Épuisement professionnel : 14 octobre 2022 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/00535

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Épuisement professionnel : 14 octobre 2022 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/00535

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14/10/2022

ARRÊT N°2022/427

N° RG 21/00535 – N° Portalis DBVI-V-B7F-N6R6

FCC/AR

Décision déférée du 22 Janvier 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MONTAUBAN (20/52 )

[F]

[I] [M]

C/

S.A. LEROY MERLIN FRANCE

CONFIRMATION TOTALE

Grosse délivrée

le 14 10 22

à Me Laure LAGORCE-BILLIAUD

Me Michel JOLLY

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU QUATORZE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTE

Madame [I] [M]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Laure LAGORCE-BILLIAUD de la SELARL LAGORCE & ASSOCIES – L&MC, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

S.A. LEROY MERLIN FRANCE

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, [Adresse 4]

Représentée par Me Michel JOLLY de la SELARL CAPSTAN SUD OUEST, avocat au barreau de TOULOUSE (postulant) et par Me Patrick LANOY de la SELARL CAPSTAN – PYTHEAS, avocat au barreau de NIMES (plaidant)

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant C.BRISSET, présidente et F. CROISILLE-CABROL, conseillère, chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BRISSET, présidente

A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

Greffier, lors des débats : A. RAVEANE

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [I] [M] a été embauchée selon contrat de travail à durée indéterminée à temps plein à compter du 3 octobre 2016 par la SA Leroy Merlin France en qualité de contrôleur de gestion, statut cadre. Le contrat de travail fixait la durée annuelle de travail à 478 demi-journées par an, incluant les congés payés, les demi-journées étant planifiées et réparties sur toute l’année de référence.

Au dernier état de la relation de travail, la salariée était affectée au magasin de [Localité 3].

Selon LRAR du 19 novembre 2018, Mme [M] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 30 novembre 2018 en vue d’une éventuelle mesure de licenciement, puis, par LRAR du 19 décembre 2018, licenciée, avec dispense d’exécution du préavis de 3 mois qui lui a été rémunéré, pour faute constitutive d’une cause réelle et sérieuse. La relation de travail a pris fin au 19 mars 2019. La SA Leroy Merlin France a versé à Mme [M] une indemnité de licenciement de 3.200,96 €.

Le 24 mai 2019, Mme [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Montauban aux fins notamment de paiement d’heures supplémentaires, de l’indemnité pour travail dissimulé, de dommages et intérêts pour non-respect des règles relatives aux durées de travail, de dommages et intérêts pour non-respect des règles relatives au forfait-jours, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire.

Par jugement du 22 janvier 2021, le conseil de prud’hommes de Montauban a :

– jugé que le licenciement pour cause réelle et sérieuse de Mme [M] est justifié,

– jugé que la convention de forfait jour de Mme [M] est valide,

– débouté Mme [M] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– condamné Mme [M] aux entiers dépens de l’instance,

– débouté les parties de leurs autres demandes.

Le 3 février 2021, Mme [M] a interjeté appel du jugement, dans des conditions de forme et de délai non discutées, en énonçant dans sa déclaration d’appel les chefs critiqués.

Par conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 22 août 2022, auxquelles il est fait expressément référence, Mme [M] demande à la cour de :

– déclarer recevable Mme [M] en son appel,

y faisant droit,

– infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

– déclarer nulle la convention de forfait jour à laquelle a été soumise Mme [M],

– juger que la procédure de licenciement est dépourvue de cause réelle et sérieuse,

– fixer le salaire de référence de Mme [M] à la somme de 3.520,73 €,

– condamner la SA Leroy Merlin France à payer à Mme [M] les sommes suivantes :

* 40.649,67 € au titre des heures supplémentaires non rémunérées sur les 3 dernières années, compte tenu de la nullité de la convention de forfait jours, et 4.064,96 € de congés payés afférents,

* 21.124,38 € au titre d’indemnité pour travail dissimulé,

* 10.562,19 €, soit 3 mois de salaire, au titre des dommages et intérêts pour non-respect des durées maximales de travail quotidiennes et hebdomadaires,

* 7.041,43 €, soit 2 mois de salaire, au titre des dommages et intérêts pour non-respect des dispositions protectrices relatives aux conventions de forfait en jours,

* 10.562,19 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 10.000 € au titre des dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire des relations contractuelles,

* 2.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la SA Leroy Merlin France aux entiers dépens de l’instance,

– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir sur le tout (sic).

Par conclusions notifiées par voie électronique le 2 août 2021, auxquelles il est expressément fait référence, la SA Leroy Merlin France demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

En conséquence :

– juger les demandes de Mme [M] infondées,

– la débouter de toutes demandes, fins et conclusions,

– la condamner au paiement de la somme de 3.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– mettre à sa charge les entiers dépens.

MOTIFS

1 – Sur le forfait-jours et les demandes afférentes :

Sur le forfait jours :

Le contrat de travail de Mme [M] stipulait un forfait-jours de 478 demi-journées par an, incluant les congés payés, les demi-journées étant planifiées et réparties sur toute l’année de référence. Mme [M] soulève la nullité de ce forfait-jours en raison de :

– l’absence d’autonomie dans l’organisation de son emploi du temps, les demi-journées étant planifiées et la salariée étant soumise à des horaires de présence minimale de 6h à 13h30 ou de 13h30 à 20h30 ;

– l’absence de garanties, dans l’accord collectif relatif au temps de travail au sein de l’UES Leroy Merlin du 23 juin 1999, quant au respect des durées maximales de travail et des repos journaliers et hebdomadaires, de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé ;

– l’absence des deux entretiens annuels prévus par l’accord collectif, la salariée n’ayant bénéficié que d’un entretien professionnel annuel ne portant pas sur l’organisation et la charge de travail ;

– l’absence de document de contrôle sur le nombre et la date des demi-journées travaillées.

Sur ce :

L’accord collectif prévoit la possibilité d’un forfait jours pour les collaborateurs disposant d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps, ce forfait jours étant de 214 jours par an, et la durée de travail se décomptant en journées ou demi-journées ; il rappelle la nécessité de respecter une amplitude et une charge de travail raisonnable et une bonne répartition dans le temps du travail du salarié ; il indique que le collaborateur définit sur l’année les journées ou demi-journées de repos en fonction de ses responsabilités (congés payés, repos hebdomadaires, jours fériés non travaillés, autres jours non travaillés), l’employeur pouvant prévoir dans l’année des périodes de présence nécessaire au bon fonctionnement du service ou de l’entreprise ; l’accord rappelle les garanties : respect des durées minimales de repos, droit à la déconnexion, établissement par le salarié de son planning annuel prévisionnel, système auto-déclaratif hebdomadaire avec validation mensuelle par le manager, systèmes de veille et d’alerte, ainsi que deux entretiens annuels avec le manager sur l’organisation du travail, la charge de travail, l’amplitude des journées, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ces entretiens pouvant avoir lieu séparément ou à l’occasion d’autres entretiens.

Ainsi, la clause de forfait jours contenue dans le contrat de travail de Mme [M] se basait sur un accord collectif précisant les salariés pouvant relever d’un tel forfait, et contenant des garanties destinées à assurer la santé et la sécurité de ces salariés ; le fait que la SA Leroy Merlin France définisse les horaires des plages horaires de travail (horaires du matin et horaires de l’après-midi) n’était pas de nature à priver Mme [M] de son autonomie d’organisation, dès lors qu’elle établissait son propre planning prévisionnel et devait simplement s’inscrire à l’intérieur de ces plages horaires afin de décompter ses demi-journées de travail. Par suite, la clause de forfait jours n’est pas entachée de nullité.

Par ailleurs, la SA Leroy Merlin France a mis en place l’outil Tac-Tic, permettant de planifier et suivre le temps de travail. Elle justifie également de ce que Mme [M] bénéficiait de deux entretiens par an, consistant à chaque fois en un EDP et un entretien professionnel ; en revanche, le compte-rendu de ces entretiens ne contient aucune mention relative à l’organisation du travail, la charge de travail, l’amplitude des journées et l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, et il ne suffit pas qu’à ces occasions, Mme [M] se soit déclarée satisfaite de son poste et n’ait pas soulevé de difficultés quant à sa charge de travail. A cet égard, la SA Leroy Merlin France ne justifie donc pas avoir respecté l’accord collectif, de sorte que la clause de forfait jours n’est pas nulle, mais inopposable à la salariée.

Sur les heures supplémentaires :

Faute de forfait jours opposable, le calcul de la durée de travail doit s’effectuer selon le droit commun, et la salariée peut prétendre au paiement des éventuelles heures supplémentaires accomplies au-delà de 35 heures hebdomadaires.

Aux termes de l’article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Mme [M] réclame un rappel de salaire de 40.649,67 € outre congés payés, correspondant à 1.340,05 heures supplémentaires accomplies entre la semaine 40 de l’année 2016 et la semaine 50 de l’année 2018. Elle produit des documents relatifs à des déplacements effectués en juillet 2017, février, septembre et novembre 2018 en pièces n° 14, 15, 16 et 17, un tableau de calcul du rappel de salaire (nombre d’heures supplémentaires hebdomadaires, taux horaire en fonction des majorations de 25 % ou 50 %) en pièce n° 11 et un tableau de synthèse des heures supplémentaires en pièce n° 10. Or, la pièce n° 10 se borne à mentionner, chaque semaine, un total des heures travaillées, sans aucun autre détail quant aux jours travaillés et aux horaires effectués ; on ignore même si Mme [M] a tenu compte des jours non travaillés (congés payés, repos, jours fériés non travaillés etc) et des pauses. Si, dans ses conclusions, elle affirme avoir établi la pièce n° 10 à partir de ses agendas et de ses horaires de travail quotidiens, elle ne produit pas lesdits agendas et ne donne aucune précision sur ses horaires de travail.

Par conséquent, les éléments fournis par Mme [M] ne sont pas suffisamment précis pour que la SA Leroy Merlin France puisse y répondre et pour que la cour puisse s’assurer de la réalité d’heures supplémentaires qu’elle ne pourrait dans de telles conditions quantifier, et la salariée sera déboutée de sa demande au titre des heures supplémentaires, par confirmation du jugement.

Sur l’indemnité pour travail dissimulé :

En vertu de l’article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement des formalités de déclaration préalable à l’embauche, ou de délivrance des bulletins de paie, ou de mentionner sur les bulletins de paie d’un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, ou de se soustraire intentionnellement aux déclarations de salaires et cotisations sociales auprès des organismes de recouvrement des cotisations sociales.

En application de l’article L 8223-1, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l’employeur a eu recours en commettant les faits prévus à l’article L 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire.

Mme [M] ne fondant sa demande d’indemnité pour travail dissimulé que sur le paiement d’heures supplémentaires, que la cour n’a pas retenues, le travail dissimulé n’est pas caractérisé, le jugement étant confirmé en ce qu’il a débouté la salariée.

Sur les dommages et intérêts pour non-respect des durées maximales de travail hebdomadaires et quotidiennes :

L’appelante se borne à affirmer que son temps de travail quotidien dépassait régulièrement les 12 heures et que ses semaines pouvaient également dépasser les 48 heures. Toutefois, elle se fonde sur sa pièce n° 10 qui est imprécise quant aux jours travaillés et aux durées de travail quotidiennes ; par suite, le cumul hebdomadaire allégué qui selon elle dépasserait parfois 48 heures ne peut être retenu. Le débouté de la demande de dommages et intérêts sera donc confirmé.

Sur les dommages et intérêts pour non-respect des règles de protection de la santé des salariés soumis au forfait jours :

Certes, la SA Leroy Merlin France ne justifie pas avoir respecté l’accord collectif en matière d’entretiens avec Mme [M]. Néanmoins, Mme [M] qui allègue une charge de travail considérable et un épuisement professionnel n’en justifie pas. Elle sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts, le jugement étant confirmé de ce chef.

2 – Sur le licenciement :

En application des articles L 1232-1, L 1232-6 et L 1235-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les termes du litige, le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur et forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute persiste, il profite au salarié. La charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse est partagée.

L’employeur a licencié la salariée pour faute constitutive d’une cause réelle et sérieuse dans une lettre ainsi rédigée :

‘Le jeudi 8 novembre 2018, Madame [B] [A], responsable service clients, a fait la fermeture du magasin en tant qu’arrière-caisse.

Le jeudi 08 novembre 2018 à la fermeture du magasin, Madame [V] [G], hôtesse service clients, constate en rentrant dans le coffre que Madame [B] [A] n’avait pas fermé son caisson, lequel contenait l’argent en espèces de la veille. Son caisson avait été laissé dans l’armoire de rangement sans verrou de sécurité, ce qui du point de vue de la sécurité est particulièrement risqué, l’ensemble de l’équipe y ayant accès.

Le lendemain, soit le vendredi 09 novembre 2018, Madame [V] [G], constatant un tel dysfonctionnement, vous a donc alerté ainsi que [D] [O] travaillant au sein du service comptabilité.

Le vendredi 9 novembre 2018 en début d’après-midi vous avez demandé à Madame [K] [P] hôtesse service clients, d’ouvrir la salle du coffre, auquel nous n’avez normalement pas accès, afin de prendre un billet de 50 euros dans le caisson de Madame [B] [A].

Vous avez ensuite donné ce billet de 50 euros à Madame [K] [P] et vous lui avez demandé de créer une entrée d’espèces de 50 euros sur sa propre caisse.

Votre idée était celle de générer une erreur de caisse sur le poste de Madame [B] [A] afin, selon vos dires, de « marquer le coup » et de faire comprendre à Madame [B] [A] quelle pouvait être l’importance d’une erreur de caisse.

Vous avez pris cette décision de façon totalement unilatérale et discrétionnaire, sans même prendre la peine de consulter au préalable son chef de secteur, Monsieur [X] [W].

Le résultat de cette manipulation était donc de créer artificiellement une erreur de caisse de 50 euros en négatif sur le poste de Madame [B] [A], ce qui s’avère particulièrement conséquent pour elle, puisqu’il est exceptionnel de découvrir une erreur de caisse d’un montant aussi important. Ce comportement est inacceptable, ce d’autant plus au regard du poste que vous occupez.

En premier lieu, vous être entrée dans le coffre alors que vous ne faites pas partie du personnel y ayant accès (hormis pour des questions de sécurité et d’intégrité physique des personnes).

Vous avez ensuite créé un stratagème destiné à piéger une collaboratrice alors même que vous n’êtes pas son manager et qu’il vous appartenait de l’informer de la situation afin qu’il prenne lui-même les mesures qu’il estimait utiles.

Ce faisant, vous êtes sortie de vos attributions et de celle du permanent.

Pire, vous n’avez même pas informé [B] [A], ainsi que son chef de secteur [X] [W] de la situation, ni de votre initiative malheureuse.

Il est, par ailleurs, inacceptable de tenter de piéger une hôtesse de caisse, comme vous l’avez fait. Cette situation aurait été pour elle génératrice de stress au moment où elle aurait découvert une erreur de 50 euros dans sa caisse.

De façon générale, ce mode de management est inefficace et irrespectueux des personnes. Il ne correspond en rien aux pratiques de la société.

Enfin, vous n’avez pas pris de mesure pour mettre la caisse en sécurité, caisse que vous avez au contraire laissée là où elle se trouvait et vous avez impliqué deux autres collaboratrices dans votre stratagème.

Ce sont ces dernières qui, n’acceptant pas cette démarche contraire aux valeurs que nous mettons en avant, ont informé Monsieur [X] [W] de votre comportement.

Dans ces circonstances, il est impossible que nous vous laissions continuer à assumer les responsabilités attachées à votre mission. C’est la raison pour laquelle nous vous notifions par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse en raison des manquements précités’.

La SA Leroy Merlin France verse aux débats des attestations de salariés :

– Mme [P], hôtesse service clients, indique avoir remarqué le 8 novembre 2018 que Mme [A], responsable service clients, avait laissé ouvert son caisson contenant des espèces ; que Mme [P] s’en est aperçue le jour même et n’a rien dit ; que, le 9 novembre 2018, Mme [M] a demandé à Mme [P] d’ouvrir la salle du coffre, a pris un billet de 50 € dans le caisson de Mme [A] resté ouvert et l’a placé dans le caisson de Mme [P] ;

– Mme [G], hôtesse d’accueil, indique s’être aperçue, avec Mme [P], de l’absence de fermeture du caisson ; elle indique que, le lendemain, elle a prévenu Mme [M] ;

– M. [W], chef de secteur service clients, confirme que Mme [M] a volontairement créé une erreur de caisse en négatif de 50 € pour Mme [A] ; il précise que ces faits lui ont été rapportés par Mmes [P] et [G] ;

– Mme [A] reconnaît avoir mal fermé son caisson le 8 novembre 2018 et s’en être aperçue le lendemain ; elle précise que M. [W] lui a demandé de compter le contenu du caisson et qu’elle a alors découvert un négatif de 50 € ;

– Mme [P], chef de secteur, relate que Mme [M] lui a rapporté l’événement et que celle-ci avait l’intention de convoquer Mme [A] ‘afin qu’elle trouve une explication à cette disparition’ ; elle précise que Mme [M] a ajouté ‘c’est bien fait pour elle, au moins elle comprendra, et puis de toute façon personne ne peut la voir ça ne fera qu’accélérer les choses’.

Dans ses conclusions, Mme [M] ne conteste pas le déroulement des faits. Elle explique qu’en sa qualité de contrôleur de gestion, il lui appartenait de prévenir les risques d’erreurs de caisse et de fraude ; qu’elle avait alerté M. [W] sur des anomalies, en vain ; que Mme [A] avait déjà à plusieurs reprises laissé ouvert son caisson ; que Mme [M] a alors décidé de générer une anomalie dans un but pédagogique, afin de montrer à Mme [A] les conséquences possibles de son incurie, et d’alerter sa hiérarchie, ainsi qu’elle l’a expliqué lors de l’entretien préalable au licenciement du 30 novembre 2018 ; qu’elle a assuré la sécurité du caisson de Mme [A] en restant à côté. Mme [M] met également en avant ses qualités professionnelles.

Elle produit des mails qu’elle a envoyés à M. [W] relativement à des erreurs de caisse, mais qui ne prouvent pas que celui-ci se désintéressait de la sécurité des espèces et des mouvements de fonds. De plus, le manque d’attention de Mme [A] à son caisson, dont elle avait été informée par Mme [G], n’autorisait pas Mme [M] à élaborer un stratagème déloyal pour piéger Mme [A] en fabriquant volontairement une erreur de caisse ; il incombait à Mme [M], qui n’était pas la supérieure hiérarchique de Mme [A], de signaler aussitôt la difficulté à M. [W], or elle n’en a rien fait. De plus, elle ne faisait pas partie des personnes ayant le droit d’entrer dans la salle du coffre, et elle a impliqué Mme [P] en lui faisant ouvrir la salle ; elle ne saurait prétendre que son intrusion dans la salle était justifiée par sa volonté de sécuriser le caisson de Mme [A].

Mme [M] produit un mail que lui a adressé Mme [O] le 27 décembre 2018, soit après le licenciement, Mme [O] envoyant à Mme [M] un brouillon de son futur témoignage ; Mme [O] affirmait que les erreurs de caisse étaient fréquentes et souvent non corrigées, et que Mme [M], dont les qualités professionnelles étaient immenses, agissait dans un but pédagogique, sans intention de nuire. Toutefois, Mme [O] proposant à Mme [M] de faire des ajouts ou modifications à son témoignage et précisant ‘cet échange restera entre nous bien entendu’, la cour ne peut pas se baser sur ce témoignage dans de telles conditions ne permettant pas de retenir sa sincérité.

Le stratagème était susceptible de mettre en difficulté Mme [A] et d’ailleurs Mme [M] s’en est vantée auprès de Mme [P], ce qui permet de douter du caractère purement pédagogique de la manoeuvre, même si in fine il n’est pas avéré que Mme [A] ait effectivement été inquiétée ou sanctionnée par la SA Leroy Merlin France.

Mme [M] n’établit aucun lien entre une prétendue désorganisation liée à une multitude d’erreurs de caisse et les départs de plusieurs salariés, et en toute hypothèse cela ne légitimerait pas son attitude.

Quelles que soient les compétences professionnelles de Mme [M], son attitude avait un caractère fautif, et le licenciement pour faute constitutive d’une cause réelle et sérieuse était fondé, de sorte qu’elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, par confirmation du jugement.

Mme [M] se plaint également de circonstances brutales et vexatoires de son licenciement, l’entretien préalable ayant eu lieu dans un bureau vitré à côté de l’open space où étaient les équipes, et la salariée ayant été dispensée de son préavis ce qui conférait au licenciement un caractère de gravité et empêchait la salariée d’expliquer les raisons de son licenciement à ses collègues. Toutefois, la tenue de l’entretien dans un bureau fermé, fût-il vitré, en assurait la confidentialité, et Mme [M] n’établit pas que la SA Leroy Merlin France aurait donné une publicité au licenciement. Par ailleurs, le fait que la SA Leroy Merlin France ait dispensé Mme [M] de l’exécution de son préavis ne revêtait aucun caractère vexatoire, étant noté que Mme [M] n’a pas été évincée brutalement de l’entreprise, puisqu’elle n’a pas fait l’objet d’une mise à pied conservatoire et a travaillé jusqu’à la notification du licenciement, ce qui lui laissait le temps de communiquer si elle le souhaitait. Confirmant le jugement, la cour déboutera donc également Mme [M] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire.

3 – Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile :

La salariée qui perd au principal supportera les entiers dépens de première instance et d’appel, et ses frais irrépétibles. L’équité commande de laisser à la charge de l’employeur ses propres frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant :

Dit que la convention de forfait jours n’est pas nulle mais qu’elle est inopposable à Mme [I] [M],

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles exposés par les parties en appel,

Condamne Mme [I] [M] aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Catherine BRISSET, présidente, et par Arielle RAVEANE, greffière.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

A. RAVEANE C. BRISSET

 


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