Épuisement professionnel : 14 juin 2022 Cour d’appel de Riom RG n° 19/02198

·

·

Épuisement professionnel : 14 juin 2022 Cour d’appel de Riom RG n° 19/02198

14 JUIN 2022

Arrêt n°

CV/NB/NS

Dossier N° RG 19/02198 – N° Portalis DBVU-V-B7D-FKJJ

SAS FRANCE INCENDIE exerçant sous l’enseigne société SCUTUM INCENDIE

/

[V] [M]

Arrêt rendu ce QUATORZE JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d’Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Claude VICARD, Conseiller

Mme Frédérique DALLE, Conseiller

En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

SAS FRANCE INCENDIE exerçant sous l’enseigne société SCUTUM INCENDIE

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Barbara GUTTON PERRIN de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat constitué, substitué par Me Audrey VUAGNAT, suppléant Me Raphaëlle BUSSER, avocat au barreau D’AIX EN PROVENCE

APPELANTE

ET :

M. [V] [M]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Anne-Chloé HAUTEFEUILLE, avocat suppléant Me Simon VICAT de la SELARL AVK ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIME

Après avoir entendu Mme VICARD, Conseiller en son rapport, les représentants des parties à l’audience publique du 14 mars 2022, la Cour a mis l’affaire en délibéré, Monsieur le Président ayant indiqué aux parties que l’arrêt serait prononcé le 17 mai 2022 par mise à disposition au greffe, date à laquelle les parties ont été informées que la date de ce prononcé était prorogée au 14 juin 2022 conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE :

M. [V] [M] a été engagé en qualité de technico-commercial par la société FIRE & CO à compter du 1er mars 2011 sous contrat de travail à durée indéterminée à temps plein, régi par la convention collective nationale de commerces de gros du 23 juin 1970.

Les missions principales de M. [M] consistaient d’une part en une activité de maintenance du matériel de la société dans le domaine de la sécurité incendie, d’autre part en une activité commerciale pure (prospect et suivi des contrats commerciaux).

La société FIRE & CO a été rachetée par la SAS FRANCE INCENDIE, exerçant sous le nom commercial SCUTUM INCENDIE, et le contrat de travail de M. [M] a été transféré.

Monsieur [M] a été arrêté pour un accident du travail du 28 juillet au 11 août 2017.

Le 3 avril 2018, M. [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Montluçon d’une action en résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur et en paiement de diverses sommes tant au titre de l’exécution que de la rupture du contrat.

Suivant un avis du 08 janvier 2019, le médecin du travail a déclaré le salarié inapte à son poste de travail en une seule visite, avec dispense de reclassement.

Par courrier recommandé du 18 février 2019, M. [M] s’est vu notifier son licenciement pour inaptitude d’origine non professionnelle.

Par jugement du 5 novembre 2019, après avoir ordonné avant- dire droit une expertise comptable, le conseil de prud’hommes de Montluçon a :

– jugé que la prise d’acte de la rupture par le salarié produira les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse;

– condamné la SAS FRANCE INCENDIE à lui payer les sommes suivantes:

* 6.756,75 euros bruts à titre de rappel de salaires pour absence et indemnité de congés payés ;

* 543,06 euros bruts à titre de complément de salaire sur accident du travail si cette régularisation n’a pas été effectuée;

* 2.287,86 euros bruts à titre de rappel de salaire sur prime d’ancienneté ;

* 3.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour paiement tardif des salaires ;

* 5.678,74 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 567,87 euros au titre des congés payés afférents;

* 6.005,44 euros nets à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi du fait de la perte de l’emploi ;

* 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– dit que les sommes allouées porteront intérêts de droit au taux légal à compter de la saisine ;

– ordonné l’exécution provisoire de droit ;

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

– mis à la charge de la partie défenderesse, les dépens et éventuels frais d’huissier en cas d’exécution forcée de la décision ainsi que la somme de 480 euros au titre des frais d’expertise.

Le 22 novembre 2019, la SAS FRANCE INCENDIE a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 15 novembre précédent.

La procédure d’appel a été clôturée le 28 février 2022 et l’affaire fixée à l’audience de la chambre sociale du 14 mars 2022.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 10 février 2022, la SAS FRANCE INCENDIE conclut à l’infirmation du jugement déféré, sauf en ce qu’il a débouté M. [M] de ses demandes en paiement de dommages et intérêts pour travail dissimulé, harcèlement moral et réparation du préjudice subi pour dégradation de ses conditions de travail.

Elle demande à la cour, statuant à nouveau, de:

– rejeter les demandes de M. [M] formulées tant au titre de l’exécution que de la rupture du contrat de travail;

– constater que M. [M] a bénéficié d’un trop-perçu de 2.503,17 euros

bruts à titre d’indemnités de congés payés;

– juger qu’elle n’a commis aucun manquement suffisamment grave pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [M] ;

– constater que le licenciement pour inaptitude de M. [M] est régulier et fondé ;

– condamner M. [M] au paiement des sommes suivantes:

* 2.503,17 euros en remboursement du trop-perçu d’indemnité de congés payés;

* 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail;

* 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive;

* 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La SAS FRANCE INCENDIE soutient que le salarié ne démontre aucun manquement de sa part suffisamment grave rendant impossible la poursuite du contrat de travail et justifiant sa résiliation judiciaire; qu’elle a versé au salarié l’intégralité de sa rémunération, n’est redevable d’aucun rappel de salaire au titre des congés payés et est même créancière d’une somme de 2.503,17 euros indûment versée.

Elle objecte que la seule erreur de calcul du maintien de salaire pendant son accident du travail, d’un très faible montant, ne saurait constituer un manquement suffisamment grave ; qu’en outre, le salarié ne démontre nullement avoir été victime d’agissements de harcèlement moral, d’une remise en cause professionnelle ou d’une mise en danger.

La SAS FRANCE INCENDIE conteste ensuite la requalification du licenciement pour inaptitude en licenciement sans cause réelle et sérieuse, en faisant valoir que les manquements invoqués à son encontre sont inexistants et que l’inaptitude du salarié n’est en rien liée au comportement de la société.

Elle fait valoir que le salarié réclame à tort le versement d’un rappel de prime d’ancienneté au motif qu’il aurait perçu au cours de la relation contractuelle une prime calculée sur la base de 3% de son salaire en lieu et place des 5% prévus par la convention collective; que toutefois, la convention collective du commerce de gros n’institue pas le versement d’une prime d’ancienneté; qu’elle prévoit simplement qu’après 4 ans d’ancienneté, le salarié perçoive une rémunération de base correspondant au minima conventionnel de l’année précédente pour sa catégorie professionnelle, majoré de 5%.

L’employeur souligne enfin que M. [M] a engagé son action en justice concomitamment avec un autre salarié; que ces deux salariés ont oeuvré de la même manière pour bénéficier d’une aide financière, sous forme de condamnations prud’homales et d’indemnités de licenciement, en vue de la création d’une structure concurrente; que leurs actions, intéressées et malhonnêtes, résultent d’un comportement déloyal et mal intentionné.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 25 février 2022, M. [M] conclut à la réformation du jugement critiqué en ce qu’il a:

– indiqué par erreur qu’il avait pris acte de la rupture alors qu’il s’agit d’une demande de résiliation judiciaire ;

– indiqué par erreur que le salaire moyen est de 1.506,36’euros en page 11 du jugement alors qu’il est de 2.839,37 euros tel qu’indiqué en page 3 du jugement;

– limité à 3.000 euros l’indemnisation du préjudice pour paiement tardif des salaires ;

– rejeté sa demande d’indemnisation au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

– rejeté sa demande d’indemnisation au titre du préjudice subi du fait de la dégradation de ses conditions de travail ;

– limité à 6.005,44 euros nets les dommages et intérêts du fait de la perte d’emploi ;

– limité à 1.000 euros l’article 700 du code de procédure civile alloué en première instance.

Il conclut à la confirmation du jugement en toutes ses autres dispositions et demande à la cour, statuant à nouveau sur les chefs critiqués :

Au titre des manquements au cours de la relation contractuelle:

– condamner la SAS FRANCE INCENDIE à lui payer les sommes de:

* 5.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour paiement tardif des salaires ;

* 17.036,22 euros bruts à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

– juger qu’il a été victime d’un harcèlement moral ou subsidiairement de la violation par son employeur de l’obligation d’exécuter le contrat de travail de bonne foi ;

– le condamner à lui payer la somme de 10.000 euros nets en réparation du préjudice subi du fait de la dégradation des conditions de travail;

Au titre de la rupture du contrat:

– juger bien fondée la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail;

– juger que la rupture produira les effets d’un licenciement nul, pour être basée sur des faits de harcèlement moral, ou subsidiairement, d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– subsidiairement, juger que son inaptitude est imputable à l’employeur;

– juger que le licenciement pour inaptitude sera requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– condamner en conséquence l’employeur à lui payer les sommes suivantes:

* 30.000 euros nets au titre du préjudice subi du fait de la perte de l’emploi;

* 5.678,74 euros à titre d’indemnité de préavis, outre 567,87 euros au titre des congés payés afférents;

En tout état de cause:

– juger que les sommes allouées porteront intérêts de droit au taux légal à compter de la saisine;

– condamner la SAS FRANCE INCENDIE à lui payer la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en indemnisation des frais irrépétibles exposés en appel et 3.500 euros en indemnisation des frais irrépétibles exposés en première instance ;

– condamner la SAS FRANCE INCENDIE aux entiers dépens de l’instance en ce compris les frais d’expertise exposés à hauteur de 480 euros;

– débouter l’appelante de ses demandes indemnitaires reconventionnelles.

Le salarié soutient dans un premier temps que l’employeur a commis des manquements au cours de la relation contractuelle; qu’il a refusé de payer ou payé avec retard plusieurs éléments de salaire (indemnité de congés payés, complément de salaire sur accident du travail, prime conventionnelle d’ancienneté), ce qui a participé d’un processus de harcèlement ou subsidiairement d’un manquement à l’exécution de bonne foi du contrat de travail.

Il argue en effet que le non-paiement des salaires, les retards de paiement, la remise en cause professionnelle et la perte de responsabilités qu’il a subie, enfin la mise en danger dont il a été victime, à savoir la réalisation d’une mission avec un véhicule n’ayant pas fait l’objet d’un contrôle technique, caractérisent une situation de harcèlement moral.

S’agissant ensuite de la rupture du contrat de travail, l’intimé fait valoir que les manquements précités justifient la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur; que la création de sa propre société, alors qu’il n’était tenu d’aucune clause de non-concurrence, ne peut venir dédouaner l’employeur des manquements qu’il a commis pendant la durée de la relation contractuelle.

Il avance, à titre subsidiaire, que les manquements et l’attitude de l’employeur sont à l’origine de son inaptitude et privent le licenciement de cause réelle et sérieuse.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DECISION :

1°- Sur l’exécution du contrat de travail :

* Sur la demande du salarié en paiement d’un rappel de salaires sur indemnité de congés payés et la demande reconventionnelle de l’employeur en restitution d’un trop- perçu à ce titre:

L’article L. 3141- 3 du code du travail dispose que ‘le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur. La durée totale du congé exigible ne peut excéder trente jours ouvrables.’

L’article L. 3141- 24 énonce par ailleurs que le congé annuel prévu à l’article L.3141-3 ouvre droit à une indemnité égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence, sans toutefois pouvoir être inférieure au montant de la rémunération que le salarié aurait perçue s’il avait travaillé pendant sa période de congés.

Il résulte de ces dispositions légales que:

– l’indemnité de congé payé n’est pas susceptible d’être cumulée, pour la même période, avec une rémunération qu’elle est destinée à compenser;

– l’assiette de l’indemnité est constituée par la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de l’année de référence. Doivent donc être pris en compte tous les éléments du salaire qui sont la contrepartie du travail fourni (salaire de base, prime d’ancienneté…). Entre également dans l’assiette de calcul de l’indemnité la part variable de rémunération, dès lors qu’elle est assise sur les résultats produits par le travail personnel de l’intéressé, nécessairement affectés pendant la période de congés.

En l’espèce, le rapport d’expertise comptable ordonnée par la juridiction prud’homale, se basant sur un récapitulatif des bulletins de paie de M. [M] de juin 2013 à février 2018, a mis en exergue deux problématiques:

– la déduction par l’employeur de sommes pour absence pour congés payés, lors de chaque prise de congés entre juillet 2014 et janvier 2018 inclus;

– le calcul de l’indemnité de congés payés.

Le contrat de travail de M. [M] stipule en son article 11 qu’il est embauché pour un horaire mensuel maximum de 151,67 heures et qu’il percevra une rémunération horaire brute au taux de 9,899 euros (soit 1.501,38 euros bruts mensuels) considérée comme une avance sur commissions, ainsi qu’une rémunération variable (prime d’objectif et commissionnement).

S’agissant du premier noeud du litige, l’employeur considère que le versement de l’indemnité de congés payés, se substituant au salaire habituellement perçu, s’assimile à une avance sur commissions (page 27 de ses écritures) et que les déductions opérées pour chaque prise de congés payés sont justifiées, puisque M. [M] percevrait dans le cas contraire deux avances sur commission et par conséquent une rémunération plus importante lorsqu’il prend des congés payés que lorsqu’il travaille un mois entier.

Toutefois, ainsi que le rappelle justement l’expert comptable en page 3 de son rapport, l’absence pour congés payés ne doit pas être déduite dans le cas d’une rémunération basée sur des commissions et des primes d’objectifs puisque le salarié ne peut, durant sa période de congés, réaliser de chiffres d’affaires qui est la source de sa rémunération. Il ajoute tout aussi justement en page 7, en réponse au dire du conseil de l’employeur, que ‘déduire une absence pour congés sur les commissions du salarié reviendrait à réduire ses commissions sur le chiffre d’affaires qu’il a réalisé et acquis en dehors de ses périodes de congés payés’.

La perception de l’indemnité de congés payés ne doit en effet entraîner aucune réduction du montant des commissions dues en raison d’une activité antérieure au départ en congés. En d’autres termes, aucune compensation ne peut être opérée entre l’indemnité de congés payés et les commissions correspondant à un travail antérieur et venant à échéance au moment du congé.

Or, ainsi que le souligne pertinemment M. [M], exemples à l’appui, l’indemnité de congés payés versée, constitutif d’un maintien de l’avance sur commission- ce que reconnaît lui- même l’employeur dans ses écritures- est ensuite prise en compte au même titre que les ‘vraies’ avances sur commission dans la régularisation trimestrielle des commissions dues.

Ainsi, sur la feuille de calcul de rémunération de mars à mai 2017 (pièce n° 5 de l’intimé), les avances sur commission perçues au cours de cette période à hauteur de 4.697,52 euros (1.565,84 euros X 3 mois) sont venues en compensation des commissions réellement dues à hauteur de 6.730,83 euros, soit un solde à payer à M. [M] de 2.033,31 euros.

Les avances sur commission ont été intégralement soustraites des montant dus sans que la déduction des sommes opérée pour absence pour congés payés au mois de mai 2017 à hauteur de 650,16 euros ne soit prise en compte et réintégrée.

Il s’ensuit que les jours de congés pris en mai 2017 ont été illusoirement payés, puisqu’ils sont venus compenser pour partie les commissions dues.

Aussi, la cour, à l’instar des premiers juges, entérine les conclusions de l’expert ayant considéré que l’employeur avait déduit à tort, lors de chaque prise de congés de juillet 2014 à janvier 2018, des sommes pour absence pour congés payés, pour un montant total de 8.629,88 euros.

Suite aux réclamations du salarié, l’employeur, reconnaissant dans un courrier du 07 mars 2018 ‘que la compensation de votre avance sur commission a été déduite lors de la prise de vos congés pour la période de 2015 à 2017″, a procédé en mars 2018 à une régularisation d’indemnités de congés payés à hauteur de 4.697,52 euros.

L’expert comptable relève toutefois que cette régularisation est erronée en ce que:

– la base de calcul de l’indemnité de congés payés suivant la méthode de 1/ 10ème a été minorée puisqu’elle intègre la déduction d’absence pour congés opérée à tort;

– la régularisation de l’indemnité de chaque période n’a pas été réintégrée dans le calcul de l’année suivante.

L’employeur n’a pas émis de critiques ni de remarques sur ces explications.

Aussi, au vu des tableaux de calcul détaillés et des explications fournies par l’expert, la cour, confirmant le jugement entrepris, condamne la SAS FRANCE INCENDIE à payer à M. [M] la somme de 6.756,75 euros bruts à titre de rappel de salaire sur indemnités de congés payés, déduction faite de la régularisation opérée par l’employeur en mars 2018.

La SAS FRANCE INCENDIE sera par ailleurs déboutée de sa demande en restitution de la somme de 2.503,17 euros qu’elle estime à tort avoir indûment versée au salarié.

* Sur la demande en paiement d’un complément de salaire sur accident de travail :

La juridiction prud’homale, entérinant les conclusions de l’expert, a condamné la SAS FRANCE INCENDIE à payer à M. [M] la somme de 543,06 euros bruts à titre de complément de salaire sur un accident du travail intervenu au mois d’août 2017.

Bien que sollicitant l’infirmation de ce chef de jugement, la SAS FRANCE INCENDIE reconnaît être redevable de cette somme qu’elle impute à une erreur involontaire dans le calcul du maintien de salaire de M. [M].

Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris sur ce point.

* Sur la demande en paiement d’un rappel de salaire sur prime d’ancienneté:

Le titre IV- A de l’accord du 5 mai 1992 relatif à la classification et au salaire conventionnel, attaché à la convention collective nationale de commerces de gros du 23 juin 1970, prévoit que ‘les salariés du secteur non alimentaire bénéficient d’une garantie d’ancienneté égale à la somme des 12 salaires mensuels conventionnels de l’année civile écoulée, majorée de :

– 5 % après 4 ans d’ancienneté dans l’entreprise ;

– 9 % après 8 ans d’ancienneté dans l’entreprise ;

– 13 % après 12 ans d’ancienneté dans l’entreprise ;

– 17 % après 16 ans d’ancienneté dans l’entreprise.

(…)

Les éléments de rémunération non pris en compte pour le calcul de la garantie d’ancienneté sont :

– les heures supplémentaires ;

– les majorations de salaires prévues par la CCN des commerces de gros 3044 ;

– les primes liées aux contraintes de l’emploi exercé ;

– les sommes versées n’ayant pas le caractère de salaire ;

– les primes de type 13ème mois, c’est-à-dire toutes primes fixes annuelles calculées en référence au salaire de base.’

Ces dispositions conventionnelles instaurent une garantie d’ancienneté, qui prévoit une rémunération globale minimum calculée en fonction de l’ancienneté du salarié sans pour autant instituer à son profit une prime d’ancienneté.

Dans ces conditions, la garantie d’ancienneté ne constitue pas un supplément de rémunération mais un plancher de revenu ne pouvant être inférieur à un certain montant calculé en fonction de l’ancienneté.

Les commissions et primes de résultats, en tant qu’elles sont la contrepartie de l’activité du salarié, ont le caractère de salaire et doivent être incluses dans l’assiette de calcul de la garantie d’ancienneté.

Une fois déterminé le revenu minimum, il convient de le comparer au revenu effectivement perçu par le salarié pour savoir si l’employeur a respecté la garantie d’ancienneté.

En l’espèce, M. [M], recruté le 1er mars 2011 en qualité de technico- commercial, catégorie employés niveau V échelon 1 de la convention collective, a compté quatre ans d’ancienneté à compter du 1er mars 2015.

Il soutient qu’il a perçu une prime d’ancienneté calculée sur la base de 3% de son salaire à partir du 1er mars 2014 et 6 % à partir du 1er février 2017.

La cour relève en premier lieu que la ‘garantie d’ancienneté’ne se confond pas avec la ‘prime d’ancienneté’ dont M. [M] bénéficiait par ailleurs.

Elle constate ensuite que l’expert judiciaire n’a pas déterminé le revenu minimum conventionnel devant être comparé au salaire perçu par le salarié.

Sur ce point, l’employeur produit aux débats un tableau de calcul des salaires minima conventionnels majorés de 5 % (pièce n° 20) entre 2014 et 2017, n’ayant fait l’objet d’aucune critique et dont il ressort que:

– le salaire minimal conventionnel majoré de 5 % pour l’année 2014 s’élève à 19.341 euros

– le salaire minimal conventionnel majoré de 5 % pour l’année 2015 s’élève à 19.534,41 euros

– le salaire minimal conventionnel majoré de 5 % pour l’année 2016 s’élève à 19.727,82 euros

– le salaire minimal conventionnel majoré de 5 % pour l’année 2017 s’élève à 19.865,90 euros

Or, il est constant que M. [M] a perçu :

– entre les 1er mars et 31 décembre 2015: 25.595,52 euros

– pour l’année 2016 : 29.928,33 euros

– pour l’année 2017 : 33.450,33 euros

De la comparaison entre le revenu minimum conventionnel majoré et les revenus effectivement perçus par le salarié, il s’évince que la rémunération versée à M. [M] respectait la garantie d’ancienneté prévue par la convention collective.

Aussi, la cour, par infirmation du jugement entrepris, déboute le salarié de sa demande en paiement d’un rappel de salaire sur garantie d’ancienneté.

* Sur les dommages et intérêts pour paiement tardif des salaires :

L’article 1231-6 du code civil prévoit que ‘les dommages- intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier ne soit tenu de justifier d’aucune perte. Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages- intérêts distincts de l’intérêt moratoire.’

En l’espèce, M. [M] soutient que le défaut de paiement de ses indemnités de congés payés et le retard de paiement des salaires de deux à trois jours lui ont nécessairement occasionné un préjudice qu’il chiffre à 5.000 euros.

Alors que la charge de la preuve lui incombe, M. [M] n’explicite ni ne démontre le préjudice qui aurait résulté d’un retard de quelques jours dans le paiement de son salaire.

S’agissant du paiement des indemnités de congés payés et du complément de salaire sur accident du travail, il ne démontre ni même n’allègue un préjudice autre que celui d’ores et déjà indemnisé par les intérêts moratoires de sa créance.

Aussi, la cour, par infirmation du jugement entrepris, le déboute de ce chef de demande dont la preuve du bien fondé n’est rapportée ni dans son principe ni dans son quantum.

* Sur la demande en paiement d’une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé :

Aux termes de l’article L. 8221-5 du code du travail : ‘Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur : 1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ; 2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ; 3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales’.

Le travail dissimulé suppose un élément intentionnel de la part de l’employeur en ce qu’il a voulu dissimuler, en tout ou partie, un emploi salarié dans le cadre des omissions précitées. L’existence de l’élément intentionnel est apprécié souverainement par le juge du fond.

En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours en violation de l’interdiction de travail dissimulé, que ce soit par dissimulation d’activité ou d’emploi salarié, a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire, même si la durée de la relation de travail a été moindre.

En l’espèce, M. [M] soutient que l’employeur, qui ne lui a pas versé la totalité de ses congés payés malgré ses nombreuses sollicitations, s’est rendu coupable de travail dissimulé.

Pour autant, le caractère intentionnel du délit de travail dissimulé ne peut se déduire de la seule carence de paiement de l’intégralité des indemnités de congés payés, rien ne permettant d’exclure que des erreurs de calcul ou d’interprétation des textes légaux et conventionnels en soient à l’origine.

Aussi, la cour, estimant que les premiers juges ont à juste titre rejeté la demande en paiement d’une indemnité forfaire pour travail dissimulé, confirme le jugement déféré de ce chef.

* Sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour dégradation des conditions de travail

A l’appui de ce chef de demande, M. [M] soutient à titre principal qu’il a été victime de harcèlement moral, à titre subsidiaire que l’employeur a manqué à son obligation d’exécution de bonne foi du contrat de travail.

* Sur le harcèlement moral :

En application des dispositions des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. L’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, doit en assurer l’effectivité.

Pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de la loi. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements indiqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il revient donc à la cour de rechercher :

– si M. [M] établit la matérialité des faits dénoncés au soutien de ses allégations d’harcèlement moral,

– si les faits considérés comme établis, appréhendés dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral,

– enfin, si cette présomption est retenue, si l’employeur prouve que les agissements invoqués sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l’espèce, M. [M] expose à l’appui de son allégation d’harcèlement moral:

– qu’il a réclamé le paiement intégral de ses salaires pendant plus d’un an et que l’immobilisme de l’employeur l’a placé dans une situation anxiogène;

– que les salaires de janvier et février 2018 ont été versés avec retard;

– qu’à compter de ses réclamations, il a été privé de l’accès au matériel nécessaire à l’exercice de ses fonctions et victime d’un dénigrement de son supérieur hiérarchique, M. [K];

– qu’il a été envoyé en mission avec un véhicule n’ayant pas fait l’objet du contrôle technique et ainsi été mis en danger;

– que ses conditions de travail n’ont cessé de se dégrader depuis qu’il a sollicité le paiement de tous ses éléments de salaire.

Pour étayer le bien- fondé de ses assertions, M. [M] produit aux débats une attestation attribuée à M. [W] [L] relatant que ‘M. [K] [Z] a des propos désobligeants et provoquant envers M. [M]’. Ce seul témoignage, qui doit être examiné avec circonspection pour ne comporter aucun justificatif de l’identité de son auteur, ne saurait suffire, de par son caractère imprécis et peu circonstancié, à établir la matérialité de dénigrements répétés de la part du supérieur hiérarchique.

Le salarié verse également une ordonnance prescrivant des antidépresseurs à une date dont l’année n’apparaît pas, ainsi qu’une déclaration de maladie professionnelle établie par son médecin traitant le 13 juin 2018, mentionnant ‘syndrome dépressif avec épuisement professionnel d’après [les] dires [du salarié]’.

Des quelques éléments produits aux débats, il ressort:

– que M. [M] a effectivement interrogé son employeur sur les carences de paiement de certains éléments de son salaire pour la première fois par courrier recommandé du 27 novembre 2017, puis par un nouveau courrier du 08 février 2018 auquel l’employeur a répondu le 07 mars 2018;

– qu’il a utilisé le 13 mars 2018 un véhicule, dont le contrôle technique était expiré;

– que le paiement de la prime d’ancienneté du mois de janvier 2018 et les salaires des mois de janvier et février 2018 de tous les salariés a été décalé de deux à trois jours, en raison d’un problème de fusion.

Ces quelques faits, appréhendés dans leur ensemble, ne permettent pas, de par leur caractère ponctuel et isolé, de présumer l’existence d’un harcèlement moral, de sorte qu’à l’instar des premiers juges, la cour ne retiendra pas ce premier moyen.

* Sur les manquements de l’employeur à son obligation d’exécuter de bonne foi le contrat de travail:

M. [M] soutient que les agissements de l’employeur, notamment le non paiement des salaires, ont provoqué une dégradation de ses conditions de travail ayant porté atteinte à son état de santé.

Aucun élément du dossier ne permet toutefois d’une part d’objectiver une dégradation des conditions de travail, d’autre part d’établir l’existence d’un lien de causalité entre les retards de paiement du salaire en début d’année 2018 et l’arrêt maladie de M. [M] à compter du 28 mai 2018.

Aussi, la cour, par confirmation du jugement entrepris, déboute M. [M] de sa demande en paiement de dommages et intérêts dont la preuve du bien fondé n’est rapportée ni dans son principe ni dans son quantum.

2°- Sur la rupture du contrat de travail :

A titre préliminaire, il est rappelé que lorsqu’un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d’autres faits survenus au cours du contrat, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation du contrat est justifiée et dans le cas contraire, se prononcer sur le licenciement notifié par l’employeur.

En l’espèce, M. [M] a saisi la juridiction prud’homale d’une action en résiliation judiciaire de son contrat de travail le 03 avril 2018, avant d’être licencié pour inaptitude non professionnelle le 18 février 2019.

La cour examinera donc d’abord le bien fondé de l’action en résiliation judiciaire du contrat de travail avant, le cas échéant, de se prononcer sur la cause réelle et sérieuse du licenciement, le salarié imputant son inaptitude à l’employeur.

* Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur:

Aux termes de l’article L. 1221-1 du code du travail, le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun des contrats synallagmatiques pour tout ce sur quoi il n’est pas dérogé par des dispositions légales particulières. L’action en résiliation d’un contrat de travail est donc recevable, conformément à l’article 1224 du code civil, dès lors qu’elle est fondée sur l’inexécution par l’employeur de ses obligations.

Le juge saisi d’une demande de résiliation judiciaire d’un contrat de travail, dispose d’un pouvoir souverain pour apprécier si les manquements établis à l’encontre de l’employeur sont suffisamment graves pour justifier cette mesure, ces manquements devant être d’une gravité telle qu’elle empêche toute poursuite de l’exécution du contrat de travail, la résiliation judiciaire du contrat prononcée par le juge produisant alors les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La prise d’effet de la résiliation est fixée en principe au jour du jugement qui la prononce dès lors qu’à cette date, le salarié est toujours au service de l’employeur.

Toutefois, si le contrat a déjà été rompu dans l’intervalle, la résiliation prend effet au jour à partir duquel le salarié a cessé de se tenir à la disposition de l’employeur, ou en cas de licenciement, au jour du licenciement.

En l’espèce, M. [M] reproche à l’employeur:

– un défaut et un retard de paiement de tous les éléments de salaire

– une dégradation continue des conditions de travail (perte de responsabilité, mise en danger…)

– la dégradation de ses relations avec son supérieur hiérarchique.

Il a été précédemment jugé que la matérialité des deux derniers griefs n’est aucunement établie.

En revanche, l’expertise comptable a mis en exergue des carences importantes dans le paiement de tous les éléments de salaire de M. [M] pendant plusieurs années, ayant abouti à la privation totale et définitive, pour cause de prescription, d’indemnités de congés payés.

Ainsi que l’ont pertinemment relevé les premiers juges, de tels manquements à une obligation aussi essentielle du contrat de travail sont suffisamment graves pour en empêcher la poursuite et justifier sa résiliation aux torts de l’employeur.

En conséquence, la cour infirmant le jugement déféré en ce qu’il a, par une erreur de plume manifeste, ‘dit que la prise d’acte de la rupture par le salarié produira les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse’, prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur à la date du 18 février 2019, date du licenciement.

3°- Sur les conséquences financières de la rupture du contrat de travail :

La résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, ainsi qu’à une indemnité de licenciement.

* Sur l’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents:

L’article L. 1234- 1 du code civil prévoit que ‘lorsque le licenciement n’est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit :

(…)

3° S’il justifie chez le même employeur d’une ancienneté de services continus d’au moins deux ans, à un préavis de deux mois.

Toutefois, les dispositions des 2° et 3° ne sont applicables que si la loi, la convention ou l’accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d’ancienneté de services plus favorable pour le salarié.’

L’article L. 1234-5 du code du travail précise que ‘lorsque le salarié n’exécute pas le préavis, il a droit, sauf s’il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice. L’inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l’employeur, n’entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s’il avait accompli son travail jusqu’à l’expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise. L’indemnité compensatrice de préavis se cumule avec l’indemnité de licenciement et avec l’indemnité prévue à l’article L. 1235-2″.

En l’espèce, M. [M], qui comptait plus de deux ans d’ancienneté au sein de la SAS FRANCE INCENDIE, est fondé à se prévaloir d’un préavis de deux mois.

En conséquence, la cour confirme le jugement déféré en ce qu’il a alloué en application de ces dispositions légales la somme non critiquée dans son quantum de 5.678,74 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 567,87 euros bruts au titre des congés payés afférents.

* Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse:

Pour les licenciements sans cause réelle et sérieuse notifiés à compter du 24 septembre 2017, l’article L.1235-3 du code du travail prévoit que si l’une ou l’autre des parties refuse la réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans un tableau différent selon que l’entreprise emploie habituellement plus de dix ou moins de onze salariés (barème Macron).

Le nouvel article L.1235-3 du code du travail définit des montant minimaux et maximaux d’indemnité de licenciement calculés en mois de salaire, en fonction de l’ancienneté et du nombre de salariés dans l’entreprise. Ainsi, dans les entreprises de 11 salariés ou plus, l’article L. 1235-3 prévoit que l’indemnité de licenciement varie de 1 à 20 mois de salaire brut suivant l’ancienneté dans l’entreprise, en fixant des montants minimaux et maximaux.

En l’espèce, M. [V] [M], âgé de 47 ans au moment de son licenciement, comptait 8 ans d’ancienneté au sein de la SAS FRANCE INCENDIE et percevait un salaire mensuel moyen brut de 2.839,37 euros.

Il n’est pas discuté que la SAS FRANCE INCENDIE employait plus de dix salariés au moment du licenciement.

En application de l’article L.1235-3 du code du travail et au regard de son ancienneté, M. [M] peut prétendre à une indemnité de licenciement dont le montant est compris entre 3 et 8 mois de salaire mensuel brut, soit entre 8.518,11 et 22.714,96 euros bruts.

M. [M] demande à la cour de lui assurer une réparation adéquate et intégrale de son préjudice, en faisant valoir que le montant maximal d’indemnisation prévu par l’article L. 1235-3 du code du travail doit être écarté en raison de son inconventionnalité, ce plafonnement violant les dispositions des articles 24 de la charte sociale européenne du 03 mai 1996 et 10 de la convention n° 158 de l’OIT.

La Convention n°158 de l’Organisation Internationale du Travail, d’application directe en droit interne, prévoit en son article 10 que les juges doivent être ‘habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée’.

L’article 24 de la Charte Sociale Européenne contient une disposition similaire.

Le barème prévu par l’article L. 1235-3 du code du travail a été critiqué devant le Conseil Constitutionnel, le Conseil d’Etat et la Cour de cassation.

Le Conseil Constitutionnel, dans sa décision n° 2018-761 DC du 21 mars 2018, a déclaré le mécanisme du barème conforme à la Constitution.

Le Conseil d’État a également validé ce barème le 07 décembre 2017.

Enfin, par deux arrêts du 11 mai 2022 (n° 21-14.490 et 21-15.247), la chambre sociale de la cour de cassation, statuant en formation plénière, a jugé que:

– le barème d’indemnisation du salarié licencié sans cause réelle et sérieuse n’est pas contraire à l’article 10 de la convention n°158 de l’Organisation internationale du travail;

– la loi française ne peut faire l’objet d’un contrôle de conformité à l’article 24 de la Charte sociale européenne, qui n’est pas d’effet direct;

– le juge français ne peut écarter, même au cas par cas, l’application du barème au regard de cette convention internationale.

M. [M] n’est donc pas fondé à demander la mise à l’écart du barème prévu par l’article L. 1235-3 du code du travail, conforme aux textes européens et internationaux.

Compte tenu de son âge (47 ans), de son ancienneté dans l’entreprise (8 ans) au moment de son licenciement, de l’octroi de l’allocation de retour à l’emploi jusqu’en mai 2020 et d’une diminution conséquente de ses revenus pendant au moins un an, la cour, infirmant le jugement déféré en ce qu’il a octroyé au salarié une indemnité inférieure au montant minimal du barème Macron, alloue à ce dernier la somme de 20.000 euros bruts à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

4°- Sur les demandes reconventionnelles en paiement de l’employeur:

* Sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

La SAS FRANCE INCENDIE soutient que M. [M] a sciemment utilisé le véhicule, dont il connaissait l’expiration de la date du contrôle technique, afin de créer une faute fictive à reprocher à la société en vue d’une action prud’homale.

Elle sollicite à ce titre le paiement de dommages et intérêts à hauteur de 10.000 euros en réparation de cette manoeuvre déloyale.

La SAS FRANCE INCENDIE n’explicite toutefois nullement la nature du préjudice qui aurait résulté de cette manoeuvre, à la supposer établie.

Elle sera donc déboutée de ce chef de demande, dont la preuve du bien- fondé n’est rapportée ni dans son principe ni dans son quantum.

Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

* Sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive :

L’exercice d’une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol.

L’action en résiliation judiciaire et paiement de diverses sommes tant au titre de l’exécution que la rupture du contrat de travail introduite par M. [M], ayant pour partie prospéré, ne présente de ce fait aucun caractère abusif.

Aussi, la cour, par confirmation du jugement entrepris, rejette également ce chef de demande.

5°- Sur les intérêts et leur capitalisation:

Les sommes allouées à titre de salaires et accessoires de salaire porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation en justice de l’employeur valant mise en demeure, et celles accordées à titre indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du jugement déféré sur le montant de la somme allouée par les premiers juges et à compter du présent arrêt pour le surplus et ce, avec capitalisation des intérêts conformément aux règles légales.

6°- Sur les frais irrépétibles et dépens :

Les dispositions du jugement déféré relatives aux frais irrépétibles et dépens seront confirmées.

La SAS FRANCE INCENDIE, partie qui succombe au sens de l’article 696 du code de procédure civile, sera déboutée de sa demande en indemnisation de ses frais irrépétibles et condamnée à payer à M. [M] la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et ce, en sus des entiers dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement déféré en ce qu’il a:

– dit et jugé que la prise d’acte de la rupture par le salarié produira les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse;

– condamné la SAS FRANCE INCENDIE à payer à M. [V] [M]:

* 2.287,86 euros bruts à titre de rappel de salaire sur prime d’ancienneté ;

* 3.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour paiement tardif des salaires ;

* 6.005,44 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

Statuant à nouveau sur ces chefs,

Déboute M. [V] [M] de ses demandes en paiement d’un rappel de salaire sur garantie d’ancienneté et de dommages et intérêts pour paiement tardif des salaires;

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur à compter du 18 février 2019, date du licenciement;

Condamne la SAS FRANCE INCENDIE à payer à M. [V] [M] la somme de 20.000 euros bruts à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions;

Y ajoutant,

Dit que les sommes allouées à titre de salaires et accessoires de salaire porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation en justice de l’employeur valant mise en demeure, et celles accordées à titre indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du jugement déféré sur le montant de la somme allouée par les premiers juges et à compter du présent arrêt pour le surplus et ce, avec capitalisation des intérêts conformément aux règles légales;

Condamne la SAS FRANCE INCENDIE à payer à M. [M] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

Condamne la SAS FRANCE INCENDIE aux entiers dépens d’appel;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le greffier, Le Président,

N. BELAROUI C. RUIN

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x