Épuisement professionnel : 16 décembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/09084

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Épuisement professionnel : 16 décembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/09084

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 16 DECEMBRE 2022

N° 2022/429

Rôle N° RG 19/09084 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEMGD

SCP [UM] [K] [PD] [B]

C/

[MW] [C]

Copie exécutoire délivrée

le :

16 DECEMBRE 2022

à :

Me Christian MAILLARD de la SCP SCP MAILLARD ET LEFEVRE, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Cedric PORIN, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE en date du 20 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/01489.

APPELANTE

SCP [UM] – [K] – [PD] – [B], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Christian MAILLARD de la SCP SCP MAILLARD ET LEFEVRE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Madame [MW] [C], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Cedric PORIN, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 26 Septembre 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Décembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Décembre 2022,

Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Madame [MW] [C] a été embauchée en qualité de clerc le 12 décembre 2016 par la SCP GAGNEUIL-[UM]-[K]-[PD] (GMBG) dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée du 12 décembre 2016 pour remplacement d’une salariée absente pour maladie jusqu’au 18 janvier 2017, prorogé jusqu’au 20 janvier 2017 par avenant du 18 janvier 2017 et jusqu’au 16 février 2017 par avenant du 20 janvier 2017.

Un nouveau contrat de travail à durée déterminée a été conclu entre les parties le 4 avril 2017, pour accroissement temporaire d’activité, pour une durée de six mois. Puis Madame [C] a été embauchée en qualité de clerc dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée du 3 octobre 2017.

Madame [C] a été en arrêt de travail pour maladie non professionnelle à compter du 18 avril 2018.

Elle a saisi la juridiction prud’homale par requête du 16 juillet 2018 d’une demande en requalification du contrat de travail à durée déterminée du 12 décembre 2016 en contrat de travail à durée indéterminée et de demandes en paiement d’une indemnité de requalification et de dommages-intérêts pour licenciement irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse, ainsi que d’une demande en requalification du contrat de travail à durée déterminée du 4 avril 2017 et d’une demande en paiement de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail et violation par l’employeur de son obligation de sécurité.

Madame [MW] [C] a été déclarée inapte à son poste le 5 novembre 2018 par le médecin du travail, qui a déclaré que l’état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi. Elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 26 novembre 2018.

Par jugement du 20 mai 2019, le conseil de prud’hommes de Marseille a :

-requalifié le contrat de travail à durée déterminée du 12 décembre 2016 en contrat à durée indéterminée,

-condamné la SCP [UM]-[K]-[PD]-[B] à payer à Madame [C] les sommes de:

-2174,91 euros au titre de l’indemnité de requalification du CDD en date du 12 décembre 2016,

-4357,68 euros au titre de rappel de salaire sur la période de décembre 2016 à novembre 2018,

-435,76 euros de congés payés y afférents,

-4500 euros à titre de dommages et intérêts pour l’exécution fautive du contrat de travail et la violation de son obligation de sécurité,

-1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-débouté la SCP [UM]-[K]-[PD]-[B] de sa demande reconventionnelle,

-condamné la SCP [UM]-[K]-[PD]-[B] aux entiers dépens.

La SCP [UM]-[K]-[PD]-[B] a interjeté appel du jugement par déclaration d’appel du 5 juin 2019.

L’affaire a été fixée par avis du 20 avril 2022 à l’audience collégiale du 26 septembre 2022 à 14 heures. La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée par ordonnance du 15 septembre 2022.

La SCP [UM]-[K]-[PD]-[B] a notifié par RPVA le 12 septembre 2022 des conclusions d’appelant n° 2. Madame [MW] [C] a notifié par RPVA le 14 septembre 2022 des conclusions d’intimée n° 3.

Par conclusions d’incident notifiées par RPVA le 14 septembre 2022, Madame [MW] [C] a sollicité du conseiller de la mise en état que les conclusions déposées par la société « GMBG » le 12 septembre 2022 soient jugées irrecevables en ce qui concerne la réplique à l’appel incident formé par Madame [C], la société « GMBG » n’ayant pas répliqué dans le délai imparti à l’appel incident formé par Madame [C] en date du 27 novembre 2019.

À l’audience du 26 septembre 2022 à 14 heures, le conseil de la SCP [UM]-[K]-[PD]-[B] a déclaré retirer ses conclusions en date du 12 septembre 2022, afin que le conseil de Madame [MW] [C] se désiste de son incident et que l’affaire ne soit pas renvoyée à la mise en état. Le conseil de Madame [C] a déclaré, par note du 27 septembre 2022, se désister de son incident.

Sont retenues les conclusions de la SCP [UM]-[K]-[PD]-[B] notifiées le 28 août 2019, lesquelles examinent l’ensemble des demandes présentées par Madame [C] en première instance, en sorte qu’elles répondent aux demandes formées à titre d’appel incident par la salariée.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses conclusions d’appelant notifiées par voie électronique le 28 août 2019, la SCP [YW] [UM], [R] [K], [KU] [PD], Hind [B] demande à la Cour de :

Réformer le jugement du Conseil de Prud’hommes de Marseille en date du 20 mai 2019 en ce qu’il a décidé de :

« – Requalifie le contrat de travail à durée déterminée du 12/12/2016 en contrat à durée indéterminée.

– Condamne la SCP [UM] -[K] – [PD] – [B] à payer à Madame [C] la somme de 2174,91 € au titre de l’indemnité de requalification du CDD en date du 12 décembre 2016.

– Condamne la SCP [UM] -[K] – [PD] – [B] à payer â Madame [C] la somme de 4357,68 € au titre de rappel de salaire sur la période de Décembre 2016 à Novembre 2018 ainsi que 435,76 € de congés payé y afférents.

– Condamne la SCP [UM] -[K] – [PD] – [B] à payer à Madame [C] la somme de 4500 € à titre de Dommages et Intérêts pour l’exécution fautive du contrat de travail et la violation de son obligation de sécurité.

– Condamne la SCP [UM] -[K] – [PD] – [B] à verser à Madame [C] la somme de 1000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

– Déboute du surplus des demandes – Déboute la SCP [UM] -[K] – [PD] – [B] de sa demande reconventionnelle. Condamne la SCP [UM] – [K] – [PD] – [B] aux entiers dépens »

Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [C] de ses autres demandes

Dire et juger qu’aucune tromperie n’a été opérée lors du recrutement en CDD

Que de la demande de requalification du CDD est prescrite,

Qu’aucun préjudice n’est justifié

Que les motifs de recours sont justifiés

Que le second CDD s’est poursuivi sans interruption par un CDI

Dire et juger irrecevable la demande de rappel de salaire au titre de l’égalité de traitement, demande d’ailleurs contradictoire avec les déclarations de Mme [C]

Dire et juger que les demandes fondées sur des faits d’inexécution fautive et violation de l’obligation de sécurité ne sauraient prospérer eu égard aux dispositions prises immédiatement en juillet 2018 par l’employeur

Que l’enquête RPS diligentée et confirmée par la CNIL contredit les affirmations de Mme [C]

Que Mme [C] n’a jamais alerté qui que ce soit avant le courrier de juillet 2018

Que les attestations produites, qui d’ailleurs généralement émanent de salariés qui n’ont jamais travaillé avec Mme [C], qui sont souvent contradictoires, ne font aucune allusion à Mme [C]

Que l’enquête de l’inspection du travail à l’initiative de Mme [C] a confirmé l’action positive de l’employeur

Que les résultats satisfaisants de l’enquête RPS sont confirmés par la grande masse des salariés

Constater l’absence d’information sur les prétendues conséquences sur la santé de Mme [C] en maladie non professionnelle

Dire et juger que le licenciement pour inaptitude avec obstacle à tout reclassement dans un emploi est totalement légal et licite

Que Mme [C] n’a justifié d’aucun préjudice notamment du fait d’un emploi retrouvé

Débouter Mme [C] de toutes ses demandes ;

La condamner au paiement de la somme de 3000 € nets au titre de l’article 700 du CPC.

Dire que dans l’hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans le jugement à intervenir, l’exécution forcée devra être réalisée par l’intermédiaire d’un huissier, le montant des sommes retenues par l’huissier devra être supporté par le débiteur en sus de l’application de l’article 700 du CPC.

Madame [MW] [C] demande à la Cour, aux termes de ses conclusions n° 3 notifiées par voie électronique le 14 septembre 2022, de :

JUGER la société appelante mal fondée en son appel.

JUGER Mme [C] bien fondée en son appel incident :

CONFIRMER la décision entreprise :

– en ce qu’elle a requalifié le contrat de travail à durée déterminée du 12 décembre 2016 en contrat à durée indéterminée et condamné en conséquence la SCP [UM]-[K]-[PD]-[B] au paiement de la somme de 2174,91 € à titre d’indemnité de requalification.

– en ce qu’elle a condamné l’appelante au paiement de la somme de 4 357,68 € à titre de rappel de salaire pour la période du mois de décembre 2016 au mois de novembre 2018, ainsi qu’à 435,76 € à titre de congés payés afférents.

– en ce qu’elle a constaté que la SCP [UM]-[K]-[PD]-[B] a violé son obligation de sécurité dans le cadre d’une exécution fautive du contrat de travail.

Madame [C] entend cependant solliciter des dommages et intérêts supérieurs aux 4 500 € octroyés à ce titre par la juridiction prud’homale.

CONFIRMER la décision entreprise :

– en ce qu’elle a condamné la SCP [UM]-[K]-[PD]-[B] au paiement de la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens de première instance.

REFORMER le jugement du Conseil de Prud’hommes en ce qu’i1 a « DEBOUTE du surplus des demandes » ;

REQUALIFIER en conséquence le contrat de travail à durée déterminée daté du 04 avril 2017 en contrat de travail à durée indéterminée ;

JUGER l’exécution du contrat de travail par l’employeur fautive à raison des agissements de l’employeur ;

JUGER que la société appelante a violé l’obligation de sécurité et de prévention des risques professionnels à laquelle elle était tenue ;

CONDAMNER la société appelante au paiement des sommes suivantes :

– 2 174,91 € (DEUX MILLE CENT SOIXANTE QUATORZE EUROS ET QUATRE VINGT ONZE CENTIMES) à titre d’indemnité spéciale de requalification relative au contrat de travail à durée déterminée daté du 04 avril 2017, en application de l’article L1245-2 du Code du Travail

CONDAMNER en outre la SCP GMBG au paiement des sommes suivantes :

– 2 174,91 € (DEUX MILLE CENT SOIXANTE QUATORZE EUROS ET QUATRE VINGT ONZE CENTIMES) à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement en application des dispositions des articles L1232-2 et L1232-4 du code du travail

– 4349,82 € (QUATRE MILLE TROIS CENT QUARANTE NEUF EUROS ET QUATRE VINGT DEUX CENTIMES) à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse en application des dispositions de l’article L1235-5 du Code du Travail

– 5000,00 € (CINQ MILLE EUROS) à titre de dommages et intérêts pour tromperie sur la nature du contrat du 12 décembre 2016 (articles L. 5331-3 et L. 5331-5 du Code du Travail)

– 10 000,00 € (DIX MILLE EUROS) à titre de dommages-intérêts pour exécution lourdement fautive du contrat de travail en application des dispositions des articles L. 1222-1, L. 4121-1 du code du travail et 1240 du Code civil

– 13 049,46 € (TREIZE MILLE QUARANTE NEUF EUROS ET QUARANTE SIX CENTIMES) à titre d’indemnité sur le fondement de l’article L 1226-15 du Code du Travail

– 4349,88 € (QUATRE MILLE TROIS CENT QUARANTE NEUF EUROS ET QUATRE VINGT HUIT CENTIMES) à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse (article L 1235-3 du Code du Travail

– 3000 € (TROIS MILLE EUROS) à titre d’indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

CONDAMNER la Société appelante aux dépens.

Sur la demande de dommages et intérêts pour tromperie sur la nature du contrat du 12 décembre 2016 :

À titre d’appel incident, Madame [C] fait valoir qu’elle a candidaté sur un poste en CDI d’assistante juridique le 14 septembre 2016, mais n’a pas été retenue ; que la responsable lui a indiqué qu’elle reviendrait vers elle, le cas échéant, lui laissant entrevoir la possibilité d’une embauche au sein de la structure ; que quelques semaines plus tard, alors qu’elle avait accepté un CDD de six mois au sein d’un cabinet d’avocats, elle était contactée le 9 décembre 2016 par la SCP [UM]-[K]-[PD]-[B] qui lui a proposé oralement un CDI devant commencer le 12 décembre 2016 ; que la concluante a mis fin à sa période d’essai avec le cabinet d’avocats, sans malheureusement prendre soin de signer au préalable le contrat à durée indéterminée promis par la SCP GMBG ; que la concluante verse un certain nombre de pièces tendant à démontrer l’existence de cette promesse de contrat de travail à durée indéterminée, non respectée ; qu’en prenant son poste le lundi 12 décembre 2016, Madame [C] se voyait proposer un CDD d’un mois ; qu’en vertu des articles L.5331-3 et L.5331-5 du code du travail, l’insertion d’une offre d’emploi comportant des affirmations fausses ou pouvant induire le candidat en erreur peut entraîner un dépôt de plainte au civil et donc engendrer le paiement de dommages et intérêts par l’entreprise ; qu’en l’espèce, l’intimée demande à titre de dommages et intérêts pour cette tromperie et pour le préjudice subi la somme de 5000 euros.

La SCP [UM]-[K]-[PD]-[B] a fait valoir devant le premier juge que Madame [C] avait postulé, en septembre 2016, au sein de l’étude GMBG à un poste d’assistante juridique et qu’elle n’avait pas été retenue ; que néanmoins, la société concluante avait conservé ses coordonnées et, en décembre 2016, en l’absence d’une collaboratrice, l’étude GMBG l’a contactée pour connaître sa disponibilité; que Madame [C] a accepté le 9 décembre 2016 le poste proposé en CDD, transmettant tous les éléments utiles à l’établissement de son dossier ; que Madame [C] ne produit aucun élément quant à une promesse d’embauche en CDI, procédant par allégation ; qu’elle a dénoncé les prétendus faits de tromperie, datant de décembre 2016, un an et demi plus tard, alors même qu’elle a une formation supérieure, a connu 11 employeurs et sait donc à quoi elle s’engage ; que le CDD de décembre 2016 a été conclu en remplacement d’une salariée absente et que le jugement doit être confirmé de ce chef.

Sur la demande de requalification du CDD du 12 décembre 2016 :

Sur la prescription

La SCP [UM]-[K]-[PD]-[B] conclut, dans le dispositif de ses écritures, que la demande de requalification du CDD est prescrite.

Madame [C] soutient qu’elle a vu son contrat rompu le 16 février 2017, alors que les ordonnances Macron n’étaient pas encore en vigueur ; qu’il y a donc lieu d’appliquer les dispositions de l’article L.1471-1 du code du travail en vigueur du 17 juin 2013 au 24 septembre 2017 ; en tout état de cause, que Madame [C] a diligenté la procédure prud’homale le 16 juillet 2018, moins d’un an après le 24 septembre 2017 et les ordonnances Macron ; que la rupture du contrat de travail est intervenue un an avant ces ordonnances et la saisine du conseil de prud’hommes est intervenue moins d’un an après les mêmes ordonnances ; qu’il n’y a donc pas lieu d’appliquer la prescription d’un an mais celle de deux ans.

Sur la requalification et l’indemnité spéciale de requalification

Critiquant le jugement dont appel, la SCP [UM]-[K]-[PD]-[B] fait valoir que la réalité du motif du contrat à durée déterminée du 12 décembre 2016 est prouvée par les arrêts de travail de Madame [T] [GK] ; que la société concluante ne nie pas que la qualification de la personne remplacée ne figure pas dans le contrat, Madame [C] confirmant cependant avoir occupé le poste de la personne remplacée aux mêmes conditions de qualification (clerc d’huissier) et de classification (catégorie 5, coefficient 296, catégorie employé) ; que par contre, Madame [C] a réclamé et obtenu devant le Conseil la somme de 2174,91 euros au titre de la requalification, alors qu’il ressort de l’attestation Pôle emploi que la salariée a travaillé 2 mois pour un total brut de 3814,79 euros (salaire mensuel brut de base : 1698,94 euros), soit une moyenne de 1907,39 euros qu’il convient de prendre en compte et non 2174,91 euros.

Madame [C] fait valoir que l’omission des mentions obligatoires que doit contenir un contrat de travail à durée déterminée justifie la requalification du contrat en contrat de travail à durée indéterminée ; que le défaut de la mention de la qualification précise de la salariée remplacée suffit à faire requalifier ledit contrat en contrat à durée indéterminée ; qu’il convient de confirmer la décision entreprise sur ce point.

Madame [C] sollicite la condamnation de son employeur au paiement de la somme de 2174,91 euros à titre d’indemnité spéciale de requalification, par confirmation du jugement entrepris.

Sur la rupture du contrat de travail du 12 décembre 2016 :

Sur la prescription

La SCP [UM]-[K]-[PD]-[B] relève, dans le corps de ses écritures, que la prescription de 12 mois à compter de la notification de la rupture, prévue par l’article L.1471-1 du code du travail dans sa rédaction actuelle, s’applique et que Madame [C] a diligenté la procédure le 16 juillet 2018 alors que le contrat a été rompu le 16 février 2017.

Madame [C] fait valoir que l’article L.1471-1 du code du travail dans sa version du 24 septembre 2017, visée par l’appelante, n’est pas applicable ni à la date de la rupture du contrat de travail, ni à celle de la saisine du conseil de prud’hommes par la salariée ; qu’il n’y a pas lieu d’appliquer la prescription d’un an, mais celle de deux ans.

Sur l’irrégularité de la rupture du contrat de travail

À titre d’appel incident, Madame [MW] [C] fait valoir que la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée conduit à appliquer à la rupture du contrat les règles régissant le licenciement ; que l’appelante n’a jamais convoqué Madame [C] à un entretien préalable au licenciement; que la concluante est en conséquence bien fondée à solliciter des dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement à hauteur de 2174,91 euros.

La SCP [UM]-[K]-[PD]-[B] conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a débouté Madame [C] de ses demandes ce chef.

Sur la rupture du contrat de travail

À titre d’appel incident, Madame [C] fait valoir qu’à défaut pour l’employeur d’avoir notifié sa décision de licencier par lettre recommandée avec avis de réception, lettre qui doit comporter l’énoncé des motifs invoqués par la société, le licenciement est nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La SCP [UM]-[K]-[PD]-[B] conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a débouté Madame [C] de ses demandes de ce chef.

Sur l’indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

À titre d’appel incident, Madame [C] réclame le paiement de 4349,82 euros à titre de dommages et intérêts en application des dispositions de l’article L.1235-5 du code du travail (version applicable à l’époque des faits). Elle fait valoir qu’elle a subi une situation de précarité, depuis son embauche en contrat à durée déterminée, jusqu’à ce que lui soit finalement proposé un contrat à durée indéterminée au mois d’octobre 2017; que la rupture irrégulière et sans lettre de licenciement et la période au cours de laquelle elle s’est trouvée au chômage (entre le 16 février et le 4 avril 2017) constituent en tout état de cause manifestement un préjudice que la Cour de céans se doit de réparer.

La SCP [UM]-[K]-[PD]-[B] fait valoir que Madame [C] avait 2 mois d’ancienneté, qu’elle ne justifie d’aucun préjudice ; que sa prétention est d’autant plus discutable que le contrat s’étant terminé le 16 février 2017, elle a été réembauchée le 4 avril 2017 et qu’il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande en paiement de dommages et intérêts.

Sur la demande de requalification du CDD du 4 avril 2017 et l’indemnité spéciale de requalification :

À titre d’appel incident, Madame [C] fait valoir qu’elle a été embauchée le 4 avril 2017 en qualité de clerc d’huissier pour pourvoir à un prétendu surcroît temporaire d’activité (« surcroît de transfert de dossier crédit conso ») ; que le motif de recours invoqué est faux ; qu’elle a en réalité occupé exactement le même poste que celui qu’elle avait occupé jusqu’au 16 février 2017, en remplacement d’une salariée absente, Madame [T] [GK], laquelle n’était toujours pas rentrée de son congé maternité ; qu’il convient par conséquent d’ordonner la requalification du contrat de travail à durée déterminée du 4 avril 2017 en contrat à durée indéterminée.

Madame [C] fait valoir que, la requalification du contrat de travail à durée déterminée étant fondée sur l’article L.1242-12 du code du travail, elle est bien fondée à solliciter l’octroi de l’indemnité spéciale de requalification à hauteur de la somme de 2174,91 euros correspondant à un mois de salaire établi sur la moyenne des mois de salaire travaillés au sein de la SCP GMBG.

La SCP [UM]-[K]-[PD]-[B] fait valoir que l’objet du contrat est « un surcroît de transfert de dossiers crédit conso » ; que Madame [C] a été affectée sur les dossiers conso RST et R0; que les chiffres donnés dans ses écritures démontrent la réalité du motif de recours et que le jugement doit être confirmé en ce qu’il a débouté la salariée que sa demande de ce chef.

La SCP [UM]-[K]-[PD]-[B] soutient que l’indemnité de requalification n’est pas due lorsqu’un CDD régulier s’est simplement poursuivi après l’échéance du terme et s’est transformé « automatiquement » en contrat à durée indéterminée en application de l’article L.1243-11 du code du travail et que le jugement doit être confirmé en ce qu’il a débouté Madame [C] de sa demande de requalification.

Sur la demande de rappel de salaire au titre de l’égalité de traitement :

Sur la recevabilité de la demande

La SCP [UM]-[K]-[PD]-[B] soulève l’irrecevabilité de la demande de rappel de salaire, totalement nouvelle, qui n’a pas fait l’objet d’une saisine du conseil de prud’hommes, alors qu’en vertu de l’article 4 du code de procédure civile, « l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Ces prétentions sont fixées par l’acte introductif d’instance et par les conclusions en défense » et que l’article 70 dispose que « les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant ».

Par ailleurs, la SCP [UM]-[K]-[PD]-[B] soutient que Madame [C] se contredit totalement dans ses écritures : elle a demandé la requalification du CDD de remplacement en CDI au motif qu’elle n’occupe pas le poste de remplacement de Madame [GK], mais un poste autonome et indépendant, puis dans les mêmes conclusions, elle sollicite la même rémunération que Madame [GK] qu’elle affirme avoir remplacée ; qu’elle est donc ici encore irrecevable, selon le principe d’estoppel, à effectuer des demandes multiples au préjudice de la société en s’appuyant sur des arguments contradictoires.

Madame [C] fait valoir que l’appelante soulève dans ses écritures et ce, pour la première fois, l’article 70 du code de procédure civile, au motif que cette demande était additionnelle et irrecevable car non rattachée aux prétentions originaires par un lien suffisant ; que la SCP GMBG n’a toutefois jamais évoqué, à aucun moment, l’irrecevabilité de cette demande en première instance ; que la différence de traitement est directement liée à l’exécution du contrat de travail, sur lequel le conseil de prud’hommes est habilité à statuer.

Sur l’inégalité de traitement

La SCP [UM]-[K]-[PD]-[B] critiquant le jugement dont appel fait valoir que Madame [GK] a une maîtrise de Droit Privé et un Master en droit de la Banque et des Opérations Patrimoniales alors que Madame [C] à un niveau Bac + 3 avec un Deug B (Anglais), une licence LCE (Anglais) et une petite formation d’assistante juridique ; que de plus, Madame [C] n’hésite pas à englober dans sa demande toute la période du CDI (à partir du 4 avril 2017) où elle ne remplaçait personne ; qu’elle réclame de même un rappel de salaire sur la période non travaillée (février à avril 2017) ; qu’elle doit être déboutée de sa demande.

Madame [MW] [C] fait valoir qu’elle a été embauchée en remplacement de Madame [GK], qui percevait un salaire de base de 1900 euros brut par mois, alors qu’elle a été embauchée pour la remplacer sur la base d’un salaire de 1698,09 euros brut par mois, rémunération qu’elle a perçue jusqu’au 31 décembre 2017, ayant ensuite bénéficié d’une évolution du point et d’un salaire de base de 1734,12 euros jusqu’à la date de la rupture de son contrat de travail, le 27 novembre 2018 ; qu’il n’est pas discutable que Madame [C], qui avait le même emploi de clerc d’huissier, la même qualification non cadre, dans le même département de la même entreprise, avec le même indice n° 5 et le même coefficient 296, devait bénéficier du même salaire de base, qui ne pouvait être inférieur à 1900 euros brut par mois ; que l’appelante croit pouvoir expliquer la différence de salaire entre Madame [GK] et l’intimée en arguant que Madame [GK] est diplômée en droit, alors que les diplômes ne font pas partie des critères de rémunération pris en compte par l’appelante, qu’il lui est donc dû un rappel de salaire de décembre 2016 à novembre 2018 pour un montant total brut de 4357,68 euros, outre les congés payés afférents

Sur l’exécution fautive du contrat de travail et violation par l’employeur de son obligation de sécurité :

La SCP [UM]-[K]-[PD]-[B] critiquant le jugement dont appel fait valoir tout d’abord que le conseil de prud’hommes a déjà prononcé la condamnation de la société à verser la différence de salaires pour une somme de 4357,68 euros majorée des congés payés au titre de l’article L.1242-15 du code du travail et qu’il prononce ensuite une seconde condamnation sur ce même fait, cette fois en application de l’article L.1222-1, arguant de l’exécution fautive ; que la Cour sanctionnera cette décision qui sanctionne 2 fois les mêmes faits (non bis in idem).

Elle soutient qu’à la suite du courrier du 18 juillet 2018 de la salariée, la société a pris immédiatement les mesures nécessaires en vertu de l’article L.4121-1 du code du travail, en proposant à la déléguée du personnel, Madame [LN] [CI], la conduite d’une enquête commune conformément aux dispositions de l’article L.2313-2 ; que sur les recommandations de l’inspection du travail, une enquête sur les risques psychosociaux a été diligentée et réalisée par la société ELSE CONSULTANTS, dans des conditions de confidentialité rappelées dans le mail de la société du 17 avril 2018 ; que la CNIL a aussi enquêté ; qu’il est ainsi établi officiellement que les accusations de Madame [C] sont sans fondement et que l’étude [UM] a pris immédiatement les mesures qui s’imposaient en matière d’obligation de sécurité de résultat ; que la demande de Madame [C] doit être rejetée.

La SCP [UM]-[K]-[PD]-[B] relève également que Madame [C] ne relate aucun fait qui lui soit personnel, qu’elle communique à l’appui de ses assertions des attestations d’autres salariés, procédant ensuite par généralisation des situations, mais ne produit aucune pièce qui la concerne personnellement ; qu’elle produit certaines attestations établies par des salariés ayant engagé une action judiciaire contre leur employeur pour des griefs identiques ; que certains témoins n’ont même pas connu Madame [C] ; que l’inspectrice du travail a constaté l’action positive de l’employeur et n’a donné aucune suite à son enquête ; que la société concluante communique les résultats de l’enquête RPS et les attestations de salariés venant contredire la version de Madame [C] ; qu’aucun lien n’est établi entre les allégations de la salariée contre son employeur et son état de santé et que Madame [C] doit être déboutée de sa demande.

Madame [C] fait valoir qu’elle a connu des conditions d’exercice de ses fonctions particulièrement pénibles en raison des relations entretenues avec les associés de l’Etude GMBG, qui sont devenus de plus en plus hostiles à son égard, et du mal-être généralisé de l’ensemble des salariés ; que la pression pour la réalisation d’objectifs particulièrement difficiles à atteindre, le comportement insultant et les remarques acerbes entendues de la part de Maître [PD] lors de la convocation surprise du 18 avril 2018, l’ont poussée à consulter son médecin traitant ainsi qu’un psychiatre ; que la concluante a rédigé le 18 juillet 2018 un courrier particulièrement circonstancié dans lequel elle retrace les difficultés vécues au sein de la SCP GMBG ; que ce que la concluante a décrit dans son courrier a été corroboré par de nombreux autres salariés de l’Etude, ayant eux-mêmes saisi le conseil de prud’hommes pour des faits de harcèlement moral ; que Madame [C] a subi les agissements suivants : des humiliations en public, un management par la crainte, des incitations à la démission, une culture obsessionnelle du chiffre, une surveillance des salariés par caméras, l’interdiction d’utiliser le téléphone, l’intolérance des pauses, les heures supplémentaires non rémunérées, le stress par le bruit incessant de la sonnerie du standard, sciemment réglée au volume maximum, le stress par les convocations pour recevoir des reproches infondés, la déstabilisation des salariés par le déplacement intempestif de leurs postes de travail, un important turnover, une tentative de suicide d’une salariée sur les lieux de travail ; que la concluante n’indique pas qu’elle était victime de harcèlement moral, au sens individuel, mais il n’en demeure pas moins que la forme insidieuse et pernicieuse de harcèlement institutionnel que revêtent les pratiques précitées, a eu pour effet la détérioration progressive de la santé de Madame [C] ; que la société appelante n’a pris aucune mesure de protection à son égard, ce qui a eu pour effet d’aboutir finalement à son licenciement pour inaptitude ; que les attestations produites par l’employeur doivent être écartées des débats, que quasiment tous les salariés ayant attesté ont disparu aujourd’hui des effectifs notamment pour dépression, burnout et/ou inaptitude, étant observé que la totalité de ces attestations ne porte jamais sur Madame [C] ; qu’en raison du comportement fautif de ses supérieurs hiérarchiques, Madame [C] a connu une dégradation importante de son état de santé, ainsi qu’une dégradation manifeste de ses conditions de travail ; qu’il convient en conséquence de condamner la société appelante au paiement de la somme de 10’000 euros, par réformation du quantum des dommages-intérêts alloués par le premier juge, pour exécution lourdement fautive du contrat de travail et non respect par l’employeur de son obligation de sécurité de résultat.

Sur la rupture du contrat de travail pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement :

Sur le manquement à l’obligation de consulter le comité social et économique

À titre d’appel incident, Madame [C] fait valoir qu’elle a été licenciée le 26 novembre 2018 pour inaptitude physique à son poste de travail et impossibilité de reclassement, sans consultation du comité social et économique ; que depuis le 1er janvier 2017, l’obligation de consulter les délégués du personnel s’applique que l’inaptitude soit d’origine professionnelle ou non ; que l’obligation de consulter les délégués du personnel s’applique même lorsque le reclassement est impossible ; que l’avis des délégués du personnel ne porte pas seulement sur la ou les propositions de reclassement faites au salarié mais sur l’existence même d’un autre emploi approprié aux capacités du salarié en fonction des tâches existantes dans l’entreprise ; qu’en application des dispositions des articles L.1226-15 et L.1226-10 du code du travail, Madame [C] est bien fondée à solliciter une indemnité de 6 mois de salaire, soit la somme de 13’049,46 euros.

La SCP [UM]-[K]-[PD]-[B] fait valoir que la jurisprudence citée par Madame [C] dans ses écritures est inapplicable au litige puisque rendue sous la législation antérieure ; qu’aucune jurisprudence n’a été rendue par la Cour de Cassation en interprétation des dispositions légales entrées en vigueur depuis le 1er janvier 2017 ; qu’en l’espèce, l’avis d’inaptitude portant la mention que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi autorise l’employeur à licencier le salarié pour inaptitude sans avoir à justifier de l’impossibilité de reclassement ; que la société GMBG était donc dispensée de recherches de reclassement et que, dans une telle hypothèse, la consultation du CSE n’était pas nécessaire (position validée par le conseil de prud’hommes, comme par la cour d’appel de Riom, et par l’inspection du travail) ; que la procédure d’inaptitude est parfaitement valable et que Madame [C] doit être déboutée de sa demande.

Sur l’inaptitude physique, conséquence de la violation par l’employeur de son obligation de sécurité

Madame [C] fait valoir que le comportement lourdement fautif de l’employeur est à l’origine de son arrêt de travail ; que la société appelante n’a jamais cherché à protéger la santé ou la sécurité de Madame [C]; qu’en conséquence, l’inaptitude de la salariée étant imputable au comportement de son employeur, son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La SCP [UM]-[K]-[PD]-[B] soutient, d’une part, qu’aucun manquement ne peut lui être reproché ; que de plus, pour que le licenciement suite à une inaptitude soit considéré comme sans cause réelle et sérieuse au motif que l’inaptitude résulte de manquements de l’employeur à ses obligations, encore faut-il qu’il s’agisse d’une inaptitude d’origine professionnelle c’est-à-dire consécutive à un accident du travail; que l’inaptitude de Madame [C] est consécutive à des arrêts de travail non professionnels ; que celle-ci est donc infondée à remettre en cause la légitimité du licenciement entreprise sur ce chef.

Sur l’indemnisation

Madame [C] fait valoir qu’elle avait une ancienneté d’un an à la date de son licenciement ; qu’elle est bien fondée, conformément à l’article L.1235-3 du code du travail, à solliciter l’octroi de dommages-intérêts à hauteur de deux mois de salaire, soit la somme de 4349,88 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La SCP [UM]-[K]-[PD]-[B] fait valoir que Madame [C] a moins de deux ans d’ancienneté, qu’elle ne verse aux débats aucune preuve d’un quelconque préjudice, qu’elle a été embauchée le 3 avril 2019 par le cabinet d’avocats Maître [L] et que la Cour déboutera la salariée de cette demande.

SUR CE :

Sur la demande d’indemnisation pour tromperie sur la nature du contrat de travail du 12 décembre 2016 :

S’il ressort des pièces versées par Madame [C] que celle-ci a répondu à une offre d’emploi de la société GMBG sur un poste d’assistant(e) juridique en CDI (pièce 50) et qu’elle a rencontré à l’étude le 19 septembre 2016, dans le cadre d’un entretien d’embauche, Madame [NP] [RR], cet entretien n’a toutefois pas été suivi de l’embauche de Madame [C], laquelle a certes relancé Madame [RR] par courriel du 4 octobre 2016 mais cette dernière lui a répondu le même jour : « Malheureusement pour le moment nous ne pouvons donner suite à votre candidature. Nous apprécions votre démarche et nous ne manquerons pas de revenir vers vous le cas échéant » (pièce 11).

Il ne ressort aucunement du courriel du 4 octobre 2016 de Madame [RR] que celle-ci aurait laissé entrevoir à Madame [C] la possibilité d’une embauche au sein de l’étude, la seule formule d’usage « nous ne manquerons pas de revenir vers vous le cas échéant » ne constituant aucunement la promesse d’une embauche future.

Si Madame [C] a été recontactée par la société GMBG début décembre 2016, alors même qu’elle était employée depuis le 1er décembre 2016 par une société d’avocats dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée d’une durée de six mois, elle procède par voie d’affirmation et non de démonstration lorsqu’elle prétend qu’il lui aurait alors été proposé une embauche par contrat de travail à durée indéterminée, étant observé qu’elle a été employée à compter du 12 décembre 2016 sur un poste de clerc, et non sur le poste d’assistant(e) juridique proposé à l’embauche en septembre 2016.

Le fait que Madame [C] ait démissionné de son emploi au sein de la société d’avocats à effet du 9 décembre 2016, date à laquelle elle transmettait par courriel à Madame [RR] « les documents nécessaires à l’établissement de mon dossier d’embauche » (pièce 14), n’établit pas qu’elle bénéficiait d’une promesse d’embauche de la société GMBG en contrat de travail à durée indéterminée. Les pièces transmises par la salariée à son nouvel employeur (pièces 16 à 18) ne font aucunement référence à une embauche à durée indéterminée. De même, le courrier du 9 décembre 2016 de Madame [C] adressé au cabinet d’avocats évoque le souhait de l’intéressée d’interrompre la période d’essai de son contrat à durée déterminée, sans que celle-ci ne fasse état de l’obtention d’un contrat de travail à durée indéterminée chez un autre employeur.

En conséquence, il ne résulte aucunement des éléments versés par Madame [C] que la SCP [UM]-[K]-[PD]-[B] aurait fait publier ou diffuser une offre d’emploi sur le poste d’assistante juridique, comportant des allégations fausses ou susceptibles d’induire le candidat en erreur, ni que la société ait fait croire à la salariée qu’elle serait embauchée sur le poste de clerc dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée, alors qu’elle a été employée dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée.

En conséquence, la Cour confirme le jugement en ce qu’il a débouté Madame [C] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour tromperie sur la nature du contrat du 12 décembre 2016.

Sur la requalification du contrat de travail à durée déterminée du 12 décembre 2016 :

Si la SCP [UM]-[K]-[PD]-[B] conclut, dans le dispositif de ses écritures, que « la demande de requalification du CDD est prescrite », elle n’invoque pas toutefois cette prétention dans le corps de ses conclusions, ni aucun moyen de fait et de droit sur lequel cette prétention serait fondée. Il résulte par ailleurs des écritures de la SCP [UM]-[K]-[PD]-[B] présentées le 12 mars 2019 devant les premiers juges, ainsi que des prétentions et moyens de la défenderesse exposés dans le jugement du conseil de prud’hommes de Marseille en date du 20 mai 2019, que la fin de non-recevoir tirée de la prescription n’a pas été présentée devant les premiers juges.

Si cette fin de non-recevoir peut être proposée en tout état de cause, y compris pour la première fois en cause d’appel, la Cour constate que la SCP [UM]-[K]-[PD]-[B] ne présente pas de moyen au soutien de sa prétention.

À défaut de tout moyen invoqué dans la discussion, la Cour déboute la SCP [UM]-[K]-[PD]-[B] de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action de Madame [C] en requalification de son contrat de travail.

La réalité du motif de recours au contrat de travail à durée déterminée du 12 décembre 2016, à savoir le remplacement d’une salariée absente pour maladie, Madame [T] [GK], n’est pas discutée, étant précisé que la société MBGM produit les bulletins de paie de la salariée remplacée des mois de décembre 2016 et janvier 2017, mentionnant son absence pour maladie à partir du 9 décembre 2016 jusqu’au 31 janvier 2017.

Le contrat de travail à durée déterminée du 12 décembre 2016 précise que Madame [MW] [C] est employée pour exercer les fonctions de clerc, catégorie 5, coefficient 296, statut employé, « en remplacement de Madame [T] [GK] absente pour maladie jusqu’au 18.01.2017 », sans que ne soit précisée la qualification professionnelle de la salariée remplacée.

Aux termes de l’article L.1242-12 du code du travail, lorsqu’un contrat à durée déterminée est conclu en application de l’article L.1242-2 1° du même code, il doit comporter le nom et la qualification de la personne remplacée. En l’absence de cette mention, le contrat est réputé conclu pour une durée indéterminée et l’employeur ne peut écarter la présomption légale ainsi instituée.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il a ordonné la requalification du contrat de travail à durée déterminée du 12 décembre 2016 en contrat de travail à durée indéterminée.

Si en principe, l’indemnité de requalification ne peut être inférieure au dernier salaire mensuel perçu par le salarié au sein de l’entreprise, avant la saisine de la juridiction, en cas de requalification de CDD successifs, les parties s’accordent toutefois, en l’espèce, à reconnaître qu’il y a eu rupture du contrat de travail du 12 décembre 2016 à la date du 16 février 2017.

La SCP [UM]-[K]-[PD]-[B] ne prétend pas, ni Madame [C], qu’au cas de requalification du CDD du 12 décembre 2016 en contrat de travail à durée indéterminée, la requalification aurait pour effet de requalifier les contrats successifs en une relation contractuelle unique, ayant pris fin par la notification du licenciement en date du 26 novembre 2018.

Dans ces conditions, l’indemnité de requalification doit être calculée, au titre de la relation salariale à effet du 12 décembre 2016 jusqu’au 16 février 2017, sur la base du dernier salaire mensuel perçu par la salariée antérieurement à la rupture du contrat de travail en date du 16 février 2017.

En conséquence, la Cour réforme le jugement sur le quantum de l’indemnité de requalification et accorde à Madame [MW] [C] la somme de 1907,39 euros à titre d’indemnité de requalification, correspondant à la moyenne du salaire total perçu par la salariée sur les deux mois travaillés.

Sur la rupture du contrat de travail du 12 décembre 2016 :

Alors que la SCP [UM]-[K]-[PD]-[B] développe, dans les motifs de ses conclusions, son moyen venant au soutien de la prescription de l’action de Madame [C] portant sur la rupture du contrat de travail, cette prétention n’est toutefois pas présentée dans le dispositif, de même que n’est pas demandée l’irrecevabilité des prétentions de la salariée au titre de la rupture de son CDD dans le dispositif des écritures de la société appelante. Par conséquent, la Cour n’est pas saisie de cette fin de non-recevoir.

La SCP [UM]-[K]-[PD]-[B] ne discute pas que la rupture du contrat de travail du 12 décembre 2016, requalifié en contrat de travail à durée indéterminée, est intervenue le 16 février 2017, en dehors de toute procédure de licenciement et de lettre motivée de rupture.

Il convient de confirmer le jugement et de dire que la rupture du contrat de travail en date du 16 février 2017 est irrégulière et dépourvue de cause réelle et sérieuse.

Madame [MW] [C] invoque une situation de précarité jusqu’à ce que lui ait été finalement proposé un contrat à durée indéterminée au mois d’octobre 2017. Elle ne verse aucun élément sur l’évolution de sa situation professionnelle entre le 16 février 2017 et le 4 avril 2017, date de sa réembauche par la société GMBG, affirmant sans en justifier qu’elle s’est trouvée au chômage, ni sur ses ressources.

En considération de son ancienneté de deux mois dans l’entreprise et du montant de son salaire mensuel brut (1907,39 euros), la Cour accorde à Madame [C] la somme de 1000 euros à titre de dommages-intérêts tant pour irrégularité de la procédure de licenciement que pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la requalification du contrat de travail à durée déterminée du 4 avril 2017 :

Madame [MW] [C] a été employée en qualité de clerc, catégorie 5, coefficient 296, statut employé, le 4 avril 2017 dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée pour accroissement temporaire d’activité en date du 4 avril 2017. Il est mentionné à l’article 6 « Objet et durée du contrat » que Madame [C] « est embauchée afin d’aider la société à réaliser la tâche « clerc d’huissier » résultant d’une augmentation temporaire du volume d’activité de l’entreprise du fait d’un surcroît de transfert de dossiers crédit conso », ce pour une durée de six mois.

La SCP [UM]-[K]-[PD]-[B] soutient que Madame [C] a été affectée sur les dossiers conso RTS et R0 et présente des chiffres qui, selon elle, démontrent la réalité du motif de recours:

– RTS :

146’051 euros en 2016

286’939 euros en 2017 soit + 96,46 %

– RO :

5’143’770 euros en 2016

5’626’590 euros en 2017 soit + 9,39 %.

Toutefois, les chiffres ainsi énoncés par la SCP [UM]-[K]-[PD]-[B] dans ses écritures ne sont corroborés par aucune pièce versée aux débats. Au surplus, les chiffres donnés par la société appelante dans ses écritures démontrent tout au plus un accroissement de l’activité de l’entreprise, sans que la société ne rapporte la preuve qu’il s’agissait d’un accroissement temporaire.

La SCP [UM]-[K]-[PD]-[B] ne rapporte donc pas la preuve de la réalité du motif de recours d’un accroissement temporaire d’activité.

En conséquence, alors qu’il a été vu ci-dessus qu’aucune des parties n’invoque que la requalification du premier CDD du 12 décembre 2016 aurait eu pour effet de requalifier les contrats successifs en une relation contractuelle unique, la Cour fait droit à la prétention de Madame [C] et ordonne la requalification du contrat de travail à durée déterminée du 4 avril 2017 en contrat de travail à durée indéterminée au vu de l’irrégularité dudit contrat, peu important que le contrat se soit poursuivi par un contrat de travail à durée indéterminée conclu entre les parties le 3 octobre 2017.

En conséquence, la Cour accorde à Madame [MW] [C] la somme de 2174,91 euros à titre d’indemnité de requalification, dont le calcul du montant n’est pas discuté.

Sur la demande de rappel de salaire au titre de l’égalité de traitement :

Contrairement à ce qui est prétendu par Madame [C], le moyen soulevé par la SCP [UM]-[K]-[PD]-[B], soutenant que la demande de la salariée est irrecevable car elle ne se rattache pas aux prétentions originaires par un lien suffisant, constitue une fin de non-recevoir susceptible d’être soulevée en tout état de cause, y compris pour la première fois en cause d’appel.

L’instance a été introduite par la salariée par requête du 16 juillet 2018, postérieurement au 1er août 2016 et à la suppression du principe de l’unicité de l’instance prud’homale. L’article R.1452-2 du code du travail dispose désormais que la requête introductive d’instance contient un exposé sommaire des motifs de la demande et mentionne chacun des chefs de celle-ci.

Toute prétention nouvelle, non mentionnée dans la requête introductive d’instance, est ainsi par principe irrecevable en cours d’instance prud’homale, à l’exception des demandes incidentes au sens de l’article 63 du code de procédure civile, qui demeurent recevables si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant selon l’article 70 du même code.

Madame [MW] [C] a saisi le conseil de prud’hommes de Marseille le 16 juillet 2018 des demandes suivantes :

-requalification du contrat de travail à durée déterminée du 12 décembre 2016 en contrat de travail à durée indéterminée et paiement de l’indemnité spéciale de requalification,

-indemnités sollicitées au titre de la rupture du contrat de travail du 12 décembre 2016 : dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement et dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

-requalification du contrat de travail à durée déterminée du 4 avril 2017 en contrat de travail à durée indéterminée et versement d’une indemnité de requalification,

-dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail et violation par l’employeur de son obligation de sécurité.

Les manquements invoqués par la salariée au titre de l’exécution fautive du contrat de travail ne sont pas fondés sur une inégalité de traitement.

La demande additionnelle présentée par Madame [C] dans ses conclusions de première instance développées devant le bureau de jugement, à l’audience du 12 mars 2019, en paiement d’un rappel de salaire au titre d’une inégalité de traitement est sans lien avec les demandes originaires en requalification des contrats de travail à durée déterminée, en paiement d’indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail au titre de la dégradation de ses conditions de travail et l’absence de mesure de protection prise par l’employeur.

Il s’ensuit que la demande en paiement de rappels de salaire au titre de l’inégalité de traitement est irrecevable. Le jugement ayant accordé à Madame [C] un rappel de salaire de ce chef est infirmé.

Sur l’exécution fautive du contrat de travail et violation par l’employeur de son obligation de sécurité:

Alors que la demande de Madame [C] en paiement d’un rappel de salaire au titre de l’inégalité de traitement a été ci-dessus déclarée irrecevable, il n’y a pas lieu d’examiner le moyen invoqué par la SCP [UM]-[K]-[PD]-[B] selon laquelle la Cour ne pourrait sanctionner l’exécution fautive du contrat de travail en application du principe non bis in idem.

Madame [MW] [C], qui invoque avoir subi des agissements fautifs de l’employeur, produit les pièces suivantes :

-le courrier du 9 avril 2018 adressé par Madame [MW] [C] à l’inspection du travail, ayant pour objet une « Dénonciation de faits constitutifs de harcèlement sur mon lieu de travail », en ces termes : « Je vous écris afin de vous faire part des conditions de travail délétères dont je suis victime au sein de l’étude d’huissiers GMBG située [Adresse 2], où j’exerce les fonctions de clerc d’huissiers.

Je souhaite conserver l’anonymat afin de me préserver des représailies de la part de mes employeurs et ne pas être « grillée » dans la profession.

Néanmoins, je ressens le besoin de vous écrire aujourd’hui car la situation est pour moi de plus en plus intolérable.

J’ai été embauchée par la SCP GMBG le 4 avril 2017, d’abord en CDD de six mois, valant période d’essai, puis en CDI.

Depuis que j’ai intégré cette étude, je subis les abus suivants matérialisés par :

– des humiliations en public qui se traduisent par des remarques acerbes, déplacées et sans rapport avec le travail, qui peuvent aller jusqu’à la remise en question de mon éducation,

– un management par la crainte, si ce n’est par la terreur, encouragé par les dirigeants,

– des incitations à la démission : à plusieurs reprises, Me [KU] [PD], m’a dit « que je n’avais qu’à démissionner si je n’aimais pas sa façon de communiquer »,

– une culture obsessionnelle du « chiffre » au détriment de ma santé, encore selon Me [PD] : « n’ayez pas d’états d’âme. Seul le chiffre compte ». Je dois atteindre des objectifs chiffrés difficilement atteignables chaque mois’

– une surveillance disproportionnée qui se traduit par l’observation incessante au moyen des caméras au-dessus des bureaux,

– l’impossibilité de prendre de l’eau à la fontaine de l’étude (hors d’usage depuis décembre 2017),

– l’impossibilité de prendre des pauses ou l’obligation de la rattraper si elle est exceptionnellement autorisée,

– l’intimidation de la hiérarchie pour être à la disposition de l’étude cinq minutes avant l’heure d’arrivée le matin et cinq minutes avant l’heure d’arrivée après la pause déjeuner,

– l’exigence de Me [PD] qu’une permanence soit tenue à la pause déjeuner le mardi entre midi et treize heures quand il est absent de l’étude,

– la sonnerie stridente et incessante du standard, sciemment réglée au volume maximum par Me [UM], de manière à nous obliger, moi et les autres clercs à répondre,

– Les convocations « surprises » pour recevoir des reproches sur le manque de rentabilité si l’objectif chiffré n’est pas fait,

– Des changements soudains, intempestifs et fréquents de place comme si nous étions de simples objets,

– Un important turn-over avec l’obligation de former continuellement les nouveaux arrivants en sus de la charge importante de travail que nous devons assumer.

Je vous laisse le soin d’imaginer l’impact psychologique de ce management …

J’éprouve un sentiment d’insécurité et de malaise permanent quand je me rends à l’étude, et une anxiété croissante quand je vois Me [YW] [UM] et Me [KU] [PD] s’approcher de moi, même quand c’est pour me saluer.

Non seulement je me sens trompée et lésée, mais de surcroît, traitée comme moins que rien, au mépris de mon âge et de mon expérience. Je souffre cruellement de ce manque de respect et de reconnaissance. J’ai honte de moi, de me laisser traiter comme un objet.

Financièrement, je n’ai pas d’autre choix que de subir cette situation, en attendant de trouver un autre emploi.

Néanmoins, cette situation est de plus en plus difficile pour moi : je ne compte plus les crises de larmes la nuit quand je repense à toutes ces avanies, les migraines, les week-ends gâchés à penser au lundi qui vient, l’impossibilité de bâtir un projet.

Mon médecin m’a prescrit de puissants anxiolytiques qui me permettent de pouvoir dormir et de tenir le coup.

Mais pour combien de temps ‘

J’èspère que vous parviendrez à améliorer mes conditions de travail et vous en remercie vivement par avance » ;

-un courriel du 23 avril 2018 de Madame [MW] [C] adressé à l’inspectrice du travail, avec pour objet « Enquête sur les risques psychosociaux au sein de l’étude GMBG », en ces termes :

« Je vous écris encore une fois afin de vous faire part des agissements dont je suis à nouveau victime au sein de l’étude d’huissiers GMBG située [Adresse 2], où j’exerce les fonctions de clerc d’huissiers depuis le 4 avril 2017.

Le lundi 9 avril, à la suite de votre rapport, Me [K] envoie par mail à tous les salariés de l’étude un questionnaire à remplir afin de mener une enquête sur les risques psychosociaux pour y répondre de manière anonyme.

Le 10 avril, les employeurs ont fait enlever les caméras de surveillance et le 11 avril, ils ont fait remplacer la fontaine.

Le 17 avril, les employeurs nous ont informés par mail que le questionnaire devait être envoyé par courriel à [HE] [S], du cabinet ELSE CONSULTANT, chargé de cette enquête.

Je vous adresse, en pièce jointe, les courriels que j’ai reçus de la part des huissiers de l’étude, le questionnaire que j’ai rempli et le mail qui a servi à l’envoyer à [HE] [S] du cabinet ELSE CONSULTANT.

Outre les légères améliorations de mes conditions de travail, j’ai répondu, en date du 17 avril, aux questions de manière à exprimer ce que je ressentais au sein de l’étude.

Les autres salariés nourrissent de fortes présomptions quant à la préservation de la confidentialité et m’ont affirmé que les mails envoyés étaient tracés et lus par Me [UM].

Néanmoins, le doute n’est pas une certitude. J’ai donc adressé le questionnaire rempli avec de vraies réponses, en dépit de l’avis des autres salariés.

La réaction des employeurs a été quasi immédiate. Le mercredi 18 avril, je suis convoquée par Me [PD], en présence de [KA] [VG], animateur de pôle et [BO] [PX], clerc d’huissier, comme moi.

Au cours de cette réunion, que je qualifierais de comparution devant jurés, Me [PD] m’a reproché :

mon manque de rentabilité par rapport à mes collègues, d’être une paresseuse qui gagne son salaire sur le dos de ses autres équipiers

et a également fait allusion, de manière négative, à mon étiquette syndicale CGT, en me disant que « j’avais le tort de verser dans la psychologie » comme le fait, selon lui, le syndicat CGT.

Ma manière de travailler a été remise en cause de manière humiliante.

J’ai évoqué mon mal être et la pression que je subissais, mais il n’a rien voulu entendre. Me [PD] m’a répondu avec une suffisance insupportable « Moi, les états d’âmes, je n’en ai rien à foutre. J’ai un client qui demande des résultats, un point c’est tout. »

Comme si cela n’était pas suffisant, dans la demi-heure qui a suivi, me voilà de nouveau convoquée, cette fois devant « les juges », Me [PD] et Me [UM], où cette fois, il m’a été reproché jusqu’au fait d’avoir signé un CDI, pour me faire comprendre que j’étais inutile à l’étude, que je ne rapportais rien.

J’étais en sueurs et j’ai dû faire un effort incommensurable pour me contenir et ne pas m’effondrer.

le lendemain matin, donc le jeudi 19 avril, je fus incapable de me lever de mon lit. Je ne parviens plus à continuer à souffrir et subir en silence. J’ai donc appelé mon médecin en urgence qui, en me voyant ainsi en état de choc, m’a littéralement interdit de remettre les pieds dans cette étude. Je suis aujourd’hui sous antidépresseurs en plus des anxiolytiques.

Je me sens trahie par cette enquête. Je suis perdue et je n’arrive plus à envisager mon avenir professionnel au sein de l’étude. J’ai honte et me sens terriblement mal d’être en maladie. J’ai pris RDV avec la médecine du travail, Mme [CV] pour lui faire part de cette situation.

Je vous remercie par avance pour ce que vous pourrez faire pour moi… » ;

-son courrier du 18 juillet 2018 adressé à la SCP GMBG,, à l’attention de Maîtres [R] [K], [YW] [UM] et [KU] [PD], ayant pour objet « exécution de mauvaise foi de mon contrat de travail et défaut à l’obligation de sécurité de résultat », avec copie notamment adressée à l’inspection du travail, en ces termes :

« Je vous écris afin de vous informer, par la présente, que je saisis l’inspection du travail en raison des conditions de travail délétères que je subis dans votre étude et de votre exécution de mauvaise foi de mon contrat de travail.

Je n’ai pas accompli cette démarche auparavant car il m’était trop pénible d’évoquer mes griefs à votre endroit, d’autant plus que la sincérité est sanctionnée dans votre étude. A présent, bien que mon état ne soit toujours pas stabilisé en raison des violents chocs émotionnels que j’ai traversés, je suis plus en mesure de dénoncer vos agissements et l’ambiance malsaine de votre structure.

En effet, depuis que j’ai été embauchée dans votre étude, j’ai été maintenue dans un état de précarité extrême sans espoir aucun d’évolution professionnelle, aussi bien au niveau de mes conditions de travail que sur le plan de ma rémunération.

[…]

Etant donné les circonstances troubles de ma première embauche, la non-conformité de ce premier CDD qui ne fait pas état de la qualification de la personne remplacée, et le motif fallacieux du second contrat, j’ai pris conseil auprès de mon avocat. Une requête introductive d’instance auprès du conseil de prud’hommes est actuellement en cours.

Tout au long de ma présence dans votre étude, j’ai fait l’objet de brimades, de réflexions déplacées qui s’apparentent à des injures, autant de la part de ma hiérarchie que de vous-mêmes.

Mon manager, prise en la personne de Madame [RR], a, de manière répétée, bafoué ma dignité devant tout un plateau téléphonique, en proférant des propos insultants, complètement déplacés et hors du contexte professionnel, du style : « [MW], il te faudrait un fiancé, car ça fait du bien par là où ça passe », alors que j’avais exprimé une doléance, ou bien en remettant mon éducation en question sur un ton méprisant.

J’ai dû aussi subir ses écarts de langage et son agressivité à mon égard lors de réunions d’équipe, du genre:

« Si vous ne faites pas le chiffre, c’est simple, je prends [VG] avec moi et les deux autres sautent (j’étais incluse dans les « deux autres sautent ») ou bien « vous avez intérêt à remplir les objectifs ou alors vous allez en bouffer du portefeuille !! » J’ai préféré me taire car la dignité ne paie pas les factures.

De toute ma carrière professionnelle, je n’ai jamais vécu autant d’abus, qui se sont matérialisés par :

– des humiliations en public par votre manager, qui se traduisent par des remarques acerbes, déplacées et sans rapport avec le travail, qui peuvent aller jusqu’à la remise en question de mon éducation,

– votre management par la crainte, si ce n’est par la terreur,

– vos incitations à la démission (Me [PD]),

– Votre culture obsessionnelle du « chiffre» au détriment de ma santé : « Les états d’âme, je n’en ai rien à foutre. J’ai un client quli demande des résultats. Un point c’est tout. » (Me [PD])

– Votre surveillance disproportionnée qui se traduit par l’observation incessante au moyen de caméras positionnées au-dessus des bureaux,

– Votre interdiction de passer des coups de fil, en cas d’urgence, sinon par le biais d’une triple autorisation,

– Votre intolérance d’aucune pause,

– L’intimidation par vos managers pour être à la disposition de l’étude avant l’heure et d’effectuer des heures supplémentaires non rémunérées, témoignant, selon Mme [RR] de « l’investissement personnel de chacun »,

– Votre exigence qu’une permanence soit tenue pendant la pause déjeuner, d’où une obligation, soit de réduire la pause du déjeuner d’une heure, soit de manger sur le bureau,

– Le bruit incessant de la sonnerie du standard, sciemment réglée au volume maximum de manière à nous obliger, moi et les autres clercs à répondre,

– Vos convocations pour recevoir des reproches infondés (manque de rentabilité, manque de professionnalisme, irresponsabilité, … ),

– Des changements intempestifs et fréquents de place : j’ai été placée face à un mur pour des soi-disant raisons stratégiques, que je ne m’explique pas. J’ai hâte de connaître le motif de cette « place d’honneur » qui m’a été allouée, si ce n’est pour me rabaisser davantage et m’isoler.

– Un important turn-over qui impacte mon travail puisque qu’il faut former les nouveaux arrivants en sus d’une importante charge de travail (cadences infernales),

La situation a atteint son paroxysme lorsque nous avons été invités à répondre à un questionnaire dans le cadre d’une enquête sur les RPS que vous avez diligentée auprès d’ ELSE CONSULTANTS.

La procédure qui m’a été indiquée par Me [K] était la suivante : il fallait répondre à ce questionnaire et le retourner via notre boîte e-mail. Me [K], dans son message de diffusion du questionnaire, adressé à toute l’étude, a assuré que nos réponses demeuraient anonymes et confidentielles.

J’ai donc répondu en toute sincérité en évoquant mon mal-être au travail en espérant que les choses changeraient en profondeur. Je dois admettre que là, je me suis montrée vraiment naïve.

Le lendemain même, soit le 18 avril 2018, vous m’avez fait l’ « insigne honneur » de deux convocations, à moins d’une heure d’intervalle entre les deux « procès », afin de me reprocher mon manque de rentabilité, insinuer que je n’étais qu’une « profiteuse » qui gagne son salaire sur le dos de ses collègues et pire encore, me reprocher d’avoir signé mon deuxième CDD.

J’estime indigne, réducteur et veule de me reprocher d’avoir signé ce deuxième contrat. Si mon travail était aussi insatisfaisant, pourquoi donc avez-vous conclu un deuxième CDD et pourquoi dès lors, l’avoir converti en CDI à son terme ‘

A l’issue de ces deux entrevues, pour le moins humiliantes, j’ ai dû faire un effort incommensurable pour ne pas m’effondrer et conserver ma dignité. Là, j’avais vraiment touché le fond, c’en était trop.

Néanmoins, je ne peux que constater un lien de cause à effet entre mes réponses au questionnaire car votre réaction à ces réponses ne s’est pas fait attendre. J’en deduis donc que vous avez eu connaissance du contenu de mes réponses à cette enquête, dont la confidentialité a été enfreinte. Si tel est le cas, vous êtes certes les propriétaires de la boîte e-mail, cependant la confidentialité du contenu doit être respectée, ainsi que vous en avez assuré tous les salariés.

Bafouée et trahie, j’ai été incapable de me rendre à mon poste de travail tant j’étais effondrée. Je ne pouvais plus envisager de reprendre le travail dans de telles conditions. Le médecin a donc prescrit un arrêt maladie, toujours en cours.

Au vu de ce qui précède, il s’avère que non seulement, vous m’avez poussée dans mes retranchements, mais que, de surcroît, vous et vos sympathisants m’ont traitée comme moins que rien, au mépris de ma personne.

Je n’aurais jamais imaginé vivre une situation pareille chez un employeur et ce qui la rend encore plus intolérable est qu’elle se produise dans une étude d’huissiers de justice, officiers ministériels assermentés et nommés par le Garde des Sceaux.

Ainsi que je vous l’ai indiqué au début de ma lettre, je demande l’intervention de l’inspection du travail dans l’éventualité d’un retour au sein de votre étude » ;

-différentes attestations de témoins, recueillies dans le cadre de procédures prud’homales diligentées par d’autres salariés de la société GMBG, ces témoins salariés de l’entreprise rapportant :

-la dégradation des conditions de travail au sein de l’étude,

-les humiliations subies par les salariés de la part de la direction,

-la peur des salariés de dénoncer les conditions de travail, de peur de représailles, remontrances, basculement sur un portefeuille aux objectifs inatteignables (attestation du 17 janvier 2017 de M. [XI] [WU]) ;

-la surveillance des salariés par l’installation de vidéosurveillance les filmant non-stop sur leurs postes de travail,

-les convocations des salariés plusieurs fois par jour,

-l’incitation à la démission en cas de doléances,

-la peur inspirée par les « patrons qui faisaient régner la terreur et tentaient de nous monter les uns contre les autres pour éviter les copinages’ Dans cette idée de nous monter les uns contre les autres et de mettre la pagaille entre les salariées, Me [K] avait cette lubie de toujours vouloir nous séparer’ elle nous changeait très souvent de place’ » (attestation du 4 février 2018 de M. [JG] [J]),

-la sonnerie « insupportable » du standard, placée au-dessus des têtes des salariés, le volume monté au maximum pour obliger ceux-ci à y répondre (attestation du 18 mai 2017 de M. [JG] [J]),

-un management par la crainte, des pressions systématiques,

-de multiples réunions (parfois plusieurs par jour) n’ayant d’autre but que de maintenir les salariés sous tension (attestation du 16 janvier 2017 de M. [ZP] [V]),

-un dénigrement des salariés pendant les réunions,

-les sautes d’humeur de Maître [R] [K] et les hurlements de Maître [UM],

-une ambiance pesante due à la pression de la part de la hiérarchie, une ambiance délétère,

-un turnover constant,

[notamment attestations du 28 juillet 2016 de Mme [Y] [IM] et M. [MC] [HY], attestations des 6 août 2016 et 31 mars 2017 de Mme [Y] [GZ], attestation du 16 janvier 2017 de M. [ZP] [V], attestation du 17 janvier 2017 de M. [XI] [WU], attestations des 13 janvier et 12 août 2017 de Mme [HT] [EX], attestation du 27 mars 2017 de M. [YR] [U], attestation des 18 mai 2017 et 4 février 2018 de M. [JG] [J], attestation du 28 mars 2018 de M. [MC] [AS] et attestation du 15 mai 2018 de Mme [LN] [CI], déléguée du personnel] ;

-un courrier du 2 mars 2018 de l’inspecteur du travail adressé à Monsieur [YR] [U], suite à la demande d’intervention de ce dernier « concernant une situation de souffrance au travail », l’inspecteur du travail concluant qu’il avait pu constater certains faits dénoncés par ce salarié (absence de reconnaissance du travail, surcharge de travail, heures supplémentaires non payées, turnover important) et que « les risques psycho-sociaux que vous décrivez ne vous sont pas propres mais concernent l’ensemble des salariés » ;

-la première page d’une plainte en ligne établie par Madame [LN] [CI] (déléguée du personnel) auprès de la CNIL le 12 mars 2018, plainte ainsi exposée : « Plusieurs caméras filment les salariés en continu sur leurs postes de travail y compris ceux qui ne sont pas en relation avec le public, elles filment les représentants du personnel, ainsi que l’accès à leurs locaux.

Les salariés n’ont pas été au préalable informés individuellement (par avenant au contrat de travail, courrier’) sur les dispositifs de contrôle mis en ‘uvre.

La vidéosurveillance semble donc disproportionnée au vu de l’activité et ne peut être justifiée par une volonté de l’employeur de sécurité, puisque l’accès aux locaux est protégé par un digicode qui peut être modifié au besoin » ;

-un extrait du site internet de la CNIL « Comment se passe un contrôle de la CNIL ‘ » ;

-un premier courrier du 30 novembre 2018 de la CNIL annonçant que l’analyse des éléments collectés lors du contrôle du 14 novembre 2018 dans les locaux de la SCP [UM]-[K]-[PD]-[B], est toujours en cours ; un deuxième courrier de la CNIL du 11 février 2019 accusant réception de la demande du 11 février 2019 de Madame [MW] [C] ;

-le courrier du 29 août 2019 de la CNIL adressé à Madame [MW] [C] et concluant :

– « la délégation a été informée de la mise en ‘uvre d’un dispositif d’enregistrement des écoutes téléphoniques à des fins de « soufflage et d’amélioration de la performance des salariés », dispositif qui n’était plus mis en ‘uvre au jour du contrôle. Néanmoins, la délégation a constaté la présence d’anciens enregistrements relatifs à des écoutes téléphoniques de salariés datant de janvier 2016’», la délégation ayant demandé à la société de bien vouloir procéder à l’effacement des données relatives aux employés,

– « Par ailleurs, les vérifications opérées ont révélé que l’information des salariés relative aux dispositifs d’écoute et/ou d’enregistrement des conversations téléphoniques était insuffisante.

En effet, aucune information formelle des salariés n’avait été effectuée. De plus, la délégation a constaté qu’une icône apparaissait sur le poste informatique d’un salarié lorsque celui-ci était mis sous écoute, alors que la signification de cette icône n’avait pas été portée à la connaissance de l’ensemble des salariés et ne saurait tenir lieu d’information’

Il a été demandé en conséquence à la société de bien vouloir informer l’ensemble du personnel de la mise en ‘uvre du dispositif d’écoute et/ou d’enregistrement des conversations téléphoniques, de l’identité du responsable de traitement, de la finalité poursuivie par le traitement ainsi que de leurs droits et des modalités d’accès aux conversations enregistrées’ » ;

-la charte informatique GMBG ;

-un courrier du 26 juillet 2018 de l’inspecteur du travail adressé à Madame [MW] [C], lui indiquant notamment : « Concernant les effets de turn over important, présence des caméras, surcharge de travail, du niveau sonore du standard, et le décompte des heures de travail. Un contrôle a déjà été effectué sur ces thématiques. La société SCP GMBG a pris en compte ces problématiques par l’étude RPS réalisée dans leurs locaux. La sonnerie du standard a été changée et diminuée, les caméras situées au-dessus des postes de travail ont été enlevées, enfin un nouveau système de décompte de la durée du travail a été mis en place au mois de juin 2018.

Pour le management par la crainte et les propos injurieux tenus par votre manager, je ne pourrai constater ces faits lors d’un contrôle, sauf si vous communiquez une liste de noms de salariés, encore présent dans l’entreprise, ayant assisté aux scènes que je puisse auditionner pour corroborer vos affirmations » ;

-un courrier du 23 février 2018 de l’inspection du travail adressé à la SCP [UM]-[K]-[PD]-[B], ayant pour objet « suite à l’enquête sur une situation de souffrance au travail effectuée les 25 et 26 octobre 2017 au sein de votre étude », enquête faisant suite à la saisine de Messieurs [J] et [U], l’inspecteur du travail concluant :

– « sur les 10 salariés interrogés pendant les deux jours d’entretiens, il ressort une souffrance au travail pour 60 % des salariés’ »,

– selon les déclarations d’une grande majorité des salariés : la cadence est très élevée, la charge de travail est importante pour 90 % des salariés interrogés, les heures supplémentaires réalisées ne sont pas rémunérées, un turnover important impliquant la nécessité de former les nouveaux entrants’,

– l’analyse du registre unique du personnel permet de constater un turnover important dans la société,

– un nombre important de jours d’arrêt maladie sont pris par les salariés ;

– l’absence de prise en compte du risque psychosocial dans le DUER ;

– le constat d’un dispositif de vidéosurveillance (7 caméras) qui semble disproportionné au regard de la finalité de sécurité (seule la caméra du sas d’entrée étant adaptée afin de prémunir l’agent d’accueil de toute menace physique), le constat que le nombre d’arrêts maladie augmente notablement depuis la mise en place de ce système (mai 2017),

– il ressort également des entretiens que certains salariés se sentent épiés notamment par le système de vidéosurveillance,

– le système de vidéosurveillance disproportionné crée un risque psychosocial pour les salariés,

– « en conclusion de tous les constats établis sur les risques psychosociaux au sein de l’étude, ces faits constituent une infraction aux dispositions des articles L.4121-1 à L.4121-5 et R.4721-2 du code du travail » ;

-un courrier du 15 mai 2018 du Docteur [WA] [DJ], psychiatre, adressé à l’attention du Docteur [CV] (médecin du travail) : « Je me permets de vous informer que je suis Mme [C] [MW] qui présente un syndrome anxieux important avec une note thymique, nécessitant un arrêt de travail prolongé et la mise en place d’un traitement anxiolytique et antidépresseur.

Malheureusement pour Mme [C], je l’ai rencontrée en urgence lors d’un paroxysme d’angoisse ; cette symptomatologie anxio-dépressive, selon les dires de Mme [C], serait le fait de conditions professionnelles délétères pour elle.

Au vu de son état, un arrêt prolongé est nécessaire et souhaitable afin d’endiguer le ressenti » ;

-l’avis d’arrêt de travail initial de Madame [C] en date du 19 avril 2018, mentionnant un syndrome dépressif réactionnel, et les avis de prolongation jusqu’au 30 septembre 2018 mentionnant un burn out, un syndrome dépressif, un syndrome d’épuisement ;

-la copie du dossier médical de la médecine du travail concernant Madame [MW] [C] dans lequel sont mentionnées, à la date du 22 mai 2018 (visite médicale à la demande de la salariée) les déclarations de la salariée relatives à « des rapports sociaux dégradés » ; il est indiqué que l’état psychologique de la salariée n’est pas stabilisé (idem lors de l’examen médical du 18 juin 2018 et lors de l’examen médical du 26 juillet 2018);

-l’avis d’inaptitude de la médecine du travail en date du 5 novembre 2018, concluant à l’inaptitude de Madame [MW] [C] à son poste de travail et précisant que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi » ;

-le courrier du 26 juillet 2018 de la SCP GMBG, en réponse au courrier du 18 juillet 2018 de Madame [MW] [C], en ces termes :

« Nous faisons suite à votre courrier du 18 juillet dernier dans lequel et pour la première fois vous portez à notre connaissance le reproche fait à notre étude et vis-à-vis de plusieurs associés d’une exécution de mauvaise foi de votre contrat de travail et un défaut de respect de notre obligation de sécurité de résultat.

Nous avons également réceptionné la copie de votre assignation par devant le Conseil de prud’hommes de Marseille déposée en date du 16 juillet 2018.

Dans la mesure où vous avez saisi la justice d’un certain nombre de griefs contenus dans votre courrier, il reviendra au Conseil de prud’hommes de juger – dans la mesure où nous ne partageons pas votre point de vue.

Vous n’êtes également pas sans savoir que suite à votre courrier du 18 juillet 2018, Madame [CI], membre CSE et déléguée syndicale a demandé à ce qu’une enquête soit ouverte en interne pour faire la lumière sur les termes de votre courrier.

Nous vous avisons que nous y avons répondu favorablement dès le 20 juillet et que nous demeurons dans l’attente d’une date de disponibilité de Madame [CI] pour la mise en ‘uvre de cette enquête.

Bien entendu, si vous le souhaitez, nous vous associerons à cette dernière.

En tout état de cause nous tenons d’ores et déjà à clarifier le fait que les associés de l’étude n’ont absolument pas eu connaissance des réponses des salariées de l’étude (et donc de la vôtre) au questionnaire RPS.

Le fait que vous ayez été rencontrée par Me [PD] le 18 avril 2018 est une pure coïncidence, ce dernier n’étant d’ailleurs pas au courant du fait que vous ayez pu répondre au questionnaire la veille.

Il n’y a donc aucun lien entre l’entretien du 18 avril 2018 et votre réponses au questionnaire RPS.

Nous tenions à vous le préciser, et espérons que le résultat de l’enquête qui sera menée pourra permettre de lever tout doute à ce sujet.

Nous vous souhaitons un prompt rétablissement et sommes navrés que votre arrêt de travail puisse avoir un lien avec notre étude, la santé de nos salariés demeurant une priorité » ;

-un certificat d’arrêt de travail du 25 novembre 2020 concernant une salariée de la société GMBG pour « tentative de suicide sur le lieu de travail » ; la requête aux fins de saisine du conseil de prud’hommes du 12 août 2022 de cette salariée, Madame [F] [LI] ;

-des décisions de justice concernant des salariées de la SCP [UM]-[K]-[PD]-[B] : jugement de départage du conseil de prud’hommes d’Avignon du 12 février 2021 concernant Monsieur [YR] [U], jugement de départage du conseil de prud’hommes d’Orange du 6 avril 2021 concernant Madame [LN] [CI], arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence du 29 avril 2022 concernant Madame [SK] [W], arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence du 22 juillet 2022 concernant Madame [HT] [EX], l’ensemble de ses décisions reconnaissant l’existence d’un harcèlement moral subi par ces salariés.

*

Les témoignages versés par Madame [C] ne relatent aucun fait, événement ou propos se rapportant à elle. Certains témoins n’ont pas été présents au sein de l’étude en même temps que Madame [C] (Mesdames [EX] et [GZ] et Messieurs [HY] et [WU]).

Ces témoignages décrivent toutefois une ambiance délétère, des pratiques managériales créant un état de stress chez les salariés (des pressions exercées par la hiérarchie pour aboutir à des résultats, un management par la crainte, des convocations de salariés plusieurs fois par jour, les changements de place), une surcharge de travail, des objectifs difficiles à atteindre ou inatteignables, une surveillance continuelle des salariés par caméras, la sonnerie du standard à un volume maximum, les écoutes téléphoniques, faits suffisamment précis et situés dans le temps notamment entre décembre 2016 et avril 2018, période pendant laquelle Madame [C] était présente dans l’entreprise (du 12 décembre 2016 au 16 février 2017 et du 4 avril 2017 jusqu’au 18 avril 2018, date de suspension de son contrat de travail pour arrêt maladie).

La SCP [UM]-[K]-[PD]-[B], qui réplique qu’elle a diligenté une enquête sur les risques psychosociaux, qu’elle a pris immédiatement les mesures nécessaires en vertu de l’article L.4121-1 du code du travail suite au courrier du 18 juillet 2018 de Madame [C] et qu’il est établi que les accusations de la salariée sont sans fondement, produit les pièces suivantes :

-son courrier du 26 juillet 2018 cité ci-dessus, en réponse au courrier du 18 juillet 2018 de Madame [C];

-le courrier du 19 juillet 2018 adressé par Madame [LN] [CI], déléguée CSE et déléguée syndicale, à la SCP MBGE, pour indiquer que suite au courrier du 18 juillet 2018 de Madame [MW] [C], elle entendait mettre en ‘uvre les prérogatives que lui accordent les dispositions de l’article L.2312-59 alinéa 1 du code du travail et elle sollicitait une rencontre avec son employeur ; le courriel en réponse du 20 juillet 2018 de l’employeur ;

-le courrier du 23 octobre 2018 de la SCP GMBG à Madame [LN] [CI] en date du 23 octobre 2018 et le compte rendu d’enquête suite à l’exercice d’un droit d’alerte par un délégué du personnel, tel que retranscrit dans les conclusions de la société appelante :

« Préambule

Le présent compte-rendu formalise les modalités du déroulement d’une enquête faisant suite à un signalement et une saisine de SCP GMBG prise en la personne de Maîtres [K], [UM] et [PD], en leur qualité d’Huissiers associés, signalement et saisine effectués le 19 juillet 2018 par courrier de Madame [LN] [CI], Délégué du Personnel du Comité Social et Économique suite au courrier du 18 juillet 2018 de Madame [MW] [C], salariée de l’entreprise. Saisine effectuée dans le cadre des dispositions de l’article L 2313-2 du Code du travail.

o Madame [LN] [CI] a été saisie le 18 juillet 2018 en sa qualité de déléguée du personnel, par Madame [MW] [C] salariée de la SCP GMBG et occupant la fonction de Clerc d’Huissier. Cette saisine a fait suite à des évènements qui ont eu lieu le 18 avril 2018. Madame [LN] [CI] a considéré, en sa qualité de déléguée du personnel, que ces circonstances caractérisaient une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l’entreprise suivant la définition de l’article L2313-2 précité.

o Les associés de la SCP ont immédiatement proposé à Madame [LN] [CI] la conduite d’une enquête commune conformément aux dispositions de l’article L2313-2 précité, sur les points suivants :

2 entretiens le jour du 18 avril 2018 par Maître [PD] et Maître [UM]

(point évoqué par Madame [MW] [C] dans son courrier du 18 juillet 2018)

Les autres points (contestation de ses CDD et conditions de travail) évoqués dans le courrier de Madame [C] ont fait l’objet d’une requête aux Prud’hommes de Marseille en date du 16 juillet 2018 et ne devaient donc pas être abordés dans le cadre de l’enquête. (Confirmation par mail du 28 août 2018)

Documents référents :

Courrier de Madame [MW] [C] du 18 juillet 2018 (pièce 1)

Courrier de Madame [MW] [C] remis par Madame [LN] [CI] lors de la 1ère réunion (pièce 13)

Premier entretien du 3 septembre 2018 10h00 :

Présents : Maître [B] – Madame [FR], DRH – Madame [CI], Déléguée du Personnel du CSE.

Personne entendue : Maître [KU] [PD]

Me [PD] a été interrogé par Me [B], Madame [CI] et Madame [FR] sur les deux « convocations » successives du 18 avril 2018

Cette réunion de travail a été faite à la demande de Madame [PX] (Coordinatrice) et Monsieur [VG] au sujet du comportement de Madame [C], qui depuis quelque temps, avait des relations agressives avec les débiteurs. Me [PD] précise que cette réunion s’est déroulée dans une ambiance cordiale et constructive. Elle avait pour objectif de recueillir des explications de Madame [C] sur son changement d’attitude professionnelle et de lui apporter de l’aide sur la méthodologie d’encaissement.

Me [PD] précise que c’était une réunion de travail et non une convocation et qu’en aucun cas il fallait y trouver un lien avec l’enquête RPS en cours. Les démarches nécessaires avaient été faites pour une confidentialité totale des réponses à cette enquête (pièce 14)

Deuxième entretien du 3 septembre 2018- 17h15 :

Présents : Maître [B] – Madame [FR], DRH – Madame [CI], Déléguée du Personnel du CSE.

Personnes entendues : Maître [KU] [PD] et Monsieur [KA] [VG] (Chef de Pôle de Mme [C])

Me [PD] confirme que cette réunion de travail s’est passée calmement et sereinement sans aucun évènement particulier

Monsieur [VG] confirme avoir demandé une réunion de travail à Me [PD] concernant le changement de comportement de Mme [C] vis-à-vis des débiteurs.

Monsieur [VG] prétend que la réunion s’est passée dans une ambiance cordiale avec pour objectif d’aider Mme [C].

Monsieur [VG] a été surpris de recevoir un arrêt de travail de Mme [C] le lendemain, étant resté avec elle jusqu’à son départ de l’étude à 18h00.

Il précise qu’il n’a pas vu Mme [C] « déstabilisée lors de la réunion, elle parlait normalement et n’avait pas l’air d’être terrorisée. Elle ne balbutiait pas ».

Monsieur [VG] et Madame [C] ont repris le travail sereinement après l’entrevue de Madame [C] avec Me [UM].

Monsieur [VG] et Madame [C] se sont « souhaités une bonne soirée en partant à 18h00 »

Troisième entretien du 10 septembre 2018 – 14h45 :

Présents : Maître [B] – Madame [FR], DRH – Madame [CI], Déléguée du Personnel du CSE.

Personne entendue : Maître [KU] [PD]

Sur l’échange de Madame [C] avec Me [UM] et Me [PD] :

Me [PD] explique que Me [UM] souhaitait voir Madame [C] afin d’avoir des explications sur son « mal être » et comprendre ce qu’il se passait. Me [UM] a rencontré Madame [C] le 18 avril en qualité de Co-gérant de l’étude. L’échange n’a duré que 10 minutes et a été cordial.

Me [PD] confirme qu’en quittant le bureau de Me [UM], Madame [C] ne présentait un trouble ni stress particulier.

Madame [FR] propose d’interroger Me [UM] sur ce point.

Madame [CI] souligne que Madame [C], dans son courrier détaillé remis dans le cadre de l’enquête, que sa problématique était sa prime d’objectif du mois de décembre 2017.

Me [PD] et Monsieur [VG] ont répondu sur ce point. La transmission par EDI des versements au client a été faite le 26 décembre 2017. Par application du protocole habituel de transmission des données informatiques via EDI, la réception des fonds par le client ne s’est faite que début janvier.

Interruption de l’enquête et proposition de l’employeur afin de permettre un retour serein de Madame [C] à son poste :

A ce stade de l’enquête, nous avons reçu des éléments complémentaires du Conseil de Madame [C] concernant ses doléances auprès du Conseil des Prud’hommes.

Le point traité dans cette enquête a été largement développé dans ses conclusions remises au Conseil des Prud’hommes et demande des « dommages et intérêts pour exécution lourdement fautive du contrat de travail et non-respect par l’employeur de son obligation de sécurité de résultat »,

Cette demande étant basée sur les convocations successives du 18 avril 2018 de Me [UM] et Me [PD], le lien avec l’envoi par mail du questionnaire RPS par Madame [C], la prime de décembre 2017 non versée,

Nous ne pouvons poursuivre l’enquête basée uniquement sur ces points. Ceux-ci devant être tranchés par la juridiction Prud’homale.

S’agissant de la situation personnelle de Madame [C] au sein de l’étude, il est précisé que dès le 26 juillet 2018 soit moins de 10 jours après réception de son courrier du 18 juillet, l’étude lui a adressé un courrier afin de clarifier la situation.

Bien entendu, et malgré l’instance prud’homale en cours, la Direction entend proposer des solutions concrètes pour remédier à la situation, objet de l’alerte.

Outre le fait qu’elle demeure à la disposition de Madame [C] pour tout échange et pour envisager, si elle le souhaite, son retour au sein de l’étude, les propositions suivantes sont faites :

– L’organisation d’un entretien immédiat et à sa convenance afin de mettre en place toute mesure destinée à garantir un retour positif de Madame [C] au sein de l’étude cela afin que les faits du 18 avril 2018 objet de l’instance en cours ne perturbent pas la suite de la relation contractuelle et que Madame [C] puisse travailler dans un climat neutre.

En tout état de cause, les mesures adéquates ne seront mises en place qu’après discussion avec Madame [C] à son retour » ;

-le courriel du 17 avril 2018 de [D] [P] de ELSE CONSULTANTS à [SF] [AM], assistante de Maître [K] : « Les questionnaires (à remplir dans le cadre du RPS) devront être envoyés sur le mail de [HE] : [Courriel 3]

Pour rappel : comme pour tous nos dossiers, nous sommes soumis au secret professionnel et plus particulièrement encore quand on engage un principe d’anonymat sur une enquête – comme nous avons pu l’indiquer en réunion avec le CSE.

Toutes les données individuelles seront traitées et analysées en cabinet et la restitution de cette analyse se fera sous forme de synthèse et de données statistiques garantissant ainsi l’anonymat et le respect des données individuelles.

. CF Article 2 des conditions générales de vente n° 10398-18 (contrat daté du 20/03/2018) ; « Le consultant est tenu au secret professionnel et à l’application de discrétion pour tous les renseignements ou documents quelconques dont il aurait eu connaissance au cours de son intervention. Toutefois, Else Consultants ne saurait être tenu pour responsable d’aucune divulgation si les éléments divulgués étaient dans le domaine public à la date de la divulgation, ou s’il en avait connaissance, ou les obtenait par des tiers par des moyens légitimes » » ;

-un courriel du 12 avril 2018 du CSE adressé à Maître [K] : « Suite au questionnaire à remplir dans le cadre de l’évaluation des risques psychosociaux, des personnes sont venues me voir.

Ces dernières s’inquiètent de la confidentialité dans :

– Les éléments de réponse : sexe, âge, ancienneté dans l’entreprise.

Ces informations pourraient donner des indications quant à l’identité de la personne qui répond.

– Le fait de déposer le document rempli dans le fichier du serveur dédié à cet effet (possibilité de traçage du poste de travail d’où le questionnaire émane)

Comment puis-je les rassurer » ;

-le courriel du 12 avril 2018 en réponse de Maître [R] [K] : « Les informations vont être exploitées par un cabinet extérieur soumis à une obligation de confidentialité envers le personnel.

Quant au traçage informatique, c’est nous prêter des intentions que nous n’avons pas.

Les personnes peuvent utiliser une autre adresse mail anonyme (la création prend 3 minutes) pour déposer le fichier en cas de doutes.

Cette enquête a pour but d’améliorer le bien être au travail des salariés et rien d’autre » ;

-le courrier du 7 août 2018 de l’inspection du travail, adressé à l’employeur, ayant pour objet « Observations à la suite de notre contre-visite du 26 juillet 2018 et à la communication des documents demandés le 1er août 2018 », contre-visite effectuée à la suite de la mise en demeure RPS du 2 mars 2018, l’inspecteur du travail ayant constaté que les caméras situées au-dessus des postes de travail avaient été enlevées (seules les trois caméras situées à l’accueil et dans le sas d’entrée sont encore présentes en raison de leur nécessité), un nouveau système de décompte de la durée de travail effectif avait été mis en place depuis le mois de juin 2018 et, s’agissant de la mise en demeure enjoignant à l’employeur « pour l’ensemble des postes de l’entreprise, de procéder :

– à l’évaluation des risques psychosociaux portant sur l’ensemble des facteurs de risques psychosociaux susceptibles d’être à l’origine des constats effectués ;

– et d’élaborer et mettre en ‘uvre un plan d’action prenant en compte les résultats de l’évaluation et le respect des principes généraux de prévention conformément aux dispositions du code du travail»,

l’inspecteur du travail a constaté que l’employeur s’était conformé à la mise en demeure ;

-le procès verbal de contrôle de la CNIL en date du 14 novembre 2018 :

« Concernant le dispositif vidéo

Me [UM] nous informe que le dispositif vidéo a été mis en ‘uvre vers 1995 par les associés précédents qui exerçaient dans les locaux.

A ce jour, le dispositif ne se compose plus que de deux caméras situées au niveau de l’entrée des débiteurs et celle du personnel et des clients. Avant les échanges intervenus avec la CNIL courant 2018, il se composait d’environ 5 caméras. Celles situées dans les espaces ouverts de travail (« open space ») et les salles de réunion, le bureau de réception des débiteurs ont été supprimées.

Sommes informés par Me [PD] que la finalité du dispositif est la lutte contre les atteintes à la sécurité des biens et des personnes’

Sommes informés qu’une charte sur les données personnelles a été mise en place récemment et qu’elle informe le personnel de la mise en ‘uvre du dispositif vidéo’

Concernant l’enquête sur les risques psycho-sociaux menée au sein de la SCP

Sommes informés par Mme [FR] des éléments suivants :

Une étude sur les risques psycho-sociaux a été menée, des formations ont été dispensées depuis le mois de juin à des groupes d’employés, sur la négociation et sur la distance qui doit être prise par rapport à des débiteurs plus virulents. Cette étude a été mise en place en avril 2018 ; le diagnostic a été rendu début juin. Elle a été menée à l’initiative de la direction en lien avec la CARSAT, la DIRECCTE et la médecine du travail. Les employés ont bénéficié d’un compte rendu via une communication générale du CSE (comité social et économique). Une communication individuelle est projetée par Me [PD].

Cette étude sur les RPS s’est déroulée sous la forme d’un questionnaire il a été adressé directement par les employés aux consultants externes en charge de l’enquête. La SCP n’a pas eu connaissance des réponses apportées au questionnaire. Il y a rapidement eu des questions de la part du personnel sur la confidentialité de leurs réponses. La SCP a indiqué aux employés qu’ils pouvaient utiliser, au choix, la messagerie professionnelle, privée ou une adresse mail dédiée pour communiquer leur questionnaire aux consultants (voir pièces).

Les salariés bénéficient de boîtes mail individuelles dont l’adresse ne révèle pas leur identité. L’adresse mail demeure après le départ du salarié pour conserver le portefeuille de dossiers et est réaffectée au remplaçant. Les employés peuvent occasionnellement utiliser l’adresse mail à des fins personnelles.

La DIRECCTE a particulièrement suivi cette enquête RPS et a mis en demeure la SCP de fournir les documents encadrant cette enquête. A l’issue de l’enquête menée, la mise en demeure a été levée (voir pièces)’ » ;

-l’attestation du 30 avril 2018 de Monsieur [N] [WO], agent immobilier, qui « atteste d’un fait qui s’est passé le 27 avril 2018. J’ai été salarié de la société GMBG de novembre 2017 à février 2018. Mon contrat a pris fin suite à une période d’essai.

Le 27 avril 2018, aux environs de 18h00, il y a deux personnes qui sont venues taper à la porte de mon domicile. Une salariée de l’étude GMBG et une autre personne que je ne connaissais pas. Elles sont venues pour connaître les raisons de mon départ et m’ont expliqué être en conflit avec la GMBG. Elles m’ont expliqué leur démarche de mettre au prud’homme la GMBG, et donc d’obtenir des attestations contre les employeurs. Je leur ai expliqué que je n’avais jamais eu de conflit, bien au contraire, donc je n’avais aucun intérêt de faire cela. Ces deux personnes sont a priori amies et m’ont expliqué voir les anciens salariés pour réussir à obtenir gain de cause, détruire l’étude GMBG. J’ai trouvé cela osé mais surtout déplacé de venir à mon domicile pour une telle raison. Mon adresse a été prise sur le registre du personnel car personne ne la connaissait.

Pour finir, je connaissais donc une personne, l’ayant croisé au sein de l’étude, qui se prénomme [LN] et la seconde personne que je ne connaissais pas s’est présentée sous le prénom de [SK] » ;

-un courriel du 3 avril 2015 de [VV] [AV] répondant à Maître [YW] [UM] : « Merci pour votre message. J’ai moi aussi apprécié cette relation professionnelle et n’hésiterais pas à faire appel à vous en cas de besoin. Merci de saluer Maître [K] de ma part. Cordialement » ;

-le procès-verbal de consultation des délégués du personnel du 24 septembre 2015 mentionnant l’intervention de Maître [R] [K] : « Que pensez-vous du climat social dans l’étude ‘ »,

Réponse de [YR] [U] et [LN] [CI] : « Sain » ;

-l’attestation du 25 septembre 2018 de Madame [NP] [RR], manager SCP GMBG, qui déclare :

« je me permets de revenir et de restituer les faits afin d’y apporter toute l’exactitude qui se doit.

A l’arrivée de [MW] [C] au sein de l’étude et de mon équipe, j’ai tout mis en ‘uvre en ma qualité de manager pour qu’elle se sente bien et intégrée. Je me suis occupée de sa formation sur la négociation au fil de l’eau, et je tachais d’être présente et disponible le plus possible. Cette dernière m’a d’ailleurs remerciée et félicité pour ce que je pouvais lui amener tant au niveau personnel que professionnel, et bien souvent devant les membres de l’équipe lors de nos réunions.

Elle disait d’ailleurs que je l’inspirais et qu’elle souhaitait un jour acquérir le même niveau de négociation que moi.

Puis elle a souhaité nous quitter car d’après elle le métier ne lui convenait pas, qu’elle avait trouvé un travail dans un cabinet d’avocats qui lui correspondait mieux.

Quelques mois plus tard plusieurs collaborateurs m’informent que [MW] [C] et que c’était urgent. Nous finissons par nous parler au téléphone, et me demande si nous recherchons des collaborateurs car son expérience dans ce cabinet d’avocats se serait mal terminé car il lui avait promis des choses, qu’il n’aurait pas tenu. Nous décidons alors de réintégrer [MW] [C] et de la replacer dans l’équipe qu’elle connaissait déjà. J’atteste donc n’avoir jamais débauché Madame [C] et en ce qui concerne ses allégations sur les soi-disant « humiliation publique », je les réfute et me réserve le droit de me défendre » ;

-l’attestation du 29 septembre 2018 de Monsieur [M] [YC], clerc d’huissier, qui rapporte : « depuis mon arrivée dans l’étude, j’ai pu côtoyer Mme [RR] à de nombreuses reprises notamment dans le cadre de ma formation. Mme [RR] m’a prodigué de nombreux conseils avec gentillesse et bienveillance. Mme [RR] s’est toujours montrée disponible et à l’écoute » ;

-l’attestation du 3 août 2018 de Monsieur [KA] [VG], clerc, qui déclare : « J’ai travaillé avec Mme [C] plus d’une année sur un portefeuille avec objectif confié par notre client Newiely Contention. Madame [C] avait comme mission de contacter des débiteurs par téléphone, négocier le solde de la dette ou mettre en place un échéancier mensuel en dernier recours : des techniques de négociation lui ont été données (formations) ainsi que des conseils.

Très tôt, nous avons constaté chez Madame [C] des difficultés, dans la négociation téléphonique, mais aussi avec des collaborateurs plus expérimentés, afin de résoudre ces problèmes, des formations lui ont été proposées ainsi que des entretiens individuels pour résoudre ses difficultés professionnelles.

Au fil des mois, j’ai constaté que Madame [C] s’impliquait de moins en moins dans son travail et surtout n’appliquait pas nos process de recouvrement. Son refus de se remettre en question, malgré le rappel des consignes, a fait que j’ai demandé, en accord avec Madame [PX] un entretien avec Maître [PD] pour que Madame [C] puisse nous expliquer son manque d’implication dans ses tâches professionnelles : cet entretien a été cordial et n’avait pour objectif que de trouver les clés pour que Madame [C] progresse dans l’entreprise. Je confirme qu’il n’y a jamais eu de harcèlement moral à l’encontre de Madame [C] » et une deuxième attestation du 26 septembre 2018 de Monsieur [KA] [VG], retraçant le parcours professionnel de Madame [C] au sein de l’étude et précisant : « quelques mois plus tard, [MW] [C] a fêté son CDI avec toute l’équipe R0 et RST en nous offrant le petit déjeuner.

Pour terminer, il n’y a jamais eu d’humiliation en public de [AR] [C] de la part d’un collaborateur de l’entreprise et encore moins de la part de son manager, [NP] [RR] » ;

-l’attestation du 28 septembre 2018 de Madame [BO] [PX], clerc d’huissier, qui relate : « Je travaille pour l’étude depuis 1 an. C’est d’ailleurs [NP] [RR] qui m’a reçu lors de mon entretien d’embauche.

Je n’ai jamais constaté aucune situation d’humiliation verbale à l’encontre de [MW] [C], ni de personne d’autre d’ailleurs à l’étude.

[NP] [RR] est là pour encadrer les équipes, donner des conseils afin de mieux gérer nos dossiers.

Plus d’une fois, celle-ci m’a donné des infos très utiles pour m’aider à améliorer mes négociations.

Étant une personne expérimentée, elle est toujours de bon conseil, et ne me suis jamais sentie agressée. Bien au contraire.

En ayant moi-même collaboré sur un portefeuille avec [MW] [C], à mon sens, cette dernière ne fait preuve d’aucune remise en question et ne supporte pas quelconque critique, voir même suggestion.

Or, la critique permet parfois d’avancer et de s’améliorer. Elle est même nécessaire dans notre métier, car nous avons tous les jours à apprendre.

Pour moi, [NP] [RR] possède de très bonnes méthodes de management, qui ont fait ses preuves et ont poussé vers le haut plus d’une personne dans cette étude.

Elle n’hésite pas à donner un coup de main lorsque quelqu’un est débordé et je la remercie pour ses bons conseils au quotidien » ; est jointe à cette attestation manuscrite une attestation entièrement dactylographiée du 3 août 2018 de Madame [BO] [PX] ;

-deux autres attestations du 27 septembre 2018 de Messieurs [TT] [Z] et [X] [OJ], managers, témoignant des compétences professionnelles et humaines de Madame [NP] [RR] ;

-11 attestations de salariés de l’étude (1 établie le 26.09.2018 et 10 établies le 27.09.2018), témoignant également des compétences professionnelles et humaines de Madame [NP] [RR], ainsi que, pour certains, des qualités d’écoute et de disponibilité de Maître [KU] [PD] (pièces 26 à 39) ;

L’attestation de Monsieur [X] [E] est écartée des débats à défaut d’être accompagnée de la copie d’une pièce d’identité, permettant d’authentifier la signature du témoin (pièce 38) ;

-le procès-verbal du Comité social économique-comité hygiène et sécurité du 23 avril 2019 mentionnant in fine : « Mme [MH] (DIRECCTE) constate et approuve l’avancement de plusieurs sujets :

La mise en place effective de la BDES

L’accord Egalité Professionnel

Le démarrage des NAO

La mise en place d’entretiens annuels (en plus des entretiens professionnels)

Le suivi du DUER et RPS avec la mise en place de groupes de travail » ;

-le procès-verbal du Comité social économique-comité hygiène et sécurité (sans date) et le procès-verbal de la réunion du CHSCT du 3 septembre 2018 mentionnant la participation de Monsieur [G], Responsable des Risques de la CARSAT ;

-le rapport d’ « Evaluation des RPS 2018 » établi par ELSE CONSULTANTS, qui mentionne que :

-environ 10 % du personnel considèrent comme « très mauvais » ou « mauvais » leur santé psychique au travail, près de 40 % « moyen » ,

-1 % du personnel se considère comme stressé « en permanence » par le travail et 20 % comme « souvent » stressés,

-environ 10% du personnel ne se sentent pas bien (« pas du tout » ou plutôt non ») dans l’entreprise,

-environ 10% du personnel n’aiment pas leur travail (« pas du tout » ou « plutôt non ») ;

-46 attestations de salariés de l’entreprise (11 établies le 24.04.2018, 33 établies le 25.04.2018) qui relatent qu’il règne une bonne ambiance dans l’étude, que Maître [K] et Maître [UM] font preuve d’humanité, d’écoute et de compréhension, certains invoquant des attentions de leur employeur (goûter d’anniversaire, journée de la femme, jouets pour les enfants, cadeau pour Pâques et pour les vacances, fête de départ en retraite, concours de pâtisserie) (pièces 80-2 à 80-47) ;

-un courriel du 3 octobre 2018 de [ZK] [SZ] adressé à [KU] [PD] :

« Maître [PD],

Je tenais à vous remercier tout particulièrement pour votre patience, votre côté humain, votre savoir-être et votre savoir-faire.

Peu d’employeurs auraient réagi comme vous face à cette situation.

Vous êtes toujours là pour nous, la porte de votre bureau nous est toujours ouverte, vous êtes toujours prêt à nous écouter, à trouver des solutions pour nous, c’est ce qui fait de vous un bon employeur.

Je vous promets que je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour ne pas vous décevoir.

Rst / R0 seront désormais comme les 5 cinq doigts de la main.

Je vous remercie aussi de croire en moi et de me dire à chaque fois [ZK] NE DOUTEZ PAS DE VOUS.

Merci beaucoup Maître [PD] » ;

-un courriel du 8 mars 2018 de [MW] [C] adressé à [R] [K], ayant pour objet « JOURNEE DE LA FEMME », en ces termes : « Merci beaucoup Maître [K] pour le repas de midi et pour les petits cadeaux NOCIBE. Encore bravo pour votre organisation de cette journée. Cordialement » ;

-la charte informatique de l’entreprise en date du 15 février 2018 ;

-la charte de l’accueil téléphonique du débiteur et un courrier non daté, signé par [MW] [C], l’informant que les communications téléphoniques sont susceptibles d’être ponctuellement écoutées ou enregistrées selon les besoins proportionnels aux objectifs définis par la Direction ; un deuxième courrier identique daté du 12 décembre 2016 et signé de [MW] [C].

*

Madame [MW] [C] qui conteste la crédibilité des témoignages versés par l’employeur produit des « contre- attestations » :

-celle du 4 septembre 2020 de Madame [DO] [H], qui indique avoir attesté en faveur de l’employeur alors qu’elle était en situation de précarité (en CDD) et sur l’insistance de ses supérieurs hiérarchiques, avoir « rempli l’attestation dont le contenu (lui) a été soufflé’ « , et elle atteste :

« avoir également subi

-La pression continuelle de mes supérieurs hiérarchiques, qui se traduisait par une surveillance excessive, allant même jusqu’à contrôler mes pauses pour aller aux toilettes. En ce sens, ma supérieure hiérarchique est allée jusqu’à me reprocher de ne pas «sprinter » pour y aller afin de gagner quelques secondes !

-Des changements fréquents d’équipe et donc de place’

-Le turn over accentuait la pression des chiffres » ;

-celle du 4 octobre 2019 de Monsieur [I] [A], employé au sein de l’étude GMBG depuis novembre 2016, qui rapporte : « Au mois d’avril 2018, j’ai constaté, médusé, un important mouvement de groupes de salariés entre leurs bureaux et la salle de réunion. Quand mon tour fut venu, très inquiet, je me suis rendu, en compagnie de deux autres salariés, dans la salle de réunion où se tenait deux managers, Monsieur [TT] [Z] et Madame [NP] [RR]. Cette dernière me tendit une feuille en indiquant qu’il était très important que je mentionne que je me sentais bien au sein de l’étude et qu’il n’y avait aucun management par la peur ni de harcèlement.

Pris de court, je me suis soumis et me suis exécuté sans connaître les motivations ni les fins de cette demande d’attestation.

Ce n’est que bien plus tard, cela à mes dépens, que je compris ce qui se passait en réalité dans cette étude.

Effectivement, pendant la période d’avril à septembre 2019, mon équipe a subi un important turn-over qui a généré une surcharge de travail que j’ai dû assumer seul sans que ma hiérarchie ne me prodigue aucune aide, bien au contraire.

D’autre part, j’ai dû effectuer, comme de nombreux salariés, un nombre considérable d’heures supplémentaires non rémunérées. En contrepartie, Me [K] m’a proposé, à 19h45 des sushis !

D’autre part, en parallèle, j’ai subi crescendo la pression du « chiffre », que j’avais de plus en plus de mal à atteindre, et celle d’un management dont le despotisme et la cupidité se sont manifestés par des convocations à répétition, des changements de place, des propos déplacés qui ont atteint le paroxysme de l’irrespect quand Me [UM] m’a dit, je cite « je vais vous coller au cul », une absence totale de reconnaissance, etc.

Du fait de ces agissements, j’ai été en arrêt maladie pour la première fois de ma vie. Maintenant, je peux attester librement sans crainte de subir la pression de ma hiérarchie » ;

-celle du 11 août 2020 de Monsieur [O] [ED] qui « atteste que lorsque j’ai rempli l’attestation en faveur de l’étude GMBG en date du 25 avril 2018, j’étais à l’époque en CDD jusqu’en juin 2018. J’étais donc en situation de précarité. J’espérais pouvoir signer un CDI, sans savoir encore ce qui m’attendait.

Ce jour là, j’ai été convoqué en salle de réunion avec d’autres salariés. On m’a demandé d’attester que tout se passait bien à l’étude et que Maître [K] était bienveillante. Je précise que j’ai travaillé très peu avec Maître [K]. Pris de court je me suis exécuté’ ».

Madame [C] verse également le courrier du 4 mars 2019 de de Monsieur [X] [E], adressé au conseil de la salariée (l’attestation de M. [E] établie en faveur de l’employeur a été ci-dessus écartée des débats), dans lequel il dénonce les conditions dans lesquelles son attestation a été obtenue par l’employeur « par le biais d’une man’uvre dolosive » (pièce 49 versée par la salariée).

Au vu des témoignages ainsi versés par Madame [C], qui rapportent les conditions dans lesquelles l’employeur a obtenu des attestations en sa faveur, et alors que les dates des attestations produites par la SCP [UM]-[K]-[PD]-[B] corroborent la thèse selon laquelle les salariés de l’étude ont été convoqués « en groupes » par leur hiérarchie (notamment 33 attestations de salariés en date du 25 avril 2018, mais aussi 11 attestations de salariés du 24 avril 2018, 10 attestations de salariés du 27 septembre 2018), la Cour constate que les témoignages de salariés produits par la société appelante ne présentent pas de garanties suffisantes de sincérité, eu égard au contexte dans lequel elles ont été établies, sur convocation et à la demande de la hiérarchie sollicitant qu’il soit attesté que le salarié « (se) sentait bien au sein de l’étude et qu’il n’y avait aucun management par la peur ni de harcèlement ».

*

Il résulte des éléments versés par les parties qu’il existait au sein de l’étude GMBG, sur la période d’emploi de Madame [C], une surcharge de travail, des heures supplémentaires non payées, un turnover important, une absence de reconnaissance du travail, créant selon l’inspecteur du travail des risques psychosociaux pour les salariés (courrier du 2 mars 2018 de l’inspection du travail à M. [U]). De même, la surveillance continuelle des salariés par caméras (dispositif de vidéosurveillance avec 7 caméras, jugé disproportionné au regard de la finalité de sécurité, selon courrier du 23 février 2018 de l’inspection du travail adressé à la SCP [UM]-[K]-[PD]-[B]), l’information insuffisante des salariés quant au dispositif d’écoutes téléphoniques de conversations téléphoniques et la sonnerie du standard réglée sciemment par l’employeur à un volume maximum participaient également aux risques psychosociaux auxquels étaient confrontés les salariés de l’entreprise.

Il ressort par ailleurs des témoignages versés par Madame [C] qu’il existait, au sein de la société GMBG, des pressions exercées par la hiérarchie aux fins d’obtenir des résultats, un management par la crainte (convocations répétées de salariés par la hiérarchie, changements de postes et de places), se traduisant par une souffrance au travail concernant « 60 % des salariés » selon l’enquête effectuée par l’inspection du travail les 25 et 26 octobre 2017 au sein de l’étude (courrier du 23 février 2018 de l’inspection du travail adressé à la SCP [UM]-[K]-[PD]-[B]).

Enfin, le rapport de l’inspection du travail du 23 février 2018 invoque l’absence de prise en compte du risque psychosocial dans le document unique d’évaluation des risques.

La SCP [UM]-[K]-[PD]-[B] fait valoir qu’elle a diligenté une enquête sur les risques psychosociaux dès l’alerte donnée par Madame [C] dans son courrier du 18 juillet 2018 et qu’elle a pris immédiatement les mesures nécessaires en vertu de son obligation d’assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ainsi, l’inspecteur du travail a indiqué à Madame [C], par courrier du 26 juillet 2018, que « la société SCP GMBG a pris en compte ces problématiques par l’étude RPS réalisée dans leurs locaux. La sonnerie du standard a été changée et diminuée, les caméras situées au-dessus des postes de travail ont été enlevées, enfin un nouveau système de décompte de la durée du travail a été mis en place au mois de juin 2018 », de même qu’il précisait devant le Comité social économique-comité hygiène et sécurité le 23 avril 2019 qu’il constatait et approuvait « l’avancement de plusieurs sujets :

La mise en place effective de la BDES

L’accord Egalité Professionnel

Le démarrage des NAO

La mise en place d’entretiens annuels (en plus des entretiens professionnels)

Le suivi du DUER et RPS avec la mise en place de groupes de travail ».

Toutefois, la SCP [UM]-[K]-[PD]-[B] qui avait d’ores et déjà été alertée par l’inspecteur du travail, lequel avait effectué une enquête les 25 et 26 octobre 2017 à la suite de la plainte de deux autres salariés, sur la souffrance au travail ressentie par « 60 % des salariés » du fait de la surcharge de travail, des heures supplémentaires réalisées non rémunérées, d’un turnover important, d’un dispositif de vidéosurveillance disproportionné, et avait été avertie, par courrier du 23 février 2018 que « ces faits constituent une infraction aux dispositions des articles L.4121-1 à L.4121-5 et R.4721-2 du code du travail », a attendu début avril 2018 pour commencer à tenir compte des préconisations de l’inspection du travail (suppression de 4 caméras non strictement nécessaires à la finalité de sécurité des lieux et des personnes, le 10 avril 2018 selon la salariée ; mise en place d’un dispositif de contrôle du temps de travail en juin 2018 ; diminution du volume de la sonnerie du standard ; enquête RPS et envoi des questionnaires aux salariés le 9 avril 2018 ; prise en compte des risques psychosociaux dans le document unique d’évaluation des risques).

S’il n’est pas démontré que la société GMBG ait eu connaissance du mail de réponse faite par la salariée à l’enquête RPS le 17 avril 2018, Madame [C] a toutefois été convoquée le 18 avril 2018, à deux reprises, par Maîtres [PD] et [UM], selon eux en toute cordialité pour « recueillir des explications sur son changement d’attitude professionnelle’ et ensuite pour discuter de son « mal-être », sans que ne soit justifiée la nécessité de deux réunions successives, qui ressemblent plus à des « convocations « surprises » pour recevoir des reproches… », pratique managériale dénoncée par Madame [C] le 9 avril 2018 auprès de l’inspecteur du travail (antérieurement à l’incident du 18 avril 2018) ainsi que par d’autres salariés.

Dans le contexte de la dégradation des conditions de travail de Madame [C], d’une ambiance délétère au sein de l’étude, de la souffrance manifeste de la salariée au travail et de l’absence de prise en compte par l’employeur des risques psychosociaux au sein de l’entreprise, il ressort des éléments médicaux versés par la salariée que celle-ci présentait le soir même, à la suite de ces deux réunions avec ses employeurs, un syndrome anxio-dépressif réactionnel et « un paroxysme d’angoisse » l’ayant amenée à rencontrer en urgence un médecin psychiatre, ayant mis en place un traitement anxiolytique et antidépresseur.

Il est ainsi établi que l’arrêt de travail de Madame [C] du 18 avril 2018 est en lien avec ses conditions dégradées de travail et les manquements de l’employeur à son obligation d’assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale de la salariée

Au regard du préjudice subi par Madame [MW] [C], justifié par des éléments médicaux décrivant un syndrome anxio-dépressif et un épuisement professionnel, la Cour accorde à la salariée la somme de 7000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail et manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, par réformation du jugement entrepris.

Sur le licenciement :

Lors de la visite médicale de reprise en date du 5 novembre 2018, Madame [MW] [C] a été déclarée inapte à son poste par le médecin du travail, lequel a coché la case : « L’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».

Madame [MW] [C] a été convoquée, par courrier du 9 novembre 2018, à un entretien préalable fixé le 20 novembre 2018, puis elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 26 novembre 2018.

Il résulte des dispositions de l’article L.1226-2-2 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 que, lorsque le salarié victime d’une maladie ou d’un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, l’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L.1226-2, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Il s’ensuit que, lorsque le médecin du travail a mentionné expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, l’employeur, qui n’est pas tenu de rechercher un reclassement, n’a pas l’obligation de consulter les délégués du personnel ou le comité social et économique.

C’est à tort que Madame [C] reproche à l’employeur de ne pas avoir consulté le comité social et économique, étant observé de surcroît qu’elle revendique l’octroi de l’indemnité prévue par l’article L.1226-15 du code du travail applicable à une inaptitude consécutive à un accident du travail ou maladie professionnelle.

Il a été vu ci-dessus que le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité est à l’origine de l’arrêt de travail de Madame [MW] [C] pour état anxio-dépressif réactionnel. Il est à l’origine de l’inaptitude de la salariée, qui a été en arrêt de travail continu pour syndrôme dépressif et épuisement professionnel jusqu’à la déclaration d’inaptitude par le médecin du travail, lequel a constaté à plusieurs reprises que l’état psychologique de la salariée n’était pas stabilisée (les 22 mai 2018, 18 juin 2018, 26 juillet 2018).

Ainsi, le licenciement de Madame [C] pour inaptitude consécutive à un manquement préalable de l’employeur à son obligation de sécurité qui l’a provoquée, est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Madame [MW] [C] ne verse aucun élément sur l’évolution de sa situation professionnelle et sur ses ressources. Elle produit uniquement les éléments médicaux déjà cités.

En considération de son ancienneté d’un an dans une entreprise occupant plus de 10 salariés, du montant de son salaire mensuel brut s’élevant à 2174,99 euros et des circonstances ayant entouré le licenciement pour inaptitude de la salariée, la Cour accorde à Madame [C] la somme de 4000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l’article L.1235-3 du code du travail, dans sa version applicable au présent litige.

Sur l’article 700 du code de procédure civile :

Il y a lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, tel que précisé au dispositif.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et en matière prud’homale,

Confirme le jugement en ce qu’il a débouté Madame [C] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour tromperie sur la nature du contrat du 12 décembre 2016, en ce qu’il a requalifié le contrat de travail à durée déterminée du 12 décembre 2016 en un contrat à durée indéterminée, en ce qu’il a reconnu l’exécution fautive du contrat de travail et la violation par l’employeur de son obligation de sécurité, en ce qu’il a condamné la SCP [UM]-[K]-[PD]-[B] à payer à Madame [C] la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en ce qu’il a débouté la SCP [UM]-[K]-[PD]-[B] de sa demande reconventionnelle et en ce qu’il a condamné la SCP [UM]-[K]-[PD]-[B] aux dépens,

Infirme le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les points infirmés,

Déclare irrecevable la demande en paiement de rappels de salaire au titre de l’inégalité de traitement,

Ordonne la requalification du contrat de travail à durée déterminée du 4 avril 2017 en contrat de travail à durée indéterminée,

Condamne la SCP [UM]-[K]-[PD]-[B] à payer à Madame [MW] [C] les sommes suivantes :

-1907,39 euros d’indemnité de requalification du contrat de travail à durée déterminée du 12 décembre 2016,

-1000 euros de dommages-intérêts pour licenciement irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse au titre de la rupture du contrat de travail du 12 décembre 2016,

-2174,91 euros d’indemnité de requalification du contrat de travail à durée déterminée du 4 avril 2017,

-7000 euros de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail et manquement de l’employeur à son obligation de sécurité,

-4000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au titre du licenciement notifié le 26 novembre 2018,

-2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, en cause d’appel,

Rejette tout autre prétention,

Condamne la SCP [UM]-[K]-[PD]-[B] aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Ghislaine POIRINE faisant fonction

 


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