COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
15e chambre
ARRET N°
RÉPUTÉ
CONTRADICTOIRE
DU 15 DECEMBRE 2022
N° RG 21/00075 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UH26
AFFAIRE :
[M] [O] épouse [S]
C/
Association ADMR VEXIN YVELINOIS
…
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Décembre 2020 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MANTES LA JOLIE
N° Section : AD
N° RG : 18/00219
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Stéphanie DEBEAUCHE
Me Christelle LAFOND
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUINZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Madame [M] [O] épouse [S]
née le 24 Septembre 1977 à MADAGASCAR (99)
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Stéphanie DEBEAUCHE, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 91
APPELANTE
****************
Association ADMR VEXIN YVELINOIS
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentant : Me Christelle LAFOND, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0107
Syndicat UNION LOCALE CGT DE MANTES
[Adresse 2]
[Localité 6]
Signification de l’acte d’appel par acte d’huissier de justice le 18 février 2021 par remise à M. [D] [G], secrétaire général, habilité à recevoir la copie et signification des conclusions par acte d’huissier de justice le 09 avril 2021 par remise à Mme [B] [W], habilitée à recevoir la copie
INTIMEES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 31 Octobre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry CABALE, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Régine CAPRA, Présidente,
Monsieur Thierry CABALE, Président,
Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,
Aux termes d’un contrat de travail à durée indéterminée du 15 décembre 2008, Madame [M] [S] a été engagée par l’association Admr Vexin Yvelinois à compter du 1er janvier 2009 en qualité d’assistante de vie à temps partiel, soit, en dernier lieu, 112,66 heures mensuelles. La convention collective applicable est celle de l’aide à domicile du 21 mai 2010.
Le 23 février 2015, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes de Mantes-la-Jolie afin de solliciter le paiement de diverses sommes notamment à titre de rappels de salaire correspondant à des temps de trajet, et de dommages et intérêts. Le 5 juillet 2016, les parties ont conclu une transaction aux termes de laquelle la salariée s’engage à renoncer à toute action en justice en contrepartie du versement par l’association de la somme de 9000 euros.
Par requête reçue au greffe le 10 décembre 2018, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes de Mantes-la-Jolie. Le syndicat Union locale CGT de Mantes est intervenu à l’instance afin de solliciter la réparation de l’atteinte portée à l’intérêt collectif de la profession.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 7 janvier 2020, la salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur.
Au dernier état de ses demandes, la salariée sollicitait la requalification de la prise d’acte de son contrat de travail en un licenciement injustifié et le versement de diverses sommes.
Par jugement du 7 décembre 2020 , auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Mantes-la-Jolie a :
– dit et jugé que les demandes d’indemnisation de Madame [M] [S] étaient irrecevables,
– débouté Madame [M] [S] de l’ensemble de ses demandes,
– débouté l’Union locale Cgt de l’ensemble de ses demandes,
– débouté l’association Admr en ses demandes reconventionnelles,
– fixé les entiers dépens, qui comprendront les éventuels frais d’exécution, à la charge de chacune des parties.
Par déclaration au greffe du 8 janvier 2021, la salariée a interjeté appel de cette décision.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 7 avril 2021, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, la salariée demande à la cour de :
– la dire et juger recevable et bien fondée en son appel,
en conséquence,
– y faire droit,
infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Mantes-la-Jolie du 7 décembre 2020 en toutes ses dispositions,
avant dire droit,
– faire injonction à l’association Admr à communiquer les plannings chronologiques des heures effectuées par celle-ci mentionnant les noms et adresses des bénéficiaires, pour la période du 5 juillet 2016 au 30 novembre 2018,
à défaut,
– condamner l’association Admr à lui payer la somme de 2 802,64 euros bruts au titre des temps de déplacement outre 280,26 euros bruts au titre des congés payés afférents,
– condamner l’association Admr à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de remise des justificatifs horaires, non-respect du temps de travail et des temps de repos, des délais de prévenance et de l’amplitude horaire,
– condamner l’association Admr à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité par l’employeur,
– condamner l’association Admr à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
– condamner l’association Admr à lui payer la somme de 7 199,220 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,
– condamner l’association Admr à lui payer la somme de 12 546,13 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamner l’association Admr à lui payer la somme de 2 389,74 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 238,97 euros bruts au titre des congés payés afférents,
– condamner l’association Admr à lui payer la somme de 3 385,460 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
– condamner l’association Admr à lui remettre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir, ses bulletins de salaire conformes pour la période du 10 décembre 2016 au 10 janvier 2020 ainsi que les documents sociaux
– ordonner la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l’article 1154 du code civil,
– condamner l’association Admr à lui payer la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner l’association Admr aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Debeauche.
La salariée fait essentiellement valoir que :
– la transaction ne concerne que les griefs et impayés de salaire antérieurs au 5 juillet 2016 ;
– les plannings prévisionnels sont chronologiques alors que les plannings exécutés, qui diffèrent des précédents, font apparaître les bénéficiaires par ordre alphabétique de telle sorte qu’il est impossible de vérifier les temps de trajet entre deux bénéficiaires et, ainsi, si ce temps de déplacement lui a bien été réglé ; avant dire droit, les plannings définitifs chronologiques doivent être communiqués sur injonction ;
– à défaut, les temps de déplacement doivent lui être payés sur la base de son décompte des temps de trajet déterminé au moyen du site Mappy à l’instar de la méthode de calcul utilisée par l’employeur, soit 264,25 heures du 5 juillet 2016 au 30 novembre 2018 ; l’employeur applique une heure de déplacement tous les 60 ou 50 kms effectués sans démonstration du nombre réel de kilomètres effectués et sans respecter l’article 14 de la convention collective ;
– elle est en droit d’obtenir des dommages et intérêts en raison des manquements de l’employeur qui suivent : absence de justification de ses horaires en méconnaissance de l’article D. 3171-12 du code du travail ; non-respect de l’article 37 de la convention collective relatif aux délais de notification des plannings et de prévenance en cas de modification ayant eu pour effet de la maintenir en permanence à sa disposition ; non-respect des durées maximales de travail et des temps de repos, en raison d’un travail jusqu’à neuf à quatorze jours consécutifs, deux week-ends compris par mois, outre, lors de week-ends et de remplacements, des journées de travail de 7 heures à 21 heures ; non-respect de l’amplitude journalière ;
– l’obligation de sécurité n’a pas été respectée compte tenu du nombre d’heures travaillées, de l’absence de repos, de l’absence de visite médicale périodique, de la pratique de toilettes seule sans lit médicalisé, excédant les missions d’une assistante de vie et nuisant à sa santé, de l’absence de fourniture de chaussures adaptées ni de produit antiseptique, de l’existence de représailles depuis 2018 : ton agressif, insinuations, provocations et pressions pour lui fournir des heures prétendument effectuées chez un autre employeur ; harcèlement quotidien après l’évocation d’ irrégularités ;
– constituent le harcèlement moral : les accusations de vol dont la preuve n’a jamais été rapportée, le non-paiement du salaire de mise à pied, ‘les provocations, ton agressif…’ , ayant entraîné des conséquences sur sa santé ;
– le non-paiement des temps de déplacement caractérise une dissimulation de travail, l’employeur ayant minoré le temps de travail de manière intentionnelle ;
– l’ensemble des griefs ‘précédemment décrits’ justifie la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 29 juin 2021, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, l’association demande à la cour de :
à titre principal :
confirmer intégralement le jugement du conseil de prud’hommes de Mantes-la-Jolie,
– débouter l’appelante de sa demande avant dire droit de production des plannings prévisionnels chronologiques mentionnant les noms et adresses des bénéficiaires aidés depuis 2016, les plannings chronologiques avec les noms des bénéficiaires aidés des années 2016 à 2018 lui ayant déjà été transmis,
à titre subsidiaire :
– dire et juger la prise d’acte de Madame [S] produisant les effets d’une démission,
– débouter Madame [S] de l’intégralité de ses demandes tant salariales qu’indemnitaires,
en toute hypothèse :
– condamner Madame [S] à lui verser la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’employeur fait essentiellement valoir que :
– la portée d’une transaction s’évaluant exclusivement à la lumière de la formule de renonciation,
l’action de la salariée est irrecevable ;
– les plannings sollicités ont été fournis pour les années 2015 à 2018 ; l’article D. 3171-16 du code du travail prévoit la conservation des documents pendant un an en cas d’horaires individualisés ;
– la télégestion via le logiciel Mappy mis en place le 1er janvier 2017 est conforme aux dispositions conventionnelles ; la salariée ne justifie pas de ses calculs ; après recalcul, le décompte des temps de déplacement s’élève à 225 heures ; les bulletins de salaire montrent que 159,98 heures de déplacement lui ont été payées ; conformément à l’accord de branche du 30 mars 2006, les heures de dépassement annuel effectuées au-delà du dixième de la durée annuelle prévue au contrat ont donné lieu à une majoration de salaire de 15% en fin de période de modulation selon les enregistrements dans le compteur mensuel figurant sur les bulletins de paie;
– le suivi médical a bien eu lieu ; la salariée ne faisait pas de toilettes au lit ; l’interrogation de chaque salarié sur les heures effectuées auprès d’un autre employeur vise à répondre aux exigences légales en matière de durées maximales du temps de travail et de prévention des risques professionnels ;
– l’article D. 3171-12 du code du travail ne s’applique pas en raison d’un aménagement du temps de travail prévu par l’accord du 30 mars 2006, et ce, en application de l’article L. 3121-44 ;
– la salariée venait chercher ses plannings de manière aléatoire ; ils lui ont été fournis à plusieurs reprises ;
– il n’y a pas eu de comportement harcelant de sa part, et la salariée travaillait auprès de tiers ; l’interrogation de la salariée sur son temps de travail auprès d’un autre employeur est étranger à tout harcèlement ; ‘ quant à venir indiquer que les salariés travaillent sans gants, sans chaussures ….il faudra relire la pièce 24’; le seul certificat médical produit est postérieur à la rupture ; sa dernière visite médicale effectuée le 29 janvier 2019 la déclare apte et fixe la prochaine visite à la date du 29 janvier 2024 ; aucune préconisation médiale n’a été faite à ce sujet ;
– le repos hebdomadaire a bien été respecté puisque tout salarié peut être amené à travailler le dimanche en application des dispositions conventionnelles ;
– le caractère intentionnel invoqué fait défaut s’agissant d’un travail dissimulé quand le paiement de temps de déplacement a bien existé ;
– la salariée n’a pas de véritables griefs, suffisamment graves pour aboutir à la rupture immédiate de son contrat de travail ; il s’agissait pour elle de se dégager de son contrat de travail pour pouvoir rejoindre son nouveau lieu d’exploitation en Bretagne.
Le Syndicat Union Locale Cgt de Mantes est défaillant.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 12 octobre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la fin de non-recevoir :
La salariée sollicite l’infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, faisant valoir que les premiers juges l’avaient déboutée de ses demandes au motif qu’un accord transactionnel était intervenu le 5 juillet 2016, que la transaction ne concernait que les griefs et impayés de salaire antérieurs à cette date, et que la ‘ présente procédure’ ne concernait que des impayés de salaires et de nombreux griefs intervenus après cette même date, quand l’employeur sollicite à titre principal la confirmation intégrale du jugement, après avoir soutenu que l’action était irrecevable et qu’en conséquence la salariée devait être déboutée de l’intégralité de ses demandes au titre des salaires et indemnités de toutes sortes, et, à titre subsidiaire, de dire que la prise d’acte produit les effets d’une démission et de débouter la salariée de ses demandes.
La transaction litigieuse, conclue par les parties à la suite du litige prud’homal engagé le 23 février 2015 pour obtenir diverses sommes au titre de rappels de salaire et de dommages et intérêts relatifs à l’exécution du contrat de travail, prévoit, notamment, que la salariée :
– ‘ accepte l’offre globale ci-dessus [ versement d’une somme de 9000 euros nets à titre de dommages et intérêts ] arrêtée, à titre de règlement des contestations nées ou à naître entre les parties, sans que cela comporte de sa part une reconnaissance du bien-fondé des prétentions exposées par l’Association locale ADMR du Vexin Yvelinois.’ ;
– ‘reconnaît être dédommagée en totalité de tout préjudice qu’elle déclare subir, subirait ou aurait subi tant lors de la conclusion que lors de l’exécution de son contrat de travail et notamment de son préjudice personnel, social et professionnel. » ;
– ‘reconnaît être remplie de tous ses droits nés ou à naître, en ce compris sans que cette énumération présente un caractère limitatif, relatifs au paiement de tous salaires, accessoires de salaires, heures complémentaires et ou supplémentaires éventuelles, droits au repos compensateurs, commissions, primes et gratifications de toutes natures, avantage en nature, de jours de RTT, de droits au titre de la formation, d’indemnités salariales liées à l’exécution de son contrat de travail (notamment à titre de compléments d’indemnités journalières de maladie, de contrepartie financière de toutes obligations), participation. Elle en donne expressément acte et quittance à l’association locale ADMR du Vexin Yvelinois. »
Son article V précise : « le présent accord vaut transaction au sens des articles 2044 et suivants du Code Civil. Ainsi conformément à l’article 2052 le présent accord aura, entre les parties, l’autorité de la chose jugée en dernier ressort et ne peut être révoqué pour cause d’erreur de droit, ni pour cause de lésion ».
En application des articles 2044 et 2052 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, et 2048 et 2049 du même code, il en résulte un effet libératoire des clauses de renonciation valant pour les litiges relatifs à la conclusion et à l’exécution du contrat de travail sauf les demandes portant sur des faits survenus pendant la période d’exécution du contrat de travail postérieure à la transaction et dont le fondement est né postérieurement à la transaction.
En conséquence, seules sont irrecevables les demandes relatives à la période antérieure à la transaction ainsi que les demandes relatives à la période postérieure à la transaction lorsqu’elles portent sur des faits survenus au cours de la période antérieure à la transaction, qu’ils aient été évoqués ou non lors de celle-ci.
Il convient donc de déclarer irrecevables toute demande fondée sur :
– l’absence de remise des justificatifs horaires, le non-respect du temps de travail et des temps de repos, des délais de prévenance et de l’amplitude horaire, tous manquements que la salariée estime remonter, au moins partiellement, à la période antérieure à la transaction ;
– le non-respect de l’obligation de sécurité en ce que la salariée considère qu’elle a travaillé un nombre d’heures incalculable depuis treize ans, a enchaîné les semaines sans repos, n’a jamais eu de visite médicale périodique, a réalisé seule, à la demande de son employeur, jusqu’à la fin de l’année 2017, des toilettes au lit interdites.
Sur les temps de déplacement :
Il résulte de l’article 14 de la convention collective applicable que les déplacements des personnels d’intervention font partie intégrante de leur exercice professionnel et que les temps de déplacement entre deux séquences consécutives de travail effectif sont considérés comme du temps de travail effectif et rémunérés comme tel.
A ce titre, la preuve des temps de déplacement est régie par les dispositions de l’article L.3171-4 du code du travail qui prévoit qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il en résulte qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
En l’espèce, des plannings chronologiques prévisionnels correspondant à la période litigieuse ont été communiqués par l’employeur et il n’apparaît pas que dans le cadre du régime probatoire résultant de l’article L. 3171-4 susvisé, il devrait être fait injonction à l’employeur de produire des documents complémentaires qui seraient nécessairement détenus par celui-ci.
A l’appui de sa demande en paiement des temps de déplacements au cours de la période du 5 juillet 2016 au 30 novembre 2018, la salariée fournit un décompte quotidien détaillé du temps de déplacement et du nombre de kilomètres parcouru.
Elle présente ainsi des éléments suffisamment précis quant à des heures de travail effectif qu’elle estime avoir accomplies, même en nombre moindre que celui qu’elle invoque, afin de permettre à l’employeur d’y répondre utilement.
Pour sa part, l’employeur ne justifie pas, au moyen de plannings prévisionnels, des temps de déplacement effectivement réalisés, étant indifférents à cet égard l’absence de réclamation à ce sujet ou de la télégestion mise en place en place en 2017.
Au vu des pièces produites, il est dû à la salariée la somme de 689,39 euros bruts outre 68,94 euros bruts de congés payés afférents.
Sur le travail dissimulé :
Il n’est pas établi que de manière intentionnelle, l’employeur a omis de mentionner des temps de déplacement, assimilables à du travail effectif, sur les bulletins de salaire.
La salariée sera en conséquence déboutée de sa demande en paiement d’une indemnité pour travail dissimulé sur le fondement de l’article L. 8223-1 du code du travail.
Sur le harcèlement moral :
En application de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Il résulte de l’article L.1154-1 du même code que le salarié doit présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement et qu’au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
La salariée, dont les arrêts de travail pour maladie d’origine non professionnelle à compter du 2 novembre 2018 mentionnent, notamment, un état dépressif et un épuisement professionnel, et qui produit un certificat médical établi le 14 janvier 2020 par un psychiatre qui mentionne un état dépressif évoluant depuis plus de six mois, traité et suivi, ‘avec notions de stress professionnel’, invoque :
– ‘les provocations, ton agressif…’ ;
– le non-paiement du salaire de mise à pied ;
– des accusations de vol infondées ;
sans en établir la matérialité, au moyen, notamment, d’une lettre du 22 novembre 2018 la convoquant à un entretien préalable à licenciement fixé au 6 décembre 2018, en l’absence de tout élément quant à la nature du licenciement et au prononcé d’une mise à pied.
Il n’est donc pas établi de faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral.
En conséquence, la salariée sera déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral.
Sur la rupture du contrat de travail :
Si des manquements anciens restant toutefois persistants, peuvent justifier une prise d’acte de la rupture, le non-paiement d’une faible partie du salaire en montant et proportion, relatif à une partie des temps de déplacement, proportionnellement peu importante, au cours de la période du 5 juillet 2016 au 30 novembre 2018, n’est pas d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail.
La prise d’acte n’étant pas justifiée, il sera dit que celle-ci produit les effets d’une démission.
En conséquence, la salariée sera déboutée de l’ensemble de ses demandes au titre d’une rupture imputable à l’employeur.
Sur les intérêts :
Les intérêts au taux légal courront sur les rappels de salaire et de congés payés afférents, à compter du 6 décembre 2018, date de la réception par l’employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation, ou de la première demande en justice qui en a été faite ;
La capitalisation des intérêts sera ordonnée conformément à l’article 1343-2 du code civil.
Sur la remise des documents :
Compte tenu des développements qui précèdent, cette demande est justifiée uniquement afin de rendre les documents conformes au présent arrêt, et il y est fait droit comme indiqué au dispositif.
Le prononcé d’une astreinte est justifié au regard des circonstances de la cause.
Sur les frais irrépétibles :
En équité, la somme de 1500 euros est allouée à la salariée au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles de première instance et d’appel.
Sur les dépens :
L’employeur, partie partiellement succombante, supportera les dépens de première instance et d’appel, ceux d’appels distraits au profit de Maître Stéphanie Debeauche, Avocat, sur son affirmation de droit.
PAR CES MOTIFS:
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, en matière prud’homale et par mise à disposition au greffe :
Infirme partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau sur le tout pour une meilleure compréhension et y ajoutant :
Déclare irrecevable toute demande fondée sur :
– l’absence de remise des justificatifs horaires, le non-respect du temps de travail et des temps de repos, des délais de prévenance et de l’amplitude horaire ;
– le non-respect de l’obligation de sécurité.
Dit qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de communication de pièces soutenue par Madame [M] [S].
Condamne l’association Admr Vexin Yvelinois à payer à Madame [M] [S] les sommes suivantes:
– 689,39 euros bruts au titre des temps de déplacement,
– 68,94 euros bruts de congés payés afférents.
Dit que les intérêts au taux légal courront sur ces sommes à compter du 6 décembre 2018, date de la réception par l’employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation, ou de la première demande en justice qui en a été faite.
Ordonne la capitalisation des intérêts.
Condamne l’association Admr Vexin Yvelinois à remettre à Madame [M] [S] des bulletins de salaire et documents sociaux conformes au présent arrêt, dans un délai de trente jours à compter de la notification de l’arrêt et sous astreinte de 30 euros par jour de retard passé ce délai, ce, pendant soixante jours.
Condamne l’association Admr Vexin Yvelinois à payer à Madame [M] [S] la somme de 1500 euros pour les frais irrépétibles exposés en première instance et en appel, en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Déboute les parties pour le surplus.
Condamne l’association Admr Vexin Yvelinois aux entiers dépens de première instance et d’appel, ceux d’appels distraits au profit de Maître Stéphanie Debeauche, Avocat, sur son affirmation de droit.
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Régine CAPRA, Président et par Madame Juliette Dupont, Greffier en pré-affectation, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,