, j’ai essayé d’embaucher une personne pour vous remplacer temporairement, en fonction des échéances de vos arrêts maladies, soit toutes les 3 semaines. Cependant le marché de l’emploi d’un Responsable Paie étant extrêmement tendu en région parisienne, les différentes démarches que j’ai pu faire en ce sens sont restées vaine.

De plus, la gestion du service paye est aujourd’hui arrivée à un stade critique et ne peut se passer, à ce jour, d’un ou d’une Responsable Paie. Votre absence a entraîné une désorganisation non seulement de votre service mais également du Groupe Eduservices.

Cette désorganisation est notamment liée aux faits suivants :

Reprise de la gestion de votre portefeuille sans process écrit :

Suite à votre absence et notre impossibilité à pourvoir votre remplacement temporaire, nous avons été contraints de répartir votre portefeuille de paye (…) sur les gestionnaires présents dont le portefeuille était déjà complet.

cela engendre une surcharge de travail pour les gestionnaires paie qui n’ont pas le temps de se consacrer à la résolution des erreurs rencontrées. A ce jour, cela a encore des répercussions non négligeables sur :

‘ la gestion des tickets restaurant Eduservices

Le collaborateur qui a dû reprendre la paye des holdings, que vous gériez avant votre arrêt, a dû gérer les tickets restaurant sans aucune connaissance du calcul et s’est retrouvé sans Responsable Paie en mesure de pouvoir lui permettre de reprendre le dossier. Or, encore à ce jour, de nombreux collaborateurs nous informent ne pas comprendre l’attribution de leurs tickets et nous sommes toujours incapables de leur répondre (…)

‘ La gestion des processus de passation comptable, clôture, virement et DSN

Là encore, votre équipe, dont les collaborateurs de plus d’un an d’ancienneté n’étaient pas en mesure d’aider leurs collègues. Chaque mois ces étapes sont rendues difficiles par le manque de compétences et de connaissances propres à une Responsable Paie pour analyser les problématiques (…)

‘ La vérification de la paye

Toutes les erreurs commises n’ont jamais pu être correctement identifiées, car aucun processus de contrôle n’a été mis en place dans le service alors que cela revient au manager d’organiser les contrôles nécessaires pour fiabiliser les données (…)

‘ Nombreux problèmes URSSAF

Après votre départ, nous avons reçu de nombreuses mises en demeure suite à de mauvais paramétrages ou erreurs de saisie de nouveaux taux (Transport sur Eduservices, etc…), personne au sein de l’équipe n’est capable de gérer les régularisations, ce qui a engendré une vraie surcharge me concernant et ce qui aurait pu entraîner des pénalités financières si nous n’avions pas obtenu un recours gracieux de la part de l’URSSAF (…)

Intégration de nouveaux collaborateurs sans responsable

Face à l’absence de responsable de service, l’équipe paye n’arrive pas à se stabiliser en raison de l’absence d’un manager de proximité. Les collaborateurs que nous arrivons à recruter ne restent que quelques semaines dans nos équipes face à la désorganisation du service qu’ils sont amenés à constater et aux erreurs qu’ils sont dans l’incapacité de résoudre.

En effet, les nouveaux collaborateurs intègrent un service dans lequel aucune passation de dossier n’est possible et aucune procédure de saisie ni connaissance des accords et usage n’est décrite (….). Cela a pour conséquence de générer des erreurs de paye à répétition et est source de démotivation pour l’équipe actuellement en place

Le non-aboutissement du projet Groupe de centralisation des paies au niveau du siège du Groupe Eduservices

Pour mémoire, en votre qualité de Responsable Paie, vous étiez en charge du projet de centralisation des paies à compter de novembre 2017. Nous avons été contraints de reprendre ce projet afin de le faire aboutir. Cependant n’ayant pas les connaissances techniques nécessaires et sans aucun process écrit sur l’état d’avancement de vos projets, ni de collaborateurs formés par vos soins, nous avons dû les reprendre au pied levé et à ce jour notre méconnaissance entraîne des erreurs récurrentes (…)

L’absence de réalisation des tâches exclusives d’une Responsable Paie à savoir

‘ La BDES : nous devons adresser cette base à nos représentants du personnel et actuellement celle-ci ne peut être actualisée par votre équipe car vous êtes la seule à détenir la compétence sur ce sujet (…)

‘ Les effectifs annuels pour le département financier : il est de la responsabilité du Responsable Paie de produire ces chiffres ce qui nous place dans l’impossibilité de sortir cette donnée en s’assurant d’une cohérence par rapport à l’année précédente (…)

‘ Le paiement des RTT minutes, avantages propres à l’une de nos structures : une fois encore, cet élément est tellement complexe à calculer que seul le manager du service ou un collaborateur formé (ce qui n’a pas été le cas) peut être en mesure de calculer correctement cet avantage (…)

‘ La production des registres du personnel en format informatique : cette mission revient également Responsable Paie (…)

Ces multiples dysfonctionnements liés à l’absence de notre unique Responsable Paie ont pour conséquences :

une importante surcharge pour les collaborateurs (…)

une importante surcharge de travail que j’ai également à gérer (…)

un surcoût pour l’entreprise (…)

‘ Le mauvais paramétrage du compteur agénéré des erreurs sur les compteurs des dizaines de salariés qui ont pris des congés en fonction des compteurs affichés sur le bulletin de paie (…)

‘ Suite au sentiment d’être débordés pour tous les collaborateurs du service paye, deux intérimaires supplémentaires ont dû être recrutés

‘ Nous avons reçu des courriers de mise en demeure URSSAF suite à des erreurs de paramétrage de mauvais fonctionnement/mauvaises manipulations de l’envoi de la DSN

‘ Le paiement d’heures supplémentaires à l’équipe paie qui est non habituel ce qui entraîne un coût financier pour le Groupe qui n’est pas budgété

un mécontentement général

Les remontées négatives quant à la fiabilité de la paye sont quasiment quotidiennes : les salariés constatant des erreurs de paye trop régulièrement, les Directions d’établissement nous ont fait part de la généralisation d’un sentiment de défiance des salariés à leur égard (…)

La nécessité absolue de reprendre la paye sur de nouvelles bases, ainsi que la mise en place d’une interface pour fiabiliser la saisie des éléments variables de paye.

Outre, ces désorganisations du quotidien, il est urgent pour le Groupe Eduservices de changer de base de paye en cours d’année (…) mettre une interface pour fiabiliser la saisie, rendre plus facile la formation des nouveaux collaborateurs et surtout prouver notre engagement à améliorer la situation des collaborateurs du service, démunis par le manque de management direct (…)

Mener un tel projet sans Responsable Paie est d’autant plus difficile et source d’erreur, n’ayant pas moi-même l’expertise de la paye nécessaire, sans compter le stress énorme que cela engendre.

Comme il est évoqué ci-dessus, mes tentatives de recrutement d’un manager pour pallier votre absence n’ont pas abouti notamment en raison du renouvellement de vos arrêts par période de 3 semaines.

En outre, comme j’ai pu le constater déjà au niveau des recrutements de Gestionnaires de Paie. Il faut plusieurs mois pour assimiler les spécificités de notre activité, des 3 conventions collectives dont dépendent les entités du Groupe ainsi que les différents accordscollectifs et usages des 13 entités du Groupe. Le service a donc besoin d’un manager permanent et non pas d’un manager temporaire qui n’aurait pas le temps d’assimiler nos procédures internes pour régler nos problématiques (…)

Ces éléments désorganisent le Groupe Eduservices puisque le temps passé à comprendre et à rectifier les erreurs se fait par des personnes qui ne sont pas expertes dans ce domaine au détriment d’autres sujets.

Compte tenu des éléments précédemment énoncés, nous sommes contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse en raison de la désorganisation de l’entreprise causée par votre absence prolongée nécessitant votre remplacement définitif. »

Le 7 février 2019, Mme [J] [V] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris pour contester son licenciement, demander l’annulation de la convention de forfait en jours ainsi qu’un rappel de salaire sur heures supplémentaires et solliciter des dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité.

Le 8 décembre 2020, le conseil de prud’hommes de Paris, dans sa section Encadrement, a statué comme suit :

– dit le licenciement de Mme [J] [V] sans cause réelle et sérieuse

– condamne la société Eduservices à payer à Mme [J] [V] les sommes suivantes :

* 42 038 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 12 011 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l’obligation de résultat de protection et de la santé de la salariée

Avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement

* 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– dit la convention de forfait jours inapplicable

– déboute Mme [J] [V] du surplus de ses demandes

– déboute la société Eduservices de sa demande reconventionnelle

– condamne la partie défenderesse au paiement des entiers dépens.

Par déclaration du 19 janvier 2021, la SAS Eduservices a relevé appel du jugement de première instance dont elle a reçu notification le 23 décembre 2020.

Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 19 mai 2022, aux termes desquelles la SAS Eduservices demande à la cour d’appel de :

– déclarer la société Eduservices recevable et bien fondée en son appel du jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris le 8 décembre 2020,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé le licenciement de Madame [V] était sans cause réelle et sérieuse, que la société Eduservices avait violé son obligation de résultat de protection de la sécurité et de la santé de Madame [V], et que la convention de forfait en jours sur l’année de Madame [V] était inapplicable

Et, statuant à nouveau :

I – Sur les demandes au titre de l’exécution du contrat de travail :

– dire que la convention de forfait en jours de Madame [V] est valable et que celle-ci est dès lors irrecevable à solliciter un rappel d’heures supplémentaires

– dire qu’aucun manquement à son obligation de sécurité ne peut être reproché à la société Eduservices

– dire en tout état de cause que Madame [V] n’établit pas de lien de causalité entre le manquement à l’obligation de sécurité allégué et la dégradation de son état de santé

– débouter Madame [V] de ses demandes de rappel d’heures supplémentaires et de

la contrepartie des repos compensateurs du fait de la nullité de sa convention de forfait en jours, ou, à titre subsidiaire, confirmer le jugement entrepris ayant déclaré ces demandes irrecevables

– débouter Madame [V] de sa demande au titre du manquement à l’obligation de sécurité de la société Eduservices

II- Sur les demandes au titre de la rupture du contrat de travail :

A titre principal :

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit et jugé que le licenciement de Madame [V] n’est pas fondé sur un motif discriminatoire

– dire que le licenciement de Madame [V] en raison des perturbations causées par son absence prolongée dans le fonctionnement de la société Eduservices est bien fondé

– débouter Madame [V] de ses demandes au titre de la nullité ou de l’absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement

– condamner Madame [V] à verser à la société Eduservices la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens

A titre infiniment subsidiaire :

– constater que Madame [V] ne justifie pas d’un quelconque préjudice professionnel et financier

– limiter à six mois de salaire, soit la somme de 24 021,90 euros, les dommages-intérêts pour licenciement nul ou à trois mois de salaire, soit la somme de 12 010,95 euros, les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alloués à Madame [V]

– ramener à de plus justes proportions l’indemnité au titre de l’article 700 du code de

procédure civile

– débouter Madame [V] pour le surplus et de l’ensemble de ses autres demandes, fins et conclusions.

Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 2 mai 2022, aux termes desquelles

Mme [J] [V] forme appel incident et demande à la cour d’appel de :

– juger la société Eduservices recevable mais mal fondée en son appel à l’encontre du

jugement rendu le 8 décembre 2020 par le conseil de Prud’hommes de Paris

– débouter l’appelante de l’ensemble de ses moyens, demandes, fins et conclusions

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

 » *condamné la société Eduservices à payer à Madame [J] [V], les sommes suivantes :

‘ 42 038 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

‘ 12 011 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de résultat de protection de la sécurité et de la santé de la salariée avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement

‘ 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

* débouté la société Eduservices de sa demande reconventionnelle de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

* dit la convention de forfait jours inapplicable »

Statuant sur l’appel incident de Madame [J] [V]

– infirmer le jugement déféré pour le surplus, le réformer et y ajoutant :

I- Sur le licenciement :

A titre principal

– dire le licenciement notifié par la SAS Eduservices à Madame [J] [V] le 28 mai 2018 discriminatoire et par conséquent, nul et de nul effet

– donner acte à l’intimée qu’elle n’entend pas poursuivre l’exécution du contrat de travail ni solliciter sa réintégration

– condamner la SAS Eduservices à payer à Madame [J] [V] une indemnité pour licenciement nul d’un montant de 72 066 euros

A titre subsidiaire

– confirmer le jugement du 8 décembre 2020 en ce qu’il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse et alloué à la salariée l’indemnité susmentionnée dans le plafond du barème fixé à l’article L.1235-3 du code du travail, pour un montant de 42 038 euros

II- Sur les autres chefs de demande

– condamner la SAS Eduservices à payer à Madame [J] [V] les sommes ci-dessous :

* à titre de rappel de salaires sur les heures supplémentaires effectuées et non rémunérées du 1er avril 2016 au 7 novembre 2017 : 26 862 euros

* au titre des congés payés y afférents : 2 686,20 euros

* à titre d’indemnité compensatrice de la contrepartie obligatoire en repos :16 130,40 euros.

– ordonner la remise des bulletins de paie des mois d’avril 2016 à novembre 2017 inclus, du solde de tout compte et de l’attestation Pôle emploi rectifiés en conséquence des condamnations qui précèdent sur les rappels de salaires et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de l’arrêt à intervenir

– dire que la cour se réservera le pouvoir de liquider les astreintes prononcées

– condamner la SAS Eduservices au paiement des intérêts au taux légal applicable aux créances des particuliers à compter du 7 février 2019, date de convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes de Paris sur les rappels de salaires et du prononcé de l’arrêt pour les condamnations à caractère indemnitaire, avec capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil.

– condamner la SAS Eduservices à payer à Madame [J] [V] la somme de 5 000 euros, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

– condamner la SAS Eduservices aux entiers dépens qui pourront être recouvrés directement par Maître Véronique Atlan représentant la SELARL Atlan Véronique, avocate au Barreau de Paris.

Conclusions auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 1er juin 2022.

MOTIFS DE LA DECISION :

1/ Sur la nullité de la convention de forfait en jours

Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail, des repos journaliers et hebdomadaires dont le suivi effectif et régulier par l’employeur permet de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable.

La salariée rappelle, qu’à la suite de l’invalidation par la Chambre sociale de la Cour de cassation des dispositions de la convention collective Syntec, un nouvel avenant à l’accord du 22 juin 1999, relatif à la durée du travail dans les entreprises de la branche Syntec, a été signé le 1er avril 2014 afin de prévoir la mise en place de nouvelles mesures destinées à garantir un contrôle de l’amplitude et de la charge de travail des salariés. Cet avenant a, notamment, prévu que seuls les salariés disposant de « la plus large autonomie d’initiative » pourraient être soumis à une convention de forfait en jours et que celle-ci ne s’appliquerait qu’aux cadres relevant « au minimum de la position 3 de la grille de classification des cadres de la convention collective nationale ou bénéfi d’une rémunération annuelle supérieure à deux fois le plafond annuel de la sécurité sociale ou sont mandataires sociaux ». Il était, également, exigé que les salariés bénéficient de deux entretiens individuels spécifiques par an portant sur leur charge de travail et l’articulation entre leur activité professionnelle et leur vie personnelle et familiale.

Or, Mme [J] [V] relève, qu’étant classée en position 2.3 et sa rémunération étant inférieure au double du Plafond Annuel de Sécurité Sociale (PASS), elle ne pouvait se voir appliquer une convention de forfait annuel en jours. De surcroît, la salariée affirme qu’elle n’a jamais bénéficié de plus d’un entretien annuel, qui consistait en un bilan de son activité et de ses performances et qui ne comportait qu’une seule question sur les difficultés éventuelles qu’elle pouvait rencontrer pour garder un équilibre vie professionnelle/vie privée.

A défaut pour l’employeur d »avoir respecté les prescriptions régissant les conventions de forfait en jours pour les salariés soumis à la convention collective Syntec, Mme [J] [V] demande à ce que le jugement soit confirmé en ce qu’il a dit que ladite convention lui était inopposable.

L’employeur répond que le statut de cadre de la salariée lui conférait une « autonomie dans l’organisation de son emploi du temps » et que la nature de ses fonctions ne la conduisait pas à suivre l’horaire collectif, ce qui en application des dispositions de l’article L. 3121-64 du code du travail, permettait de lui appliquer une convention de forfait annuel en jours. Il ajoute que la convention de transfert tripartite signée par la salariée le 15 mars 2016 faisant expressément référence aux dispositions de l’accord de branche du 22 juin 1999, modifié le 1er avril 2014 et étendu le 26 juin 2014, la convention de forfait en jours qui lui a été appliquée présentait toutes les garanties légales.

Mais, la salariée n’ayant pas la qualité de mandataire social, ne percevant pas une rémunération supérieure au double du PASS et n’étant pas classée au niveau 3 de la catégorie des Cadres, elle ne pouvait se voir appliquer, à compter du 1er avril 2016, une convention de forfait en jours selon les critères définis par l’accord de branche du 22 juin 1999, modifié le 1er avril 2014. En outre, l’employeur ne s’explique pas sur le non-respect des dispositions conventionnelles relatives à la tenue de deux entretiens annuels portant spécifiquement sur la question de la charge de travail du salarié.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a dit que la convention de forfait en jours prévue dans la convention de transfert tripartite était inopposable à Mme [J] [V], ce qui lui ouvre la possibilité de réclamer le paiement des heures supplémentaires accomplies au delà de la durée légale de travail.

2/ Sur les heures supplémentaires et la contrepartie obligatoire en repos

En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci.

Mme [J] [V] soutient qu’elle travaillait, en moyenne, du lundi au vendredi de 8h30/9h à 20h, soit entre 46 et 50 heures par semaine et qu’il lui arrivait, régulièrement de poursuivre son activité à son domicile après ses heures de travail ou pendant les fins de semaines, en se connectant à l’intranet de l’entreprise.

Au soutien de ces allégations la salariée verse aux débats des attestations de deux collègues (pièces 54 et 55) qui témoignent des horaires qu’elle accomplissait bien au-delà des 35 heures hebdomadaires ainsi que des tableaux de décomptes de son temps de travail qui précisent les heures d’entrées et de sorties et les temps de pause (pièces 52 et 53). Cependant, pour le calcul de sa demande rappel de salaire, Mme [J] [V] a retenu la moyenne la plus basse de 46 heures hebdomadaires.

Mme [J] [V] sollicite, en conséquence, une somme de 26 862 euros, outre 2 686,20 euros au titre des congés payés afférents à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires accomplies du 1er avril 2016 au 7 novembre 2017, ainsi que 16 130,40 euros à titre d’indemnité compensatrice de la contrepartie obligatoire en repos dont elle a été privée pour les heures accomplies au-delà du contingent annuel de 220 heures.

L’employeur réplique que la salariée procède par voie d’affirmation et qu’il n’est produit aucun justificatif des heures qu’elle aurait été amenée à accomplir au-delà des 35 heures hebdomadaires. La société appelante constate que les décomptes d’heures supplémentaires de la salariée, qui n’ont été versés aux débat qu’en cause d’appel, sont forfaitaires puisque celle-ci a considéré qu’elle avait systématiquement accompli le même nombre d’heures supplémentaires chaque semaine, ce qui ne peut qu’être inexact eu égard à l’autonomie dont elle jouissait dans l’organisation de son travail. En outre, elle observe que les attestations versées aux débats et qui ne respectent pas les formes légales sont imprécises et sujettes à caution dès lors que les anciens collègues de travail de la salariée évoquent les heures de travail qu’elle accomplissait à son domicile les soirs et les week-ends dont ils ne pouvaient avoir connaissance.

Cependant, la société appelante ne verse aux débats aucun élément qui permettrait d’établir de manière objective et fiable le nombre d’heures de travail effectué par la salariée. Il est, en outre, établi que l’employeur n’avait pas mis en place un dispositif de contrôle du temps de travail de Mme [J] [V] alors, qu’y compris dans le cadre d’une convention de forfait en jours, il lui appartenait de vérifier la charge effective de travail de la salariée.

En cet état, il sera considéré que la SAS Eduservices ne remplit pas la charge de la preuve qui lui revient, la salariée ayant de son côté étayé sa demande en apportant à la cour des éléments précis. Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu’il a débouté Mme [J] [V] de sa demande de rappel de salaires et congés payés afférents au titre des heures supplémentaires et il lui sera alloué les sommes qu’elle revendique.

Il sera ordonné à la SAS Eduservices de délivrer à Mme [J] [V], dans les deux mois suivants la notification de la présente décision un bulletin de paie récapitulatif rectifié prenant en compte les rappels de salaire et congés payés afférents judiciairement alloués, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette obligation d’une astreinte.

3/ Sur le manquement à l’obligation de sécurité

En vertu de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. L’article L. 4121-2 précise les principes généraux de prévention.

La salariée intimée fait valoir que la surcharge de travail qui lui a été imposée par l’employeur, qui a encore été amplifiée par l’éloignement de son lieu de travail après le transfert du siège social du [Localité 3] à [Localité 4], a entraîné un épuisement professionnel qui a profondément dégradé son état de santé jusqu’à entraîné un syndrôme anxiodépressif sévère à l’origine de son arrêt de travail prolongé à compter du 8 novembre 2017 (pièce 9, 26.1, 26.2, 27, 56, 57).

L’employeur n’ayant pas veillé à contrôler la charge de travail de la salariée, et n’ayant pris aucune mesure pour remédier à la surcharge de travail qu’elle subissait alors que le constat en avait été dressé dans son entretien annuel d’évaluation en mars 2017, qui faisait état ‘d’une surcharge de travail’,d’une difficulté pour la salariée de ‘se déconnecter’ et d’une « absence de respect des temps de repos » (pièce 6). Mme [J] [V] considère que la SAS Eduservices a manqué à son obligation de sécurité et réclame une somme de 12 011 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.

La société appelante objecte que la salariée ne justifie nullement l’avoir alertée sur une surcharge de travail et une dégradation de ses conditions d’emploi, pas plus qu’elle n’a informé les Institutions Représentatives du Personnel. Il est souligné que c’est en raison des propres carences managériales de Mme [J] [V] que l’équipe du service paie se trouvait constamment renouvelée, les gestionnaires de paie se succédant environ tous les six mois ( pièces 11, 12, 14, 15). L’employeur justifie que jusqu’à la fin de l’année 2017 l’effectif du service paie a été de 9 salariés (3 à [Localité 5] et 6 à [Localité 4]) et non 6 comme l’affirme la salariée dans ses écritures. En outre, la salariée bénéficiait du soutien de Mme [O], Directrice des Ressources Humaines et Juridique qui l’avait déchargée de certaines de ses missions.

L’employeur souligne, encore, que la Responsable paie qui a été recrutée en remplacement de Mme [V] en mai 2018 ne s’est jamais plainte d’une quelconque surcharge de travail (pièce 23) alors même que l’équipe n’a pas connu d’augmentation de ses effectifs.

Enfin, il est argué qu’aucun lien de causalité n’est démontré entre la dégradation de l’état de santé de la salariée et ses conditions de travail.

Toutefois, la cour observe qu’il n’est nullement justifié par l’employeur des mesures qu’il aurait mises en place pour s’assurer de la charge de travail de la salariée et notamment de l’organisation des deux entretiens annuels portant sur ces questions, qui étaient pourtant prévus dans l’accord de branche du 22 juin 1999, modifié le 1er avril 2014. Alors, que la salariée établit avoir attiré l’attention de sa hiérarchie sur une surcharge de travail à l’occasion de son entretien d’évaluation de mars 2017, aucune réponse ne lui a été apportée pour améliorer ses conditions de travail. L’employeur n’a, également, prêté aucune attention à l’alerte donnée par le médecin du travail, qui à la suite de la visite périodique de la salariée du 6 juillet 2017, avait demandé à ce qu’il lui soit adressé la fiche de poste de cette dernière et avait exigé de la revoir impérativement avant le 6 novembre 2017. Cette absence de réaction de l’employeur n’a pas permis d’enrayer la dégradation de l’état de santé de Mme [J] [V], qui a été médicalement constatée par plusieurs praticiens et qui a abouti à un arrêt de travail de longue durée.

C’est donc à bon escient que les premiers juges ont considéré que l’employeur avait manqué à son obligation de sécurité. En revanche, l’indemnité allouée à la salariée sera ramenée à la somme de 5 000 euros et le jugement entrepris réformé de ce chef.

4/ Sur le licenciement pour absence prolongée désorganisant le service

L’article L. 1232-6 du code du travail impose à l’employeur d’énoncer le ou les motifs du licenciement dans la lettre de licenciement et l’article L. 1132-1 du même code lui fait interdiction de licencier un salarié en raison de son état de santé ou de son handicap. Ces deux textes ne s’opposent pas au licenciement motivé, non par l’état de santé du salarié, mais par la situation objective de l’entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l’absence prolongée ou les absences répétées du salarié mais la lettre de licenciement doit énoncer expressément la perturbation dans le fonctionnement de l’entreprise et la nécessité de pourvoir au remplacement du salarié absent, dont le caractère définitif doit être vérifié par le juge.

L’employeur explique qu’alors que le projet de centralisation des paies au niveau du siège du groupe Eduservices devait démarrer, il s’est trouvé privé de son unique Responsable Paie qui était en charge de ce projet, en raison de son placement en arrêt de travail à compter du 8 novembre 2017. La salariée n’ayant établi aucun suivi écrit de l’état d’avancement de ce projet, la société appelante a été contrainte de se rapprocher de la société Alticap, intégrateur du logiciel de gestion de paie SAGE, utilisé au sein d’Eduservices, pour gérer des problèmes de paramétrage, ce qui a entraîné une perte de temps dans la mise en oeuvre de la centralisation des paies. La charge de travail de

Mme [J] [V] ayant été répartie sur l’ensemble des gestionnaires de paie et sur Mme [O], ces salariés se sont trouvés confrontés à une surcharge de travail qui a entraîné des erreurs dans l’établissement des Déclarations Sociales Nominatives (pièce 29). Eduservices a, également, reçu plusieurs mises en demeure de la part de l’URSSAF en raison de déclarations erronées ou d’absence d’établissement de déclarations obligatoires (pièce 30).

La société appelante ajoute que les erreurs dans l’établissement des paies, résultant de ces difficultés liées à l’absence prolongée de Mme [V], ont engendré un mécontentement général des salariés du groupe qui se sont plaints par courriels de cette situation.

Pour tenter de pallier à l’absence de la salariée, l’employeur a recruté deux intérimaires ce qui a entraîné des coûts supplémentaires pour la société. L’employeur indique qu’il a bien cherché à recruter un Responsable de paie en contrat de travail à durée déterminée pour remplacer temporairement Mme [J] [V] mais sans succès (pièce 45).

L’absence de la salariée ne cessant de se prolonger et le service paie ne pouvant continuer à fonctionner avec une instabilité permanente en matière de personnel, il a été décidé de procéder au remplacement définitif de Mme [J] [V] et Mme [G] a été engagée, le 26 juillet 2018, en contrat à durée indéterminée, en qualité de Responsable paie.

Mais, la cour retient qu’il n’est pas démontré que les difficultés ou les erreurs listées dans la lettre de licenciement soient imputables à l’absence pour maladie de la Responsable paie alors que les pièces versées au dossier et les propres termes de la lettre de licenciement démontrent que le service paie se trouvait confronté depuis plusieurs années à une instabilité de son personnel qui était à l’origine d’erreurs dans le traitement des salaires. Il n’est pas davantage justifié du préjudice qui serait résulté de l’absence de la salariée pour la société appelante tant sur le plan financier qu’au niveau de sa réputation.

L’employeur n’établit pas non plus les difficultés qu’il aurait pu rencontrer pour recruter un Responsable Paie en contrat de travail à durée déterminée pour remplacer temporairement la salariée, qui n’avait été absente que pendant 6 mois à la date où l’employeur a mis en oeuvre la procédure de licenciement. En effet, si la société Eduservices verse aux débats des échanges de courriels entre la supérieure hiérarchique de l’intimée et un cabinet de recrutement, il appert que ceux-ci sont datés d’avril et mai 2018 et qu’il n’est justifié d’aucune démarche antérieure. En outre, le cabinet de recrutement indique, le 17 avril 2018, qu’il transmet à l’employeur six dossiers de candidature pour le poste de Responsable Paie en contrat à durée déterminée, ce qui ne caractérise pas une éventuelle difficulté de recrutement (pièce 45 employeur). Enfin, les pièces produites aux débats pour justifier de la surcharge de travail des collaborateurs de Mme [J] [V] en son absence sont dénuées de tout caractère probant puisqu’il s’agit de courriels relatifs à la réalisation d’heures supplémentaires dont il n’est pas justifié qu’elles étaient en relation avec l’absence de la salariée.

Le licenciement de Mme [J] [V] n’étant pas motivé par la désorganisation de l’entreprise en raison de son absence, ni par la nécessité de recruter une nouvelle Responsable Paie à titre définitif, l’employeur ne présente aucun critère objectif pour justifier la mesure de licenciement prise en raison de l’absence prolongée pour maladie de la salariée.

En conséquence, il convient de considérer que cette mesure fondée sur l’état de santé de la salariée est discriminatoire et que son licenciement doit être considéré comme nul.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande de ce chef.

Au titre de l’indemnité pour licenciement nul, conformément à l’article L. 1235-3-1 du code du travail, l’article L. 1235-3 n’est pas applicable lorsqu’il est constaté que le licenciement est entaché par une des nullités prévues au deuxième alinéa de cet article, dont le harcèlement moral. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, il est en droit de revendiquer une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Mme [J] [V] ne sollicitant pas sa réintégration, au titre de son indemnité de licenciement nul, il lui sera alloué une somme de 42 038 euros en réparation de son entier préjudice, eu égard à son âge à la date de son licenciement, à savoir 52 ans et à son ancienneté de 11 ans dans la société.

Il sera ordonné à la SAS Eduservices de délivrer à Mme [J] [V], dans les deux mois suivants la notification de la présente décision, un solde de tout compte et une attestation Pôle emploi rectifiés, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette obligation d’une astreinte.

5/ Sur les autres demandes

Les sommes allouées à titre salarial porteront intérêts au taux légal à compter du 12 février 2019, date à laquelle l’employeur a réceptionné sa convocation à l’audience du bureau de conciliation et d’orientation.

Les sommes allouées à titre indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 2020, date du jugement déféré.

La SAS Eduservices supportera les dépens d’appel et sera condamnée à payer à

Mme [J] [V] la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Déclare la SAS Eduservices recevable en son appel,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a :

– dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Mme [J] [V]

– condamné la SAS Eduservices à payer à Mme [J] [V] la somme de 12 011 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l’obligation de sécurité

– débouté Mme [J] [V] de sa demande de rappel de salaire et congés payés afférents pour heures supplémentaires ainsi que de sa demande d’indemnité pour absence de contrepartie obligatoire en repos

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit le licenciement de Mme [J] [V] nul,

Condamne la SAS Eduservices à payer à Mme [J] [V] les sommes suivantes :

– 26 862 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires

– 2 686,20 euros au titre des congés payés afférents

– 16 130,40 euros à titre d’indemnité compensatrice de la contrepartie obligatoire en repos

– 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité

– 42 038 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul

– 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel,

Dit que les sommes allouées à titre salarial porteront intérêts au taux légal à compter du 12 février 2019 et que les sommes allouées à titre indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 2020,

Ordonne à la SAS Eduservices de délivrer à Mme [J] [V], dans les deux mois suivants la notification de la présente décision, un bulletin de paie récapitulatif prenant en compte les rappels de salaire et congés payés afférents judiciairement ordonné, un solde de tout compte et une attestation Pôle emploi rectifiés,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne la SAS Eduservices aux dépens d’appel avec distraction au profit de Me Véronique Atlan, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,

 


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