Épuisement professionnel : 19 octobre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/07159

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Épuisement professionnel : 19 octobre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/07159

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRÊT DU 19 OCTOBRE 2022

(n° , 13 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/07159 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAGK7

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Mars 2019 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F 16/05349

APPELANTE

Madame [W] [D]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Axielle DREVON, avocat au barreau de PARIS, toque : C1423

INTIMÉE

ASSOCIATION ÉCOLE SPÉCIALE D’ARCHITECTURE

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Laure DUCHATEL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0135

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 juin 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Philippe MICHEL, président, et M. Fabrice MORILLO, conseiller, chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Philippe MICHEL, président de chambre

Mme Valérie BLANCHET, conseillère

M. Fabrice MORILLO, conseiller

Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, prorogé à ce jour.

– signé par Monsieur Philippe MICHEL, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 17 février 2014, Mme [D] a été engagée en qualité de responsable des ressources humaines et financières par l’association Ecole Spéciale d’Architecture (ESA), celle-ci employant habituellement au moins 11 salariés et appliquant la convention collective nationale de l’enseignement privé indépendant du 27 novembre 2007.

Suivant courrier recommandé du 15 février 2016, Mme [D] a fait l’objet d’un avertissement.

S’estimant insuffisamment remplie de ses droits dans le cadre de l’exécution du contrat de travail, Mme [D] a saisi la juridiction prud’homale le 13 mai 2016.

Après avoir fait l’objet d’arrêts de travail de manière ininterrompue à compter du 4 septembre 2015, puis été classée en invalidité de catégorie 2 le 15 décembre 2017, Mme [D] a été examinée par le médecin du travail le 19 janvier 2018 qui l’a déclaré inapte à son poste de travail en un seul examen avec dispense d’obligation de reclassement, le médecin précisant que tout maintient de la salariée dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé.

Après avoir été convoquée, suivant courrier recommandé du 29 janvier 2018, à un entretien préalable fixé au 8 février 2018, Mme [D] a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement suivant courrier recommandé du 19 février 2018.

Par jugement du 7 mars 2019, le conseil de prud’hommes de Paris a :

– débouté Mme [D] de la totalité de ses demandes,

– débouté l’association Ecole Spéciale d’Architecture de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Mme [D] aux entiers dépens.

Par déclaration du 14 juin 2019, Mme [D] a interjeté appel du jugement lui ayant été notifié le 20 mai 2019.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 12 mai 2022, Mme [D] demande à la cour de :

– infirmer le jugement dans l’ensemble de ses dispositions, et, statuant à nouveau,

à titre principal,

– dire que l’association Ecole Spéciale d’Architecture a commis des agissements de harcèlement moral et la condamner au paiement de la somme de 53 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi en conséquence des actes de harcèlement moral,

– annuler l’avertissement du 15 février 2016,

– dire que l’association Ecole Spéciale d’Architecture a manqué à son obligation de sécurité et la condamner au paiement de la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi,

– prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail et dire qu’elle produit les effet d’un licenciement nul,

– subsidiairement, dire que l’inaptitude constatée par la médecine du travail avec dispense de l’obligation de reclassement a pour origine les actes de harcèlement moral et prononcer la nullité du licenciement pour inaptitude,

– condamner en conséquence et en tout état de cause l’association Ecole Spéciale d’Architecture à lui payer les sommes suivantes :

– indemnité pour licenciement nul : 53 000 euros,

– indemnité compensatrice de préavis : 18 982,89 euros,

– congés payés y afférents : 1 898,28 euros,

– solde d’indemnité de licenciement double : 7 314 euros,

à titre subsidiaire, si la cour ne retenait pas l’existence de faits constitutifs de harcèlement moral,

– dire que l’association Ecole Spéciale d’Architecture a gravement manqué à l’obligation de prévention des risques psychosociaux, à l’obligation de sécurité ainsi qu’à l’obligation d’exécution de bonne foi du contrat de travail,

– condamner l’association Ecole Spéciale d’Architecture à lui payer la somme de 53 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi,

– dire que la résiliation judiciaire du contrat de travail prononcée aux torts de l’employeur produit les effet d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– subsidiairement, dire que le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– condamner en conséquence et en tout état de cause l’association Ecole Spéciale d’Architecture à lui payer les sommes suivantes :

– indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 31 638,15 euros,

– indemnité pour licenciement irrégulier : 6 327,63 euros,

– indemnité compensatrice de préavis : 18 982,28 euros,

– congés payés y afférents : 1 898,28 euros,

– solde d’indemnité de licenciement double : 7 314 euros,

en tout état de cause,

– condamner l’association Ecole Spéciale d’Architecture à lui payer les sommes suivantes :

– solde CET : 13 276,29 euros,

– heures supplémentaires non payées en 2014 et 2015 : 47 188 euros,

– congés payés y afférents : 4 718 euros,

– indemnité forfaitaire de 6 mois de salaire : 31 911 euros,

– ordonner la remise des bulletins de salaire des mois de septembre, octobre, novembre et décembre 2017 sous astreinte ferme et définitive de 100 euros par jour de retard, à compter de la notification de la décision à intervenir,

– constater que la pièce n°59 a été communiquée en temps utile, que cette pièce revêt une force probante et la déclarer recevable,

– ordonner le report du point de départ des intérêts à la date de la saisine du conseil de prud’hommes sur le fondement de l’article 1153-1 du code civil,

– ordonner la capitalisation judiciaire des intérêts sur le fondement de l’article 1154 du code civil,

– condamner l’association Ecole Spéciale d’Architecture au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 9 mai 2022, l’association Ecole Spéciale d’Architecture demande à la cour de :

– confirmer le jugement déféré et débouter Mme [D] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– déclarer la nouvelle pièce n°59 produite par Mme [D] irrecevable,

– déclarer prescrites les nouvelles demandes en rappel d’heures supplémentaires formées en cause d’appel,

– rejeter la pièce adverse n°51 communiquée dans une version illisible,

– débouter en tout état de cause Mme [D] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– condamner Mme [D] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

La clôture de l’instruction est intervenue le 31 mai 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 15 juin 2022.

MOTIFS

Sur les demandes formées par l’intimée au titre des pièces n°59 et n°51 produites par l’appelante

L’intimée fait valoir que la nouvelle pièce n°59 produite par l’appelante le 9 mai 2022, en veille d’ordonnance de clôture, n’a pas été communiquée en temps utile au sens des articles 15, 16 et 135 du code de procédure civile, la cour devant en toute hypothèse constater son absence de force probante.

L’appelante réplique que la pièce n°59 est une attestation non complexe qui corrobore les faits dénoncés et que l’intimée a eu le temps d’y répondre du fait du report de la clôture au 31 mai 2022, la cour devant en constater la force probante.

En application des dispositions des articles 15, 16 et 135 du code de procédure civile, la pièce litigieuse ayant été communiquée par l’appelante le 9 mai 2022, l’intimée apparaît avoir été en mesure, compte tenu du report de l’ordonnance de clôture au 31 mai 2022, de l’examiner, de la discuter et d’y répondre ainsi que cela résulte de ses propres conclusions.

Il sera par ailleurs rappelé qu’il revient aux juges, dans le cadre de l’examen de l’affaire sur le fond, d’apprécier souverainement la valeur probante des différentes pièces versées aux débats par les parties au soutien de leurs prétentions.

Dès lors, la cour rejette les demandes formées par l’intimée au titre des pièces n°59 et n°51 produites par l’appelante.

Sur le harcèlement moral et l’obligation de sécurité

L’appelante soutient s’être retrouvée en situation de surmenage professionnel se traduisant par une dépression sévère qui a abouti à une invalidité puis une inaptitude, ledit surmenage professionnel étant consécutif à un grave conflit social qu’elle n’a pas été en mesure de gérer du fait de la position de la direction, ce qui l’a épuisée nerveusement, et ayant donné lieu à une surcharge de travail due à un manque de ressources humaines l’ayant mis dans l’impossibilité de faire face à ses responsabilités, ce qui a généré d’abord des critiques et reproches sur son travail puis un dénigrement constant de celui-ci, et a finalement abouti à une mise à l’écart se cumulant avec une attitude insultante et vexatoire à son égard , la direction lui reprochant une insuffisance professionnelle.

L’intimée réplique que l’appelante se contente de simples affirmations sur la base desquelles elle soutient l’existence d’une mise à l’écart des projets administratifs et RH, et ce d’autant que les pièces produites démontrent sa parfaite implication dans les projets dont elle prétend avoir été écartée, que le grief, au demeurant contradictoire, de surcharge de travail alléguée est lui-même parfaitement péremptoire et qu’enfin aucune pièce n’est versée aux débats par la salariée sur les insultes, menaces de rétrogradation, agressions et rumeurs dont elle dit avoir fait l’objet, accusations qui se résument à de simples allégations. Elle souligne que les attestations produites émanent de salariés en litige avec l’école et ne travaillant pas dans les mêmes locaux que l’appelante et affirme que cette dernière échoue à apporter la démonstration de faits précis, concordants et matériellement établis au titre des griefs qui reposent exclusivement sur ses allégations ainsi que son interprétation dénaturante de documents dépourvus de force probante. Elle indique qu’aucun lien n’est en toute hypothèse établi entre les pathologies invoquées par la salariée et l’exécution de son travail, précisant que le litige trouve en réalité son origine dans les seules difficultés rencontrées par l’appelante pour exécuter de façon satisfaisante les tâches pour lesquelles elle avait été engagée, difficultés qu’elle cherche à imputer abusivement à son employeur.

Selon l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Par ailleurs, aux termes de l’article L. 1154-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L.1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’espèce, l’appelante produit les éléments suivants :

– un courriel d’alerte adressé à sa hiérarchie le 25 février 2015 concernant la dégradation de ses conditions de travail,

– des mails adressés à l’inspection du travail les 8 avril, 26 juin, 3 et 18 septembre ainsi que 5 octobre 2015 pour faire état de ses conditions de travail,

– un courrier de dénonciation de faits de harcèlement moral adressé au président du conseil d’administration de l’école le 3 avril 2015,

– un nouveau courrier d’alerte adressé à sa hiérarchie le 30 juillet 2015,

– différents échanges de mails dans le cadre de son activité professionnelle,

– une attestation établie par M. [Z] (responsable informatique de l’école) dont il ressort que: « Le poste de RRAF est central au fonctionnement de l’école et de l’association. Il est par ailleurs surdimensionné et surexposé. La direction et la délégation du personnel se sont défaussées de leur responsabilités, laissant Madame [D] face à tous les problèmes. Le conflit social qui perdure à l’ESA mettait Madame [D] dans une situation intenable. En effet, la surcharge de travail de ce poste ainsi que les nombreux conflits entre la direction, l’assemblée générale, le conseil d’administration, les salariés et les membres de l’association rendent cette fonction extrêmement éprouvante nerveusement. (…) Mme [D] est une personne compétente à qui on a demandé l’impossible, ce poste de RRAF nécessite une paix sociale dans l’association, une redéfinition des tâches et une longue formation sur les outils et les instances de l’école pour pouvoir être occupé sereinement »,

– une attestation établie par Mme [H] (professeur et responsable du laboratoire de recherche) dont il résulte que : « Mme [D] a été jetée dans la bataille très vite ; l’école connaissait alors de grandes difficultés structurelles, financières et salariales. Je peux témoigner de l’implication rapide de Mme [D] qui courait dans tous les sens pour éteindre le feu, au sens propre comme au sens figuré, car il fallait qu’elle gère en urgence un nombre conséquent de dossiers, elle était également sur le pont pour gérer tous le petits problèmes internes de l’école : manque de fournitures, problèmes liés aux étudiants, avec le personnel informatique, etc. En réalité, elle était débordée. Les demandes qui lui étaient adressées par les uns et par les autres dépassaient largement le cadre de sa fiche de poste. Je me souviens lui avoir dit qu’en réalité elle faisait le travail de trois personnes car elle occupait à la fois des ressources administratives, financières et humaines. Dans un tel contexte de stress et de surcharge permanente, il lui était difficile de se concentrer et de mener à bien ses objectifs, lesquels étaient toujours formulés sur un mode paradoxal et contradictoire par la direction de l’école. Je sais que les relations sont devenues rapidement intenables et très tendues entre la direction et elle, et cela n’était un secret pour personne »,

– une attestation rédigée par M. [S] (responsable de l’atelier maquette au sein de l’école) dont il ressort que : « Après le départ de Madame [J], directrice des études, les problèmes d’ordre pédagogique ont été eux aussi renvoyés à la gestion de Madame [D] : choix des assistants, organisation des plages horaires d’ouverture de l’atelier maquette, le directeur refusant de me recevoir à ces sujets me renvoyant vers elle »,

– un témoignage écrit établi par M. [F] (professeur au sein de l’école),

– une attestation rédigée par Mme [N] (professeur associé) dont il résulte que : « La direction actuelle avait volontairement mis en opposition le personnel administratif et les enseignants concourant ainsi à une ambiance épouvantable de chasse aux sorcières. J’ai reçu de la part de mes collègues de l’administration de nombreuses plaintes concernant la tension permanente et la surcharge de travail exercée sur eux par la direction. J’ai également assisté à des mouvements d’humeur, brimades de la part du directeur envers plusieurs de ses collaboratrices durant cette période. Je me rendais régulièrement du mois d’avril au mois de juin 2015 dans le bureau de Mme [D] afin d’obtenir mon contrat et j’ai pu assister à des scènes durant lesquelles le directeur la sermonnait et la traitait de façon méprisante. Le climat délétère et l’isolement dans lequel se trouvait alors le personnel administratif a certainement concouru au mal être de nombreux salariés »,

– une attestation établie par Mme [E] (comptable au sein de l’école de mai 2012 à février 2019) dont il ressort que : « J’ai pu constater que les nombreuses demandes de M. [T] ont contraint Mme [D], dès son arrivée, à tenir des amplitudes horaires très intenses (…) Elle était amenée à gérer les urgences des services et en même temps gérer son travail. (…) J’ai vu Mme [D] s’épuiser à essayer de tout gérer pour faire fonctionner l’ensemble des services. Elle s’est éreintée dans ce contexte de travail. En janvier 2015, elle a été soumise à une multiplication des demandes de production de dossiers urgents »,

– différents justificatifs et certificats médicaux relatifs aux arrêts de travail dont a bénéficié l’intéressée au cours de la période litigieuse,

– la déclaration d’accident du travail du 10 juillet 2015,

– la demande de reconnaissance de maladie professionnelle du 16 février 2016,

– l’avis du médecin du travail du 19 janvier 2018 l’ayant déclarée inapte à son poste de travail en un seul examen avec dispense d’obligation de reclassement en ce que tout maintien de la salariée dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé,

– différents courriers adressés à l’employeur par le médecin du travail relativement à l’existence de risques psychosociaux au sein de l’entreprise (courriers des 17 décembre 2012, 30 septembre 2014 et 22 avril 2015),

– le courrier de l’assurance maladie en date du 15 décembre 2017 lui notifiant son classement en invalidité de catégorie 2,

– le courrier de notification d’un avertissement en date du 15 février 2016 pour « utilisation d’un certificat de travail sur lequel aura été apposée, a posteriori, la mention manuscrite « harcèlement professionnel » aux fins de donner à cette allégation l’apparence d’une constatation médicale » et son courrier de contestation du 10 mars 2016,

lesdits éléments faisant état de la mise en ‘uvre par l’employeur de pratiques managériales génératrices d’humiliation, d’anxiété et de perte de confiance se manifestant par une attitude et des propos irrespectueux et vexatoires de son supérieur hiérarchique ainsi que par des pratiques d’isolement avec mise à l’écart et omission d’information sur les réunions et les projets, des pratiques punitives constitutives de mesures de rétorsion s’agissant notamment de l’avertissement du 15 février 2016 outre une organisation de l’activité avec fixation d’objectifs et de missions sans en donner les moyens, intensification de la charge de travail dans un temps imparti et demandes répétitives de traitement de dossiers urgents à la dernière minute aboutissant à des retards, des situations d’échec, un épuisement professionnel et des critiques systématiques sur la qualité du travail, lesdits agissements ayant eu pour effet de dégrader les conditions de travail et d’altérer la santé physique et mentale de la salariée ainsi que cela résulte des nombreux éléments médicaux concordants émanant de praticiens différents versés aux débats.

Dès lors, il apparaît que l’appelante présente des éléments de fait, qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement.

L’intimée, qui conteste en réplique les affirmations de l’appelante et critique les pièces produites par cette dernière en soulignant que les attestations versées aux débats émanent de salariés en litige avec l’école et ne travaillant pas dans les mêmes locaux que l’intéressée ou que lesdites attestations sont exemptes de toute description de faits matériels et précis, tout en mettant en avant le fait que le litige trouverait en réalité son origine dans les seules difficultés rencontrées par la salariée pour exécuter de façon satisfaisante les tâches pour lesquelles elle avait été engagée, cette dernière tentant ainsi de les imputer abusivement à son employeur, ne démontre pas que les agissements litigieux ne sont pas constitutifs d’un harcèlement et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il sera ainsi notamment relevé que le seul fait que certains salariés ayant établi les attestations précitées aient effectivement été en conflit et/ou en litige avec l’intimée n’est pas en lui-même de nature à établir leur partialité à l’encontre de l’association ou à faire perdre toute force probante au contenu de leurs déclarations, étant de surcroît observé de ce chef que, contrairement aux affirmations de l’intimée, lesdites attestations font état de faits matériels précis et concordants concernant les conditions de travail de l’appelante dont les différents rédacteurs ont été directement et personnellement témoins.

La cour observe également qu’outre le fait qu’il est pour le moins surprenant qu’après plusieurs mois de collaboration sans difficulté l’employeur fasse subitement état durant la période litigieuse de dysfonctionnements et d’insuffisances répétées de la salariée dans l’exercice de ses fonctions, il apparaît par ailleurs que les différents dysfonctionnements et insuffisances allégués par l’intimée ne sont pas suffisamment établis au regard des seuls éléments versés aux débats de ce chef, ceux-ci ne permettant pas d’imputer directement et personnellement lesdites difficultés à la seule activité ou à un manque d’organisation et d’anticipation de l’appelante, et ce alors qu’il résulte également des éléments précités que l’intéressée faisait l’objet d’une surcharge de travail ainsi que d’un surmenage expliquant les retards relevés par la direction de l’association. Il en va de même s’agissant des affirmations péremptoires de l’intimée relatives à l’existence d’une insatisfaction de l’appelante pour son poste qu’elle aurait finalement négligé, lesdites affirmations n’étant corroborées par aucune autre pièce versée aux débats.

Enfin, en application des dispositions des articles L. 1333-1 et L. 1333-2 du code du travail, s’agissant de l’avertissement du 15 février 2016, l’intimée ne justifiant pas suffisamment, au vu des seules pièces versées aux débats, de la matérialité et des circonstances précises des faits allégués ainsi que de leur imputabilité à la salariée relativement à l’apposition de la mention « harcèlement professionnel » sur le certificat d’arrêt de travail du 17 août 2015, ladite sanction apparaissant ainsi injustifiée et en toute hypothèse disproportionnée au regard des seuls faits reprochés, il convient en conséquence de l’annuler, par infirmation du jugement.

Par conséquent, l’existence de faits de harcèlement moral étant caractérisée en l’espèce et l’appelante justifiant d’un préjudice spécifique résultant des agissements de harcèlement moral dont il a fait l’objet de la part de son employeur durant plusieurs mois, la cour lui accorde, par infirmation du jugement, une somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts de ce chef.

Par ailleurs, étant rappelé que les obligations résultant des articles L. 1152-1 et L. 1152-4 du code du travail sont distinctes en sorte que la méconnaissance de chacune d’elles, lorsqu’elle entraîne des préjudices différents, peut ouvrir droit à réparation, la cour relevant en l’espèce que l’employeur ne justifie, au vu des seuls éléments produits, ni du fait d’avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ni, une fois informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral selon courrier du 3 avril 2015, d’avoir pris les mesures immédiates propres à le faire cesser, l’intimée ayant ainsi manqué à ses obligations en matière de prévention et de traitement des situations de harcèlement moral, il convient, compte tenu du préjudice spécifique non contestable subi par la salariée au regard des répercussions sur son état de santé, de lui accorder en réparation une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, par infirmation du jugement.

Sur la rupture du contrat de travail

Si l’appelante affirme avoir sollicité la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur antérieurement au licenciement pour inaptitude prononcé à son encontre, la cour ne peut cependant que relever que la requête initiale aux fins de saisine du conseil de prud’hommes ne faisait pas état de l’existence de faits de harcèlement moral et qu’il n’était pas expressément sollicité une telle résiliation en conséquence de faits de harcèlement moral dont elle aurait été victime, la résiliation litigieuse n’apparaissant avoir été sollicitée que dans le cadre des conclusions établies pour l’audience du bureau de jugement du 11 juin 2018, soit à une date postérieure au licenciement pour inaptitude notifié suivant courrier recommandé du 19 février 2018.

Dès lors, la cour retient que la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail est nécessairement sans objet, étant rappelé que le juge doit toutefois, pour apprécier le bien fondé du licenciement, prendre en considération les griefs qui étaient invoqués par le salarié dès lors qu’ils sont de nature à avoir une influence sur cette appréciation.

S’agissant du licenciement, étant rappelé qu’en application des dispositions de l’article L. 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être licencié pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés, l’article L. 1152-3 du même code prévoyant que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul, compte tenu des développements précédents concernant la caractérisation de faits de harcèlement moral et au vu de l’ensemble des éléments précités et notamment des nombreux certificats médicaux concordants produits ainsi que de l’avis de la médecine du travail, étant rappelé que le juge prud’homal n’est pas lié par les décisions des organismes de sécurité sociale relatives à la prise en charge des accidents ou des maladies professionnels, la cour relève que le harcèlement moral subi est effectivement à l’origine de l’inaptitude de l’appelante, l’exposition prolongée aux conditions de travail précitées ayant conduit à une dégradation de son état de santé permettant de caractériser un lien entre l’inaptitude et le manquement de l’employeur à ses obligations en matière de harcèlement moral.

Dès lors, il convient, par infirmation du jugement, de déclarer nul le licenciement pour inaptitude prononcé à l’encontre de l’appelante.

Sur les conséquences financières de la rupture

Il résulte de l’article L. 1235-3-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige, que l’article L. 1235-3 n’est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d’une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Les nullités mentionnées à l’alinéa précédent sont celles qui sont afférentes à la violation d’une liberté fondamentale, à des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4, à un licenciement discriminatoire dans les conditions prévues aux articles L. 1134-4 et L. 1132-4 ou consécutif à une action en justice, en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les conditions mentionnées à l’article L. 1144-3 et en cas de dénonciation de crimes et délits, ou à l’exercice d’un mandat par un salarié protégé mentionné au chapitre Ier du titre Ier du livre IV de la deuxième partie, ainsi qu’aux protections dont bénéficient certains salariés en application des articles L. 1225-71 et L. 1226-13.

L’indemnité est due sans préjudice du paiement du salaire, lorsqu’il est dû en application des dispositions de l’article L. 1225-71 et du statut protecteur dont bénéficient certains salariés en application du chapitre Ier du Titre Ier du livre IV de la deuxième partie du code du travail, qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité et, le cas échéant, sans préjudice de l’indemnité de licenciement légale, conventionnelle ou contractuelle.

S’agissant du préavis, étant rappelé que lorsque le licenciement est nul, le salarié a droit à l’indemnité compensatrice de préavis, peu important les motifs de la rupture, l’indemnité compensatrice de préavis étant intégralement due bien que le salarié, irrégulièrement licencié, n’ait pas été en état d’exécuter un préavis, la cour accorde à l’appelante, sur la base d’une rémunération de référence de 6 327,63 euros correspondant aux 3 derniers mois précédant l’arrêt de travail pour maladie, la durée du préavis étant en l’espèce de 3 mois, une indemnité compensatrice de préavis d’un montant de 18 982,89 euros outre 1 898,28 euros au titre des congés payés y afférents, et ce par infirmation du jugement.

S’agissant de l’indemnité de licenciement, il sera rappelé, ainsi que cela a déjà été indiqué, qu’en application des articles L.1226-1 et suivants du code du travail, le juge prud’homal n’est pas lié par les décisions des organismes de sécurité sociale relatives à la prise en charge des accidents ou des maladies professionnels et que les règles protectrices applicables aux victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle s’appliquent dès lors que l’inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l’employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement, et qu’il en est ainsi, alors même qu’au jour du licenciement, l’employeur avait été informé d’un refus de prise en charge au titre du régime des accidents du travail ou des maladies professionnelles.

En l’espèce, au vu des développements précédents aux termes desquels il a été retenu que le harcèlement moral subi était effectivement à l’origine de l’inaptitude de l’appelante et qu’un lien de causalité était caractérisé entre l’inaptitude et le manquement de l’employeur à ses obligations en matière de harcèlement moral, compte tenu par ailleurs de la demande de l’appelante de prise en charge de l’arrêt de travail du 10 juillet 2015 au titre de la législation sur les accidents du travail ainsi que de sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle du 16 février 2016 et eu égard enfin à l’existence d’arrêts de travail de manière ininterrompue à compter du 4 septembre 2015, l’appelante n’ayant jamais repris le travail jusqu’à l’engagement de la procédure de licenciement litigieuse, la cour retient que l’intimée avait nécessairement connaissance au moment du licenciement de l’origine professionnelle à tout le moins partielle de l’inaptitude de sa salariée.

Dès lors, l’appelante étant en droit, en application des dispositions de l’article L. 1226-14 du code du travail, de bénéficier d’une indemnité spéciale de licenciement égale, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, au double de l’indemnité prévue par l’article L. 1234-9, soit en l’espèce une somme totale de 12 655,26 euros, et ce alors qu’elle n’a reçu que la somme de 5 342 euros, la cour lui accorde, par infirmation du jugement, un rappel d’indemnité spéciale de licenciement d’un montant de 7 313,26 euros.

Enfin, eu égard à l’ancienneté dans l’entreprise (4 ans) et à l’âge de la salariée (57 ans) lors de la rupture du contrat de travail et compte tenu des seuls éléments produits concernant sa situation personnelle et professionnelle postérieurement à ladite rupture, la cour lui accorde, par infirmation du jugement, la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul.

Sur la demande de rappel d’indemnité compensatrice de CET

L’appelante fait valoir qu’elle est bien fondée à obtenir le versement d’un solde d’indemnité compensatrice au titre de son CET à hauteur de 69 jours, en ce qu’elle avait acquis 108 jours au 3 septembre 2016, l’employeur ne l’ayant indemnisée de ce chef qu’à hauteur de 39 jours alors que la mention portée sur le bulletin de paie du mois d’août 2017 de 101 jours au titre du CET valait accord de l’employeur au titre du report de congés payés sur le compte CET.

L’intimée réplique que la salariée a été régulièrement réglée des 39 jours qui lui étaient dus au titre de son solde de tout compte, l’intéressée étant mal fondée à arguer que ses arrêts maladie continus depuis le 4 septembre 2015 auraient généré des droits à congés payés en l’absence de reconnaissance du caractère professionnel de l’accident ou de la maladie déclarés.

Etant rappelé qu’eu égard à la finalité qu’assigne aux congés payés annuels la directive 2003/88/CE du Parlement européen concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, lorsque le salarié s’est trouvé dans l’impossibilité de prendre ses congés payés annuels au cours de l’année prévue par le code du travail ou une convention collective en raison d’absences liées à une maladie, un accident du travail ou une maladie professionnelle, les congés payés acquis doivent être reportés après la date de reprise du travail ou, en cas de rupture, être indemnisés et qu’il appartient alors à l’employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu’il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement, la cour ne peut que relever en l’espèce, à la lecture du bulletin de paie du mois d’août 2017 faisant expressément état de 101 jours restant à prendre au titre du CET, que ladite mention manifeste effectivement l’accord de l’employeur s’agissant du report des jours de congés payés et de leur inscription sur le CET.

Dès lors, l’appelante, qui n’a été indemnisée dans le cadre du solde de tout compte qu’à hauteur de 39 jours, étant ainsi en droit de percevoir un rappel de ce chef à hauteur de 62 jours, la cour lui accorde, par infirmation du jugement, la somme de 11 929,42 euros à titre de rappel d’indemnité compensatrice de CET, le surplus non justifié de sa demande devant être rejeté.

Sur les heures supplémentaires

Aux termes de l’article L. 3245-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

Etant rappelé qu’en application de l’article 2241 du code civil, si, en principe, l’interruption de la prescription ne peut s’étendre d’une action à l’autre, il en est autrement lorsque les deux actions, au cours d’une même instance, concernent l’exécution de la même relation contractuelle, la cour relève en l’espèce que si la salariée a présenté en cours d’ instance (conclusions du 7 mars 2019) des demandes de rappel d’heures supplémentaires, cette dernière avait saisi le conseil de prud’hommes le 13 mai 2016 de demandes relatives à la même relation contractuelle, ce dont il résulte l’existence d’un acte interruptif de prescription.

Il sera par ailleurs observé que, s’agissant d’une instance introduite devant le conseil de prud’hommes avant le 1er août 2016, il apparaît qu’en application des dispositions de l’article R.1452-6 du code du travail alors en vigueur, toutes les demandes liées au contrat

de travail entre les mêmes parties font, qu’elles émanent du demandeur ou du défendeur, l’objet d’une seule instance, l’article 564 du code de procédure civile prohibant les demandes nouvelles devant la cour d’appel n’étant alors pas applicable, la demande nouvelle dérivant du même contrat de travail étant recevable en appel.

Dès lors, il convient de déclarer recevables les différentes demandes de rappel d’heures supplémentaires formées par la salariée tant devant les premiers juges qu’en cause d’appel, et ce par infirmation du jugement s’agissant des premières.

Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, au vu des pièces communiquées par l’appelante et notamment des décomptes précis et détaillés des heures supplémentaires réclamées au titre de la période litigieuse (lesdits décomptes apparaissant parfaitement lisibles et compréhensibles), des courriels échangés dans le cadre de son activité professionnelle ainsi que des attestations précitées établies par des collègues de travail ayant été directement et personnellement témoins des conditions et des horaires de travail de la salariée, la cour constate que l’intéressée présente à l’appui de sa demande des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’elle indique avoir accomplies pour permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

L’employeur se limitant en réponse à critiquer les pièces produites par la salariée et à contester les demandes formées par cette dernière en indiquant qu’alors qu’elle était elle-même en charge de la gestion de la paie et qu’il lui revenait de superviser et de transmettre au cabinet prestataire les éléments de paie des salariés de l’établissement, elle n’a déclaré aucune heure supplémentaire pour la période considérée et que ce n’est qu’en juin 2015 qu’elle a pour la première fois fait état de quelques dépassements d’horaire limités qui lui ont alors été réglés et que les dépassements allégués par l’intéressée sont largement surestimés et sytématiquement gonflés en ce qu’ils ne correspondant pas au travail réellement effectué, la cour relève que l’intimée ne fournit donc pas d’éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par sa salariée, les seuls tableaux produits en réplique par l’association, qui se bornent à lister les différents mails de la salariée pour en déduire une absence d’heures supplémentaires effectuées au-delà de celles lui ayant déjà été réglées en juillet 2015, étant manifestement insuffisants et inopérants de ce chef.

Dès lors, au vu de l’ensemble de ces éléments et au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées, après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, la cour retient la réalisation d’heures supplémentaires rendues nécessaires par les tâches confiées à la salariée, dans une moindre mesure toutefois qu’allégué, et accorde à l’appelante la somme de 13 000 euros à ce titre outre 1 300 euros au titre des congés payés y afférents, par infirmation du jugement.

Sur le travail dissimulé

En application des dispositions des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail, la salariée ne justifiant pas du caractère intentionnel de la dissimulation d’emploi alléguée, la cour confirme le jugement en ce qu’il a rejeté cette demande.

Sur les autres demandes

Il convient d’ordonner la remise à l’appelante des bulletins de paie des mois de septembre, octobre, novembre et décembre 2017, sans qu’il apparaisse nécessaire d’assortir cette décision d’une mesure d’astreinte.

En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, il y a lieu de rappeler que les condamnations portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes pour les créances salariales et à compter du présent arrêt pour les créances indemnitaires, les circonstances de l’espèce ne justifiant pas de fixer le point de départ des intérêts à une date antérieure.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil.

En application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, l’employeur sera condamné, par infirmation du jugement, à payer à la salariée la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés non compris dans les dépens.

L’employeur, qui succombe, supportera les dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Rejette les demandes formées par l’association Ecole Spéciale d’Architecture au titre des pièces n°59 et n°51 produites par Mme [D] ;

Infirme le jugement sauf en ce qu’il a débouté Mme [D] de sa demande au titre du travail dissimulé et l’association Ecole Spéciale d’Architecture de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Annule l’avertissement du 15 février 2016 ;

Déclare nul le licenciement pour inaptitude prononcé à l’encontre de Mme [D] ;

Déclare recevables les différentes demandes de Mme [D] au titre des heures supplémentaires ;

Condamne l’association Ecole Spéciale d’Architecture à payer à Mme [D] les sommes suivantes :

– 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

– 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité en matière de prévention et de traitement des situations de harcèlement moral,

– 18 982,89 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 1 898,28 euros au titre des congés payés y afférents,

– 7 313,26 euros à titre de rappel d’indemnité spéciale de licenciement,

– 40 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,

– 11 929,42 euros à titre de rappel d’indemnité compensatrice de CET,

– 13 000 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires outre 1 300 euros au titre des congés payés y afférents ;

Rappelle que les condamnations portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’association Ecole Spéciale d’Architecture de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes pour les créances salariales et à compter du présent arrêt pour les créances indemnitaires ;

Ordonne la capitalisation des intérêts selon les modalités de l’article 1343-2 du code civil ;

Ordonne à l’association Ecole Spéciale d’Architecture de remettre à Mme [D] les bulletins de paie des mois de septembre, octobre, novembre et décembre 2017 ;

Rejette la demande d’astreinte ;

Condamne l’association Ecole Spéciale d’Architecture à payer à Mme [D] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute Mme [D] du surplus de ses demandes ;

Condamne l’association Ecole Spéciale d’Architecture aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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