COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
15e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 16 FEVRIER 2023
N° RG 20/01722 – N° Portalis DBV3-V-B7E-T7TQ
AFFAIRE :
[N] [S]
C/
S.A.S. [B] FRANCE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Juin 2020 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
N° Section : E
N° RG : F 18/00691
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Marie-Charlotte DIRIART de la SCP BIGNON LEBRAY
Me Christophe DEBRAY
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEIZE FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant, initialement fixée au 08 décembre 2022, puis prorogé au 26 janvier 2023, puis prorogé au 16 février 2023, les parties ayant été avisées, dans l’affaire entre :
Madame [N] [S]
née le 23 Août 1974 à [Localité 2]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentant : Me Marie-Charlotte DIRIART de la SCP BIGNON LEBRAY, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0370
APPELANTE
****************
S.A.S. [B] FRANCE
N° SIRET : 808 234 801
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Alexandre ROUMIEU de la SELAS FACTORHY AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0061 – Représentant : Me Christophe DEBRAY, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 11 Octobre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Régine CAPRA, Présidente chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Régine CAPRA, Présidente,
Monsieur Thierry CABALE, Président,
Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,
EXPOSÉ DU LITIGE
A l’issue d’un stage au sein de la société Kraft Jacobs Suchard France à compter du 4 janvier 1999, Mme [N] [S] a été engagée par celle-ci à compter du 30 août 1999, par contrat de travail à durée indéterminée, en qualité d’assistante chef de produit. La société Kraft Jacobs Suchard France est devenue la société Kraft Foods France puis la société [B] France SAS. Les documents sociaux délivrés par cette dernière à la salariée mentionnent une ancienneté à compter du 1er janvier 1999. La salariée a été nommée à compter du 1er juillet 2015 responsable E-commerce France, niveau 8, échelon 1 de la classification conventionnelle, grade 13 de la classification interne.
Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective des cinq branches des industries alimentaires diverses du 21 mars 2012.
La salariée a été absente de l’entreprise à compter du 1er mai 2017, ayant été en RTT et congés payés du lundi 3 au mercredi 5 mai 2017, puis en arrêt de travail pour maladie à compter du jeudi 6 mai 2017.
Par courrier électronique du 3 juillet 2017, elle a sollicité une rupture conventionnelle de son contrat de travail, que l’employeur a refusé le 21 juillet 2017.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée à la société [B] France le 31 août 2017, son avocat invoquant des manquements de celle-ci à ses obligations, a exposé avoir été mandaté par sa cliente pour négocier une solution permettant une rupture à bref délai du contrat de travail de sa cliente.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 18 octobre 2017, la société [B] France, réfutant la réalité des manquements qui lui étaient imputés, a répondu qu’elle n’entendait pas donner suite à la demande de rupture négociée.
A l’issue de la visite de reprise, le 7 novembre 2017, le médecin du travail a déclaré Mme [S] inapte à son poste avec dispense pour l’employeur de l’obligation de reclassement, au motif que tout maintien de la salariée dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 23 novembre 2017, la société [B] France a convoqué Mme [S] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 11 décembre 2017, auquel celle-ci ne s’est pas présentée, puis par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 18 décembre 2017, elle l’a licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Elle lui a versé une indemnité de licenciement de 117 776,03 euros.
Elle a perçu de décembre 2016 à novembre 2017, compte-tenu du maintien de son salaire de mai à décembre 2017, un salaire mensuel brut moyen de 9 458,48 euros.
Contestant son licenciement et imputant à son employeur plusieurs manquements dans l’exécution du contrat de travail, Mme [S] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt, par requête reçue au greffe le 23 mai 2018, afin d’obtenir le paiement de diverses sommes.
Par jugement du 25 juin 2020, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt a :
– dit et jugé que le licenciement pour inaptitude de Mme [S] est un licenciement pour une cause réelle et sérieuse ;
– dit et jugé que la société [B] a violé ses obligations en matière de suivi de la charge de travail ;
– condamné la société [B] à verser à Mme [S] la somme de 10 000 euros à titre d’indemnités en ce qui concerne la demande sur les forfaits jours ;
– condamné la société [B] à verser à Mme [S] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté Mme [S] de ses autres demandes ;
– débouté la société [B] de ‘ses demandes reconventionnelles’ ;
– laissé les dépens de la présente instance à la charge de la société [B].
Mme [N] [S] a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 30 juillet 2020.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 24 août 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, Mme [N] [S] demande à la cour de la déclarer recevable et bien fondée en son appel
Et, y faisant droit, de :
– constater que la société [B] a modifié unilatéralement son contrat de travail ;
– constater que la société [B] a manqué à son obligation de sécurité de résultat ;
– constater que la société [B] l’a privée, du fait de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, de son droit d’acquérir définitivement les actions qui lui ont été attribuées ;
Par conséquent, de :
– dire que la société [B] a violé les règles légales relatives à la modification du contrat de travail pour motif économique engageant ainsi sa responsabilité civile vis-à-vis d’elle ;
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la privation des mesures d’accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l’emploi ;
– condamner la société [B] à lui payer :
*à titre principal, la somme de 227 070 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la privation des mesures d’accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l’emploi ;
– à titre subsidiaire, la somme de 193 000 euros à titre de dommage-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la perte de chance de bénéficier des mesures d’accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l’emploi ainsi que du régime Pôle emploi de faveur applicable aux salariés licenciés pour motif économique ;
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
*dit et jugé que son licenciement pour inaptitude est un licenciement pour cause réelle et sérieuse ; *l’a déboutée de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
*l’a déboutée de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents ;
– dire que son licenciement pour inaptitude est sans cause réelle et sérieuse ;
– condamner la société [B] à lui verser les sommes suivantes :
*137 150 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
*28 375,43 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
*2 837,54 euros bruts de congés payés afférents ;
– dire qu’elle a subi un préjudice particulier résultant de la privation de son droit d’acquérir définitivement les 230 actions qui lui avaient été attribuées par la société [B] ;
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour privation de son droit d’acquérir définitivement les actions qui lui avaient été attribuées par la société [B] ;
– condamner la société [B] à lui verser la somme de 8 200 euros à titre de dommages-intérêts pour privation de son droit d’acquérir définitivement lesdites actions ;
-confirmer le jugement entrepris sur les autres chefs.
– rejeter en conséquence l’appel incident formé par la société [B] en ce qu’elle a été condamnée à lui verser 10 000 euros à titre d’indemnité en ce qui concerne le forfait jours.
– débouter la société [B] de l’ensemble de ses demandes ;
– condamner en toute hypothèse la société [B] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 25 janvier 2021, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, la société [B] France demande à la cour :
¿ sur les demandes en lien avec la prétendue violation des règles relatives aux modifications du contrat de travail pour motif économique :
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Madame [S] de l’ensemble de ses demandes présentées à ce titre ;
¿sur les demandes en lien avec le licenciement pour inaptitude d’origine non-professionnelle et impossibilité de reclassement de Mme [S] :
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [S] :
*de sa demande de constater qu’elle aurait manqué à son obligation de sécurité de résultat ;
*de sa demande de dire et juger son licenciement pour inaptitude comme étant dénué de cause réelle et sérieuse ;
*de ses demandes d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents ;
*de sa demande de dommages-intérêts pour privation du droit d’acquérir les actions attribuées par la société ;
¿sur les demandes en lien avec la prétendue exécution déloyale de la convention de forfait en jours :
– réformer le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamnée à verser la somme forfaitaire de 10 000 euros à Mme [S] ;
– statuant à nouveau, faisant droit à l’appel incident, débouter Mme [S] de sa demande à ce titre ;
¿en tout état de cause :
– débouter Mme [S] de sa demande de condamnation de la société au paiement de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner Mme [S] au versement de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’au paiement des entiers dépens.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 21 septembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la modification unilatérale du contrat de travail
Mme [S] a été nommée à compter du 1er juillet 2015 responsable de la division E-commerce de la société [B] France.
Celle-ci a procédé en 2016 à l’information-consultation des institutions représentatives du personnel sur le projet de nouvelle organisation au sein de [B] International en Europe de l’Ouest et de cession d’activités Chocolat et Gum & Candy au groupe Eurazeo, concernant l’UES constituée des sociétés [B] France SAS, [B] Europe Procurerment GmbH succursale France et [B] Europe Services GmbH et sur un projet de licenciement collectif pour motif économique, qui a donné lieu à l’établissement d’un plan de sauvegarde de l’emploi.
Le projet de nouvelle organisation de [B] International en Europe de l’Ouest, dont la mise en oeuvre était prévue au 2 mai 2017, prévoyait au chapitre 1.4 une réorganisation des activités commerciales Category Planning & Activation Snacking selon deux principes directeurs :
– le recentrage du portefeuille produits de [B] International dans le cadre du projet de cession d’une partie de ses activités Chocolat et Gum & Candy, lequel entraînait un recentrage des équipes sur un portefeuille de marques plus restreint se traduisant par une baisse de l’activité de ces équipes (diminution du nombre de références, baisse du nombre de temps forts, moins de lancement de nouveaux produits…), et, dans ce contexte, une adaptation consécutive de la taille de l’organisation ;
– l’alignement des activités Category Planning & Activation Snacking sur le modèle organisationnel défini par le groupe au niveau de l’Europe, lequel passait notamment par l’évolution d’une organisation par pays à une organisation zone comme suit :
*l’ensemble des activités Category Planning & Activation Snacking couvriraient un périmètre au niveau de la zone Europe de l’Ouest, comprenant la France, la Belgique et les Pays-Bas, l’Italie et la Grèce, l’Espagne et le Portugal, tout en conservant dans la plupart des cas des équipes dédiées par pays afin de garantir une proximité avec le business ;
*les équipes Category Planning & Activation Snacking reporteraient aux différents postes de directeur Category Planning Europe de l’Ouest (Biscuit, Chocolat, Gum & Candy, Cross-Categories Planning, CRM, E-commerce, Systèmes & Supports commerciaux), basés en France ;
*le poste de directeur Category Planning & Activation Snacking France Benelux serait renommé directeur Category Planning Snacking Europe de l’Ouest.
Ce projet mentionne au chapitre 1.4.4 relatif à l’activité E-commerce de la Category Planning & Activation Snacking :
– que l’organisation actuelle des activités e-commerce (1er février 2016) comprend un poste permanent, celui de responsable E-commerce, qui rapporte au directeur Category Planning & Activation Snacking France Benelux ;
– que la mise en place du projet entraînerait :
*la prise en compte du nouveau périmètre de la zone Europe de l’Ouest : France, Belgique et Pays-Bas, Italie et Grèce, Espagne et Portugal, le poste de responsable E-commerce étant alors renommé Manager E-commerce Europe de l’Ouest et rattaché en direct au poste de directeur Category Planning Snacking Europe de l’Ouest ;
*le renforcement de cette activité au niveau de la zone Europe de l’Ouest avec la création de deux postes supplémentaires au sein de l’organisation E-commerce : 1 poste de Category Manager E-commerce et 1 poste de Business Analyst E-commerce, qui rapporterait au poste de Category Manager E-commerce créé et la création, par ailleurs, d’un poste de Key Acount Manager au sein de l’organisation Direction des Centrales Nationales (DCN) ;
– que l’organisation cible des activités E-commerce au niveau de l’Europe de l’Ouest comporterait 3 postes permanents et aurait pour conséquences sociales la création de 2 postes reportant au Manager E-commerce Europe de l’Ouest et de 1 poste au sein de l’organisation DCN et n’entraînerait aucune suppression de poste, ni modification de poste au sein de l’organisation E-commerce.
Mme [O], directrice des ressources humaines Europe de l’Ouest [B] International atteste, selon la traduction libre non contestée qui en est faite par la société [B] France dans ses conclusions, avoir eu pendant la période de juin 2016 plusieurs entretiens de carrière avec Mme [S] portant sur son accession au poste de Responsable E-commerce Europe de l’Ouest à compter de mai 2017, que jusqu’à cette date, eu égard à la procédure de consultation en cours, l’intéressée était en mission, agissant comme Band I, pour laquelle elle était très satisfaite et qu’aucune conversation n’est intervenue depuis juin 2016 qui pourrait suggérer qu’elle n’était pas heureuse de son futur poste ou des conditions afférentes.
Le compte-rendu de l’entretien de performance de Mme [S] qui a eu lieu le 19 janvier 2017 avec Mme [Y], sa supérieure hiérarchique, indique, selon la traduction libre non contestée qui en est faite par la société [B] France dans ses conclusions : ‘Eu égard aux qualités qu’elle a démontrées, [N] a été nommée ‘agissant comme’ band I sur le second semestre et devrait être confirmée en tant que band I cette année (…) Elle doit finaliser le lancement de l’activité E-commerce en France et organiser le périmètre Europe de l’Ouest avant d’évoluer vers un nouveau poste.’
Il s’en déduit qu’à compter du second semestre 2016, le périmètre géographique dans lequel Mme [S] exerçait ses fonctions a été élargi, avec son accord, à la zone Europe de l’Ouest. Il est d’ailleurs établi par les bulletins de paie qu’elle produit qu’elle a perçu, pour la mission temporaire ‘d’agissant comme’ ainsi confiée, une prime de remplacement d’un montant de 4 005 euros en décembre 2016 et de 3 337,50 euros en avril 2017.
Il y a lieu de relever, d’une part, que si la salariée était affectée à la division E-commerce de l’entreprise, sa zone géographique d’intervention n’était pas contractuellement définie et, d’autre part, que le périmètre géographique d’activité ne constitue pas en lui-même un élément du contrat de travail, de sorte que seules les modifications des éléments du contrat de travail consécutifs au changement de périmètre géographique d’activité permettent de considérer que le contrat de travail a été modifié.
En proposant lui-même à la salariée, le 13 avril 2017, de signer un avenant à son contrat de travail à effet au 1er mai 2017, aux termes duquel, au-delà du changement d’intitulé de son poste, de responsable E-commerce en responsable E-commerce Europe de l’Ouest, elle était promue de la classification cadre, niveau 8, échelon 1 de la classification conventionnelle et grade 13 de la classification interne à celle de cadre supérieur, niveau 8, échelon 2 de la classification conventionnelle et grade I de la classification interne et son salaire de base augmenté de 6 887,15 euros pour 212 jours de travail par an à 7 495,02 euros pour 212 jours de travail par an, l’employeur reconnaissait que sa proposition entraînait une modification du contrat, que la salariée était en droit de refuser.
Cependant, la seule proposition de modification du contrat de travail ne constitue pas un manquement de l’employeur à ses obligations contractuelles. En l’espèce, Mme [S] n’a pas travaillé au-delà du 30 avril 2017, de sorte qu’elle n’a pas exercé effectivement les nouvelles responsabilités proposées.
Le seul fait qu’il a été mentionné sur les bulletins délivrés à la salariée de mai à décembre 2017, alors qu’elle était en arrêt de travail pour maladie, que l’intitulé de son emploi était celui de responsable E-commerce Europe de l’Ouest, sa qualification celle de cadre supérieur, niveau 8, échelon 2 de la classification conventionnelle et grade I de la classification interne et son salaire de base de 7 495,02 euros pour 212 jours de travail par an, de sorte que son salaire était maintenu au regard de ce niveau de rémunération, ou le fait que le gestionnaire de paie lui ait indiqué, par courrier électronique du 18 mai 2017, qu’en changeant de statut au 1er mai 2017, elle n’acquerrait plus de droits à RTT ne suffit pas à démontrer que l’employeur, à qui la salariée n’avait pas fait part de son refus d’accepter l’avenant proposé, n’entendait pas renoncer à la modification du contrat de travail, mais entendait la lui imposer sans son accord.
La modification unilatérale du contrat de travail au 1er mai 2017 reprochée à l’employeur n’est pas caractérisée.
Sur l’exécution de la convention de forfait en jours
Il est établi que Mme [S] était soumise à une convention de forfait en jours sur l’année, qui était de 212 jours par an.
L’article L. 3121-46 du code du travail, dans sa version résultant de la loi n°2008-789 du 20 août 2008, applicable jusqu’au 9 août 2016 dispose : ‘Un entretien annuel individuel est organisé par l’employeur avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l’année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle, ainsi que sur la rémunération du salarié.’
L’article L. 3121-60 du code du travail, créé par la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, entré en vigueur le 10 août 2016, dispose que l’employeur s’assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail.
Selon l’article L. 3121-64, II, 2°, issu de cette même loi, l’accord autorisant la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours détermine les modalités selon lesquelles l’employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l’organisation du travail dans l’entreprise.
Selon l’article 12, III, de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l’exécution d’une convention de forfait en jours conclue sur le fondement d’une convention ou d’un accord de branche ou d’un accord d’entreprise ou d’établissement, qui, à la date de publication de cette loi, n’est pas conforme au 2° du II de l’article L. 3121-64 du code du travail, peut être poursuivie, sous réserve que l’employeur respecte l’article L. 3121-65 du même code, qui dispose que l’employeur organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l’organisation de son travail, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.
Il incombe à l’employeur de rapporter la preuve qu’il a respecté les stipulations de l’accord collectif destinées à assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés soumis au régime du forfait en jours.
La société [B] France n’établit pas que, dans le cadre de l’exécution de la convention de forfait en jours, Mme [S] a bénéficié à un moment quelconque d’un entretien portant sur sa charge de travail, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, ainsi que sur sa rémunération.
A défaut de justifier avoir pris les dispositions nécessaires de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail de la salariée restaient raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail et donc à assurer la protection de la santé de la salariée, la société [B] France a manqué à son obligation de sécurité.
Sur la surcharge de travail
Mme [S] soutient que l’organisation de la division E-commerce, dont elle était la responsable, était sous-dimensionnée.
Comparant l’organisation de la division E-commerce à celle des autres divisions Category Planning & Activation Snacking de la société [B] France, elle fait valoir qu’elle est la seule division transversale pour trois catégories de produits (biscuits/chocolat/gum) quand les autres divisions sont spécialisées par produit. Tout d’abord, tel n’est pas le cas puisque deux autres divisions se trouvent dans la même situation. Ensuite, la spécialisation par catégorie de produits de personnes dédiés ne se justifie pas au regard du chiffre d’affaires réalisé par la division transversale E-commerce, beaucoup moins important que celui des divisions commerciales spécialisées par produit.
Comparant l’organisation de la division E-commerce de la société [B] France à la division E-commerce de la société du groupe sise au Royaume-Uni, la salariée fait valoir qu’elle est la seule collaboratrice permanente de la division française quand l’équipe anglaise est composée de 8 collaborateurs pour gérer un volume d’activité équivalent, voire inférieur.
Mme [S] ne produit pas d’élément justifiant du bien fondé de la comparaison effectuée avec l’équipe du Royaume Uni, en l’absence d’élément justifiant d’une identité de règles de fonctionnement.
La division E-commerce de l’entreprise a été créée et confiée à Mme [S] en juillet 2015. Ses effectifs ont été renforcés en 2016 et pérennisées, avec le recrutement en avril 2016 d’un Category Manager E-commerce en la personne de M. [X], qui, ayant quitté cette division en avril 2017, a ensuite été remplacé dès mai 2017, et avec le recrutement en septembre 2016 d’une Business Analyste E-commerce en la personne de Mme [J], en poste de septembre à décembre 2016, remplacée par Mme [Z] dès janvier 2017. Enfin un poste de Compte-clés E-commerce a été créé en mai 2016, pourvu par M. [W], qui a pris en charge la relation avec le client Amazone.
La division E-commerce bénéficiait du support expert d’autres départements du groupe, tels que le Shopper Insights, le CRM (consummer relations management) ou le Cross -Category Planning.
L’extension du périmètre d’intervention de la division E-commerce à de nouveaux pays était compensée par les recrutements effectués, étant précisé que la France concentrait à elle seule près de 90% de l’activité E-commerce de la zone Europe de l’Ouest.
Après d’excellents résultats de la division E-commerce au Q1 2017, pour lesquels Mme [S] a été félicitée en avril 2017, il a été décidé en juin 2017 de créer deux autres postes supplémentaires au sein de l’équipe E-commerce : un poste de business analyst (niveau SG10) et un poste de chef de projet banque d’image (niveau SG8).
Si Mme [S] allègue n’avoir pas cessé d’alerter son employeur afin que lui soit adjoint des ressources en adéquation avec sa charge de travail, elle ne l’établit pas. Les échanges de courriers électroniques des 13,14 et 19 avril 2017 qu’elle produit, dont il ressort qu’elle était très contrariée qu’un poste de E-commerce soit créé au Royaume Uni plutôt qu’en France, sont insuffisants à justifier de la surcharge de travail qu’elle invoque dans ses conclusions.
Il n’est pas établi que Mme [S] ait eu à pallier personnellement un manque de moyens, que les excellents résultats obtenus démentent.
La surcharge de travail qu’elle invoque n’est pas caractérisée.
Sur la pression managériale
Si Mme [S] fait état de l’existence de nombreuses réorganisations successivement mises en oeuvre dans l’entreprise avant celle mise en oeuvre en 2016/2017, elle ne fournit aucun élément sur leur contenu et sur la réalité de leur impact sur les postes qu’elle a précédemment occupés.
Si elle fait état de nombreuses et constantes sollicitations de l’équipe E-commerce globale en poste aux Etats-Unis avec laquelle elle était en relation continue depuis décembre 2016, notamment de demandes de reporting incessantes de l’équipe globale, le reporting faisait partie intégrante de ses missions et il n’est pas établi que les demandes qui lui étaient adressées aient revêtu un caractère anormal.
Si Mme [S] fait état d’objectifs élevés et d’une pression pour améliorer les marges et la rentabilité de la société, il n’est pas établi qu’elle ait été elle-même soumise à des objectifs déraisonnables et qu’elle ait subi des pressions dans l’exercice de ses fonctions.
La pression managériale n’est pas démontrée.
Sur le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement
Mme [S] soutient que la dégradation de son état de santé qui a conduit à son inaptitude trouve son origine dans les conditions de travail qu’elle a subies durant de nombreuses années, à savoir :
– un accroissement continu et déraisonnable de sa charge de travail au fil des réorganisations mises en oeuvre par la société [B] France ;
– l’élargissement de son périmètre géographique d’intervention et l’absence d’étude d’impact de la réorganisation ;
– l’absence de visite médicale périodique depuis 2012 ;
– l’absence d’évaluation de sa charge de travail dans le cadre du forfait-jours sur l’année auquel elle était soumise ;
– la dégradation de son état de santé.
Elle fait valoir que la société [B] France, qui avait pleinement conscience des difficultés qu’elle rencontrait dans l’exercice de ses fonctions et de l’existence d’un danger avéré pour sa santé du fait d’une charge de travail grandissante et excessive, a manqué à son obligation de sécurité en ne prenant aucune mesure de prévention et de sécurité face à ce risque, de sorte que son licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Il est établi par l’attestation de paiement de paiement des indemnités journalières de la caisse primaire d’assurance maladie établie le 20 février 2018 pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2017 que Mme [S] a été en arrêt de travail pour maladie, pris en charge par la sécurité sociale, du 6 mai au 26 octobre 2017.
Si la salariée ne produit pas l’arrêt de travail qui lui a été prescrit le 6 mai 2017, qui a été reconnu, après examen du 5 juillet 2017 par le médecin-conseil de l’assurance maladie, en rapport avec une affection de longue durée nécessitant des soins continus ou une interruption de travail supérieure à six mois, elle produit les arrêts de travail qui lui ont été prescrits par son médecin psychiatre, qui indique qu’ils sont sans rapport avec une affection de longue durée, du 4 juillet 2017 au 3 septembre 2017 avec comme motif médical ‘dépression d’épuisement’, du 4 septembre au 4 octobre 2017 avec comme motif médical ‘dépression sévère + névralgies cervicobrachiales’ et du 2 octobre au 6 novembre 2017 avec comme motif médical ‘dépression d’épuisement dans contexte professionnel difficile’.
Elle produit également :
– un certificat médical établi par un médecin généraliste le 12 décembre 2017 rédigée en ces termes : ‘Je soussignée Dr [A] déclare que madame [N] [S], que je suis depuis mai 2017, a présenté les symptômes suivants que je mets sous le compte d’un épuisement professionnel intense avec névralgie cervico-brachiale : perte de sommeil, perte de l’estime de soi, crampes d’estomac, prurit, angoisse envahissante et tristesse intense. A mon initiative, elle a consulté le Dr [L] [T], psychiatre qui a confirmé la dépression pour épuisement professionnel.’ ;
– un courrier adressé le 28 septembre 2017 par le Dr [I], médecin du travail, à un confrère rédigé en ces termes :
‘Je vois ce jour en visite de pré-reprise à sa demande [N] [S], âgée de 43 ans, arrêtée depuis maintenant 4 mois pour dépression nerveuse réactionnelle à un contexte d’épuisement.
Elle est directrice en commerce chez [B] et se sent aujourd’hui dans l’incapacité de reprendre son travail dans l’entreprise, même sur un autre poste, du fait de la structure même de l’entreprise avec des organisations complexes, une pression managériale, une évolution de l’entreprise qui ne correspond pas à ses valeurs. [N] me dit ‘reprendre c’est la garantie d’un échec.
Je me pose aujourd’hui la question (que se poste également [N]) d’une inaptitude à tout emploi chez [B].
Je vous prie de bien vouloir me donner votre avis.
Je me tiens à votre disposition pour tout échange.’
– l’avis du médecin du travail du 7 novembre 2017 la déclarant ‘Inapte à son poste avec impossibilité de reclassement : Tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé.’
La société [B] France ne justifie pas avoir fait convoquer Mme [S] depuis 2012 par son service médical à une visite périodique fixée à une date déterminée, le service médical ayant seulement adressé à la salariée le 8 juin 2015, puis le 10 octobre 2016, un courrier électronique la sollicitant pour la visite médicale qui a lieu tous les deux ans, en lui rappelant que celle-ci est obligatoire en application de l’article R. 4624-16 du code du travail et en la remerciant de contacter le service médical afin de la programmer ensemble, n’a pas évalué la charge de travail de la salariée dans le cadre du forfait-jours sur l’année qui lui a été appliqué et ne produit pas d’étude d’étude d’impact de la réorganisation ayant donné lieu à information-consultation des institutions représentatives du personnel en 2016.
La preuve de l’accroissement continu et déraisonnable de la charge de travail de Mme [S] au fil des réorganisations mises en oeuvre par la société [B] France n’est cependant pas rapportée.
S’il est établi que le périmètre géographique d’intervention de la salariée a été élargi, il n’est pas établi que sa charge de travail en ait été accrue, compte-tenu des moyens supplémentaires dont elle a bénéficié du fait des recrutements effectués.
Il n’est pas établi non plus que la dégradation de son état de santé soit à mettre en relation avec la proposition d’avenant caractérisant une promotion professionnelle qui lui a été faite, qu’elle pouvait refuser.
S’il est établi par les documents médicaux produits que Mme [S] a souffert d’une dépression nerveuse et que tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé, il n’est pas démontré cependant que la cause de cette dépression nerveuse soit imputable, comme elle le soutient, à ses conditions de travail, en l’absence d’éléments matériels justifiant de conditions de travail dégradées, les médecins qui l’ont examinée ne pouvant que rapporter ses déclarations quant à l’épuisement professionnel qu’elle indiquait être à l’origine de la dépression nerveuse constatée.
Si Mme [S] affirme avoir alerté oralement son employeur sur son mal-être lié à l’impossibilité de remplir ses fonctions compte-tenu de l’élargissement de son périmètre géographique d’activité et du manque de moyens mis à sa disposition, sur son état de stress et d’épuisement dès la fin de l’année 2016, elle n’en justifie pas.
Elle ne justifie pas avoir informé l’employeur avant le 21 juillet 2017 de la souffrance au travail qu’elle allègue avoir ressentie, étant précisé que le motif médical des arrêts de travail ne figure pas sur les avis d’arrêts de travail destinés à l’employeur.
A la suite du courrier électronique adressé à son employeur le 3 juillet 2017, dans lequel, après avoir indiqué qu’elle ignore si son arrêt de travail va être prolongé ou non par son médecin au-delà du 9 juillet 2017, la salariée écrit qu’en toute hypothèse il lui est très difficile aujourd’hui d’envisager sereinement la reprise de son poste chez [B], qu’elle souhaite discuter de la possibilité d’une rupture conventionnelle de son contrat de travail pour envisager son avenir avec davantage de sérénité, sans plus de précision, un entretien téléphonique a été fixé d’accord entre les parties au 21 juillet 2017. S’il est établi par le courrier électronique de Mme [F], responsable des ressources humaines, du 22 décembre 2017 que lors de cet entretien, Mme [S] a évoqué à un épuisement professionnel, il ressort de ce même courrier électronique que c’était la première fois qu’elle le faisait et qu’il lui a été alors indiqué que le plus important était qu’elle se repose et qu’il pourrait être discuté à son retour des solutions envisageables. Il ne saurait être reproché à l’employeur de ne pas avoir accédé à la demande de rupture conventionnelle de la salariée effectuée dans ces conditions.
Il ne saurait non plus être reproché à l’employeur d’avoir refusé d’engager la négociation sur une rupture du contrat de travail à bref délai qui lui a été proposée par l’avocat de Mme [S] par courrier du 31 août 2017, en lui imputant la responsabilité de la dégradation de l’état de santé de la salariée.
Il ne saurait enfin lui être reproché de ne pas avoir pris de mesures spécifiques dès lors que la salariée, dont le contrat de travail était suspendu, se refusait à envisager d’autre issue que la rupture de son contrat de travail.
Il n’est pas établi en l’espèce que l’inaptitude de la salariée trouve son origine, en tout ou partie, dans le comportement de l’employeur.
Le licenciement de Mme [S] pour inaptitude et impossibilité de reclassement est dès lors fondé sur une cause réelle et sérieuse. Il convient en conséquence de débouter Mme [S] de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents et de sa demande de dommages-intérêts pour perte du droit d’acquérir définitivement 230 actions gratuites qui lui avaient été attribuées le 3 octobre 2016, à défaut d’avoir été présente dans l’entreprise durant trois années à compter de cette date.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a débouté la salariée de ses demandes de ces chefs.
Sur le préjudice résultant de l’exécution déloyale d’une convention de forfait en jours
Mme [S] sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il lui a alloué la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale de la convention de forfaits en jours sur l’année.
A l’appui de sa demande, elle fait valoir que le manque de ressources mises à sa disposition et sa surcharge de travail ont détérioré son état de santé physique et psychologique et en veut pour preuve la dépression nerveuse réactionnelle à un épuisement professionnel constatée par son médecin traitant et par le médecin du travail.
Si, à défaut de justifier d’avoir fait bénéficier Mme [S] d’entretiens portant sur sa charge de travail, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, ainsi que sur sa rémunération, la société [B] France a manqué à son obligation de sécurité, il appartient à la salariée, qui sollicite l’allocation de dommages-intérêts de ce chef, de justifier du préjudice qui en a résulté pour elle.
Il a été ci-dessus retenu que Mme [S] disposait de ressources suffisantes pour remplir ses fonctions et n’a pas été soumise à une charge de travail excessive.
Il n’est pas établi que son amplitude de travail n’ait pas été raisonnable ou que son travail n’est pas été bien réparti dans le temps.
Il n’est pas établi que l’absence d’entretien portant sur sa charge de travail, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, ainsi que sur sa rémunération ait eu des incidences sur la santé de Mme [S].
Il convient en conséquence d’infirmer le jugement entrepris et de débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale de la convention de forfait en jours.
Sur le préjudice résultant de la violation de la procédure de modification du contrat de travail pour motif économique
Mme [S] fait valoir qu’en violant les dispositions de l’article L. 1222-6 du code du travail, relatives à la modification du contrat de travail pour motif économique, qui l’aurait contrainte à la licencier pour motif économique, la société [B] France l’a privée du bénéfice des mesures prévues par le plan de sauvegarde de l’emploi et du délai de carence réduit appliqué par Pôle emploi aux salariés licenciés pour motif économique et sollicite la somme de 227 070 euros au total à titre de dommages-intérêts pour le préjudice qui en a résulté pour elle. Elle sollicite subsidiairement la somme de 193 000 euros au total pour perte de chance de bénéficier des mesures d’accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l’emploi ainsi que du régime de faveur applicable par Pôle emploi aux salariés licenciés pour motif économique.
Il résulte de l’article L. 1222-6 du code du travail que la procédure qu’il prévoit est applicable lorsque l’employeur envisage la modification d’un élément essentiel du contrat de travail pour l’un des motifs énoncés à l’article L. 1233-3 du code du travail. En cas de refus par le salarié de la proposition de modification de son contrat de travail pour l’un des motifs énoncés à l’article L. 1233-3 du code du travail, l’employeur, qui peut renoncer à la modification proposée, n’est pas tenu de licencier l’intéressé.
Il n’est pas démontré en l’espèce que la société [B] France ait envisagé de licencier Mme [S].
A supposer que la modification du contrat de travail de Mme [S] ait été proposée pour l’un des motifs énoncés à l’article L. 1233-3 du code du travail, le non-respect des dispositions de l’article L. 1222-6 du code du travail par l’employeur a pour seule conséquence qu’il ne peut se prévaloir ni d’un refus, ni d’une acceptation de la modification du contrat de travail par le salarié concerné.
Mme [S] est donc mal fondée à soutenir que le non-respect des dispositions de l’article L. 1222-6 du code du travail l’a privée du bénéfice des mesures prévues par le plan de sauvegarde de l’emploi et du délai de carence réduit appliqué par Pôle emploi aux salariés licenciés pour motif économique ou qu’elle a perdu une chance d’un bénéficier. Il convient en conséquence de la débouter de la demande de dommages-intérêts qu’elle a formulée de ce chef à titre principal comme de la demande de dommages-intérêts pour perte de chance qu’elle a formulée à titre subsidiaire.
Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
Sur les dépens et l’indemnité de procédure
Mme [S] succombant à l’instance sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et déboutée de sa demande d’indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
Il n’est pas inéquitable de laisser à la charge de la société [B] France les frais irrépétibles qu’elle a exposés. Elle sera en conséquence déboutée de sa demande d’indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La COUR,
Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE,
Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en date du 25 juin 2020 sauf en ce qu’il a condamné la société [B] France à payer à Mme [N] [S] la somme de 10 000 euros à titre d’indemnités en ce qui concerne la demande sur les forfaits jours et la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et a laissé les dépens à sa charge ;
Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant :
Déboute Mme [N] [S] de sa demande de dommages-intérêts au titre du forfait jours ;
Déboute les parties de leurs demandes d’indemnités fondées sur l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés tant en première instance qu’en cause d’appel ;
Condamne Mme [N] [S] aux dépens de première instance et d’appel.
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Sophie RIVIERE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, La PRÉSIDENTE,