MINUTE N° 23/236
Copie aux parties
– DRASS
Clause exécutoire aux :
– avocats
– parties non représentées
Le
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE – SECTION SB
ARRET DU 16 Mars 2023
Numéro d’inscription au répertoire général : 4 SB N° RG 21/00240
N° Portalis DBVW-V-B7F-HO6N
Décision déférée à la Cour : 16 Décembre 2020 par le pôle social du Tribunal Judiciaire de STRASBOURG
APPELANTE :
S.A. [5]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Xavier BONTOUX, avocat au barreau de LYON, dispensé de comparution
INTIMEE :
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU MORBIHAN
[Adresse 1]
[Localité 2]
Dispensée de comparution
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 Janvier 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme GREWEY, Conseiller, chargée d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Présidente de chambre,
Mme GREWEY, Conseiller
M. LAETHIER, Vice-Président placé
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme DONATH, Adjoint administratif, faisant fonction de Greffier
ARRET :
– contradictoire
– prononcé par mise à disposition au greffe par Mme GREWEY, Conseiller, en remplacement du Président empêché,
– signé par Mme GREWEY, Conseiller, en remplacement du Président empêché, et Mme WALLAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DES FAITS ET PROCÉDURE
Employé de la SAS [5] en qualité de VRP, Monsieur [T] [H] a déclaré une maladie professionnelle le 5 janvier 2017 pour un « état anxio-dépressif réactionnel ».
Le certificat médical initial établi le 5 janvier 10 017 par le Docteur [W], médecin psychiatre, fait état d’un «stress professionnel avec syndrome d’épuisement, état anxio-dépressif avec irritabilité, qui perdure, tentative de suicide par pendaison en septembre 2015, perte d’estime de soi et incapacité à reprendre son activité professionnelle». Le certificat médical indique la date de première constatation de la maladie soit le 10 septembre 2015.
L’avis du CRRMP a été recueilli, lequel a établi le lien direct essentiel entre la maladie caractérisée soumise à instruction et le travail habituel de la victime. La maladie professionnelle a fait l’objet d’une reconnaissance et prise en charge au titre des risques professionnels, l’état de consolidation de l’état de santé de M. [T] [H] a été fixé à la date du 10 février 2018.
Par notification du 30 août 2018, la société [5] a eu connaissance de la décision du médecin conseil qui s’est prononcé sur l’existence d’une incapacité permanente, fixant celle-ci à un taux de 30 %.
Contestant cette décision, la société [5] a adressé un recours au tribunal du contentieux de l’incapacité de Strasbourg (TASS) par courrier du 8 octobre 2018.
Par ordonnance du 9 mars 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Strasbourg, succédant au TASS, a ordonné un examen médical sur pièces du dossier de Monsieur [T] [H] et a commis pour ce faire le Professeur [C].
Par jugement du 16 décembre 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Strasbourg a :
– déclaré recevable en la forme le recours de la SAS [5] ;
– confirmé la décision de la CPAM de [Localité 2], devenue la CPAM du Morbihan ;
– condamné la SAS [5] aux entiers frais et dépens de la procédure ;
– ordonné l’exécution provisoire.
Ce jugement a été notifié aux parties le 6 janvier 2021.
Par déclaration expédiée par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 janvier 2021, la SAS [5] a interjeté appel de la décision précitée.
Par ordonnance du 3 mars 2022, l’affaire a été fixée à l’audience de plaidoirie du magistrat rapporteur du 19 janvier 2023.
L’affaire a été mise en délibéré au 16 mars 2023.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les conclusions visées par le greffe le 3 septembre 2021 aux termes desquelles la SAS [5], dispensée de comparaître lors des débats, demande à la cour d’appel de :
– déclarer son recours recevable ;
– infirmer le jugement de première instance et jugeant à nouveau :
– lui déclarer inopposable le taux d’IPP de 30 % accordé à M. [H].
Vu les conclusions visées par le greffe le 16 septembre 2021 soutenues oralement à l’audience et aux termes desquelles la caisse primaire d’assurance maladie du Morbihan conclut au débouté de la demande ;
Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties, auxquelles il est référé, en application de l’article 455 du code de procédure civile pour l’exposé de leurs moyens et prétentions ;
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l’appel :
Interjeté dans les formes et délais légaux, l’appel est recevable.
Sur la demande d’inopposabilité du taux d’IPP de 30 % accordé au salarié :
La société appelante fait grief au jugement déféré d’entériner l’avis favorable du CRRMP à la reconnaissance de la pathologie déclarée par M. [T] [H] en maladie professionnelle. La SAS [5] soutient qu’aucune enquête n’a été réalisée pour attester de l’intégrité mentale antérieure de son salarié et que le médecin consultant mandaté en première instance a considéré que l’ensemble des séquelles relevées étaient imputables au travail. Au soutien de son argumentation, elle se base sur l’avis du Docteur [Z] qui rappelle que M. [T] [H] a connu d’importantes difficultés conjugales et pécuniaire et qu’il est impossible de savoir si cette situation est à l’origine, participe à la décompensation de son état de santé ou est secondaire. L’appelante estime ainsi qu’en conséquence, cette maladie hors tableau, ne saurait lui est déclarée opposable. Elle explique ensuite que seul un psychiatre peut valablement estimer le déficit de la victime au regard des contraintes posées par le barème et qu’en aucune cas une enquête approfondie attestant de l’intégrité mentale antérieure de l’assuré n’a été diligentée, le rapport d’évaluation des séquelles du médecin conseil ne démontrant l’établissement d’une telle enquête.
La caisse réplique que le dossier de M. [T] [H] a été soumis au CRRMP et rappelle que cet avis s’impose à elle. Elle précise que contrairement aux allégations de l’appelante, le CRRMP consulté, compte tenu des éléments soumis à son appréciation, dont l’avis du médecin psychiatre daté du 26 octobre 2017, a établi un lien direct entre la pathologie présentée par M. [T] [H] et son activité professionnelle, le psychiatre ayant attesté du diagnostic et de sa sévérité. Elle réfute toute hypothèse liée à un état antérieur issu de problèmes personnels dans la mesure où le CRRMP qui s’est penché sur cette question n’a justement pas relevé l’existence de facteurs extraprofessionnels s’opposant à l’établissement d’un lien essentiel au travail. Elle rappelle que le taux de 30 % alloué correspond à la fourchette prévue par le barème pour cette pathologie, à savoir entre 20 et 100 %.
Aux termes de l’article l’article L461-1, dernier alinéa, du code de la sécurité sociale, dans sa version résultant de la loi n°2015-994 du 17 août 2015, les pathologies psychiques peuvent être reconnues comme maladies d’origine professionnelle, dans les conditions prévues aux quatrième et avant-dernier alinéas dudit article et les modalités spécifiques de traitement de ces dossiers sont fixées par voie réglementaire.
L’article L461-1, alinéa 4, du code de la sécurité sociale, dans sa version résultant de la loi précitée, dispose que peut être reconnue d’origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu’il est établi qu’elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu’elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d’un taux évalué dans les conditions mentionnées à l’article L434-2 et au moins égal à 25 % en application de l’article R461-8 du même code.
Selon l’article D461-30 du code de la sécurité sociale, dans sa version antérieure au décret n°2019-356 du 23 avril 2019, la caisse primaire d’assurance maladie saisit le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles après avoir recueilli, notamment, le rapport du service du contrôle médical qui, aux termes de l’article D461-29, comprend, le cas échéant, le rapport d’évaluation du taux d’incapacité permanente partielle de la victime.
Il est constant que M. [T] [H] a déclaré un syndrome anxio-dépressif médicalement constaté le 5 janvier 2017 par le Docteur [W], médecin psychiatre, et que la pathologie n’est pas désignée dans un tableau de maladies professionnelles de sorte que seule l’affection causée essentiellement et directement par le travail habituel de la victime ayant entraîné le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d’un taux évalué au moins égal à 25 % peut être reconnue d’origine professionnelle.
A titre liminaire, la cour rappelle que l’avis du CRRMP s’impose à la caisse conformément à l’article L461-1, alinéa 5, du code de la sécurité sociale.
En l’espèce les premiers juges se sont basés sur le rapport de consultation établi le 9 juillet 2020 par le Professeur [C] qui a examiné le dossier médical de M. [T] [H] et pris en compte les développements apportés par le médecin mandaté par l’employeur. Il a conclu que « la maladie professionnelle concerne un épuisement professionnel et des troubles anxio-dépressifs. Le certificat médical initial du 5 janvier 2017 du Docteur [W] fait état d’un stress professionnel avec syndrome d’épuisement, un état anxio-dépressif avec irritabilité qui perdure, une tentative de suicide par pendaison en septembre 2015, une perte d’estime de soi et incapacité à reprendre son activité professionnelle » Et le Professeur [C] de conclure que « le barème propose pour ce type d’atteinte un taux de 20 à 40 %, le taux de 30 % proposé par le médecin conseil semble donc en rapport avec les préconisations du barème ». Les premiers juges ont également rappelé que le médecin de la caisse a fait état d’éléments de gravité avec des hospitalisations, tentative de suicide, traitement psychotrope et suivi spécialisé avec retentissement en dehors de la sphère professionnelle.
En considération de l’avis du médecin conseil, de l’analyse du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles qui a retenu un lien direct et essentiel entre l’affection présentée et l’exposition professionnelle et de l’avis concordant du médecin consultant, de ce que la SAS [5], qui reprend uniquement à hauteur de cour son argumentation déjà développée en première instance n’apporte aucun élément nouveau à hauteur d’appel permettant de remettre en cause lesdits avis, il convient de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris.
Sur le surplus :
Les dispositions de ce chef du jugement querellé seront confirmées.
Succombant à ses prétentions, la SAS [5] sera condamnée au paiement des dépens engagés en appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la Loi,
DÉCLARE l’appel recevable ;
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Strasbourg prononcé le 16 décembre 2020 ;
Y ajoutant :
CONDAMNE la SAS [5] au paiement des dépens engagés en appel.
Le Greffier, Pour le Président empêché,