Épuisement professionnel : 14 février 2023 Cour d’appel de Riom RG n° 20/01405

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Épuisement professionnel : 14 février 2023 Cour d’appel de Riom RG n° 20/01405

14 FEVRIER 2023

Arrêt n°

ChR/NB/NS

Dossier N° RG 20/01405 – N° Portalis DBVU-V-B7E-FO7I

[B] [Y]

/

S.A.S. FROID CLIMAT AUVERGNE

jugement au fond, origine conseil de prud’hommes – formation de départage de clermont-ferrand, décision attaquée en date du 11 septembre 2020, enregistrée sous le n°

Arrêt rendu ce QUATORZE FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d’Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Frédérique DALLE, Conseiller

Mme Sophie NOIR, Conseiller

En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

M. [B] [Y]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Frédérik DUPLESSIS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANT

ET :

S.A.S. FROID CLIMAT AUVERGNE

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Antoine PORTAL de la SARL TRUNO & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMEE

Après avoir entendu les représentants des parties à l’audience publique du 28 Novembre 2022, la Cour a mis l’affaire en délibéré, Monsieur le Président ayant indiqué aux parties que l’arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

La SAS FROID CLIMAT AUVERGNE est une entreprise de plus de onze salariés exerçant dans le secteur d’activité de l’installation de machines et équipements mécaniques.

Monsieur [B] [Y], né le 22 novembre 1992, a été embauché par la SAS FROID CLIMAT AUVERGNE le 16 juillet 2012 dans le cadre d’un contrat d’apprentissage. A compter du 16 juillet 2014, la relation s’est poursuivie entre les parties dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, pour l’exercice des fonctions de technicien monteur, niveau I, coefficient 176 au sens de la convention collective nationale des entreprises d’installation sans fabrication, y compris entretien, réparation, dépannage de matériel aéraulique thermique et frigorifique et connexes du 21 janvier 1986.

A compter du 6 juillet 2018, Monsieur [B] a été placé en arrêt de travail, régulièrement renouvelé.

Par courrier daté du 8 août 2018, la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE (CPAM) du PUY-DE-DOME informait l’employeur de l’établissement d’une déclaration de maladie professionnelle par son salarié, Monsieur [B] [Y], à raison d’un ‘stress au travail avec dorso lombalgies’. Par courrier du 13 septembre 2018, la CPAM du PUY-DE-DOME refusait de prendre en charge la pathologie ainsi déclarée au titre de la législation sur les risques professionnels.

A l’issue d’un examen de pré-reprise organisé le 31 octobre 2018, le médecin du travail a rendu l’avis suivant : ‘L’état de santé du salarié ne permettra pas de proposer des tâches aux postes existants dans l’entreprise et que le salarié pourrait exercer. Inaptitude totale et définitive à prévoir en reprise. A voir en reprise’.

A l’issue de la visite de reprise organisée le 13 novembre 2018, le médecin du travail concluait à l’inaptitude du salarié en ces termes : ‘Tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé. Inapte à tout poste dans l’entreprise. L’état de santé du salarié ne permet pas de proposer des tâches aux postes existants dans l’entreprise et que le salarié pourrait exercer. Pas de reclassement professionnel possible dans l’entreprise ni par adaptation ou transformation du poste, ni par mutation sur un autre poste dans l’entreprise ou sur les autres entreprises appartenant au groupe. Une seule visite, examen de pré reprise le 31/10/2018. Conformément à l’article R4624-42 du Code du Travail »

Par courrier daté du 16 novembre 2018, la société FROID CLIMAT AUVERGNE a informé Monsieur [B] [Y] de l’impossibilité de pourvoir à son reclassement.

Par courrier daté du 19 novembre 2018, Monsieur [B] [Y] a été convoqué à un entretien préalable à licenciement fixé au 27 novembre suivant.

Par requête expédiée le 23 novembre 2018, reçue au greffe le 27 novembre suivant, Monsieur [B] [Y] a saisi le conseil de prud’hommes de CLERMONT-FERRAND aux fins notamment de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur outre obtenir diverses sommes à titre indemnitaire et de rappel de salaires pour heures supplémentaires.

Par courrier recommandé avec avis de réception expédié le 6 décembre 2018, la société FROID CLIMAT AUVERGNE a notifié à Monsieur [B] [Y] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

L’audience devant le bureau de conciliation et d’orientation s’est tenue en date du 9 janvier 2019 et, comme suite au constat de l’absence de conciliation (convocation notifiée au défendeur le 27 novembre 2018 ), l’affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.

Par jugement de départage en date du 11 septembre 2020 (audience du 7 février 2020 ), le conseil de prud’hommes de CLERMONT-FERRAND a :

– débouté Monsieur [B] [Y] de sa demande de rappel de salaires sur heures supplémentaires ;

– débouté en conséquence Monsieur [B] [Y] de ses demandes en dommages et intérêts pour non-respect de la convention collective aéronautique, thermique et frigorifique et de sa demande au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

– dit que la SAS FROID CLIMAT AUVERGNE n’a pas commis de faute dans le cadre de l’exécution du contrat de travail ;

– débouté en conséquence Monsieur [B] [Y] de sa demande de résiliation de son contrat de travail ;

– dit que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement en date du 6 décembre 2018 repose sur une cause réelle et sérieuse ;

– débouté en conséquence Monsieur [B] [Y] de l’ensemble de ses demandes indemnitaires formées à l’encontre de la SAS FROID CLIMAT AUVERGNE pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire de la décision ;

– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamne Monsieur [B] [Y] aux dépens.

Le 22 octobre 2020, Monsieur [B] [Y] a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié à sa personne le 22 septembre 2020.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 29 octobre 2020 par Monsieur [B] [Y],

Vu les conclusions notifiées à la cour le 21 décembre 2020 par la SAS FROID CLIMAT AUVERGNE,

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 31 octobre 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures, Monsieur [B] [Y] conclut à l’infirmation du jugement entrepris et demande à la cour, statuant à nouveau, de :

– condamner la SAS FROID CLIMAT AUVERGNE à lui payer les sommes suivantes:

* 5.194,95 euros à titre de rappel de salaires sur heures supplémentaires, outre 519,50 euros au titre des congés payés afférents ;

* 1.500 euros à titre de dommages et intérêts ;

* 12.232,26 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé ;

– à titre principal, prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail et condamner l’employeur à lui payer les sommes suivantes :

* 4.020,44 euros au titre de l’indemnité spéciale de licenciement ;

* 4.077,42 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 407,74 euros au titre des congés payés afférents ;

* 14.270,97 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive ;

– à titre subsidiaire, juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner l’employeur à lui payer les sommes suivantes :

* 4.020,44 euros au titre de l’indemnité spéciale de licenciement ;

* 4.077,42 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 407,74 euros au titre des congés payés afférents ;

* 14.270,97 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive ;

– condamner la SAS FROID CLIMAT AUVERGNE à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– dire que les sommes porteront intérêts au taux légal avec capitalisation à compter de la demande pour les sommes à caractère de salaire et à compter de la décision pour celles indemnitaires.

Monsieur [B] [Y] rappelle que le paiement des heures supplémentaires peut donner lieu à une contrepartie sous forme de repos et fait valoir avoir sollicité le paiement des heures accomplies sous forme monétaire au motif du non-respect par l’employeur du cadre conventionnel l’autorisant à appliquer le régime du repos compensateur. Il se réfère aux dispositions de l’article 4.1.3 intitulé ‘repos de remplacement’ de la convention collective des entreprises de matériel aéraulique, thermique et frigorifique, prévoyant la possibilité, par dérogation aux dispositions de l’article L. 3121-22 du code du travail, de remplacer le paiement de tout ou partie des heures supplémentaires et des majorations par un repos compensateur équivalent, l’employeur devant toutefois dans cette hypothèse déterminer, après consultation des représentants du personnel s’il en existe, d’une part le caractère individuel ou collectif de la conversion en temps de repos, la ou les périodes de l’année pendant lesquelles les heures supplémentaires sont converties en temps de repos, éventuellement le nombre minimum d’heures supplémentaires qui seront converties en temps de repos. Il soutient que l’employeur n’a pas respecté les garanties conventionnelles ainsi prescrites alors même qu’elles ont vocation à garantir les droits du salarié. Il s’estime en conséquence bien fondé en sa demande de rappel de salaire.

Il sollicite ensuite que soit prononcée la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur à raison de différents manquements qu’il lui impute, à savoir :

* non paiement des heures supplémentaires qu’il soutient avoir réalisées conformément aux plannings produits aux débats, étant précisé qu’il sollicite le paiement de la majoration des heures comprises entre la 35ème et la 39ème heure, selon lui convertie en repos de remplacement en méconnaissance des dispositions conventionnelles applicables, ainsi que le paiement des heures supplémentaires accomplies au-delà de la 39ème heure. Il indique avoir perçu la somme de 2.442,82 euros en juillet 2018 au titre d’une première régularisation, et indique demeurer créancier de la somme de 5.194,95 euros, outre les congés payés afférents. Il sollicite en outre l’indemnisation du préjudice subi à hauteur de 1.500 euros ;

* repos compensateurs accordés en retard (pour l’hypothèse où la cour ferait droit à l’argumentation de l’employeur) ;

* travail dissimulé : Il excipe à cet égard de la connaissance par l’employeur de l’amplitude hebdomadaire de son temps de travail, de la réalisation d’heures supplémentaires, à raison de la transmission chaque semaine des relevés d’heures de travail, ainsi que de l’absence de toute régularisation des bulletins de paie notamment s’agissant de la majoration des heures supplémentaires, en sorte qu’il considère que la SAS FROID CLIMAT AUVERGNE a délibérément décidé de ne pas le rémunérer et de dissimuler son emploi. Il sollicite ainsi le versement de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié ;

* dépassement de la durée légale de travail (+ 48 heures par semaine) et épuisement professionnel ayant conduit à son inaptitude à son poste de travail et subséquemment à son licenciement.

A titre subsidiaire, Monsieur [B] [Y] fait valoir que la dégradation de son état de santé est directement et exclusivement imputable à de mauvaises conditions de travail liées notamment à une surcharge significative de travail et à un défaut de paiement des heures supplémentaires accomplies. Il conteste l’existence de tout état antérieur indépendant qui évoluerait pour son propre compte. Il ajoute que l’employeur, qu’il estime dûment informé de ses conditions de travail, n’a pris aucune mesure pour préserver sa santé au travail. Il considère de la sorte que son inaptitude est d’origine professionnelle et que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement qui lui a été notifié se trouve subséquemment dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il sollicite en conséquence le paiement de l’indemnité spéciale de licenciement, une indemnité de préavis, outre des dommages et intérêts.

Dans ses dernières écritures, la SAS FROID CLIMAT AUVERGNE conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et demande à la cour, statuant à nouveau, de :

– juger que Monsieur [B] [Y] a bénéficié de repos compensateurs en remplacement de majorations financières pour heures supplémentaires, conformément à l’article 4.1 de la convention collective aéraulique, thermique et frigorifique, dans le cadre de l’attribution de repos compensateur ;

– dire et juger que Monsieur [B] [Y] a constamment bénéficié de majorations au titre des heures supplémentaires effectuées, soit sous forme de repos compensateurs, soit sous

forme financière ;

En conséquence,

– débouter Monsieur [B] [Y] de sa demande de rappel de salaire sur heures supplémentaires ;

– débouter Monsieur [B] [Y] de sa demande indemnitaire pour non-respect de la convention collective aéraulique thermique et frigorifique ;

– débouter Monsieur [B] [Y] de sa demande au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

Sur la rupture du contrat de travail,

– dire et juger que les manquements de l’employeur allégués par Monsieur [B] [Y] ne justifient pas la résiliation judiciaire du contrat de travail ;

– dire et juger que les manquements allégués par Monsieur [B] [Y] ne sont pas suffisamment graves ;

– dire et juger que les manquements reprochés par Monsieur [B] [Y] sont anciens, ont cessé ou ont été régularisé ;

En conséquence,

– débouter Monsieur [B] [Y] de sa demande principale de résolution judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société FROID CLIMAT AUVERGNE;

– débouter Monsieur [B] [Y] de sa demande au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;

– débouter Monsieur [B] [Y] de sa demande indemnitaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; subsidiairement, limiter le préjudice conformément aux dispositions de l’article L. 1235-3 du Code du travail ;

En outre,

– dire et juger que l’inaptitude physique de Monsieur [B] [Y] n’est pas d’origine professionnelle ;

– dire et juger qu’elle n’a commis aucune faute à l’égard de Monsieur [B] [Y] ;

En conséquence,

– débouter Monsieur [B] [Y] de sa demande subsidiaire de requalification du licenciement pour impossibilité de reclassement en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– débouter Monsieur [B] [Y] de sa demande au titre de l’indemnité spéciale de licenciement ;

– débouter Monsieur [B] [Y] de sa demande au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;

– débouter Monsieur [B] [Y] de sa demande indemnitaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; subsidiairement, limiter le préjudice conformément aux dispositions de l’article L. 1235-3 du Code du travail ;

En toute hypothèse,

– débouter Monsieur [B] [Y] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

– condamner Monsieur [B] [Y] au paiement d’une somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, outre aux entiers dépens.

La SAS FROID CLIMAT AUVERGNE expose que le contrat de travail du salarié prévoit, s’agissant de sa rémunération et de son temps de travail, que : « La rémunération mensuelle brute de Monsieur [B] [Y] est fixée à 1700 euros par mois qui se décompose ainsi : – 1525,68 euros brut pour 151,67 heures, soit 10,059 euros de l’heure ; – 174,33 euros brut pour 17,33 heures qui seront majorées en repos compensateur. (‘) La durée hebdomadaire de travail de Monsieur [B] [Y] est de 39 heures ».

Elle en déduit que les parties ont ainsi contractuellement prévu que Monsieur [B] [Y] bénéficierait du paiement des heures supplémentaires au taux normal, outre des majorations sous forme de repos compensateurs de remplacement. Elle soutient qu’un tel dispositif est conforme aux dispositions conventionnelles applicables à la relation d’espèce. Elle renvoie sur ce point aux dispositions de l’article 4.1 encadrant le recours aux heures supplémentaires et instituant la faculté, par dérogation aux dispositions de l’article L. 3121-22 du code du travail, la possibilité de choisir de remplacer le payement de tout ou partie des heures supplémentaires et des majorations par un repos compensateur équivalent dans les conditions prescrites par l’article L. 3121-24 du même code. Elle soutient ainsi que le salarié a bénéficié, au cours de l’ensemble de la relation salariale, de majorations d’heures supplémentaires sous forme de repos compensateurs.

La SAS FROID CLIMAT AUVERGNE relève qu’aucun texte, tant légal que conventionnel, ne prévoit de modalités d’information du salarié concernant le solde et la prise des repos compensateurs. Elle considère qu’elle pouvait de la sorte déterminer, sans le moindre accord ou la moindre information du salarié concerné, le caractère individuel ou collectif de la conversion en temps de repos, la ou les périodes de l’année pendant lesquelles les heures supplémentaires sont converties en temps de repos, et le nombre minimum d’heures supplémentaires converties en temps de repos, au motif de l’absence en son sein de toute instance représentative du personnel comme cela s’infère selon elle du procès-verbal de carence établi à l’occasion des élections de la délégation unique du personnel qu’elle indique produire aux débats.

Elle souligne par ailleurs l’accord systématique des parties quant aux dates de repos, lesquelles correspondaient à des journées ou demi-journées, étant précisé qu’au total, le salarié a bénéficié de 36 journées et 9 journées de repos compensateurs, représentant 290 heures supplémentaires. Elle indique s’être d’ores et déjà acquittée de la somme de 2.442,82 euros à titre de régularisation réglée sur la paie du mois de juillet 2018, ainsi que de 5 heures supplémentaires en août 2018, outre 18,50 heures supplémentaires sur son dernier bulletin de paie pour la somme de 232,62 euros.

Elle conclut ainsi au débouté du salarié s’agissant de la demande qu’il formule au titre du rappel de salaires sur heures supplémentaires, ainsi que de celle indemnitaire pour non-respect des dispositions conventionnelles.

Elle réfute enfin s’être rendue coupable de l’infraction pour travail dissimulé en l’absence de toute dissimulation du temps de travail de Monsieur [B] [Y].

S’agissant de la rupture du contrat de travail, l’intimée souligne l’antériorité de la demande de résiliation judiciaire au licenciement du salarié, en sorte qu’il appartient à la juridiction prud’homale de se prononcer en premier sur le bien fondé de la demande de résiliation. Sur le fond, elle considère que les manquements opposés par le salarié ne sont pas établis (non-paiement des heures de travail ; non-respect de la convention collective ; existence d’une situation de travail dissimulé) et en tout état de cause, insuffisamment graves pour justifier que soit prononcée la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur. Elle relève à cet égard que le salarié excipe pour la première fois en cause d’appel de deux manquements nouveaux, à savoir l’absence de majoration d’heures supplémentaires et le dépassement de la durée hebdomadaire de travail de 48 heures et considère que la tardiveté de leur mention ne peut que corroborer l’absence de toute gravité desdits manquements.

Concernant la demande subsidiaire formulée par le salarié, elle conteste que l’inaptitude de Monsieur [B] [Y] recouvre une origine professionnelle et résulterait, plus largement, d’un comportement fautif de l’employeur, ces deux circonstances ne résultant d’aucun élément objectif du dossier. Elle relève par ailleurs l’absence de toute contestation ou plainte qui aurait été émise par le salarié au cours de la relation salariale s’agissant de ses conditions de travail, outre le bénéfice par celui-ci de visites périodiques auprès des services de la médecine du travail aux termes desquelles il n’a jamais été formulé de la part du médecin du travail de quelconques observations particulières quant à l’état de santé de Monsieur [B] [Y]. Elle réfère également au refus de la CPAM du PUY-DE-DOME de prendre en charge au titre de la législation sur les risques professionnels la pathologie déclarée par le salarié, à savoir ‘stress au travail avec dorso lombalgies’. Elle déduit de ces éléments l’absence de toute situation d’accident du travail/maladie professionnelle et de la connaissance subséquente de l’origine professionnelle dont excipe le salarié. Elle conclut ainsi au bien fondé du licenciement notifié à Monsieur [B] [Y] pour inaptitude et impossibilité de reclassement et au rejet des demandes indemnitaires qu’il formule en conséquence.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.

MOTIFS

– Sur les repos compensateurs de remplacement –

Le contrat de travail prévoit que la rémunération mensuelle de Monsieur [B] [Y] se décompose en la somme de 1 525,68 euros brut pour 151,67 heures et 174,33 euros brut pour 17,33 heures ‘qui seront majorées en repos compensateur’, la durée hebdomadaire de travail étant de 39 heures.

L’article L. 3121-24 du code du travail, dans sa rédaction applicable à l’époque de la conclusion du contrat de travail, admettait, en effet, la possibilité qu’une convention ou un accord collectif de travail étendu ou une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement puisse prévoir le remplacement de tout ou partie du paiement des heures supplémentaires, ainsi que des majorations prévues à l’article L. 3121-22, par un repos compensateur équivalent. Il était précisé que, ‘dans les entreprises dépourvues de délégué syndical non assujetties à l’obligation annuelle de négocier prévue à l’article L. 2242-1, ce remplacement est subordonné, en l’absence de convention ou d’accord collectif de travail étendu, à l’absence d’opposition, lorsqu’ils existent, du comité d’entreprise ou des délégués du personnel. La convention ou l’accord d’entreprise ou le texte soumis à l’avis du comité d’entreprise ou des délégués du personnel peut adapter les conditions et les modalités d’attribution et de prise du repos compensateur de remplacement à l’entreprise’.

L’article L. 3121-37 du code du travail (dans sa rédaction en vigueur depuis le 10 août 2016) a repris des dispositions analogues : ‘Dans les entreprises dépourvues de délégué syndical, le remplacement de tout ou partie du paiement des heures supplémentaires, ainsi que des majorations, par un repos compensateur équivalent peut être mis en place par l’employeur à condition que le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, s’ils existent, ne s’y opposent pas. L’employeur peut également adapter à l’entreprise les conditions et les modalités d’attribution et de prise du repos compensateur de remplacement après avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s’ils existent’.

Alors que l’article L. 3121-22 du code du travail, dans sa rédaction antérieure au 10 août 2016 dispose que les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires et de 50% pour les heures suivantes, la convention collective aéraulique thermique et frigorifique, applicable dans l’entreprise, précise, dans son article 4.1.3, que :

‘Par dérogation aux dispositions de l’article L 3121-22 du code du travail relatives au payement des heures supplémentaires, les entreprises peuvent choisir de remplacer le payement de tout ou partie des heures supplémentaires et des majorations par un repos compensateur équivalent dans les conditions prévues par l’article L 3121-24 du code du travail.

Dans cette hypothèse, l’employeur détermine, après consultation des représentants du personnel s’il en existe :

– le caractère individuel ou collectif de la conversion en temps de repos ;

– la ou les périodes de l’année pendant lesquelles les heures supplémentaires seront converties en temps de repos ;

– éventuellement le nombre minimum d’heures supplémentaires qui seront converties en temps de repos.

Les heures supplémentaires converties en repos ne s’imputent pas sur le contingent annuel d’heures supplémentaires correspondant.

Le repos de remplacement est pris dans les conditions suivantes :

– par demi-journée de travail effectif ou par journée entière dans un délai de 3 mois suivant l’ouverture du droit, sauf accord d’entreprise plus favorable.

– les dates de repos sont fixées par accord entre l’employeur et le salarié ; à défaut d’accord, l’employeur est tenu de respecter un délai de prévenance minimum de deux semaines’.

Il s’ensuit, compte tenu de ces dispositions conventionnelles, que, dans les entreprises pourvues de représentants du personnel, le remplacement de tout ou partie du paiement des heures supplémentaires, ainsi que des majorations, par un repos compensateur équivalent, peut être mis en place après consultation des représentants du personnel et que, dans les entreprises ne comportant pas de représentants du personnel, cette mise en place peut résulter d’une décision unilatérale de l’employeur.

Il est constant, en l’espèce, qu’il a été procédé à un tel remplacement (repos compensateur de remplacement), Monsieur [B] [Y] ayant bénéficié, selon les bulletins de salaire, à hauteur de 151,67 heures par mois, d’un salaire et, à hauteur de 17,33 heures, du salaire correspondant, ‘majoré par un repos’.

Monsieur [B] [Y] soutient que l’employeur ne peut prétendre payer une partie des heures supplémentaires sous forme de repos et que les heures supplémentaires doivent être entièrement payées et majorées au motif que les dispositions conventionnelles n’ont pas été respectées en ce qui concerne tant la détermination du caractère individuel ou collectif de la conversion en temps de repos que celle des périodes de l’année pendant lesquelles les heures supplémentaires devaient être converties en temps de repos et celles relatives aux conditions de prise des repos.

L’employeur justifie que l’entreprise ne comportait pas une délégation unique du personnel et il n’est pas contesté qu’elle ne disposait pas de représentants du personnel.

Toutefois, la convention collective ne limite pas les obligations de l’employeur à l’hypothèse de la présence de représentants du personnel au sein de l’entreprise. Il ressort des termes de l’article 4.1.3 précité que, dans tous les cas, l’employeur doit déterminer le caractère individuel ou collectif de la conversion en temps de repos, fixer les périodes de l’année pendant lesquelles les heures supplémentaires seront converties en temps de repos, fixer éventuellement le nombre minimum d’heures supplémentaires qui seront converties en temps de repos. Il doit aussi déterminer les conditions de prise des repos de remplacement (par demi-journée de travail effectif ou par journée entière) dans un délai de 3 mois suivant l’ouverture du droit, sauf accord d’entreprise plus favorable, et fixer les dates de repos par accord avec le salarié, ou, à défaut d’accord, respecter un délai de prévenance minimum de deux semaines.

Les dispositions conventionnelles visent à permettre au salarié, en contrepartie de l’abandon de l’avantage financier, de bénéficier de temps de repos compensant le travail accompli au-delà de la durée légale. La détermination des conditions applicables pour la mise en place du remplacement constitue une garantie pour le salarié, notamment en ce qu’elles lui permettent d’être informé du nombre d’heures supplémentaires susceptibles d’être remplacées par un repos compensateur, du caractère obligatoire ou non du remplacement et des modalités de la prise de repos selon la période de l’année. L’accord du salarié est, en outre, requis par les dispositions conventionnelles pour que les dates des repos soient fixées aussi en fonction de ses desiderata et non en fonction du seul avantage de l’entreprise. Contrairement à ce que soutient l’employeur, l’accord du salarié ne peut se déduire ni de la clause insérée dans le contrat de travail ni de ce que des repos ont effectivement été pris.

Monsieur [B] [Y] se plaint ainsi de ce que l’employeur n’a pas respecté le délai de 3 mois suivant l’ouverture des droits pour que le repos soit pris ou donné, ni l’obligation de solliciter son accord pour fixer des dates de repos et qu’il n’a pas non plus respecté, à défaut d’accord, le délai de prévenance.

Or, il n’est justifié d’aucune note de service ni d’aucune décision unilatérale par laquelle l’employeur aurait déterminé les conditions de mise en place et de prise des repos compensateurs.

L’employeur soutient avoir respecté les dispositions conventionnelles en faisant valoir qu’il pouvait librement décider, en l’absence d’institutions représentatives du personnel, du caractère individuel de la conversion des majorations financières en temps de repos en ce qui concerne Monsieur [B] [Y], des périodes de l’année pendant lesquelles les heures supplémentaires seraient converties de même que du caractère annuel des périodes de conversion. Cependant, si le contrat de travail mentionne que le paiement d’une partie du salaire dû au titre des majorations pour heures supplémentaires interviendra sous forme de repos, Monsieur [B] [Y] n’a pas été informé par le contrat de travail des conditions du remplacement et il n’est aucunement justifié que son accord aurait été sollicité pour déterminer les conditions de prise de repos et, notamment, les dates de repos.

Il est versé aux débats, outre les bulletins de salaire, les plannings du salarié pour les années 2015 à 2018 sur lesquels figurent ses heures de travail comptabilisées quotidiennement ainsi que les relevés d’heures renseignés par l’intéressé sur lesquels sont portés des mentions ‘récup’ (presque toujours le vendredi), correspondant, selon l’employeur, aux repos compensateurs de remplacement, mais les bulletins de salaire ne comportent aucune mention spéciale ni document annexe relatif aux repos de remplacement et il n’est justifié d’aucune information donnée au salarié quant à ses droits à repos compensateur de remplacement.

Le seul fait que des mentions ‘récup’ figurent sur les relevés d’heures de travail du salarié ne peut suffire à établir l’accord de Monsieur [B] [Y] ni sur le principe de la conversion, ni sur le nombre de repos octroyés, ni sur les dates de prise du repos.

Monsieur [B] [Y] soutient que les prétendues ‘récup’ mentionnées sur les relevés de temps de travail le vendredi ne correspondraient pas à un repos compensateur. Selon lui, l’employeur ne commandait pas systématiquement de travail le vendredi lorsque le chantier était terminé le jeudi de sorte que la ‘récup’ mentionnée le vendredi devrait s’analyser comme une journée sans travail payée par l’employeur et non comme un repos de remplacement. De fait, rien ne permet de vérifier la nature et la cause de ces journées ou demi-journées non travaillées qui ne sont explicitées ni par les bulletins de salaire de Monsieur [B] [Y] ni par aucun autre document et il n’est pas justifié que l’accord du salarié aurait été sollicité à un quelconque moment.

Il apparaît, en l’absence de tout autre élément, que l’employeur n’a pas respecté les obligations auxquelles il était tenu par la convention collective en matière de repos compensateur de remplacement. Le jugement sera, en conséquence, infirmé en ce qu’il a débouté Monsieur [B] [Y] sur ce point.

Les dispositions conventionnelles permettant le remplacement du paiement des majorations applicables aux heures supplémentaires n’ayant pas été respectées, l’employeur n’est pas fondé à se prévaloir de la dérogation introduite par la convention collective et Monsieur [B] [Y] est en droit de solliciter l’application des dispositions de droit commun, à savoir le paiement de la majoration due au taux de 25% pour les heures de travail réalisées chaque semaine entre la 35ème et la 39ème heure.

– Sur la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires –

L’article L. 3171-4 du code du travail dispose qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Il résulte de ce texte que la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties et qu’il appartient au salarié de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande mais il incombe aussi à l’employeur de fournir les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

En l’espèce, les bulletins de salaire de Monsieur [B] [Y] font état, pour chaque mois, d’heures de travail à hauteur de 151,67 heures auxquelles s’ajoutent 17,33 heures au titre des ‘heures supplémentaires majorées par un repos’. Sont, en outre, comptabilisées des heures supplémentaires (le plus souvent à hauteur de 20 heures par mois), majorées au taux de 25%, le temps de travail mensuel total s’établissant le plus souvent à 189 heures.

Monsieur [B] [Y] soutient avoir accompli des heures de travail non récupérées et non réglées, entre le mois de novembre 2015 et le mois de juin 2018 pour un montant total de 5.194,95 euros après avoir déduit les heures supplémentaires rémunérées figurant sur les bulletins de salaire (7 591,62 euros et la somme de 2 442,82 euros versée à titre de régularisation en juillet 2018).

Il se prévaut des relevés d’heures et des plannings pour les années 2015 à 2018, sur lesquels figurent les horaires de travail, portés avec l’indication, pour chaque jour de travail, de l’heure de début et de l’heure de fin du travail, ainsi que des tableaux récapitulant les heures de travail semaine par semaine. Il en résulte, d’une part, que la durée hebdomadaire de travail s’établit souvent au-delà de la durée figurant sur les bulletins de salaire et même, à une vingtaine de reprise, au-delà de 50 heures dans la semaine, et, d’autre part, que la majoration de 50% n’a pas été appliquée sur les heures supplémentaires accomplies à partir de la 44ème heure.

Monsieur [B] [Y] verse aux débats des tableaux, établis par lui-même, récapitulant le nombre d’heures de travail accomplies chaque semaine, de novembre 2015 à juin 2018, précisant les heures supplémentaires accomplies au-delà de la 35ème heure et distinguant les heures donnant lieu à majoration au taux de 25% (de la 36ème à la 43ème heure) et celles donnant lieu à majoration de 50% (à partir de la 44ème heure).

De tels documents comportent des éléments vérifiables quant aux heures de travail exécutées et sont de nature à étayer les prétentions du salarié quant à l’accomplissement des heures supplémentaires alléguées, l’employeur étant en mesure d’apporter des éléments justificatifs des horaires effectués. Or, ce dernier ne conteste pas les indications fournies par ces documents.

Il s’ensuit, en l’absence de tout élément de preuve contraire, que les prétentions de Monsieur [B] [Y] sont établies par les pièces produites. Son décompte qui fait apparaître, conformément aux dispositions applicables, les majorations dues, doit être retenu et l’employeur doit lui payer la somme de 5.194,95 euros au titre des heures supplémentaires effectuées, non réglées ni récupérées, ainsi que celle de 519,49 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés correspondante.

Le jugement sera infirmé en ce qu’il l’a débouté sur ce point.

– Sur la demande de dommages-intérêts –

Monsieur [B] [Y] se plaint de ce que le non-respect par l’employeur des dispositions de la convention collective lui a causé un préjudice en faisant valoir qu’il a été amené à effectuer d’importantes semaines de travail concentrées sur 4 jours. Il se prévaut des relevés d’heures faisant état à plusieurs reprises de semaines consécutives où il a travaillé plus de 50 heures (par exemple, 51,5 heures et 53 heures en décembre 2015, 51,5 heures, 56,5 heures et 50,5 heures en janvier et février 2016).

Ces éléments d’appréciation, justifiés par les pièces produites et non contestés, sont de nature à établir que Monsieur [B] [Y] s’est trouvé à plusieurs reprises privé d’un temps de repos suffisant qui lui a causé un préjudice certain en raison du trouble apporté dans sa vie personnelle et des risques engendré pour sa santé et sa sécurité. Compte tenu des éléments d’appréciation versés aux débats, il lui sera alloué la somme de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts, le jugement devant être infirmé en ce qu’il l’a débouté de sa demande.

– Sur le travail dissimulé –

Il résulte des dispositions de L. 8223-1 du code du travail qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié dont l’employeur a volontairement dissimulé une partie du temps de travail a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l’espèce, si l’existence d’une irrégularité dans le paiement des heures supplémentaires est établie, il ressort des éléments versés aux débats que cette situation est la conséquence d’une pratique qui, certes, n’est pas conforme aux dispositions légales et conventionnelles applicables mais qui ne permet pas de caractériser une volonté délibérée de l’employeur de dissimuler une partie du temps de travail compte tenu que, pour une part importante, les heures supplémentaires accomplies ont fait l’objet d’un paiement en leur temps et qu’au moins pour partie, la majoration applicable a été payée.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de Monsieur [B] [Y] sur ce point.

– Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail –

Lorsqu’un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu’il
reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d’autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat de travail, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée. C’est seulement dans le cas contraire qu’il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l’employeur.

En l’espèce, Monsieur [B] [Y] a saisi le conseil de prud’hommes de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail alors que les relations contractuelles avec l’employeur n’étaient pas rompues et que le licenciement n’est intervenu que postérieurement.

Il y a donc lieu de statuer sur la demande de résiliation et de rechercher si les griefs articulés à l’encontre de l’employeur sont de nature à justifier celle-ci, la résiliation du contrat de travail ne pouvant être prononcée qu’en présence de fautes commises par l’employeur suffisamment graves pour emporter la rupture du contrat de travail.

Or, les manquements de l’employeur qui n’a pas respecté les dispositions légales et conventionnelles relatives aux heures supplémentaires et aux repos compensateurs de remplacement présentent, ainsi qu’il a été vu ci-dessus, compte tenu de durée de la pratique observée, de sa persistance et de ses conséquences préjudiciables pour le salarié, un caractère de gravité tel qu’ils justifient la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts.

Le jugement sera infirmé en ce qu’il a débouté Monsieur [B] [Y] sur ce point.

La résiliation judiciaire du contrat de travail à l’initiative du salarié et aux torts de l’employeur produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, Monsieur [B] [Y] est en droit de solliciter une indemnité compensatrice de préavis qui, eu égard à son salaire, sera fixée à 4 077,42 euros (2 mois de salaire) à laquelle s’ajoute l’indemnité compensatrice de congés payés afférente, soit 407,74 euros.

La demande au titre de l’indemnité de licenciement sera rejetée, la somme correspondante ayant été versée à Monsieur [B] [Y] à l’occasion de son licenciement selon bulletin de salaire de décembre 2018.

S’agissant de la rupture du contrat de travail intervenue postérieurement au 24 septembre 2017, l’article L. 1235-3 du code du travail prévoit que si l’une ou l’autre des parties refuse la réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans un tableau différent selon que l’entreprise emploie habituellement plus de dix ou moins de onze salariés (barème Macron).

Le nouvel article L. 1235-3 du code du travail définit des montants minimaux et maximaux d’indemnité de licenciement calculés en mois de salaire, en fonction de l’ancienneté et du nombre de salariés dans l’entreprise. Ainsi, dans les entreprises d’au moins 11 salariés, l’article L. 1235-3 prévoit que l’indemnité de licenciement varie de 1 à 20 mois de salaire brut suivant l’ancienneté dans l’entreprise, en fixant des montants minimaux et maximaux.

Monsieur [B] [Y], née en 1992, a vu son contrat de travail rompu après 6 ans et 5 mois d’ancienneté au service d’une entreprise employant au moins 11 salariés, à l’âge de 26 ans. Il percevait un salaire de 2 038,71 euros brut.

En application de l’article L. 1235-3 du code du travail et au regard de son ancienneté, Monsieur [B] [Y] peut prétendre à une indemnité comprise entre 3 et 7 mois de salaire mensuel brut, soit entre 6 116,13 euros et 14 270,97 euros.

Compte tenu des éléments d’appréciation versés aux débats, et notamment du salaire de l’intéressé, de son ancienneté et de son âge, le préjudice résultant pour Monsieur [B] [Y] de la perte de son emploi sera réparé en lui allouant la somme de 10.000 euros.

– Sur la demande d’indemnité spéciale de licenciement –

Monsieur [B] [Y] sollicite le paiement de l’indemnité spéciale de licenciement prévue par l’article L. 1226-14 du code du travail au motif qu’il était épuisé, que l’inaptitude constatée par le médecin du travail est justifiée par l’impossibilité de poursuivre le contrat de travail sans porter atteinte à sa santé. Il soutient que seules les amplitudes de travail l’ont conduit à être inapte et que le juge prud’homal est libre de qualifier l’inaptitude en lien avec les conditions de travail même en l’absence de reconnaissance d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.

Il résulte de l’article L. 1226-14 du code du travail que la rupture du contrat de travail pour inaptitude d’origine professionnelle ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité spéciale de licenciement égale au double de l’indemnité légale. Lorsque, postérieurement au constat de l’inaptitude, le contrat de travail est rompu par une résiliation judiciaire produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié a droit à l’indemnité spéciale de licenciement prévue par l’article L. 1226-14 du code du travail à la condition que l’inaptitude soit consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle.

En l’espèce, selon l’avis d’inaptitude du 13 novembre 2018, le médecin du travail a estimé Monsieur [B] [Y] inapte à son emploi en précisant : ‘Tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé. Inapte à tout poste dans l’entreprise. L’état de santé du salarié ne permet pas de proposer des tâches aux postes existants dans l’entreprise et que le salarié pourrait exercer. Pas de reclassement professionnel possible dans l’entreprise ni par adaptation ou transformation du poste, ni par mutation sur un autre poste dans l’entreprise ou sur les autres entreprises appartenant au groupe. Une seule visite, examen de pré reprise le 31/10/2018. Conformément à l’article R4624-42 du Code du Travail’.

Cette constatation d’inaptitude est intervenue à l’issue d’un arrêt de travail pour maladie débuté le 6 juillet 2018 et constamment renouvelé jusqu’à la date de la visite de reprise. Il est vrai que M Monsieur [B] [Y] a formulé une demande de reconnaissance de maladie professionnelle le 3 août 2018 pour ‘stress au travail et dorsolombalgies, traitement anxiolytique et kiné’ mais il convient de relever que sa demande a fait l’objet d’une décision de refus de prise en charge au titre de la législation sur les maladies professionnelles selon notification de la caisse primaire d’assurance maladie en date du 13 septembre 2018, décision dont il n’apparaît pas qu’elle ait fait l’objet d’une contestation.

Certes, le droit du travail est autonome par rapport au droit de la sécurité sociale et les règles protectrices édictées par les articles L. 1226-6 et suivants du code du travail, relatives aux victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle s’appliquent (même si le caractère professionnel d’un accident ou d’une maladie n’est pas reconnu par les organismes de sécurité sociale) dès lors que l’inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l’employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.

Cependant, en l’espèce, au-delà des affirmations du salarié, même si l’accomplissement d’heures supplémentaires pouvait présenter un risque pour sa santé, rien ne permet d’établir un lien, même partiel, entre les conditions de travail de Monsieur [B] [Y] et la pathologie à l’origine des arrêts de travail et de l’avis d’inaptitude. Il n’est pas davantage démontré que l’employeur aurait pu avoir connaissance de l’origine professionnelle de l’inaptitude.

Monsieur [B] [Y] sera, en conséquence, débouté de sa demande au titre de l’indemnité spéciale de licenciement.

– Sur les intérêts –

En application des dispositions des articles 1231-6 du code civil et R 1452-5 du code du travail, les sommes allouées dont le principe et le montant résultent de la loi, d’un accord collectif ou du contrat (rappel de salaire, indemnité de préavis, indemnité compensatrice de congés payés), porteront intérêts au taux légal à compter de la date de convocation de l’employeur à l’audience de tentative de conciliation valant mise en demeure, soit le 27 novembre 2018.

La somme allouée à titre de dommages-intérêts produira intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Les intérêts seront eux-mêmes capitalisés en application de l’article 1343-2 du code civil.

– Sur les dépens et frais irrépétibles –

La société FROID CLIMAT AUVERGNE devra supporter les entiers dépens de première instance et d’appel ce qui exclut qu’il puisse prétendre bénéficier des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Il serait par contre inéquitable de laisser Monsieur [B] [Y] supporter l’intégralité des frais qu’il a dû exposer pour faire assurer la défense de ses intérêts. Une indemnité de 2.500 euros lui sera accordée en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

– Confirme le jugement en ce qu’il a débouté Monsieur [B] [Y] de ses demandes au titre de l’indemnité pour travail dissimulé et de l’indemnité de licenciement ;

– Infirme le jugement pour le surplus et, statuant à nouveau,

– Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [B] [Y] aux torts de l’employeur,

– Condamne la société FROID CLIMAT AUVERGNE à payer à Monsieur [B] [Y] les sommes de :

* 5.194,95 euros à titre de rappel de salaire, outre 519,49 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés correspondante,

* 1.000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des dispositions de la convention collective,

* 4.077,42 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 407,74 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés correspondante,

* 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– Dit que les sommes allouées à titre de rappel de salaire, d’indemnité de préavis et d’indemnités compensatrices de congés payés porteront intérêts au taux légal à compter du 27 novembre 2018, que la somme allouée à titre de dommages-intérêts produira intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et que les intérêts seront eux-mêmes capitalisés en application de l’article 1343-2 du code civil ;

– Condamne la société FROID CLIMAT AUVERGNE à payer à Monsieur [B] [Y] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamne la société FROID CLIMAT AUVERGNE aux dépens de première instance et d’appel ;

– Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le greffier, Le Président,

N. BELAROUI C. RUIN

 


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