Épuisement professionnel : 17 novembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/11712

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Épuisement professionnel : 17 novembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/11712

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 7

ARRET DU 17 NOVEMBRE 2022

(n° , 1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/11712 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CBAT4

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Octobre 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F 19/03048

APPELANTE

SAS 360BUSINESSMEDIA

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Priska MUNGROO, avocat au barreau de PARIS

INTIME

Monsieur [O] [M]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Haïba OUAISSI de la SELARL CASSIUS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : E2127

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre, et Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre

Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre

Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Joanna FABBY

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre et par Madame Joanna FABBY, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

La société 360BusinessMedia (ci-après « 360BusinessMedia » ou la « Société ») est une société de presse, fondée par M. [W], qui édite exclusivement le magazine Forbes France. Elle compte moins de 11 salariés.

M. [O] [M] a été embauché par contrat de travail à durée indéterminée en date du 16 décembre 2016 à compter du 1er octobre 2016, conformément à la lettre d’engagement en date du 10 août 2016, en qualité de Chef de rubrique, statut cadre, coefficient 142 de la Convention collective des journalistes.

Par lettre datée du 29 juin 2018 et rédigée conjointement avec sa collègue Mme [H], M. [O] [M] s’est plaint, de surcharge de travail auprès de son supérieur hiérarchique M. [F] [W].

Le 25 septembre 2018, M. [M] a sollicité la formalisation d’une rupture conventionnelle auprès de M. [W].

Le 5 décembre 2018, M. [W] a indiqué son refus au salarié.

M. [O] [M] a été en arrêt de travail du 17 au 23 décembre 2018 puis à partir du 7 janvier 2019.

Le 12 février 2019, M. [W] lui a adressé une proposition de rupture conventionnelle.

Le 18 février 2019, M. [M] a refusé la proposition de rupture conventionnelle et a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur par courrier avec accusé de réception.

Par requête en date du du 12 avril 2019, M. [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris aux fins de requalification de sa prise d’acte du contrat de travail en licenciement aux torts de l’employeur et paiement de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires et diverses indemnités.

Par jugement contradictoire du 14 octobre 2019, le conseil de prud’hommes, a :

– requalifié la prise d’acte du salarié en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– condamné la SAS 360BusinessMedia à verser à M. [M] les sommes suivantes :

8.340,50 euros à titre d’indemnité de licenciement ;

7.000,00 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

700,00 euros au titre des congés payés afférents ;

12.250,00 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

5.000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat ;

1.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– débouté M. [M] du surplus de ses demandes (rappel de salaire sur heures supplémentaires principalement) ;

– débouté la société 360BusinessMedia de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles.

Par déclaration du 22 novembre 2019, la SAS 360BusinessMedia a relevé appel de ce jugement.

Selon ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 27 juillet 2020, la SAS 360BusinessMedia demande à la cour d’infirmer le jugement et de :

-constater qu’aucune surcharge de travail n’est démontrée ;

-constater que la société 360BusinessMedia n’a pas manqué à son obligation de sécurité ;

-constater que M. [M] n’a pas accompli d’heures supplémentaires ;

-constater que M. [M] n’a subi aucun préjudice du fait de l’absence de visite médicale d’embauche ;

-constater, en tout état de cause, que la Société n’a commis aucun manquement suffisamment grave rendant impossible la poursuite du contrat de travail ;

-constater que la prise d’acte de la rupture par M. [M] est injustifiée et produit donc les effets d’une démission ;

-décider que l’ensemble des demandes de M. [M] est infondé ;

donc :

-débouter M. [M] de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

-débouter M. [M] de sa demande d’indemnité légale de licenciement et des congés payés y afférents ;

-débouter M. [M] de sa demande d’indemnité compensatrice de congés de préavis et congés payés y afférents ;

-débouter M. [M] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat ;

-débouter M. [M] de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et congés payés y afférents ;

-débouter M. [M] de sa demande d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

-condamner M. [M] à payer à la Société 7.000 euros bruts à titre d’indemnité de préavis et 700 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés y afférents.

en conséquence :

-confirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Paris du 14 octobre 2019 en ce qu’il a débouté M. [M] de sa demande au titre d’heures supplémentaires et congés payés y afférents ;

-confirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Paris du 14 octobre 2019 en ce qu’il a débouté M. [M] de sa demande à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

-infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Paris du 14 octobre 2019 en ce qu’il a « requalifié le licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse » ;

-infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Paris du 14 octobre 2019 en ce qu’il a condamné la Société à verser à M. [M] 8 350,50 euros à titre d’indemnité de licenciement ;

-infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Paris du 14 octobre 2019 en ce qu’il a condamné la Société à verser à M. [M] 7 000,00 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 700,00 euros au titre des congés payés afférents ;

-infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Paris du 14 octobre 2019 en ce qu’il a condamné la Société à verser à M. [M] 12 250,00 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

-infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Paris du 14 octobre 2019 en ce qu’il a condamné la Société à verser à M. [M] 5 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat ;

-infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Paris du 14 octobre 2019 en ce qu’il a condamné la Société à verser à M. [M] 1 000,00 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

-confirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Paris du 14 octobre 2019 en ce qu’il a débouté M. [M] du surplus de ses demandes ;

-infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Paris du 14 octobre 2019 en ce qu’il a débouté la Société de ses demandes reconventionnelles, de sa demande au titre de l’article 700 et l’a condamnée au paiement des entiers dépens.

A titre subsidiaire, si par l’impossible, la Cour devait recevoir M. [M] en toutes ou parties de ses demandes,

et devait infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Paris du 14 octobre 2019 s’agissant du rappel de salaires au titre d’heures supplémentaires ;

-constater que l’accomplissement de 381 heures supplémentaires n’est pas établi ;

-en conséquence, apprécier souverainement les nombres d’heures supplémentaires accomplies ;

et devait infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Paris du 14 octobre 2019 s’agissant de l’indemnité forfaitaire de travail dissimulé ;

-constater qu’aucune intention frauduleuse n’est caractérisée ;

-en conséquence, le débouter de ses demandes formulées à ce titre ;

et devait confirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Paris du 14 octobre 2019 s’agissant de ses demandes d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au titre de la prise d’acte de la rupture ;

-constater que ses demandes sont excessives ;

-en conséquence, réduire à 0,5 mois de salaires ses demandes formulées à ce titre.

En tout état de cause :

-constater la demande de remise de bulletins de salaire comme étant sans objet ;

-condamner M.[M] aux entiers dépens ;

-condamner M.[M] au paiement de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Selon ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 17 avril, M. [M] demande à la cour de :

-confirmer le jugement intervenu en ce qu’il a :

dit et jugé que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail de M.[M] est fondée sur des manquements graves de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail;

dit et jugé que la SAS 360BusinessMedia a manqué aux dispositions de l’article L. 4121-1 et s. du code du travail ;

condamné la SAS 360BusinessMedia à verser à M. [M] les sommes suivantes :

-8.340,50 euros à titre d’indemnité de licenciement ;

-7.000,00 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

-700,00 euros au titre des congés payés afférents ;

-12.250,00 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

-5.000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat.

condamné la SAS 360BusinessMedia aux entiers dépens d’instance.

-infirmer le jugement intervenu en ce qu’il a :

-débouté M. [M] de sa demande en rappel de salaire au titre des heures supplémentaires réalisées et de ses diverses demandes afférentes ;

Et statuant à nouveau :

-constater le non-respect de l’obligation de sécurité (art. L. 4121-1 et s. du code du travail) ;

-constater le non-paiement des heures supplémentaires réalisées ;

-constater l’existence de manquements graves de l’employeur ;

-requalifier la prise d’acte du contrat de travail en licenciement aux torts de l’employeur

En conséquence condamner la SAS 360BusinessMedia à verser à M. [M] :

-indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 12.250,00 euros

-indemnité légale de licenciement : 8.340,50 euros

-indemnité compensatrice de préavis : 7.000,00 euros bruts

-congés payés afférents : 700,00 euros bruts

-dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat : 5.000,00 euros

-rappel de salaire sur heures supplémentaires : 10.592,78 euros bruts

-congés payés afférents : 1.059,27 euros bruts

-indemnité forfaitaire pour travail dissimulé : 21.000,00 euros bruts

-article 700 du code de procédure civile pour la seule procédure d’appel : 3.000,00 euros

La Cour se réfère pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties à leurs conclusions susvisées en application de l’article 455 du code de procédure civile.

L’instruction a été déclarée close le 1er juin 2022.

MOTIFS DE LA DECISION :

La prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail. Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou d’un licenciement nul si les faits invoqués le justifiaient, soit, dans le cas contraire, d’une démission.

La charge de la preuve des faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur à l’appui de sa prise d’acte pèse sur le salarié.

Lorsqu’un doute subsiste sur la réalité des faits allégués celui-ci profite à l’employeur.

En l’espèce, M. [M] sollicite la requalification de sa prise d’acte de la rupture de son contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse, en raison du non-paiement des heures supplémentaires, d’une absence de visite d’embauche et de suivi médical et du manquement par l’employeur à son obligation de sécurité, une surcharge de travail ayant entraîné des arrêts de travail pour épuisement professionnel.

La société 360Businessmedia répond qu’aucun des manquements reprochés n’est fondé et ne faisait obstacle à la poursuite du contrat de travail de M [M].

Sur le manquement à l’obligation de sécurité

Aux termes de l’article L.4121-1 du code du travail, « l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1 ;

2° Des actions d’information et de formation ;

3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes ».

L’employeur peut s’exonérer de sa responsabilité en prouvant qu’il a mis en ‘uvre les mesures visées aux articles L. 4121-1 et L.4121-2 du code du travail.

M. [M] expose avoir souffert des conditions de travail ayant entraîné une dégradation de son état de santé. Il verse des arrêts de travail du 18 décembre 2018 au 23 décembre 2018 puis à compter du 7 janvier 2019 en raison d’un « épuisement professionnel » et des prescriptions d’anxiolytiques à compter du 17 décembre 2018.

Il en ressort que l’employeur avait été alerté sur les conditions de travail par courrier du 29 juin 2018 et à travers les arrêts de travail. S’il soutient avoir pris des mesures, notamment par le recrutement en juin 2018 de M. [T] [K], conseiller éditorial, outre le concours d’autres collaborateurs pour remédier à la situation et une répartition des activités, il reste que la réitération des alertes démontre qu’il n’avait pas pris les mesures nécessaires telles que requises par les articles L. 4121-1 et L.4121-2 du code du travail pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de son salarié et qu’il n’avait pas veillé à l’adaptation de ces mesures pour tendre à l’amélioration de la situation.

En effet, la question n’est pas tant de dénoncer des arrêts maladie de complaisance que de justifier des mesures prises dès la première alerte posée par le premier arrêt de travail.

Ce faisant, la société 360Businessmédia a manqué à son obligation de protéger la santé de son salarié et d’assurer sa sécurité, ce qui a durablement et gravement dégradé son état de santé.

M. [M] est en droit de prétendre à réparation de son préjudice distinct par l’allocation d’une somme qui sera fixée par infirmation du jugement à 3000 euros.

Sur le manquement aux règles relatives aux visites médicales obligatoires

Selon l’article 21 de la convention collective des journalistes, « les visites médicales d’embauche, périodiques et de reprise, sont obligatoires conformément à la loi

L’article R 4624-22 du Code du travail prévoit que « le salarié bénéficie d’un examen de reprise du travail par le médecin du travail :

1° Après un congé de maternité ;

2° Après une absence pour cause de maladie professionnelle ;

3° Après une absence d’au moins trente jours pour cause d’accident du travail, de maladie ou d’accident non professionnel. »

L’absence de visite médicale d’embauche obligatoire n’est pas contestée par l’employeur. L’employeur ne conteste pas plus l’absence de suivi médical périodique par le médecin du travail.

M. [M] a été placé en arrêt de travail, une première fois du 17 au 23 décembre 2018 puis à compter du 7 janvier 2019 pour « anxiété et épuisement » sur le lieu de travail.

Ce manquement est donc établi.

Sur le manquement relatif au non-paiement des heures supplémentaires

La durée légale du travail effectif prévue à l’article L.3121-10 du code du travail, soit 35 heures par semaine civile, constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l’article L.3121-22 du même code.

Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Ainsi, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

M. [M] affirme avoir accompli, du fait d’une surcharge de travail de nombreuses heures supplémentaires non rémunérées et non compensées, dont il a réclamé le paiement à l’employeur.

A cet effet, il s’appuie sur:

– ses bulletins de salaire,

– des tableaux « heures supplémentaires », reprenant par semaine et par année, de 2016 à 2018 le nombre d’heures supplémentaires accomplies et non réglées selon lui , en faisant la distinction suivante : de la 36 ème heure à la 43ème heure et au-delà de la 44ème heure et le montant total dû à ce titre,

– la liste des dimanches et jours fériés en marge des tableaux et le nombre d’heures effectuées ;

– des échanges de courriels révélant la réalité d’une activité en soirée ou le week-end, y compris à la demande de l’employeur.

Il ressort de ces éléments que le salarié fournit des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre.

La société 360Businessmédia conclut au débouté et réplique que les courriels ne rapportent pas la preuve de l’amplitude horaire des journées réalisées et que les horaires ne sont pas contractualisés, le salarié étant libre dans l’organisation de son travail, Elle fait encore valoir que M. [M] a établi ce tableau pour les besoins de la cause sans préciser le calcul des heures supplémentaires ou même leurs modalités de fixation. En effet, il n’était jamais présent à la rédaction le matin et très difficilement joignable et disposait en sa qualité de journaliste depuis le début de la relation contractuelle de la plus grande autonomie et d’une liberté d’organisation, y compris celle de répondre éventuellement aux courriels.

Il observe encore que M. [M] soutient avoir accompli des heures supplémentaires en septembre 2016 alors qu’il n’était pas encore embauché selon contrat à durée indéterminée et que cette prétention a un caractère en tout état de cause ancien ne faisant pas obstacle à la poursuite de la relation de travail.

Il est en effet exact que M. [M] indique avoir accompli des heures supplémentaires les semaines du 12 au 18 septembre 2016, du 19 septembre au 25 septembre 2016, du 26 septembre au 2 octobre 2016, alors qu’il n’a été engagé qu’à compter du 1er octobre 2016 ayant bénéficié auparavant d’une lettre d’engagement sans que l’ancienneté ne soit reprise. Il est également exact que M. [M] envoyait de sa propre initiative des courriels les week-ends ou jours fériés.

Mais nonobstant ces éléments et l’incompatibilité du métier de journaliste avec des horaires contractualisés, l’employeur doit s’assurer que les 35 heures par semaine sont respectées et qu’en cas de dépassement il y a compensation par des heures de récupération.

En l’espèce, l’employeur fait état de ce que M. [M] avait suffisamment de 35 heures par semaine, durée fixée par son contrat de travail, pour effectuer les tâches qui relevaient de ses attributions. Toutefois, la question n’est pas tant de savoir s’il pouvait effectivement accomplir ses tâches dans la durée hebdomadaire fixée mais s’il y parvenait. Or, force est constater qu’aucune des attestations versées par l’employeur ne permet de déterminer les horaires du salarié.

A défaut de fiches horaires signées des parties, l’employeur n’est donc pas en capacité de justifier du nombre d’ heures effectivement réalisées par M. [M] et des heures de récupération en compensation. Le fait que ce dernier arrivait plus tard au bureau ou préférait travailler la nuit n’exclut pas un travail antérieur ni une journée dépassant l’horaire légal, tel que le corroborent des courriels envoyés même s’ils ne sont pas majoritaires.

Enfin, la circonstance selon laquelle M. [M] n’a fait aucune réclamation auprès de son employeur au titre de ses heures supplémentaires jusqu’à la lettre de la prise d’acte est par ailleurs sans incidence sur l’obligation qui s’impose à celui-ci de payer les heures de travail du salarié.

Force est toutefois de constater avec l’employeur les incohérences du tableau transmis en ce que le salarié ne mentionne pas ses heures de pause et fait une utilisation de décimal procédant d’un calcul théorique. Monsieur [M], qui semble avoir réalisé les tableaux des heures supplémentaires en partie en fonction des heures auxquelles il envoyait ou recevait des mails, n’établit pas plus que les amplitudes horaires parfois très grandes, qu’il revendique, aient correspondu à un temps de travail effectif.

Enfin, l’examen des tableaux fait apparaître qu’à compter de juin 2018, M. [M] n’a pas effectué d’heures supplémentaires, ce qui conforte les consignes données par l’employeur de ne pas effectuer d’heures supplémentaires sans son accord à compter de cette date. Pour autant, l’employeur ne saurait se prévaloir de ce qu’il n’a pas accepté la réalisation d’heures supplémentaires à compter de cette date pour échapper au paiement ou à la mise en place de jours de récupération pour les heures supplémentaires déjà réalisées.

La Cour considère toutefois au vu de l’ensemble des pièces transmises et des explications des parties que le salarié a effectué des heures supplémentaires mais dans une moindre mesure de ce qu’il allègue. En réintégrant les temps de pause, il convient d’accorder à M . [M] la somme totale de 3700 euros au titre des heures supplémentaires, outre 370 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement du conseil de prud’hommes sera en conséquence infirmé en ce qu’il a rejeté la demande au titre des heures supplémentaires.

Sur les conséquences de la requalification de la prise d’acte

Si en raison de son ancienneté le manquement lié au défaut de visite médicale d’embauche n’est pas de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, les autres manquements, considérés ensemble, sont d’une gravité suffisante pour empêcher cette poursuite et caractérisent une rupture imputable à l’employeur.

La demande de M. [M] tendant à voir sa prise d’acte produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être accueillie. Le jugement est en conséquence confirmé sur ce point.

Il convient également de confirmer le jugement querellé en ce qu’il a condamné la société 360BusinessMedia à verser à M. [M] les sommes suivantes :

– 8 340,50 euros à titre d’indemnité légale de licenciement ;

– 7000 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

– 700 euros au titre des congés payés afférents.

L’article L. 1235-3 du code du travail dans sa version modifiée par ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 dispose que lorsque le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis, et que si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau reproduit dans l’article.

Compte tenu de l’âge du salarié (née le 18 janvier 1985), de son ancienneté supérieure à deux ans à la date de la prise d’acte, du nombre de salariés habituellement employés (moins de 11 salariés), de sa rémunération mensuelle brute avec réintégration des heures supplémentaires et de l’absence de justificatifs sur sa situation actuelle, il lui sera alloué par infirmation du jugement déféré la somme de 6000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le travail dissimulé

L’article L.8221-5, 2°, du code du travail dispose notamment qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Toutefois, la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.

Il résulte des éléments du dossiers que M.[M] ne démontre pas avoir attiré l’attention de M [F] [W], sur la surcharge de travail et le nombre d’heures supplémentaires qui en résultait pendant l’exécution de son contrat de travail. Ce n’est que dans un courrier en date du 29 juin 2018 signé avec sa collègue, Mme [H], réitéré en décembre 2018, qu’il évoquait « avoir beaucoup ‘uvré et sacrifié sa vie personnelle-soir, week-end, jours fériés, congés mêmes au profit de sa vie professionnelle », avoir rendu tous ses articles dans les délais ne comptant pas ses heures et avoir rendu les articles dans les temps au mépris des durées maximales de travail et « bien au-delà du temps de travail contractuellement et sans la moindre compensation d’aucune sorte ». Dans son courrier de prise d’acte en date du 18 février 2019, il évoquait pour la première fois le nombre de 381 heures supplémentaires effectuées et non rémunérées.

Or, le caractère intentionnel de la dissimulation d’emploi ne peut se déduire du seul accomplissement d’heures supplémentaires par M. [M]. Le défaut de contrôle des heures de travail effectivement réalisées ne lui permet pas plus de caractériser l’intention frauduleuse nécessaire à l’établissement du travail dissimulé.

Le jugement du conseil de prud’hommes sera confirmé en ce qu’il l’a débouté de sa demande au titre du travail dissimulé.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions afférentes aux frais irrépétibles de première instance.

L’équité commande de condamner la société 360Businessmedia aux dépens et à verser à M. [M] la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

Les parties seront déboutées de leurs demandes plus ample ou contraire.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu’il a débouté M. [O] [M] de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires ; en ce qu’il a condamné la SAS 360BusinessMedia à verser à M. [O] [M] la somme de 12 250 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité,

L’infirmant de ces chefs, statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la SAS 306BusineesMédia à payer à M. [O] [M] les sommes suivantes :

– 6000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– 3000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité ;

– 3700 euros bruts à titre de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires, outre 370 euros bruts au titre des congés payés afférents;

CONDAMNE la SAS 306BusineesMédia à payer à M. [O] [M] la somme de 1500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS 306BusineesMédia aux dépens.

La greffière, La présidente.

 


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