Épuisement professionnel : 18 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/00586

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Épuisement professionnel : 18 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/00586

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRET DU 18 JANVIER 2023

(n° , 15 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00586 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBJGC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Octobre 2019 – Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de BOBIGNY – RG n° F17/03025

APPELANTE

Madame [E] [R]

[Adresse 1] –

Les lieu-dit [Localité 5] –

[Localité 4] GUYANE FRANCAISE

Représentée par Me Savine BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2002

INTIMÉE

SA AIR FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 3]

[Localité 3]

Représentée par Me Corinne DIEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : A648

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Philippe MICHEL, président, et M. Fabrice MORILLO, conseiller, chargé du rapport

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Philippe MICHEL, président de chambre

Mme Valérie BLANCHET, conseillère

M. Fabrice MORILLO, conseiller

Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, prorogé à ce jour.

– signé par Monsieur Philippe MICHEL, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat de travail à durée déterminée à compter du 5 février 2007 puis contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er août 2007, Mme [R] a été engagée en qualité d’agent d’escale commercial par la société Air France, celle-ci employant habituellement au moins 11 salariés et appliquant la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises de transport aérien du 22 mai 1959.

Mme [R] a bénéficié d’un congé maternité à compter du 11 novembre 2009 puis d’un congé parental d’éducation à temps partiel à compter du 3 mars 2010 et, en dernier lieu, d’un congé parental d’éducation sans solde du 15 mars 2012 au 4 décembre 2013, l’intéressée ayant repris le travail à temps partiel à compter du 5 décembre 2013.

Mme [R] a fait l’objet d’une période d’arrêts de travail pour maladie du 17 juin au 15  septembre 2014.

Suivant avis de la médecine du travail du 30 septembre 2014, Mme [R] a été déclarée « apte avec changement temporaire de poste du 30 septembre 2014 jusqu’au 31 mars 2015. Inapte temporaire au poste d’AEC. Tâches assises, sans déplacement. A employer à une mission de style administratif »

Selon lettre de mission du 9 janvier 2015, Mme [R] a été affectée, à temps complet, sur une mission de gestion de l’ensemble de l’activité des vols tactiques à la cellule de lancement des vols militaires, et ce à compter du 5 janvier 2015 pour une durée de 9 mois.

Mme [R] a fait l’objet d’une période d’arrêts de travail pour maladie du 5 mars au 21  septembre 2015 puis elle a bénéficié d’un congé individuel de formation (CIF) pris en charge par le FONGECIF du 1er octobre 2015 au 31 mai 2016, et ce aux fins de suivre un master 2 en droit social à l’université de [Localité 7] Ouest [Localité 6].

Sollicitant le paiement de divers rappels de salaire, Mme [R] a saisi la formation de référé de la juridiction prud’homale le 27 mai 2015.

Par ordonnance du 1er avril 2016, le conseil de prud’hommes de Bobigny, en sa formation de référé, a dit n’y avoir lieu à référé.

Mme [R] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur suivant courrier notifié à la société Air France le 17 novembre 2016, l’intéressée ayant saisi la juridiction prud’homale le 22 septembre 2017 aux fins qu’il soit statué sur les effets de la prise d’acte.

Par jugement du 4 octobre 2019, le conseil de prud’hommes de Bobigny, statuant sous la présidence du juge départiteur, a :

– dit qu’à compter du 5 décembre 2013, Mme [R] était affectée à l’échelon N3 coefficient 235,

– condamné la société Air France à payer à Mme [R] la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts en indemnisation de son préjudice de carrière,

– dit que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d’une démission,

– condamné la société Air France à payer à Mme [R] les sommes suivantes :

– 2 504,72 euros à titre de rappel de salaire pour la période du FONGECIF avec intérêts au taux légal à compter du 28 septembre 2017,

– 611,10 euros à titre de rappel de congés payés sur la période courant du 22 au 28 septembre 2015 avec intérêts au taux légal à compter du 28 septembre 2017,

– 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la classification,

– ordonné la capitalisation des intérêts échus en application de l’artic1e 1343-2 du code civil,

– dit que la société Air France devra transmettre à Mme [R] dans le délai d’un mois suivant la notification de la décision un certificat de travail et une attestation Assedic/Pôle Emploi conformes ainsi qu’un bulletin de salaire récapitulatif,

– condamné la société Air France à payer à Mme [R] la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes,

– condamné la société Air France aux dépens,

– ordonné l’exécution provisoire.

Par déclaration du 17 janvier 2020, Mme [R] a interjeté appel du jugement.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 13 septembre 2022, Mme [R] demande à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a jugé qu’elle était échelon N3 coefficient 235 à compter du 5 décembre 2013, l’infirmer sur le quantum des dommages-intérêts accordés sur le fondement de l’article L.1222-1 du code du travail pour non-respect de la classification et fixer ce quantum au montant de 20 000 euros,

– infirmer le jugement et ordonner à la société Air France de lui communiquer un certificat de travail rectifié faisant apparaître la classification Niveau N3 coefficient 235 à compter du 5 décembre 2013,

– infirmer le jugement et condamner la société Air France au paiement de la somme de 2 827 euros à titre de rappel de salaire sur arrêt maladie du 5 mars au 21 septembre 2015,

– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Air France au paiement des sommes de 2 504,72 euros à titre de rappel de salaire pour la période du FONGECIF et de 611,10 euros à titre de rappel de congés payés sur la période courant du 22 au 28 septembre 2015, et ce avec intérêts au taux légal à compter du 28 septembre 2017,

– infirmer le jugement, dire qu’elle a fait l’objet d’une discrimination sur les origines et condamner la société Air France au paiement de la somme de 40 000 euros en réparation du préjudice subi sur le fondement de l’article L. 1134-5 du code du travail,

– infirmer le jugement, dire que la société Air France n’a pas respecté son obligation de sécurité et de prévention des risques et, en conséquence, la condamner au paiement de la somme de 30 000 euros sur le fondement des articles L.4121-1 et L.1152-4 du code du travail,

– infirmer le jugement, dire qu’elle a fait l’objet d’un harcèlement moral et que la société Air France n’a pas exécuté loyalement son contrat de travail et, en conséquence, la condamner au paiement de la somme de 30 000 euros sur le fondement des articles L.1152-1 et L.1222-1 du code du travail,

– infirmer le jugement, dire qu’au regard de ces manquements la prise d’acte doit être requalifiée, à titre principal, en licenciement nul et, à titre subsidiaire, en licenciement sans cause réelle et sérieuse, et condamner en conséquence la société Air France au paiement des sommes suivantes:

– indemnité compensatrice de préavis : 3 816,98 euros,

– congés payés afférents : 381,68 euros,

– indemnité de licenciement : 5 657 euros,

– indemnité pour licenciement nul, subsidiairement, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 22 902 euros,

– infirmer le jugement et ordonner la remise des bulletins de paie, certificat de travail et attestation pôle emploi rectifiés,

– infirmer le jugement et condamner la société Air France au paiement de la somme de 3  000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Air France au paiement des entiers dépens et aux intérêts légaux avec anatocisme.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 16 juillet 2020, la société Air France demande à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [R] de ses prétentions afférentes à l’existence d’une discrimination à l’embauche, d’une violation de l’obligation de sécurité, d’un harcèlement moral et d’une exécution déloyale du contrat de travail et en ce qu’il a dit que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail ne peut être requalifiée en licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,

– infirmer le jugement pour le surplus et, statuant à nouveau,

– dire que Mme [R] a bénéficié de la classification appropriée, qu’elle a perçu l’intégralité des sommes auxquelles elle pouvait prétendre et qu’aucun rappel de salaire à quelque titre que ce soit ne lui est dû,

– rejeter, en conséquence, l’ensemble des moyens et prétentions de Mme [R],

– condamner Mme [R] au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

L’instruction a été clôturée le 13 septembre 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 12 octobre 2022.

MOTIFS

Sur l’exécution du contrat de travail

Sur la classification

L’appelante fait valoir que selon avenant du 5 décembre 2013, la société s’était contractuellement engagée à lui donner la classification N3 coefficient 235 mais qu’elle n’a pas appliqué ladite classification, la laissant au niveau N2 coefficient 220 malgré ses très nombreuses relances écrites dès le 30 septembre 2014 et sa saisine du juge des référés en mai 2015. Elle souligne avoir subi un préjudice moral, en ce qu’elle a été privée pendant 3 années de la qualification qui lui avait été contractuellement donnée et en ce qu’elle a perdu une énergie considérable à revendiquer que lui soit appliqué ce qui avait été acté, outre un préjudice de carrière, en ce que la reconnaissance attachée à chaque statut et les avantages accordés par la convention collective diffèrent, en ce qu’elle a été privée de la possibilité d’évoluer professionnellement et d’occuper des postes correspondant au niveau de sa classification contractuelle et en ce qu’elle était donc rétrogradée et sous-qualifiée, processus particulièrement humiliant et moralement éprouvant.

L’intimée réplique que la salariée ne remplissait pas les critères propres à la politique d’évolution professionnelle afin de bénéficier de la qualification Technicien Service Client, classification N coefficient 235 à compter du 5 décembre 2013, et qu’elle ne pouvait donc bénéficier que de la qualification d’Agent Service au Client niveau N2, précisant que la classification N n’existe pas puisqu’il s’agit de N2 ou N3, que l’appelante ne pouvait pas prétendre à la classification N3 de la convention d’entreprise du personnel au sol de la société, ni du coefficient 235 de la convention collective nationale du transport aérien et, qu’en tout état de cause, elle ne formule toujours aucune demande chiffrée au titre d’un quelconque rappel de salaire, ni ne rapporte la moindre preuve du prétendu préjudice qu’elle aurait subi.

Il résulte du document contractuel ayant pour objet « Reprise de service à temps partiel après congé sans solde » signé par les parties le 11 janvier 2014 que « Le présent avenant a pour objet de préciser les modalités et conditions de la reprise d’activité à temps partiel de Mme [F] [Mme [R]] à compter du 5 décembre 2013, sous réserve des résultats favorables de la visite médicale de reprise.

Cet avenant est conclu pour une durée limitée de 1 an, du 5 décembre 2013 au 4 décembre 2014. Il sera renouvelable d’année en année par accord formel des parties 3 mois avant l’issue de la période. A défaut, [F] reprendra son activité à temps plein.

L’aménagement de la durée du travail se fera sur une période de référence de 16 semaines, sa durée hebdomadaire moyenne de travail étant de 24 heures et 30 minutes. […]

Mme [F] est réintégrée en qualité de Technicien Service Client, niveau de classement N3. Il est convenu qu’en fonction des nécessités de fonctionnement de l’entreprise, Mme [F] pourra être affectée à différents postes correspondants à la nature de son emploi.

Pour information, en référence à la convention collective du transport aérien (personnel au sol), le coefficient hiérarchique correspondant est 235 et la catégorie correspondante Agents d’encadrement et Technicien. »

Au vu des termes de cet avenant contractuel qui apparaissent clairs, précis, non équivoques et dénués de toute ambiguïté, l’employeur ne peut aucunement prétendre que l’appelante ne remplissait pas les conditions pour pouvoir prétendre à la classification litigieuse en ce qu’il lui a lui-même expressément et volontairement accordé le bénéfice de celle-ci, ses affirmations selon lesquelles les termes de cet avenant seraient des « formulations erronées et sans fondement », et ce alors qu’il s’agit d’un document contractuel qu’il a lui-même établi, apparaissant pour le moins dénuées de tout caractère sérieux.

Par conséquent, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a retenu que Mme [R] était affectée à l’échelon N3 coefficient 235 à compter du 5 décembre 2013.

S’agissant de la réparation des préjudices allégués, si l’appelante a effectivement perçu un salaire d’un montant supérieur à celui auquel elle pouvait prétendre compte tenu d’une classification au niveau N3, il n’en demeure pas moins qu’elle a manifestement subi un préjudice moral eu égard aux différentes démarches et réclamations qu’elle a été dans l’obligation d’effectuer durant la période litigieuse pour tenter de faire reconnaître ses droits ainsi qu’à la sous-qualification s’apparentant à une rétrogradation qu’elle a éprouvée, outre un préjudice de carrière résultant de l’absence de possibilité de bénéficier des avantages conventionnels distincts afférents à la classification litigieuse ainsi qu’au retard nécessairement subi relativement à la possibilité de candidater dans des conditions favorables et de pouvoir occuper des postes correspondant au niveau de sa classification contractuelle, lesdits préjudices devant être réparés par l’attribution d’une somme globale de 4 000 euros à titre de dommages-intérêts, et ce par infirmation du jugement sur le quantum.

Sur l’arrêt maladie du 5 mars au 21 septembre 2015

L’appelante fait valoir qu’elle est en droit de percevoir un rappel de maintien conventionnel de salaire sur la base d’un temps plein compte tenu de la signature de la lettre de mission du 9 janvier 2015 valant avenant au contrat de travail.

L’intimée réplique que l’appelante a déjà été considérée comme étant rémunérée à temps plein et qu’elle ne justifie pas du montant des IJSS dont elle a bénéficié sur la période concernée.

En application de l’article 26 de la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises de transport aérien, les agents d’encadrement et techniciens bénéficient, pour une ancienneté de 5 à 10 ans, d’un maintien conventionnel de salaire à hauteur de 3 mois à plein traitement et 3 mois à demi-traitement, ces indemnités étant réduites de la valeur des indemnités journalières perçues au titre de la sécurité sociale pendant toute la durée de l’indemnisation.

Dès lors, compte tenu du montant des IJSS perçues dont il est justifié par la salariée (23,75 euros par jour), sur la base d’un salaire de 1 891,50 euros afférent à un temps complet en application de la lettre de mission du 9 janvier 2015 (celle-ci valant nécessairement avenant au précédent avenant du 8 octobre 2014), la salariée étant en droit de bénéficier d’un maintien de salaire à hauteur de 3 mois à plein traitement et de 3 mois à demi-traitement, eu égard enfin aux sommes lui ayant effectivement été réglées par l’employeur au titre de la période litigieuse ainsi que cela résulte des bulletins de paie produits, il apparaît que la salariée a été intégralement réglée des sommes lui revenant au titre du maintien conventionnel de salaire.

Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté sa demande de rappel de salaire formée de ce chef.

Sur le rappel de salaire pour la période du FONGECIF

L’appelante fait valoir qu’elle est en droit de percevoir un rappel de salaire au titre de cette période en ce qu’elle n’a pas été indemnisée à hauteur de 100 % de sa rémunération de référence, soit 1 624,95 euros, et ce en méconnaissance par l’intimée des termes de son propre courrier du 16 octobre 2015.

L’intimée réplique que l’accord de prise en charge financière par le FONGECIF concerne les 429 heures de formation théorique et de travaux pratiques, réparties sur une période de 31,86 semaines, sur la base de 100 % de la rémunération de référence, lesdites heures de formation ayant été régulièrement indemnisées, l’avenant ne prévoyant aucunement un maintien de salaire de la part de l’employeur pour les périodes pendant lesquelles la salariée ne se trouverait pas en formation théorique ou pratique indemnisée par le FONGECIF.

Au vu de l’accord de prise en charge financière signé par l’employeur le 18 septembre 2015 ainsi que de l’avenant au contrat de travail du 16 octobre 2015, l’accord de prise en charge faisant état d’un taux de prise en charge du salaire de 100 %, il apparaît qu’un montant prévisionnel de 11 531,64 euros a été versé à l’employeur, correspondant à 429 heures prises en charge ainsi qu’à un taux horaire remboursé à l’employeur de 26,88 euros déterminé selon les modalités suivantes: « (salaire de base mensuel + prime ancienneté mensuelle + 10 % de congés payés + l/12 des primes annuelles) x taux de prise en charge x (1 + taux de charges patronales) nombre mensuel d’heures du contrat de travail », le taux de charges patronales retenu par le FONGECIF étant de 62,38 %.

Or, au vu des bulletins de paie versés aux débats, la salariée n’ayant pour sa part perçu de l’employeur que la somme globale de 4 596,28 euros, il convient, déduction faite des sommes versées à titre de remboursement des charges patronales sur la base de calcul précitée, d’accorder à l’appelante un rappel de salaire au titre du FONGECIF d’un montant de 2 504,72 euros, et ce par confirmation du jugement.

Sur le rappel de salaire au titre des congés payés du 22 au 28 septembre 2015

L’appelante fait valoir qu’elle devait être en congés payés pour la période du 22 au 28 septembre 2015 et non en « absence non autorisée sans solde » comme retenu de manière erronée par l’employeur dans le cadre du bulletin de paie du mois d’octobre 2015.

L’intimée réplique que l’appelante avait épuisé ses droits à congés payés et ne pouvait prétendre au paiement de congés payés supplémentaires sur la période allant du 22 au 28 septembre 2015.

En l’espèce, au vu du planning de congés payés annuels 2015 versé aux débat par l’appelante faisant état d’une période de congés payés du 22 au 28 septembre 2015, en application de l’article 27 de la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises de transport aérien prévoyant que tout membre du personnel bénéficie de 2 jours et demi ouvrables de congé par mois de présence dans l’entreprise, portés à 31 jours ouvrables par an après 5 ans d’ancienneté et à 32 jours ouvrables après 10 ans et que pour l’appréciation de cette durée de présence, sont comprises, outre les périodes assimilées par la loi à du travail effectif, la maladie indemnisée conformément aux dispositions de l’article 26, étant en outre observé que les congés payés pris par l’appelante en février/ mars 2015 (avant la période d’arrêts de travail pour maladie à compter du 5 mars 2015) concernent nécessairement des congés payés acquis au titre de la période de référence précédente de juin 2013 à mai 2014, les congés pris postérieurement en février et mars 2016 ne pouvant par ailleurs aucunement avoir épuisé les congés litigieux pris en septembre 2015, la cour relève en toute hypothèse que la société intimée, qui affirme que la salariée avait épuisé ses droits à congés payés, s’abstient, mises à part ses propres affirmations dans le cadre de ses conclusions, de produire un décompte détaillé et précis des jours de congés payés effectivement acquis puis pris par sa salariée au titre de chaque période de référence, seul un tel décompte étant de nature à permettre d’établir que l’intéressée avait effectivement épuisé ses jours de congés payés.

Dès lors, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a accordé à l’appelante la somme de 611,10 euros à titre de rappel de congés payés pour la période du 22 au 28 septembre 2015.

Sur la discrimination

L’appelante fait valoir qu’elle a fait l’objet d’anormalités, constitutives de discrimination eu égard à la persistance de l’intimée à lui refuser la classification N3 coefficient 235 pendant trois années ainsi qu’au mépris dont elle a fait l’objet dans le traitement de ses nombreuses candidatures et dans l’absence d’évolution professionnelle qui s’en est suivie, l’intéressée indiquant que rien ne permettant d’expliquer pourquoi elle a systématiquement été écartée des offres d’emploi auxquelles elle a postulées, elle allègue avoir fait l’objet d’une discrimination à l’embauche, puis dans son évolution de carrière, en raison de ses origines, l’appelante soulignant être d’origine guyanaise.

L’intimée réplique que les affirmations de la salariée ne sont pas sérieuses en ce qu’elle a été recrutée alors qu’elle avait les mêmes origines et la même couleur de peau, soulignant que l’appelante postulait sans effectuer le moindre tri quant à son profil, qu’elle n’a de façon effective maintenu que 7 candidatures, qui au surplus ne pouvaient pas aboutir, certaines relevant d’un profil de technicien et d’autres nécessitant davantage qu’une simple licence de droit en cours d’obtention, les suites données à ses candidatures étant justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur sa couleur de peau. Elle souligne lui avoir permis de suivre des formations de nature à faire évoluer son profil vers des métiers sans lien aucun avec ses fonctions au sein de l’entreprise, ce qui apparaît incompatible avec une quelconque discrimination. Elle affirme que dans le cadre de la gestion interne des candidatures propre à la société, chaque salarié avait la possibilité de candidater à un poste appartenant à tout service, ledit service traitant ensuite directement la candidature reçue, et ce sans répondre en cas de rejet de la candidature eu égard au nombre de demandes reçues, le fonctionnement étant d’ailleurs identique suite à un entretien après candidature.

Selon l’article L. 1132-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m’urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français.

Par ailleurs, en application de l’article L. 1134-1 du code du travail, lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’espèce, l’appelante faisant valoir être la seule salariée de couleur à faire notamment l’objet d’un refus d’appliquer la qualification qui lui avait pourtant été donnée par avenant à son contrat de travail, l’intéressée, qui justifie de surcroît avoir postulé entre le 31 décembre 2013 et le 8 janvier 2015 à 22 offres d’emploi en interne, ayant été systématiquement écartée des offres d’emploi auxquelles elle a postulées sans passer d’entretien ni recevoir des explications quant aux raisons pour lesquelles elle n’était pas retenue, situation dénoncée selon mail du 26 novembre 2014, la salariée ajoutant avoir également été écartée d’un poste en août 2016 après avoir été reçue en entretien mais, une nouvelle fois, sans explication, il apparaît que l’appelante présente des éléments de fait qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’une discrimination en raison de son origine.

Toutefois, l’employeur justifie que :

– s’agissant des 22 candidatures formulées par l’appelante, seules 7 ont été effectivement transmises aux services concernés entre le 3 avril 2014 et le 6 janvier 2015, les 15 autres ayant été retirées par l’intéressée,

– s’agissant du poste d’assistant ressources humaines, l’appelante n’était pas encore titulaire du diplôme de licence en droit lorsqu’elle a postulé.

Concernant les autres éléments de faits présentées par l’appelante, l’intimée se limite à indiquer que l’appelante a postulé sur des postes variés sans aucune cohérence (alors qu’elle reconnaît par ailleurs que chaque salarié avait la possibilité de candidater à un poste appartenant à tout service de l’entreprise), à mettre en avant le fait de lui avoir permis de suivre des formations de nature à faire évoluer son profil vers des métiers sans lien avec ses fonctions au sein de l’entreprise (ce qui est sans incidence s’agissant des éléments de fait présentés) ainsi qu’à affirmer, sans en justifier au vu des seules pièces produites, qu’il était normal et habituel, dans le cadre de la gestion interne des candidatures, que le service traitant la candidature reçue ne réponde pas en cas de rejet de celle-ci, ce qui n’est en soi aucunement de nature à caractériser les raisons précises, vérifiables et objectives pour lesquelles les candidatures de l’appelante n’ont pas été retenues.

Etant par ailleurs rappelé que l’existence d’une discrimination n’implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d’autres salariés, la cour retient que l’employeur n’établit pas que ses différentes décisions relatives à l’absence d’application de la classification contractuelle ainsi qu’au rejet des candidatures internes de l’appelante étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination en raison de l’origine de la salariée et lui accorde en réparation du préjudice subi, une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, et ce par infirmation du jugement.

Sur l’obligation de sécurité et l’obligation de prévention des risques

L’appelante fait valoir que la société intimée a manqué à ses obligations en matière de respect des préconisations du médecin du travail (avis de la médecine du travail du 30 septembre 2014) et d’organisation d’une visite médicale de reprise (suite à l’arrêt maladie du 5 mars au 21 septembre 2015). Elle précise que la société a également manqué à son obligation de prévention des risques en ne procédant pas à une enquête en dépit de la dénonciation de la détérioration de sa situation et de son état de santé, notamment selon mail du 26 novembre 2014.

L’intimée réplique qu’elle s’est parfaitement conformée aux prescriptions du médecin du travail et qu’elle a tenté par tout moyen de repositionner sa salariée conformément à ces mêmes préconisations. Elle précise que la salariée a effectivement bénéficié d’une visite médicale de reprise suite à son arrêt de travail.

Aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1 ;

2° Des actions d’information et de formation ;

3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.

Il résulte de l’article L. 4121-2 du même code que l’employeur met en oeuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l’article L. 1142-2-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

En application de ces dispositions, il est établi que ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L.4121-2 du code du travail et qu’il appartient en conséquence à l’employeur qui considère injustifiée la prise d’acte de la rupture par un salarié qui invoque une inobservation des règles de prévention et de sécurité, de démontrer qu’il avait pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé du salarié.

Selon fiche d’aptitude du 30 septembre 2014, le médecin du travail a déclaré l’appelante « apte avec changement temporaire de poste du 30 septembre 2014 jusqu’au 31 mars 2015. Inapte temporaire au poste d’AEC. Tâches assises, sans déplacement. A employer à une mission de style administratif »

Il résulte des pièces versées aux débats que l’appelante a été reclassée au service « Log Toucan » à compter du 11 novembre 2014, ledit poste situé au terminal F2 impliquant un temps de déplacement de 20 minutes de marche pour se rendre sur le lieu de travail, et ce en méconnaissance des préconisations précitées en matière d’absence de déplacements, l’appelante apparaissant s’être effectivement plainte de ces difficultés selon mails des 7 octobre et 26 novembre 2014 et avoir été maintenue sur ce poste jusqu’au 5 janvier 2015, et ce malgré une nouvelle période d’arrêts de travail pour maladie.

Outre le fait que l’employeur a mis plus d’un mois après l’avis précité de la médecine du travail pour affecter la salariée sur un autre poste de travail, la cour relève également que l’intimée ne démontre pas, au vu des seuls éléments produits et mises à part ses seules affirmations, que l’utilisation d’une navette pour se rendre au terminal F2 permettait d’éviter toute difficulté liée à l’impossibilité d’effectuer des déplacements conformément aux préconisations du médecin du travail.

S’agissant de l’organisation de la visite médicale de reprise suite à l’arrêt maladie du 5 mars au 21 septembre 2015, il apparaît que le seul tableau établi et produit par l’employeur, listant les différentes visites médicales de sa salariée depuis 2006, n’est en lui-même et en l’absence de production d’une fiche ou d’un avis médical, pas de nature à caractériser la matérialité et les conclusions de la visite médicale qui aurait eu lieu le 29 septembre 2015, de même que la seule « fiche de liaison restrictions médicales-passage » du 1er octobre 2015, celle-ci n’étant pas accompagnée de l’avis du médecin du travail et apparaissant de surcroît relative à une visite « systématique » et non à une visite de reprise suite à arrêt de travail pour maladie.

Dès lors, la cour retient que la société intimée ne justifie pas avoir effectivement pris les différentes mesures nécessaires prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail pour assurer la sécurité de sa salariée et protéger sa santé physique et mentale, et ce s’agissant du respect des préconisations de la médecine du travail et de l’organisation d’une visite médicale de reprise, et accorde à l’appelante, en réparation du préjudice résultant des manquements précités, compte tenu des répercussions sur son état de santé, une somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts, et ce par infirmation du jugement.

Selon l’article L. 1152-4 du code du travail, l’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

Il sera rappelé que les obligations résultant des articles L. 1152-1 et L. 1152-4 du code du travail sont distinctes en sorte que la méconnaissance de chacune d’elles, lorsqu’elle entraîne des préjudices différents, peut ouvrir droit à réparation.

Au vu des différentes pièces versées aux débats par l’intimée, la société apparaissant avoir répondu au mail de la salariée du 26 novembre 2014 faisant état de la dégradation de sa situation dès le 1er décembre 2014, l’appelante ayant bénéficié d’un entretien avec sa supérieure hiérarchique AMDE (Mme [N]) dès le 19 décembre 2014 avant de finalement bénéficier d’une nouvelle affectation à la cellule de lancement des vols militaires à compter du 5 janvier 2015, la cour retient que l’intimée justifie avoir pris les dispositions nécessaires en vue de prévenir et de traiter les agissements de harcèlement moral et avoir ainsi respecté son obligation de prévention des risques. Les demandes de la salariée formées de ce dernier chef seront rejetées par confirmation du jugement.

Sur le harcèlement moral et l’exécution déloyale du contrat de travail

L’appelante fait valoir qu’elle établit de nombreux faits constitutifs d’une dégradation de ses conditions de travail, devant être appréciés « pris dans leur ensemble » et non séparément :

– déqualification pendant plus de trois années,

– dégradation des conditions de travail par une multitude de retenues sur salaire injustifiées ou des salaires non réglés (salaire non réglé sur la base d’un temps complet sur la période du 5 janvier au 5 février 2015 et régularisé uniquement en mai 2015, soit avec plus de 4 mois de retard, salaire réglé sur la base d’un prorata de temps partiel et non à hauteur de 2 504,72 euros pendant la période du FONGECIF, non-versement des congés payés du 22 au 28 septembre 2015, journée enfant malade du 25 janvier 2015 régularisée uniquement en mai 2015),

– propos menaçants,

– silence face aux dénonciations,

– absence d’évolution professionnelle en dépit des nombreux diplômes obtenus pour évoluer et signification que la formation suivie en FONGECIF ne sera en rien utile pour l’entreprise,

– sanctions injustifiées (sanction par remise d’une fiche d’écart injustifiée, transformation d’une semaine de congés en « absence non autorisée sans solde »),

– injonction le jeudi 31 décembre 2015 à 17h08 en lui demandant de se présenter dans l’entreprise à compter du lundi 4 janvier 2016 pour venir travailler les jours où elle n’avait pas de cours dans le cadre du FONGECIF.

L’intimée réplique que l’appelante procède, non pas à la démonstration de faits pouvant laisser présumer l’existence d’un harcèlement moral, mais à un simple inventaire dont chaque élément n’est ni réel ni sérieux, ses affirmations étant purement et simplement contredites par les pièces produites en défense. Elle affirme que l’existence d’une exécution déloyale du contrat de travail n’est pas davantage démontrée.

Selon l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, l’article L. 1154-1 du même code disposant que lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Selon l’article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

En l’espèce, outre les éléments déjà examinés et retenus par la cour dans le cadre des développements précédents concernant les demandes de la salariée en matière de classification, de paiement du salaire pendant la période du FONGECIF et de rappel de salaire au titre de la période de congés payés du 22 au 28 septembre 2015 irrégulièrement qualifiée par l’employeur de période d’absence non autorisée sans solde, l’appelante produit également les éléments suivants :

– différents éléments justifiant de la régularisation du temps complet résultant de la lettre de mission du 5 janvier 2015 uniquement à compter du mois de mai 2015,

– un échange de mails avec M. [U] (responsable d’escale) des 30 septembre et 1er octobre 2014 relativement aux propos suivants ayant été tenus par ce dernier à l’encontre de l’appelante : « Je vous souhaite bonne chance dans votre recherche de poste chez Air France ou ailleurs … si vous voyez ce que je veux dire »,

– les plannings d’octobre 2014 faisant état d’une absence d’affectation les 7, 21 et 24 octobre 2014,

– l’établissement d’une fiche individuelle de briefing-débriefing à l’encontre de l’appelante le 19 décembre 2014 pour un non-respect du planning et des tâches à effectuer durant la période de son affectation au service Log Toucan et le courriel de contestation de la salariée du 19 décembre 2014,

– un mail du 31 décembre 2015 à 17h08 informant l’appelante de sa programmation à compter du 4 janvier 2016 en horaire administratif les lundis, mardis et vendredis de 9h à 17h, jours où elle n’avait pas cours à l’université, et ce alors que l’intéressée avait dénoncé les 2 et 24 novembre 2015 la non-prise en compte de son temps plein au titre de l’indemnisation lui étant versée dans le cadre du FONGECIF,

– différents éléments relatifs à son absence d’évolution professionnelle, en ce compris un courrier de la responsable des ressources humaines T2FG du 13 janvier 2016 lui indiquant, durant le cours de sa formation dans le cadre d’un FONGECIF, que « votre formation ne s’inscrivant pas dans le cadre du plan de formation de l’entreprise, qui n’a pas de besoin spécifique en rapport avec votre formation, nous vous rappelons que vous devez réintégrer votre poste d’Agent d’escale commercial à compter du 1 er juin 2016 »,

– différents mails et courriers de signalement ou d’alerte adressés à sa hiérarchie quant à la dégradation de ses conditions de travail ou à des difficultés dans l’exécution de la relation de travail des 30 septembre, 7 octobre, 26 novembre et 19 décembre 2014, des 5 et 30 mars, 24 juin, 2 et 24 novembre 2015 ainsi que des 26 février, 19 avril et 2 novembre 2016,

– différents justificatifs et certificats médicaux relatifs aux arrêts de travail dont a bénéficié l’intéressée au cours de la période litigieuse ainsi que le justificatif de la reconnaissance de sa qualité de travailleur handicapé à compter du 1er janvier 2015,

lesdits éléments faisant état de la mise en ‘uvre par l’employeur de pratiques managériales et relationnelles génératrices d’humiliation, d’anxiété et de perte de confiance se manifestant par une attitude et des propos vexatoires de la part de sa hiérarchie, une absence d’affectation, de nombreux retards et dysfonctionnements dans le cadre du paiement de la rémunération, un refus d’appliquer la nouvelle classification professionnelle pourtant expressément accordée selon avenant au contrat de travail ainsi qu’une stagnation de carrière et un refus injustifié de toute évolution professionnelle au sein de l’entreprise malgré de multiples candidatures et le suivi de formations, lesdits refus s’analysant comme des pratiques punitives, de même que le fait pour l’employeur de retenir une semaine de congés payés comme une période d’absence injustifiée sans solde, d’établir à l’encontre de la salariée une fiche individuelle de briefing-débriefing pour un non-respect du planning et des tâches à effectuer durant la période de son affectation au service Log Toucan ainsi que de subitement lui imposer des horaires administratifs dans l’entreprise au titre des jours où elle n’avait pas cours à l’université dans le cadre de son FONGECIF, et ce alors que l’intéressée avait antérieurement dénoncé les conditions de son affectation au service Log Toucan ou les modalités de son indemnisation au titre du FONGECIF, lesdits agissements, aboutissant à une situation d’échec et un épuisement professionnel, ayant eu pour effet de dégrader les conditions de travail et d’altérer la santé physique et mentale de la salariée.

Dès lors, il apparaît que l’appelante présente des éléments de fait, qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement.

L’intimée, qui conteste en réplique les affirmations de l’appelante et critique les pièces produites par cette dernière en soulignant que l’intéressée ne procède pas à la démonstration de faits pouvant laisser présumer l’existence d’un harcèlement moral mais à un simple inventaire « à la Prévert » dont chaque élément n’est ni réel ni sérieux, tout en mettant en avant le fait qu’elle ne justifie pas de son prétendu préjudice, ne démontre pas, mises à part ses seules affirmations de principe et en l’absence de production en réplique d’éléments de preuve de nature à les corroborer, que les agissements litigieux ne sont pas constitutifs d’un harcèlement et que les différentes décisions précitées étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Par conséquent, l’existence de faits de harcèlement moral étant caractérisée en l’espèce et l’appelante justifiant d’un préjudice spécifique résultant des agissements de harcèlement moral dont elle a fait l’objet de la part de son employeur durant plusieurs mois, la cour lui accorde, par infirmation du jugement, une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral. L’appelante ne justifiant cependant pas de l’existence d’un manquement de l’employeur, distinct des seuls faits de harcèlement moral, de nature à caractériser une violation de son obligation d’exécution de bonne foi du contrat de travail, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la salariée de ses demandes de ce dernier chef.

Sur la prise d’acte

L’appelante fait valoir que la prise d’acte devra produire les effets d’un licenciement nul compte tenu notamment de l’existence de faits de harcèlement moral et, subsidiairement, d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse compte tenu des différentes manquements de l’employeur à ses obligations contractuelles.

L’intimée réplique que la prise d’acte de l’appelante ne pourra produire que les effets d’une démission pure et simple en l’absence de manquements de sa part, et ce alors que la salariée n’a eu de cesse tout au long de la relation de travail de toujours en réclamer plus sur de nombreux sujets, en dépit de la réalité de ses compétences professionnelles, de l’attention portée par sa hiérarchie, des propositions qui lui ont été faites de mobilité, de ses promotions régulières et des formations qu’elle a pu suivre.

Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d’une démission, les faits invoqués par le salarié devant être établis et constituer des manquements suffisamment graves de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.

L’écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige, le juge étant tenu d’examiner les manquements de l’employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.

Au vu de l’ensemble des développements précédents, compte tenu de la caractérisation de faits de discrimination et de harcèlement moral, de non-respect de l’obligation de sécurité ainsi que de manquements de l’employeur à ses obligations en matière d’exécution du contrat de travail, lesdits manquements apparaissant d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail, la cour considère que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail doit produire les effets d’un licenciement nul, et ce par infirmation du jugement.

Sur les conséquences financières de la rupture

Il sera rappelé que le salarié victime d’un licenciement nul et qui ne réclame pas sa réintégration a droit, quelle que soit son ancienneté dans l’entreprise, d’une part, aux indemnités de rupture, d’autre part, à une indemnité réparant l’intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à six mois de salaires.

S’agissant des indemnités de rupture, en application des dispositions du code du travail ainsi que de celles de la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises de transport aérien, sur la base d’une rémunération brute de référence de 1 908,49 euros, la cour accorde à l’appelante, par infirmation du jugement, les sommes de 3 816,98 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis (correspondant à un préavis d’une durée de 2 mois) outre 381,68 euros au titre des congés payés y afférents et de 5 657 euros à titre d’indemnité de licenciement.

Par ailleurs, eu égard à l’ancienneté dans l’entreprise (9 ans et 11 mois) et à l’âge de la salariée (40 ans) lors de la rupture du contrat de travail et compte tenu des éléments produits concernant sa situation personnelle et professionnelle postérieurement à ladite rupture, la cour lui accorde, par infirmation du jugement, la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul.

Sur les autres demandes

Il convient d’ordonner la remise à la salariée d’un bulletin de paie récapitulatif, d’un certificat de travail rectifié faisant apparaître la classification Niveau N3 coefficient 235 à compter du 5 décembre 2013 ainsi que d’une attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision.

En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, il y a lieu de rappeler que les condamnations portent en l’espèce intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes pour les créances salariales et, pour les créances indemnitaires, à compter du jugement pour les montants confirmés et du présent arrêt pour le surplus.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil.

En application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, l’employeur sera condamné à verser à la salariée, au titre des frais exposés en cause d’appel non compris dans les dépens, la somme supplémentaire de 2 000 euros, la somme accordée en première instance étant confirmée.

L’employeur, qui succombe, supportera les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement en ce qu’il a dit qu’à compter du 5 décembre 2013 Mme [R] était affectée à l’échelon N3 coefficient 235, en ce qu’il a condamné la société Air France à payer à Mme [R] les sommes de 2 504,72 euros à titre de rappel de salaire pour la période du FONGECIF et de 611,10 euros à titre de rappel de congés payés sur la période courant du 22 au 28 septembre 2015 ainsi que de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens et en ce qu’il a débouté Mme [R] de sa demande de rappel de salaire sur arrêt maladie du 5 mars au 21 septembre 2015 ainsi que de ses demandes pour manquement à l’obligation de prévention des risques et exécution déloyale du contrat de travail ;

L’infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement nul ;

Condamne la société Air France à payer à Mme [R] les sommes suivantes :

– 4 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la classification,

– 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination,

– 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité,

– 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

– 3 816,98 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 381,68 euros au titre des congés payés y afférents,

– 5 657 euros à titre d’indemnité de licenciement,

– 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ;

Rappelle que les condamnations portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la société Air France de la convocation devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes pour les créances salariales et, pour les créances indemnitaires, à compter du jugement pour les montants confirmés et du présent arrêt pour le surplus ;

Ordonne la capitalisation des intérêts selon les modalités de l’article 1343-2 du code civil ;

Condamne la société Air France à payer à Mme [R] la somme supplémentaire de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

Ordonne à la société Air France de remettre à Mme [R] un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail rectifié faisant apparaître la classification Niveau N3 coefficient 235 à compter du 5 décembre 2013 ainsi que d’une attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision ;

Déboute Mme [R] du surplus de ses demandes ;

Condamne la société Air France aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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