AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE
N° RG 20/00776 – N° Portalis DBVX-V-B7E-M2UU
[P]
C/
Société BOCCARD
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON
du 16 Janvier 2020
RG : 18/01848
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 17 MAI 2023
APPELANT :
[V] [P]
[Adresse 2]
[Localité 5]
représenté par Me Laurène JOSSERAND, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
INTIMÉE :
Société BOCCARD
[Adresse 1]
[Localité 9]
représentée par Me Laurent LIGIER de la SELARL LIGIER & DE MAUROY, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Christian BROCHARD de la SCP AGUERA AVOCATS, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 07 Mars 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Joëlle DOAT, Présidente
Nathalie ROCCI, Conseiller
Anne BRUNNER, Conseiller
Assistés pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 17 Mai 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Joëlle DOAT, Présidente, et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société BOCCARD, ensemblier industriel international intervient dans les activités de la pétrochimie et les industries agroalimentaires et pharmaceutiques.
M. [P] a commencé à travailler pour la société BOCCARD le 15 juin 1999 en qualité d’ingénieur.
Suivant contrat à durée indéterminée, la SA BOCCARD a engagé M. [P] en qualité de ‘Responsable Business Unit Montage’ à compter du 1er février 2004, statut cadre, position PIII, indice 135, moyennant :
– une rémunération mensuelle brute de 4 400 euros du 1er février 2004 au 31 décembre 2004 ;
– une rémunération mensuelle brute de 4 800 euros à compter du 1er janvier 2005.
La relation de travail était régie par la convention collective des Ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 et de ses avenants cadres.
Suivant une convention de mutation concertée du 18 avril 2014, il a été convenu qu’à la date du 1er mai 2014, le contrat de travail existant entre M. [P] et la société Boccard est transféré à la société Constructions Soudées du Coteau ( CSC).
Suivant un contrat à durée indéterminée, la société CSC a engagé M. [P] en qualité de directeur de projets à compter du 1er mai 2014, statut cadre dirigeant, Position PIIIA, indice 0135, étant précisé que ce contrat comportait une clause de retour. A compter de cette date, M. [P] était titulaire d’un mandat de président de la société CSC.
M. [P] a présenté un arrêt de travail initial daté du 27 avril 2016 jusqu’au 6 mai 2016 pour le motif suivant: ‘épuisement professionnel’, lequel a été régulièrement prolongé jusqu’au 5 septembre 2016, date à laquelle M. [P] a repris le travail et réintégré les effectifs de la société BOCCARD.
En effet, le 31 août 2016, la société CSC a opéré la transmission universelle de son patrimoine au bénéfice de la société BOCCARD, transmission qui a eu pour effet de mettre un terme au mandat de M. [P] ainsi qu’à son contrat de travail avec la société CSC.
Dans un courrier du 17 novembre 2016, la société BOCCARD évoque un entretien du 29 août 2016 au sujet de la proposition faite à M. [P] d’intervenir au sein de la Business Area Plant Solutions en vue d’accompagner un projet de création d’une filiale en Inde avec une prise de fonction dans ce pays au cours de l’année 2017. Dans cette perspective, M. [P] était invité à rejoindre le site de Marguerite à [Localité 9] dés le 6 septembre 2016. Il lui était adressé un avenant temporaire au contrat de travail en qualité de directeur de projet ayant pour objet son affectation temporaire à la direction du projet de développement de la Business Area ‘Boccard Plant Solutions’ à l’international.
M. [P] a refusé de signer cet avenant.
Prenant acte de ce refus, la société BOCCARD a, par courrier du 29 novembre 2016, proposé à M. [P] une affectation en qualité de directeur du projet L’OREAL LIBRAMONT de la Business Unit Health and Care, en Belgique.
M. [P] a été à nouveau arrêté en vertu de plusieurs arrêts de travail :
– en date du 1er décembre 2016 prolongé jusqu’au 31 mars 2017 ;
– en date du 4 avril 2017 jusqu’ au 12 avril 2017 ;
– en date du 14 avril 2017 jusqu’au 28 mai 2017.
A l’issue d’une visite de reprise du 3 avril 2017, le médecin du travail a émis l’avis suivant:
‘ Une inaptitude est envisagée. L’état de santé du salarié ne permet pas la reprise au poste de directeur de projet.
A revoir dans 2 semaines après étude du poste et des conditions de travail dans l’entreprise.’
Le 13 avril 2017, le médecin du travail rendait un avis d’inaptitude au poste de directeur de projet en précisant: ‘L’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.’
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 14 juin 2017, la société BOCCARD a convoqué M. [P] le 27 juin 2017 à un entretien préalable à un éventuel licenciement.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 30 juin 2017, la société BOCCARD a notifié à M. [P] son licenciement pour inaptitude médicalement constatée et impossibilité de reclassement.
Par acte du 22 juin 2018, M. [P] a saisi le conseil des prud’hommes de Lyon de demandes au titre de rappels de salaire d’août 2016 à avril 2017, d’indemnités de déplacements, de dommages et intérêts pour la suppression du véhicule de fonction depuis le 25 novembre 2016, pour exécution déloyale du contrat de travail, du maintien du salaire pour la période du 13 au 30 avril 2017, indemnité compensatrice de préavis et dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement rendu le 16 janvier 2020, le conseil de prud’hommes de Lyon a :
– Condamné la société BOCCARD à verser à M. [P] les sommes suivantes :
* 5 010,78 euros de rappels de maintien de salaire
* 10 000 euros nets de dommages-intérêts compte tenu de la modification unilatérale, par la société BOCCARD de l’avantage en nature véhicule, constituant un élément de rémunération
* 1 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– Dit et jugé que le salarié ne démontre pas que son inaptitude résulterait d’un comportement fautif de son employeur
– Débouté M. [P] de ses autres demandes
– Débouté la société BOCCARD de ses autres demandes
– Dit que les sommes accordées porteront intérêts de droit à compter de la saisine du conseil, le 22 juin 2018
– Fixé à 7 500 euros bruts la moyenne servant l’application de l’article R 1454-28 du code du travail
– Condamné la société BOCCARD aux entiers dépens de l’instance, y compris les éventuels frais d’exécution forcée du présent jugement.
La cour est saisie de l’appel interjeté le 29 janvier 2020 par M. [P].
Par conclusions notifiées le 31 janvier 2022, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, M. [P] demande à la cour de :
– Réformer le jugement sauf en ce qu’il a :
– Condamné la Société BOCCARD à lui verser la somme de 5 010,75 euros de rappels de maintien de salaire,
– Condamné la Société BOCCARD à lui verser la somme de 10 000 euros nets de dommages et intérêts, compte tenu de la modification unilatérale, par la Société BOCCARD de l’avantage en nature véhicule, constituant un élément de rémunération,
– Condamné la Société BOCCARD à lui verser la somme de 1 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
– Débouter la Société BOCCARD de l’intégralité de ses chefs de demande,
– Juger les pièces 30 et 31de M. [P] recevables,
– Condamner la Société BOCCARD au paiement de la somme de 27 798 euros nets au titre du rappel d’indemnité forfaitaire de déplacement,
– Condamner la Société BOCCARD au paiement de la somme de 75 000 euros nets de dommages et intérêts, au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail,
– Constater l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, l’inaptitude trouvant son
origine dans les manquements de l’employeur,
– Condamner la Société BOCCARD au paiement de la somme de 200 000 euros nets de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– Condamner la Société BOCCARD au paiement de la somme de 22 500 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 2 250 euros au titre des congés
payés correspondants,
– Condamner la Société BOCCARD au paiement de la somme de 7 544 euros s’agissant des indemnités forfaitaires sur préavis,
– Condamner la Société au paiement de l’intérêt légal à compter de la saisine pour les sommes revêtant un caractère salarial, à compter de l’arrêt concernant les dommages et intérêts,
– Condamner la Société BOCCARD au paiement de la somme complémentaire de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens d’instance et d’appel, ces derniers distraits au profit de Me Josserand, Avocat sur son affirmation de droit.
Par conclusions notifiées le 1er février 2023, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, la société BOCCARD demande à la cour de :
– Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Lyon du 16 janvier 2020, sauf en ce qu’il a :
– Condamné la société BOCCARD à verser à M. [P] la somme de 5 010,78 euros à titre de rappels de maintien de salaire ;
– Condamné la société BOCCARD à verser à M.[P] la somme de 10 000 euros nets à titre de dommages et intérêts, compte tenu de la modification unilatérale de l’avantage en nature véhicule, constituant un élément de rémunération ;
– Condamné la société BOCCARD à verser à M. [P] la somme de 1 700,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Juger irrecevables les pièces adverses n°30 et 31 ;
Statuant à nouveau :
– Juger que l’employeur n’a commis aucune faute durant l’exécution du contrat de travail ;
– Débouter M. [P] de l’intégralité de ses prétentions ;
– Le condamner à la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Le condamner aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 février 2023.
MOTIFS
– Sur la recevabilité des pièces n°30 et 31 du demandeur :
Il s’agit :
– pièce n°30 : d’un courriel du 10 juin 2011, par lequel M. [U] [B], supérieur hiérarchique de M. [P], a transféré les extraits d’une conversation entre M. Boccard et M. [G] [W] (DRH)
– pièce n°31 : d’un courriel de M. [T] [F], en date du 15 juin 2011, dans lequel il transfert le courriel qu’il a lui-même adressé à la société BOCCARD.
La société BOCCARD invoque la violation du secret des correspondances pour demander le rejet de ces pièces, au motif que M.[P] produit des échanges de courriels dont il n’est ni l’auteur, ni le destinataire.
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Si le secret des correspondances s’oppose à la production par un tiers d’échanges, notamment de courriels à caractère privé, sans le consentement préalable des parties à cet échange, il appartient cependant au juge de rechercher si la production litigieuse n’était pas indispensable à l’exercice par le salarié, de son droit à la preuve, et si cette production est proportionnée aux intérêts antinomiques en présence.
En l’espèce, il apparaît que les pièces litigieuses sont datées du mois de juin 2011, alors que les manquements invoqués par M. [P] à l’appui de ses demandes sont concomittants de sa réintégration au sein de la société BOCCARD à la suite de l’opération de fusion- absorption de la société CSC, finalisée au cours de l’été 2016. Il en résulte que ces pièces sont sans rapport avec l’objet du litige, de sorte que leur production n’est pas indispensable à l’exercice par le salarié de son droit à la preuve.
Ces pièces seront par conséquent déclarées irrecevables.
– Sur le maintien de salaire :
M. [P] demande, au visa des dispositions de l’article 16 de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie, selon lesquelles le salarié justifiant de plus de 15 ans d’ancienneté bénéficie sans délai de carence, d’un maintien de salaire à 100% du brut, pendant 6 mois, sans condition autre qu’une indemnisation par la sécurité sociale, la somme de 5 010,78 euros se décomposant comme suit :
– un rappel de salaire de 3 333,90 euros ( 6 667 – 2 588,50 – 744, 60 ) pour le mois d’avril 2017 ;
– un rappel de salaire de 1 676, 88 euros ( 5 797,38 – 2 894,11 -1 226,40) pour le mois de mai 2017.
La société BOCCARD fait observer au préalable que M. [P] n’invoquait pas la question du maintien de salaire dans son argumentation au titre de l’exécution déloyale stricto sensu dans le cadre de la première instance, mais se contentait de la présenter comme une demande distincte.
La société BOCCARD soutient au visa des dispositions de l’article L 1226-4 du code du travail qu’aucun complément de salaire n’est dû dans le délai de un mois suivant l’inaptitude définitive constatée le 13 avril 2017 dés lors que :
– l’effet de l’inaptitude l’emporte sur l’effet de l’arrêt maladie,
– la visite de reprise et l’avis d’inaptitude subséquent mettent un terme à la période de suspension nonobstant les arrêts de travail postérieurs,
– l’article 16 de la convention collective de la métallurgie qui ne vise pas la situation de l’inaptitude médicalement constatée, ne déroge pas aux dispositions de l’article L 1226-4 du code du travail,
– au terme du délai de l’article L 1226-4 du code du travail, son obligation n’était pas de reprendre le complément de rémunération, mais de payer l’intégralité de la rémunération indépendamment d’un éventuel revenu de remplacement, ce dont il résulte que la visite de reprise a bien mis un terme à l’obligation conventionnelle de maintien de salaire.
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L’article L. 1226-4 du code du travail énonce : ‘Lorsque, à l’issue du délai d’un mois à compter de la date de l’examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n’est pas reclassé dans l’entreprise ou s’il n’est pas licencié, l’employeur lui verse dés l’expiration de ce délai, le salaire correspondant à l’emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.
Ces dispositions s’appliquent également en cas d’inaptitude à tout emploi dans l’entreprise constatée par le médecin du travail. (…)’
L’article 16 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 étendue, relatif à la maladie, énonce :
‘ 1° Sort du contrat de travail
Les absences relevant de maladie ou d’accident , y compris les accidents du travail, et justifiées dés que possible par certificat médical pouvant donner lieu à contre-visite, à la demande de l’entreprise, ne constituent pas une rupture du contrat de travail.
A l’issue de la durée d’indemnisation à plein tarif, l’employeur pourra prendre acte de la rupture par force majeure du contrat de travail par nécessité de remplacement effectif. Dans ce cas la notification du constat de la rupture sera faite à l’intéressé par lettre recommandée.(…)
2° Indemnisation
Après 1 an de présence dans l’entreprise, en cas d’absence pour maladie ou accident constaté dans les conditions prévues au 1°, l’employeur doit compléter les indemnités journalières versées par les organismes de sécurité sociale et par un régime complémentaire de prévoyance, pour assurer à l’intéressé des ressources égales à tout ou partie de ses appointements mensuels sur les bases suivantes :
La durée d’absence susceptibles d’être indemnisée en fonction de l’ancienneté dans l’entreprise est :
(…)
– au-delà de 15 ans : 6 mois à plein tarif et 6 mois à demi -tarif. (…)’
Les dispositions de l’article 16 de la CCN des ingénieurs et cadres de la Métallurgie sus-visées, s’appliquent dans l’hypothèse d’une prise d’acte, par l’employeur, de la rupture par force majeure du contrat de travail par nécessité de remplacement effectif, à l’issue de la durée d’indemnisation à plein tarif.
En l’espèce, la société BOCCARD a procédé au licenciement pour inaptitude médicale de M. [P] à la suite d’un avis d’inaptitude rendu le 13 avril 2017, et non à la suite d’une prise d’acte de la rupture du contrat de travail par nécessité de remplacement effectif au sens des dispositions de l’article 16 de la CCN des ingénieurs et cadres de la métallurgie.
En outre, si M. [P] a obtenu, postérieurement à l’avis d’inaptitude, un nouvel arrêt de travail du 14 avril 2017 prolongé jusqu’au 28 mai 2017, il est constant que la délivrance d’un nouvel arrêt de travail au bénéfice d’un salarié déclaré inapte par le médecin du travail ne peut avoir pour conséquence d’ouvrir une nouvelle période de suspension du contrat de travail et de tenir en échec le régime applicable à l’inaptitude.
Dans ces conditions, M. [P] était, à compter du 13 avril 2017 sous le régime de l’inaptitude. Et son bulletin de salaire pour le mois de mai 2017 mentionne le décompte de jours d’absence pour maladie du 1er au 12 mai, de sorte que le salarié a perçu son salaire à taux plein à compter du 13 mai 2017.
Il en résulte que les dispositions de l’article 16 de la CCN des ingénieurs et cadres de la métallurgie ne sont pas applicables en l’espèce et que la société Boccard a fait une juste application des dispositions de l’article L 1226-4 du code du travail lui imposant de verser au salarié le salaire correspondant à l’emploi occupé avant la suspension de son contrat de travail, à l’expiration du délai de un mois, lequel a commencé à courir à compter de l’avis d’inaptitude et a donc expiré le 14 mai 2017.
Le jugement est par conséquent infirmé en ce qu’il a fait droit à la demande de rappel de M. [P] en lui allouant la somme de 5 010,78 euros.
– Sur la modification unilatérale de l’avantage en nature véhicule :
M. [P] fait grief à la société BOCCARD de lui avoir retiré le véhicule de fonction dont il bénéficiait depuis sa prise de fonction au sein de la société CSC, et ce à compter du 6 décembre 2016, date à laquelle il a restitué le véhicule de location mis à sa disposition, à l’agence Hertz d'[Localité 3].
La situation de M. [P] était la suivante: Il était domicilié dans la région d'[Localité 3], résidait en semaine à [Localité 8] et se rendait régulièrement à [Localité 6] au siège de la société BOCCARD. Il bénéficiait ainsi d’un véhicule de location qu’il récupérait à la gare, à son arrivée à [Localité 6] et qu’il rendait en fin de semaine, et d’un second véhicule de location à compter du vendredi soir, pour le week-end à [Localité 3].
La société BOCCARD expose que :
– à compter du mois de septembre 2016, M. [P] travaillant à [Localité 9] n’avait plus besoin d’un véhicule pour se rendre à [Localité 8], mais que le salarié ayant conservé son domicile dans cette ville, la société a accepté de maintenir le système de double location pendant quelques semaines ;
– elle a informé M. [P] qu’un véhicule de fonction lui serait attribué à temps plein dans le cadre d’une location longue durée à compter du 17 novembre 2016, y compris pour ses retours à [Localité 3] le week-end ;
– elle a découvert que M. [P], pendant son arrêt maladie, avait laissé son véhicule à [Localité 6], était rentré en train à [Localité 3] où il avait loué un véhicule, alors qu’il lui avait été confirmé par courriel du 25 novembre 2016 que la société n’acceptait plus les locations de courte durée,
– elle a payé un véhicule de location à temps plein outre un véhicule de location de courte durée alors même que M. [P] était à son domicile à compter du 1er décembre 2016,
– elle a mis un terme au contrat de location courte durée le 6 décembre 2016.
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Il résulte des pièces versées aux débats que :
– M. [P] a été destinataire d’un courriel daté du 25 novembre 2016 libellé comme suit :
‘ Un véhicule de fonction catégorie manager t’a été attribué depuis le jeudi 17/11/2016. De ce fait, tu ne bénéficies plus de véhicule de location de courte durée.’
– M. [P] a interrogé son employeur le même jour dans les termes suivants :
‘ Faut-il comprendre que les véhicules de location en gare d'[Localité 3] le vendredi ne seront plus pris en charge par BOCCARD »
– la société BOCCARD a confirmé en réponse le bénéfice d’un véhicule de fonction et la fin des locations de courte durée.
L’utilisation privée d’un véhicule mis à disposition du salarié de façon permanente, constitue un avantage en nature, et la mise à disposition permanente signifie que le salarié peut utiliser un véhicule professionnel à titre privé, en dehors du temps de travail, que ce soit au cours des fins de semaine, des périodes de congés payés ou encore des périodes d’arrêt maladie.
Il en résulte que la seule obligation qui pèse sur l’employeur est la mise à disposition permanente du véhicule, mais que l’employeur est libre de fixer les modalités de cette mise à disposition.
En l’espèce, M. [P] s’est vu attribuer un véhicule de fonction le 17 novembre 2016, véhicule qu’il pouvait utiliser pour ses retours à son domicile à [Localité 3], et dont il pouvait par conséquent disposer le week-end ainsi qu’au cours de son arrêt maladie. Dans ces conditions, M. [P], qui a fait le choix de laisser ce véhicule à [Localité 6] pour rentrer à [Localité 3] en train, alors même qu’il avait été informé de la fin des locations de courte durée, n’est pas fondé à réclamer une indemnisation au titre de la modification unilatérale d’un avantage en nature qui n’a à aucun moment été supprimé ou réduit par l’employeur dés lors qu’un véhicule a bien été maintenu de façon permanente et ce, qu’elles que soient les modalités de mise à disposition du dit véhicule.
M. [P] est débouté de sa demande d’indemnisation au titre de la modification de l’avantage en nature véhicule et le jugement déféré qui lui a alloué la somme de 10 000 euros de dommages-intérêts à ce titre est infirmé.
– Sur les indemnités forfaitaires :
M. [P] expose que compte tenu de l’éloignement entre son domicile, situé à [Localité 5]
[Localité 5] dans le département du Maine-Et-Loire, et son lieu de travail, l’employeur a proposé la mise en place des « indemnités forfaitaires », dans les termes suivants :
– par annexe au contrat de travail en date du 23 janvier 2004, à hauteur de 47,20 euros journaliers, pendant une durée de 6 mois, avec la précision expresse de son exclusion lors des périodes de congés,
– par annexe au contrat de travail en date du 18 avril 2014, à hauteur de 79 euros par jour calendaire, sans que l’exclusion liée aux périodes de congés ne soit reprise, ni pratiquée dans les faits.
M. [P] soutient qu’au cours de ses arrêts maladie successifs, il n’a plus perçu le versement de la moindre indemnité et ce alors qu’il était contraint de faire face à des dépenses de loyer et des charges correspondantes au logement supplémentaire, lié à son poste de travail, puisqu’il était dans la perspective de reprendre son poste, son contrat de travail étant toujours en cours pendant son arrêt maladie.
M. [P] sollicite en conséquence un rappel d’indemnité forfaire de 27 798 euros pour la période du 1er mai au 4 septembre 2016, du 1er décembre 2016 au 30 juin 2017 (339 jours x 82 euros).
La société BOCCARD considère que ces indemnités ne sont pas dues pendant les périodes d’arrêt maladie dés lors qu’elles correspondent à la prise en charge forfaitaire par l’employeur des frais engagés par l’appelant en lien avec l’éloignement de son domicile et non à des contraintes particulières liées à l’éloignement de ses deux domiciles.
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M. [P] fonde sa demande sur :
1°) l’avenant du 23 janvier 2004 conclu avec la société BOCCARD , lequel comporte un article 1 intitulé ‘frais de déplacement’ ainsi libellé :
‘ Pour compenser l’éloignement entre son domicile fiscal et son lieu de travail situé à [Localité 6], Monsieur [P] [V] percevra une indemnité de déplacement de 47,20 euros par jour calendaire, dans la limite de 06 mois et hors période de congés.
2°) l’avenant du 18 avril 2014 à son contrat de travail conclu avec la société Constructions Soudées du Coteau lequel prévoit une indemnisation forfaitaire dans les termes suivants :
‘ Compte tenu de l’adresse du domicile du contractant, situé à [Localité 5] (49) et du lieu habituel de travail du contractant situé à [Localité 4] (42), le contractant percevra une indemnisation forfaitaire de déplacement de 79 euros par jour calendaire.
Cette indemnisation sera soumise au régime social et fiscal en vigueur.’
Quels qu’en soient l’intitulé et le libellé, les dispositions contractuelles sus-visées sont relatives à l’indemnisation de frais de déplacements, ce qui implique que le salarié ne peut prétendre à l’indemnisation contractuelle qu’au titre des dépenses effectivement exposées pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur.
C’est en ce sens que le directeur des ressources humaines indiquait à M. [P], par courriel du 2 septembre 2016 :
‘ (…) Concernant ton indemnisation forfaitaire, je te rappelle que ton avenant du 18 avril 2014 stipule bien qu’il s’agit ‘d’une indemnisation forfaitaire de déplacement’. Cette indemnisation ne constitue donc qu’un remboursement forfaitaire des frais professionnels que tu engages lorsque tu es en situation de déplacement professionnel (…)’
Par conséquent c’est en toute logique que cette indemnisation a été suspendue pendant ton arrêt maladie puisque tu n’étais plus en déplacement mais bien à ton domicile.
Je renouvelle donc ma proposition de prendre en charge, de façon exceptionnelle, du fait que (tu) n’as pu suspendre les frais locatifs engagés pour ton logement à proximité du coteau, les loyers et charges locatives afférentes sur la période (…)’
L’indemnisation forfaitaire réclamée par M. [P] n’a donc pas pour objet d’indemniser le salarié pour toutes les autres contraintes liées à l’éloignement de son domicile personnel, tels que les charges correspondant à un second loyer, charges pour lesquelles, au demeurant, le courriel sus-visé révèle qu’une proposition a été faite à M. [P], proposition qu’il a déclinée dans son courriel du 1er septembre 2016 persistant à revendiquer le paiement de ses indemnités forfaitaires.
Il en résulte que M. [P] qui ne justifie pas de frais de déplacements professionnels pour les périodes d’arrêt maladie du 1er mai au 4 septembre 2016 et du 1er décembre 2016 au 30 juin 2017, n’est pas fondé en sa demande de rappel d’indemnité forfaitaire de déplacements.
Le jugement déféré qui a débouté M. [P] de cette demande est par conséquent confirmé.
– Sur l’exécution déloyale du contrat de travail :
M. [P] soutient qu’il a subi une dégradation de ses conditions de travail, une exécution déloyale de son contrat de travail se caractérisant par :
– sa mise à l’écart à l’occasion de la transmission universelle de patrimoine de la Société CSC vers la Société BOCCARD,
– l’incertitude durable quant à ses perspectives de réintégration au sein de la Société BOCCARD, malgré la stipulation au contrat de travail d’une clause de retour, au poste de Responsable de projet et de chantier,
– l’accentuation de sa mise à l’écart à l’occasion de sa réintégration au sein de la Société BOCCARD, à compter du 5 septembre 2016,
– la volonté de l’employeur de supprimer les indemnités forfaitaires prévues par le contrat de travail,
– la suppression de l’avantage en nature véhicule, ainsi que la privation de ses indemnités forfaitaires au cours de son arrêt maladie,
– l’altération effective de son état de santé.
La société BOCCARD soutient que :
– dés le mois de novembre 2015, puis durant le mois de février 2016, des échanges ont eu lieu entre M. [P] et la société pour discuter de son repositionnement professionnel ;
– la question du reclassement de M. [P] a été une des premières préoccupations du nouveau DRH, M. [I] [H],
– M. [P] a profité de cette occasion pour mettre en avant des revendications salariales qui ont fait l’objet d’échanges de courriels entre M. [H] et le salarié
– constat fait de son refus du poste de directeur de projet pour la création d’une filiale de la société BOCCARD en Inde, M. [P] a été affecté à un autre poste conforme à ses compétences et à sa classification contractuelle, fonctions qu’il n’a pas pu exercer du fait de la suspension ininterrompue de son contrat de travail jusqu’à la constatation de son inaptitude médicale.
La société BOCCARD souligne par ailleurs qu’il appartiendra à M. [P] d’expliquer qu’il soit entré au service de la société Five Nordon avant même la notification de la rupture de son contrat de travail avec la société BOCCARD.
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Il résulte des développements ci-avant que la suppression des indemnités forfaitaires prévues par le contrat de travail, ainsi que de l’avantage en nature véhicule, et le non respect du maintien de salaire au cours de l’arrêt maladie ne sont pas établis, de sorte que M. [P] ne saurait invoquer ces différents manquements au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail.
M. [P] invoque en premier lieu sa mise à l’écart dans le cadre de la transmission universelle de patrimoine de la société CSC vers la société BOCCARD sans apporter d’élément probant alors qu’il résulte des éléments produits par la société BOCCARD que :
– c’est M. [P] qui a présenté, par courriel du 17 mars 2016 destiné aux équipes CSC, la fusion de la société CSC dans la SA BOCCARD et qui a vanté les mérites de cette intégration en soulignant notamment qu’elle s’accompagnait d’un plan d’investissement dans les outils de production, ainsi que l’impact positif sur les personnels CSC ;
– M. [P] a été régulièrement informé, au cours du mois de mars 2017 des modalités de transferts des postes de la société CSC vers la société BOCCARD;
– contrairement à ce que soutient M. [P], aucun élément ne permet d’affirmer que la société l’aurait tenu pour seul responsable de la situation la contraignant à absorber la société CSC.
M. [P] dénonce par ailleurs les ingérences de Messieurs [R], responsable d’unité et de M. [C], responsable de production, dans ses prérogatives, mais ne démontre pas l’existence de ces ingérences et se contente de produire à ce sujet son propre courriel du 7 avril 2016 dans lequel il s’inquiète par ailleurs de son avenir au sein de la société.
S’agissant de son incertitude quant à sa réintégration, M. [P] soutient qu’il n’a cessé de solliciter des précisions quant au poste qui lui serait confié, en vain.
Il résulte des échanges entre les parties qu’un entretien a eu lieu le 29 août 2016 à [Localité 7] entre M.[P] et M. [H] au cours duquel M.[P] a d’une part, été informé que la fusion CSC-BOCCARD était devenue effective pendant la durée de son arrêt maladie, d’autre part, reçu une proposition de création et de direction d’une entité en Inde. M. [P] était informé à cette occasion qu’il devait se présenter dés le 6 septembre pour préparer la dite mission et en définir les contours.
Un premier avenant à son contrat de travail daté du 5 septembre 2016 pour un poste de directeur de projet, statut cadre, Position P III A Indice 135 était proposé à M. [P] qui faisait valoir un certain nombre de revendications relatives, notamment à la nature du poste proposé, ainsi qu’aux indemnités de déplacement. Ainsi M. [P] faisait valoir qu’il lui avait été proposé initialement un poste de responsable Business Unit Inde et non un poste de directeur de projet, que l’avenant prévoyait des indemnités de déplacement limitées dans le temps et qu’en tout état de cause, il ne pourrait pas signer cet avenant sans avoir discuté des conditions d’expatriation en Inde.
A la suite de plusieurs échanges, un second avenant daté du 17 novembre 2016 était proposé à M. [P] dans lequel la société BOCCARD acceptait de lui verser des indemnités de grand déplacement jusqu’à son départ en Inde ou, au plus tard, jusqu’au 30 juin 2017.
Par courriel du 28 novembre 2016, M. [P] a signifié à son employeur son refus de signer cet avenant en l’état aux motifs que :
– les objectifs à atteindre et les conditions d’expatriation n’avaient pas été abordées malgré ses multiples relances,
– il lui a été demandé d’annuler son premier déplacement en Inde,
– l’employeur a bloqué la procédure d’obtention des visas depuis, empêchant tout déplacement,
– l’avenant étant temporaire, ses clauses mentionnées à son échéance, sont nulles et non avenues,
– la clause de retour de la convention de mutation concertée tripartite en date du 1er mai 2014 prévoit que la société BOCCARD s’engage à reprendre les obligations contractuelles le liant à la société CSC.
A la suite de ce refus et par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 novembre 2016, la société BOCCARD a proposé à M. [P] de l’affecter en tant que directeur de projet sur le projet L’Oréal-Libramont de la Business Unit Health and Care en Belgique.
Il apparaît que les raisons du refus de M. [P] de signer l’avenant du 17 novembre 2016 sont au moins en partie justifiées.
Si, en application de la clause de retour aux termes de laquelle la société BOCCARD s’est engagée à reprendre les obligations contractuelles qui liaient la société CSC à M. [P] dans les conditions d’emploi et de rémunération qui étaient celles du salarié au sein de la société BOCCARD, M. [P] ne pouvait revendiquer un autre poste que celui de directeur de projet puisque c’est bien en cette qualité qu’il a été engagé par la société CSC en vertu du contrat de travail du 22 avril 2014 et non en qualité de responsable de Business Unit, il résulte de l’avenant temporaire proposé le 17 novembre 2016 que ses dispositions n’étaient destinées à s’appliquer que pour une durée déterminée, du 17 novembre 2016 jusqu’au départ en Inde du co-contratant ou, au plus tard, jusqu’au 30 juin 2017.
Or, la société BOCCARD ne produit aucun élément permettant d’apprécier l’état d’avancement du projet en Inde, ni aucun élément sur les conditions du séjour ou des voyages de M. [P] dans ce pays. Le document intitulé ‘Working régulations for BOCCARD India Private limited’ produit en pièce n°33-6 au demeurant non traduit en langue française, ne permet en aucune façon d’évaluer le niveau d’implication de M. [P] dans ce projet ni le sérieux de la proposition qui a été faite au salarié.
M. [P] qui a déjà connu des conditions particulières d’emploi en expatriation, notamment en Thaïlande en septembre 2010 et en Russie en septembre 2011, disposait à cette occasion d’avenants précisant un certain nombre d’éléments relatifs à la prise en charge des voyages, à l’allocation d’une indemnité mensuelle de vie locale, notamment.
En l’espèce, les conditions d’une expatriation en Inde ne sont définies ni dans les échanges de courriels versés aux débats, ni dans l’avenant temporaire et la société BOCCARD ne conteste nullement avoir demandé au salarié d’annuler un voyage en Inde.
Par ailleurs, chacune des parties évoque , antérieurement à la proposition d’expatriation en Inde, une autre proposition d’ expatriation, ainsi qu’un poste de responsable de Business Unit en région lilloise pour lequel M. [P] justifie de contacts au cours de mois de mars 2016, mais la société BOCCARD ne fournit aucun élément sur ces propositions, ni sur les raisons pour lesquelles elles n’ont pu aboutir, de sorte que la cour n’est pas en mesure d’apprécier le sérieux des dites propositions.
Il résulte de ces éléments que la réintégration de M. [P] au sein de la société BOCCARD dans le cadre de la mise en oeuvre de la clause de retour prévue dans son contrat de travail avec la société CSC, n’a nullement été anticipée, contrairement à ce que soutient la société BOCCARD qui ne produit aucun élément sur les propositions qui ont précédé l’opération de fusion.
Il apparaît par ailleurs que le refus de M. [P] de signer l’avenant contractuel du 17 novembre 2016 repose sur des motifs objectifs tenant à l’incertitude dans laquelle il a été tenu sur les conditions de son expatriation en Inde.
La cour observe par ailleurs que la société BOCCARD était tenue, en application de la clause de retour contenue dans la convention de mutation concertée signée par les sociétés BOCCARD, CSC et M. [P], de reprendre les obligations contractuelles liant la société CSC au salarié. Or, force est de constater que le statut de cadre dirigeant qui était celui de M. [P] dans son contrat de travail avec la société CSC n’a jamais été proposé par la société BOCCARD à M. [P] et que l’avenant refusé par ce dernier prévoyait un statut de simple cadre.
Il en résulte que la société BOCCARD a d’une part, par des propositions de postes insuffisamment précises et circonstanciées, maintenu M. [P] dans l’incertitude de son sort pendant plusieurs mois, et qu’elle n’a pas, d’autre part, garanti à son salarié une réintégration aux conditions prévues par le contrat de travail. La société BOCCARD n’est en conséquence pas en mesure de justifier qu’elle a fait preuve de loyauté dans le processus de réintégration de M. [P] en son sein. L’exécution déloyale du contrat de travail est ainsi caractérisée et justifie l’allocation d’une indemnité en réparation du préjudice subi par le salarié.
La cour condamne en conséquence la société BOCCARD à payer à M. [P] la somme de
10 000 euros en réparation de son préjudice et déboute le salarié de sa demande pour le surplus.
– Sur le licenciement pour inaptitude :
M. [P] soutient que son inaptitude trouve son origine dans l’exécution déloyale du contrat de travail et demande l’indemnisation de son licenciement en raison de l’absence de cause réelle et sérieuse.
La société BOCCARD fait valoir que :
– tous les arrêts de travail sont rédigés sur le formulaire CERFA réservé à la maladie d’origine non professionnelle ;
– le médecin du travail n’a pas relevé de lien entre l’inaptitude et les conditions de travail,
– elle n’a commis aucune faute dans l’exécution du contrat de travail et quand bien la cour ferait droit à certaines demandes salariales, l’existence d’un lien entre la faute retenue et la dégradation de l’état de santé ne serait pas ipso facto établie.
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Le salarié produit un courrier daté du 1er décembre 2016 du docteur [Z] [J] adressant le patient à un confrère pour ‘un syndrome anxio-dépressif qui serait en lien avec son travail’, ainsi qu’un courrier du docteur [A] [Y], psychiatre, daté du 3 avril 2017 et adressé au docteur [N] [M], médecin du travail, préconisant un licenciement pour inaptitude à tout poste de l’entreprise.
La cour observe que :
– il n’a pas été procédé à une étude de poste avant l’avis d’inaptitude,
– le syndrome anxio-dépressif diagnostiqué chez M. [P] est lié, par les professionnels de santé sus-visés, au contexte professionnel, sur les seules déclarations du salarié,
– l’exécution déloyale retenue ci-avant est circonscrite à une période relativement brève,
– M. [P] a retrouvé un emploi à responsabilité en qualité de directeur Business Unit Grands Projets au sein de la société Fives Nordon à compter du mois de mai 2017, ce dont il résulte que le lien entre l’exécution déloyale et l’avis d’inaptitude n’est pas établi.
Il en résulte que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il a jugé que le licenciement de M. [P] repose sur une cause réelle et sérieuse et qu l’inaptitude n’a pas pour origine un comportement fautif de l’employeur.
– Sur les demandes accessoires :
Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a mis à la charge de la société BOCCARD les dépens de première instance et en ce qu’il a alloué à M. [P] une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La société BOCCARD, partie perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile, sera condamnée aux dépens d’appel.
L’équité et la situation économique respective des parties justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d’appel dans la mesure énoncée au dispositif.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement
DÉCLARE irrecevables les pièces n°30 et n°31 produites par M. [P]
INFIRME le jugement déféré en ce qu’il a :
– condamné la société BOCCARD à payer à M. [P] les sommes suivantes:
* 5 010,78 euros de rappels de maintien de salaire
* 10 000 euros nets de dommages-intérêts compte tenu de la modification unilatérale de l’avantage en nature véhicule
– débouté M. [P] de sa demande de dommages-intérêts au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail
STATUANT à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant
DÉBOUTE M. [P] de sa demande à titre de rappel de maintien de salaire
DÉBOUTE M. [P] de sa demande de dommages-intérêts au titre de la modification unilatérale par la société BOCCARD de l’avantage en nature véhicule, élément de rémunération
CONDAMNE la société BOCCARD à payer à M. [P] la somme de 10 000 euros de dommages-intérêts au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail
CONFIRME le jugement déféré pour le surplus de ses dispositions
CONDAMNE la société BOCCARD à payer à M. [P] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel,
CONDAMNE la société BOCCARD aux dépens d’appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE