Épuisement professionnel : 16 mars 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 21/00720

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Épuisement professionnel : 16 mars 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 21/00720

AC/SB

Numéro 23/1019

COUR D’APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 16/03/2023

Dossier : N° RG 21/00720 – N° Portalis DBVV-V-B7F-HZPG

Nature affaire :

Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail

Affaire :

[O] [X]

C/

L’ASSOCIATION SERVICE CIVILE D’AIDE AUX PERSONNES AGÉES (SCAPA)

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 16 Mars 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 07 Décembre 2022, devant :

Madame CAUTRES-LACHAUD, Président

Madame PACTEAU, Conseiller

Madame ESARTE, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

assistées de Madame LAUBIE, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTE :

Madame [O] [X]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Maître MARIOL de la SCP LONGIN/MARIOL, avocat au barreau de PAU, et Maître DENJEAN de la SCP CABINET DENJEAN ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE :

L’ASSOCIATION SERVICE CIVILE D’AIDE AUX PERSONNES AGÉES (SCAPA) prise en la personne de son président en exercice

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Maître LABES de la SELARL ABL ASSOCIES, avocat au barreau de PAU, et Maître ROQUEFORT de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de TOULOUSE

sur appel de la décision

en date du 08 FEVRIER 2021

rendue par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE TARBES

RG numéro : F 19/00069

EXPOSÉ DU LITIGE

Après plusieurs contrats à durée déterminée à compter du 8 juin 2010, Mme [O] [X] a été embauchée le 1er juin 2011 par l’association SCAPA en qualité d’agent des services logistiques, suivant contrat à durée indéterminée régi par la convention collective nationale des établissements privés d’hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951.

Le 2 février 2017, elle a été convoquée à un entretien préalable fixé le 21 février 2017.

Du 25 février au 17 avril 2017, elle a été placée en arrêt de travail.

Le 20 mars 2017, des observations lui ont été adressées.

En mars et avril 2017 des pourparlers ont eu lieu concernant l’éventualité de la signature d’une rupture conventionnelle.

Du 4 mai 2017 au 15 avril 2018, elle a été placée en arrêt de travail.

Le 17 avril 2018, le médecin du travail l’a déclarée inapte à son poste et a indiqué que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans l’entreprise.

Le 3 mai 2018, elle a été convoquée à un entretien préalable fixé le 17 mai suivant.

Le 7 mai 2018, elle a adressé une déclaration d’accident du travail survenu le 21 février 2017, date d’un entretien préalable. La CPAM a refusé de reconnaître l’existence de cet accident du travail.

Le 23 mai 2018, elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le 13 mai 2019, elle a saisi la juridiction prud’homale.

Par jugement du 8 février 2021, le conseil de prud’hommes de Tarbes a notamment’:

– dit et jugé que le licenciement de Mme [O] [X] est fondé sur une cause réelle et sérieuse, à savoir son inaptitude d’origine non professionnelle et impossibilité de reclassement,

– dit et jugé que l’association SCAPA n’a pas commis de manquement à son obligation de prévention ou d’exécution loyale du contrat de travail,

– jugé que Mme [O] [X] ne démontre pas l’existence de faits de harcèlement moral commis à son encontre,

– débouté Mme [O] [X] de l’intégralité de ses demandes,

– débouté l’association SCAPA de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le 5 mars 2021, Mme [O] [X] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 4 juin 2021, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, Mme [O] [X] demande à la cour de :

– infirmer totalement la décision qui lui est déférée,

– statuant à nouveau,

– à titre principal, dire et juger que son licenciement est entaché de nullité,

– en conséquence, condamner l’association SCAPA à lui verser la somme de 24’000 € de dommages intérêts en réparation de son préjudice matériel et moral,

– la condamner également à lui verser la somme de 3’177,90 € au titre de l’indemnité de préavis et celle de 317,79 € à titre d’indemnité de congés payés sur préavis, avec intérêts de droit à compter du jour de la demande,

– condamner en outre l’association SCAPA à lui payer la somme de 10’000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice tiré du harcèlement subi,

– la condamner également à lui payer la somme de 5’000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice tiré de la violation de son obligation de prévention et de sécurité en matière de santé au travail,

– la condamner à lui payer la somme de 5’000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice tiré de l’exécution fautive du contrat de travail,

– subsidiairement, dire et juger que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse,

– condamner l’association SCAPA à lui verser la somme de 12’000 € de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel et moral,

– la condamner également à lui payer la somme de 5’000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice tiré de la violation de son obligation de prévention et de sécurité en matière de santé au travail,

– la condamner en outre à lui payer la somme de 5.000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice tiré de l’exécution fautive du contrat de travail,

– la condamner à lui verser la somme de 3’177,90 € au titre de l’indemnité de préavis et celle de 317,79 € à titre d’indemnité de congés payés sur préavis, avec intérêts de droit à compter du jour de la demande,

– si, par extraordinaire, le conseil estimait que son licenciement est justifié :

– condamner l’association SCAPA à lui verser la somme de 3’000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice tiré de la violation de l’article L. 1226-2-1 1er alinéa du code du travail,

– la condamner égaiement à lui payer la somme de 5’000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice tiré de l’exécution fautive du contrat de travail,

– ordonner à l’association SCAPA de lui remettre un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la signification de la décision,

– condamner l’association SCAPA à lui verser la somme de 4’000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 15 juin 2021, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, l’association SCAPA demande à la cour de’:

– confirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions,

– déclarer irrecevables ou injustifiées les demandes de Mme [O] [X],

– en conséquence, débouter Mme [O] [X] de l’intégralité de ses demandes,

– condamner Mme [O] [X] à lui verser une somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Mme [O] [X] aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 7 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le harcèlement moral

Attendu que l’article L 1152-1 du code du travail dispose qu’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ‘;

Attendu que l’article L 1154-1 du code du travail, prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné doit établir des faits qui permettent de supposer l’existence d’un harcèlement et il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement’;

Attendu que Mme [X] fait valoir qu’elle a été victime de la part de son employeur de faits de harcèlement moral dû au management du chef d’établissement et aux mesures vexatoires dont elle a fait l’objet à l’origine de son épuisement professionnel et la dégradation de son état de santé’;

Attendu que Mme [X] produit notamment au dossier les éléments suivants’:

un récapitulatif des contrats à durée déterminée dont a bénéficié Mme [X] au sein du groupe Scapa, soit 5, tous aux fonctions de faisant fonction d’aide soignante de 2010 au 31 mai 2011′;

deux courriers de la salariée à son employeur du 4 mai 2011 et 9 mai 2011, antérieurs à la conclusion du contrat de travail à durée indéterminée (en date du premier juin 2011), évoquant le remplacement d’un salarié absent et le refus de signer un contrat à durée déterminée à terme imprécis’;

son contrat de travail signé le premier juin 2011 prévoyant des fonctions d’agent de services logistiques et la convention collective applicable du 31 octobre 1951′; une fiche de poste intitulée «’AS nuit ou ASL nuit titulaire d’un CDI’» mentionnant les tâches à accomplir par l’agent de services logistiques soit’: les transmissions à l’infirmerie (2, une en début de nuit et une en fin de nuit), fin de distribution des neuroleptiques au rez de chaussée et au premier, première tournée de changes selon les plans de soins (3 dans la nuit) avec petite toilette si nécessaire, nettoyage des WC, nettoyage et réapprovisionnement des chariots de soins’;

une fiche de «’traçabilité horaires de nuit’» indiquant pour les agents de service logistique comprenant des tâches propres (vérifications, entretiens, préparation de collations, nettoyage et change des résidents avec l’aide soignante (avec la consigne de prendre en charge les résidents les plus dépendants à deux)’;

un extrait de cahier de suivi du service de mars 2014 mentionnant des incidents sur non réponse au téléphone la nuit (relevée par Mme [L]), Mme [X] contestant être de service la nuit du 10 mars 2014′;

un courrier de Mme [L] en date du 25 avril 2014 interrogeant la salariée sur l’absence de réapprovisionnement en draps du chariot du deuxième étage et une réponse de Mme [X] qui indique «’je fais réponse à votre mot concernant le manque d’approvisionnement du 2 ième étage. Sur cette nuit j’étais sur le poste de Mme [N] qui était en congés payés et je n’ai donc pas rechargé les chariots des draps et serviettes. Je ne suis pas censée vérifier le travail de mes collègues ou du moins des remplaçants’»’;

un courrier de la salariée en date du 8 juillet 2017 suite à l’annonce de la mise à pied de Mme [L], directrice de la résidence relatant des faits concernant la directrice et ses agissements’;

un avis du médecin du travail en date du 17 avril 2018 indiquant «’inapte au poste d’agent de service logistique de nuit. L’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi dans l’entreprise’»’;

le dossier médical de la salariée. En décembre 2015 Mme [X] évoque une charge de travail trop importante, plainte réitérée en 2016. En février 2017 est évoquée sa souffrance au travail et les événements ayant donné lieu à sa convocation par l’employeur en date du 27 février 2017 concernant «’les agissements contraires aux bonnes pratiques’». La prescription d’anti-dépresseurs est notée à compter d’avril 2018′;

un certificat médical du 3 avril 2018 du docteur [T], psychiatre, attestant d’un suivi pour dépression dans un contexte de souffrance au travail’;

un certificat médical en date du 12 avril 2018 du service de la santé au travail mentionnant que Mme [X] présente un état anxio-dépressif en relation avec un conflit au travail. Ce certificat médical est rédigé par le docteur [H]’;

un courriel en date du 21 mars 2018 de l’employeur sollicitant Mme [X] aux fins de rédiger une attestation dans les formes de l’article 202 du code civil. En réponse Mme [X] a adressé un courriel en date du 22 mars 2018 libellé comme suit «’faisant référence à votre demande relative à l’attestation que vous me demandez de remplir, je vous informe que je n’y donnerai pas suite. En effet, alors que j’étais en grande souffrance et que j’en avais averti l’association, celle-ci n’a rien fait pour me soutenir, au contraire elle a toujours pris fait et cause pour la directrice…jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus la soutenir compte tenu de l’accumulation de faits de harcèlement. Par contre je vous autorise à utiliser mon courrier’»’;

un jugement du 5 octobre 2018 concernant le licenciement pour faute grave de Mme [L] réalisé le 24 juillet 2017. Ce qui était reproché à cette directrice est «’ une utilisation d’un style de management oppressif créant des troubles liés aux risques psychosociaux, ses manifestations d’humeur, ses pressions, un utilisation disproportionnée de l’autorité, des humiliations et des menaces envers plusieurs salariées des résidences Neste et Las Arribas’»’;

la reconnaissance de travailleur handicapé de Mme [X] du 11 septembre 2018 au 10 septembre 2023′;

des exemples de planning de Mme [X] mentionnant explicitement des nuits effectuées comme aide-soignante (par exemple le du 18 septembre au 20 septembre 2015, le 18 novembre 2016)’;

Attendu que ces éléments, pris dans leur ensemble établissent des faits qui permettent de supposer l’existence d’un harcèlement moral ‘;

Qu’il incombe donc à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement’;

Attendu que l’employeur produit au dossier notamment les éléments suivants’:

un courrier de la salariée à son chef d’établissement en date du 18 janvier 2012 libellé comme suit «’je soussignée Mme [X] accepte à compter du premier février 2012 le poste de nuit en tant qu’ASL. Je m’engage à respecter le planning tel qu’il est affiché et certifie que lorsque des nuits seules seront à faire, je les assurerais’». Ce courrier libellé sans nul doute à la demande de l’employeur a impliqué que Mme [X] n’a pas toujours été accompagnée lors des nuits d’une aide soignante alors même que les fiches de postes par elle fournies démontrent la nécessité d’un binome ‘;

un certain nombre de sanctions et observations sur le comportement de Mme [X] lors de l’exercice de ses fonctions pour des comportements inappropriés teintés d’agressivité, le fait d’utiliser la machine à laver de l’établissement à des fins personnelles, des comportements non professionnels’;

un courriel de Mme [L] en date du 25 janvier 2017 dénonçant le comportement de Mme [X] (salariés et résidents se plaignant du comportement de Mme [X], Mme [L] employant même le mot de maltraitance au vu du comportement de Mme [X])’;

un courrier de Mme [N] en date du 8 février 2017 qui fait état qu’elle ne souhaite plus travailler avec Mme [X] du fait de son mauvais comportement envers les résidents et du non suivi des consignes’;

un courrier de l’employeur en date du 23 février 2017 signifiant à Mme [X] une observation versée à son dossier. Le courrier indique «’cet entretien a mis en exergue une mésentente et incompréhension totale avec votre binôme. Votre attitude lors de l’entretien nous a fait comprendre que votre mode de communication est inadéquat avec votre collègue. Une agressivité latente est toujours perceptible. Lors de l’entretien nous vous avons fait état des difficultés de vos collègues à communiquer avec vous. Votre attitude très souvent qualifiée d’énervée, dominatrice et intransigeante, ne permet pas d’avoir une relation sereine qui est la base des relations professionnelles. Par ailleurs, vous avez expliqué que vous assuriez la distribution des médicaments alors que cela ne relève pas de votre compétence. Nous souhaitons éclaircir ce point : vous n’avez pas à accomplir cet acte qui relève de la compétence de l’aide-soignante. En poste de nuit, vous devez certes accompagner dans certains actes votre binôme mais vous devez savoir vous abstenir pour d’autres comme la distribution des médicaments. Vous commettez donc une faute en accomplissant cet acte et en prenant l’ascendant sur votre binôme aide-soignant’». L’employeur a par ailleurs mandaté le médecin du travail aux fins d’examiner Madame [X] qui a rendu un avis d’aptitude au travail le 21 février 2017. La salariée a par ailleurs réalisé une déclaration d’accident du travail suite à l’entretien du 21 février 2017 (ayant donné lieu à la notification de l’observation susvisée).’Par décision en date du 23 juillet 2018 la caisse primaire d’assurance-maladie n’a pas reconnu le caractère professionnel de l’accident déclaré par Madame [X] en date du 21 février 2017  ;

une fiche de poste de nuit du lundi au dimanche non datée répartissant les tâches devant être accomplies par l’agent de service logistique et l’aide soignante, soit à deux, soit individuellement’;

un certain nombre d’échanges de courriers entre l’employeur et la salariée concernant une rupture conventionnelle ;

un avis d’inaptitude définitif en date du 17 avril 2018′;

un courrier de responsable des ressources humaines de l’entreprise un certain Monsieur [I] relatant la relation contractuelle entretenue avec Madame [X]. Si ce courrier mentionne explicitement que la procédure de licenciement pour faute grave du chef d’établissement pour management oppressif est à dissocier des événements de février 2017, cette seule affirmation est contraire aux éléments du dossier ci-dessus présentés. En effet, la procédure ayant donné lieu à l’observation notifiée à Madame [X] a été initiée par cette même directrice d’établissement, sans enquête préalable présente au dossier, et seulement appuyé par le courrier d’une salariée aide-soignante, alors même que le jugement du conseil des prud’hommes du 5 octobre 2018 jugeant le licenciement pour faute grave de Madame [L] a explicitement mentionné’: «’le docteur [H], médecin du travail, qui, dans un courrier concomitant à la notification du licenciement (24 juillet) écrit’: «’avoir reçu à compter de la mi juin 2017 de nombreux courriers venant de 11 salariés des deux établissements se disant en grande souffrance psychologique, souffrance attribuée au mode de management de leur directrice’». La lecture attentive de ce jugement permet de relever que la directrice d’établissement a produit au dossier un certain nombre d’attestations témoignant de sa bienveillance et de son écoute respectueuse, attestation démontrant que le management de Madame [L] était opéré par division du personnel pris en charge, management générant inévitablement des conflits et jalousies internes entre les salariés’;

l’entretien d’évaluation de la salariée en date du 21 décembre 2015. Les items renseignées démontrent que l’employeur est satisfait du travail de Madame [X] dans la mesure où les éléments maîtrisés sont très nombreux’;

un certain nombre de documents ayant trait à la demande de reconnaissance de maladie professionnelle formulée par Mme [X] le 7 septembre 2018. Le Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (CRRMP), compte tenu du fait qu’il s’agit d’une maladie hors tableau, a rendu son avis libellé comme suit «’il n’est pas établi que la maladie de Mme [X] est essentiellement et directement causée par son travail habituel’». Une notification de refus de prise en charge de cette maladie au titre de la législation professionnelle a été notifié à la salariée et à l’employeur le 15 mai 2019′;

Attendu qu’il résulte des documents produits que l’employeur ne rapporte pas preuve suffisante que les agissements dénoncés par Mme [X] ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement’;

Qu’en effet les mesures disciplinaires ou les courriers de reproches ont été adressés à la salariée à l’initiative de Mme [L] qui a été ensuite licenciée par l’employeur lui-même pour une utilisation d’un style de management oppressif créant des troubles liés aux risques psychosociaux, ses manifestations d’humeur, ses pressions, une utilisation disproportionnée de l’autorité, des humiliations et des menaces envers plusieurs salariées des résidences Neste et Las Arribas’;

Que la procédure de février 2017 est une illustration de la légèreté de l’employeur face aux accusations d’une seule salariée et de sa confiance aveugle envers la directrice de l’établissement,’alors même que selon jugement du conseil de prud’hommes de 2018 Mme [L] avait déjà été mise à pied à titre disciplinaire en février 2015 en raison de la plainte d’une salariée concernant le management de la directrice ;

Attendu qu’il est par ailleurs établi que l’employeur a mandaté Mme [X] pour accomplir des missions de faisant fonction d’aide soignante durant une longue période alors même que Mme [X] n’avait pas été embauchée pour ces fonctions ‘;

Que des habitudes de travail ont pu être prises par la salariée dans l’exercice de ses missions alors même qu’elle occupait, parfois simultanément, les fonctions d’agent de service logistique et d’aide soignante sur directive de l’employeur’;

Attendu que compte tenu de ces éléments le harcèlement moral soutenu par Mme [X] est établi’;

Attendu que compte tenu des pièces du dossier déjà évoquées le préjudice de la salariée de ce chef doit être évalué à la somme de 5 000 euros’;

Que le jugement déféré doit être infirmé sur ce point’;

Sur le licenciement et ses conséquences

Attendu qu’au vu de la chronologie des faits déjà relatée au travers de l’examen des pièces relatives à la demande sur le fondement du harcèlement moral, l’inaptitude de la salariée a eu pour origine le harcèlement moral subi par Mme [X]’;

Que conformément à l’article L.1152-3 du code du travail le licenciement de Mme [X] est nul’;

Attendu que conformément à l’article L.1235-3-1 du code du travail lorsque la réintégration du salarié est impossible, le juge lui octroie une indemnité à charge de l’employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois’;

Attendu que compte tenu des éléments du dossier déjà évoqués il y a lieu d’allouer à la salariée la somme de 19 000 euros’;

Attendu qu’il sera également alloué à Mme [X] la somme de 3 177,90 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et celle de 317,79 euros au titre des congés payés afférents’;

Sur l’application de l’article L.1235-4 du code du travail

Attendu qu’il résulte des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail que lorsque le juge fait application de l’article L.1152-3 du code du travail, il ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limité de six mois d’indemnités de chômage ;

Qu’il résulte des mêmes dispositions que lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées, le juge doit ordonner ce remboursement d’office, sans pour autant liquider le montant de la créance de l’organisme intéressé, dès lors que celle-ci n’est pas connue ;

Attendu qu’il convient de condamner l’employeur à rembourser à Pôle Emploi les sommes dues à ce titre, dans la limite de six mois d’indemnités ;

Sur la demande de dommages et intérêts pour violation par l’employeur de son obligation de prévention et de sécurité en matière de santé au travail

Attendu qu’il a été démontré au dossier que l’employeur n’a pas pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la santé et la sécurité de Mme [X] tant sur le plan des exigences quant au fait d’assumer des fonctions non prévues au contrat de travail d’aide soignante et sur le fait de ne pas procéder à des mesures de contrôle de l’activité de la directrice de l’établissement alors même que des plaintes de salariés existaient depuis 2015′;

Attendu que compte tenu de ces éléments, des pièces versées au dossier déjà évoquées et d’une partie du préjudice déjà indemnisé sur le fondement du harcèlement moral, il sera alloué de ce chef à la salariée la somme de 1 500 euros’;

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail

Attendu que l’employeur a pu, dans le cadre de son pouvoir de direction, demander à la salariée d’exercer des fonctions d’aide soignante au lieu et place de ses fonctions d’agent de service logistique’;

Que les pièces décrites plus haut démontrent que, dans certains cas la salariée a pu assumer seule des nuits, sans concours d’une aide soignante’;

Que ce comportement, totalement déloyal dans la gestion de l’établissement et du personnel, a créé un préjudice à la salariée qu’il convient d’évaluer à la somme de 1 500 euros’;

Sur la demande de délivrance de documents sous astreinte

Attendu qu’il convient d’enjoindre l’employeur à remettre à la salariée les documents de fin de contrat conformes à la présente décision sans qu’il y ait lieu d’ordonner une astreinte’;

Sur les intérêts

Attendu que les sommes dues au titre des créances salariales et l’indemnité conventionnelle de licenciement portent intérêts au taux légal à compter de la notification de la saisine du conseil des prud’hommes à l’employeur, les sommes dues au titre des dommages et intérêts portent intérêts au taux légal à compter de la décision qui les fixe’;

Sur les demandes accessoires

Attendu que l’employeur qui succombe devra supporter les dépens de première instance et d’appel’;

Attendu qu’il convient d’allouer à la salariée la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile’;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort

INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Tarbes en date du 8 février 2021,

Et statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que le licenciement de Mme [O] [X] est nul’;

CONDAMNE l’association SCAPA à payer à Mme [O] [X] les sommes suivantes’:

19 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul’;

5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral’;

1500 euros au titre des dommages et intérêts pour violation par l’employeur de son obligation de sécurité’;

1500 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail’;

3177,90 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ainsi que 317,79 euros au titre des congés payés afférents’;

ORDONNE le remboursement par l’association SCAPA aux organismes intéressés, soit Pôle Emploi, de tout ou partie des indemnités de chômage versées à la salariée licenciée, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limité de six mois d’indemnités de chômage ;

ORDONNE à l’employeur de délivrer les documents de fin de contrat rectifiés conformes à la décision et déboute la salariée de sa demande d’astreinte de ce chef’;

DIT que les sommes dues au titre des créances salariales et l’indemnité conventionnelle de licenciement portent intérêts au taux légal à compter de la notification de la saisine du conseil des prud’hommes à l’employeur, les sommes dues au titre des dommages et intérêts portent intérêts au taux légal à compter de la décision qui les fixe’;

CONDAMNE l’association SCAPA aux entiers dépens et à payer à Mme [O] [X] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame CAUTRES-LACHAUD, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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