Épuisement professionnel : 13 septembre 2022 Cour d’appel de Nîmes RG n° 19/02878

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Épuisement professionnel : 13 septembre 2022 Cour d’appel de Nîmes RG n° 19/02878

ARRÊT N°

N° RG 19/02878 – N° Portalis DBVH-V-B7D-HNUY

MS/EB

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’ANNONAY

24 juin 2019

RG :17/00042

[P]

C/

S.E.L.A.R.L. MJ SYNERGIE – ME [X]

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 13 SEPTEMBRE 2022

APPELANTE :

Madame [T] [P] épouse [B]

née le 30 Octobre 1975 à [Localité 10] 8ème ([Localité 10])

[Adresse 8]

[Localité 2]

Représentée par Me Marylène NINOTTA de la SCP DELOCHE, avocat au barreau d’ARDECHE

INTIMÉE :

SELARL MJ SYNERGIE – ME [X] SELARL MJ SYNERGIE – Maître [X], Mandataire Liquidateur, sis [Adresse 4], es qualité de Mandataire Liquidateur de la CLINIQUE [9].

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Delphine ANDRES de la SCP LOBIER & ASSOCIES, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me RICHARD, avocate au barreau de LYON

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D'[Localité 7]

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean-charles JULLIEN de la SCP LAICK ISENBERG JULLIEN SAUNIER GARCIA, avocat au barreau de NIMES

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 05 Mai 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

M. Michel SORIANO, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Virginie HUET, Conseillère

M. Michel SORIANO, Conseiller

GREFFIER :

Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l’audience publique du 19 Mai 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 06 Septembre 2022 prorogé à ce jour

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 13 Septembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Le 3 décembre 2012, la clinique [9] embauchait Mme [T] [P] épouse [B] dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, en qualité de qualiticienne.

Par avenant du 15 Septembre 2013, Mme [T] [P] épouse [B] se voyait attribuer le poste de directeur opérationnel sur la seule clinique [9].

Le 21 août 2016, durant la période de fermeture estivale de la clinique et les congés des salariés, la clinique a été victime d’un dégât des eaux et Mme [B] a été appelée par les services de la gendarmerie dans la nuit.

Le 7 septembre 2016, Mme [B] était en arrêt de travail non professionnel.

Par la suite, Mme [B] informait la clinique que son arrêt de travail initial avait été transformé en arrêt de travail professionnel par son médecin.

Mme [T] [B] était auditionnée dans le cadre de l’enquête de la CPAM, le 8 novembre 2016.

Après enquête et après avoir auditionné Mme [B], la CPAM, par courrier du 21 décembre 2016 refusait la prise en charge de l’accident déclaré au titre d’accident du travail.

Le 11 janvier 2017, Mme [B] était de nouveau en arrêt de travail pour maladie d’origine non professionnelle.

Par courrier du 2 août 2018, l’Assurance maladie prenait en charge la maladie déclarée ‘hors tableau’ au titre de la législation relative aux risques professionnels.

Par courrier en date du 16 janvier 2017, Mme [B] a été convoquée à un entretien préalable en vue d’un licenciement.

Elle est licenciée par courrier du 4 février 2017 pour faute grave :

‘…

Dans le cadre de votre activité professionnelle, vous êtes tenue d’une obligation de loyauté renforcée par une obligation absolue de discrétion compte tenu de votre poste et de la nature de nos activités.

Cette obligation contractuelle concerne les informations et renseignements dont vous avez connaissance dans et par l’exercice de vos fonctions. Vous vous êtes ainsi engagée à ne pas divulguer à qui que ce soit des renseignements ou informations et saviez que tout manquement constituerait de votre part une faute grave entrainant la rupture sans préavis ni indemnité de votre contrat et ceci indépendamment de la réparation éventuelle du préjudice subi par la Clinique.

Or, le 16 janvier dernier, nous avons découvert que vous avez transmis pendant votre arrêt maladie des messages internes de la Clinique depuis votre messagerie professionnelle à l’inspecteur de l’Assurance Maladie.

Ainsi, vous avez volontairement communiqué des informations hautement confidentielles et stratégiques à un tiers extérieur à l’entreprise, ceci au mépris de votre engagement contractuel de confidentialité.

Plus grave encore, vous avez transféré ces messages professionnels à un représentant de l’assurance maladie, lequel est en lien direct avec l’ARS, administrateur de nos activités en l’informant d’éléments tels que :

o notre position de trésorerie, notre position avec les fournisseurs de l’entreprise, les points sur la stratégie et les actions menées ;

o la mise en avant d’une possible vente de l’entreprise, proposition de mise en sauvegarde, notre attente de l’ARS sur la décision du maintien de la chirurgie en hospitalisation complète ;

o nos points sur nos activités et l’état détaillé des problématiques internes de l’entreprise où vous communiquez même ma réponse tout particulièrement sur la cession de notre immobilier et celle de la société ;

o vous allez jusqu’à transmettre le mail où je propose des solutions pour passer le cap et les engagements de caution que je prends à titre personnel !

Ces messages échangés entre le PDG et la Directrice Opérationnelle de la Clinique étaient soumis à une stricte obligation de discrétion et confidentialité d’autant que leur transfert vers une adresse extérieure à l’entreprise est susceptible de mettre en péril l’activité de l’entreprise.

Cette divulgation est particulierement fautive car vous connaissiez les enjeux en cours, et ne peut que relever d’une volonté délibérée de nuire à nos efforts pour redresser la situation puisqu’ils n’ont pas de lien avec votre situation.

Vous saviez que nous étions dans une période sensible tant sur le plan de la demande de maintien de l’autorisation de chirurgie auprès du Directeur Général de l’ARS que sur le plan financier.

D’autre part, vous connaissiez paifaitement les risques liés à la transmission de ces informations en votre qualité de Directrice Opérationnelle. A savoir tout particulierement la non reconduite de notre autorisation d’activité de chirurgie complète pouvant entrainer la fermeture de l’établissement.

Ces manquements graves ne peuvent donc étre acceptés de la part de notre Directrice Opérationnelle.

Qui plus est, votre participation aux décisions stratégiques de la Clinique est incompatible avec un tel manque de respect de vos engagements contractuels.

Dans ce contexte, nous avons appris que vous aviez retenu des informations indispensables à la Qualiticienne en place, en charge de la démarche qualité et qui n’a pu accomplir une partie de sa mission.

Vous comprendrez que nous ne pouvons tolérer cette attitude au poste clef que vous occupez et sommes contraints de constater que vos agissements sont délibérément contraires aux intéréts de la Clinique.

Nous avons également découvert, lors de la conclusion de l’expertise, que vous ne nous avez pas informés de l’installation par le service technique d’un filtre acheté en grande distribution avec votre accord. Ce filtre inadapté à une utilisation industrielle serait à l’origine du grave dégat des eaux que nous avons déploré.

Ce comportement ne répond pas aux exigences de votre poste et nous cause un réel préjudice.

Ces attitudes constituent des manquements graves à vos obligations professionnelles et ne permettent pas la poursuite de nos relations contractuelles ce qui nous conduit à prononcer votre licenciement pour faute grave. (…)’

Par jugement du tribunal de commerce en date du 31 octobre 2017, la clinique [9] a été placée en redressement judiciaire. La liquidation sera prononcée le 02 octobre 2018 et Me [H] [X] nommé mandataire liquidateur.

Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre, le 4 avril 2017, Mme [B] saisissait le conseil de prud’hommes d’Annonay en paiement d’indemnités de rupture et de diverses sommes, lequel, par jugement contradictoire du 24 juin 2019, a :

– déclaré recevable la saisine de Mme [B].

– constaté que la clinique [9] a été déclarée en liquidation judiciaire le 02 octobre 2018.

– donné acte à l’AGS CGEA d'[Localité 7] de son intervention en application de l’article L625-1 du code de commerce.

– requalifié le licenciement de Mme [T] [B] contre la clinique [9], entre les mains de Me [H] [X], ès qualité de liquidateur, et fixé au passif de la liquidation les sommes suivantes :

– 3855,48 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement

– 13 902 euros au titre de l’indemnite de préavis ;

– 3363,34 euros au titre de la compensation des RTT non pris ;

– débouté Mme [B] de sa demande de dommages et intérêts associés à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

– débouté Mme [B] de sa demande de paiement des astreintes.

– débouté Mme [B] de sa demande de dommages et intérêts au titre du manquement à l’obligation de sécurité.

– laissé aux parties la charge de leurs frais irrépétibles.

– débouté les parties du surplus de leurs demandes.

– déclaré le présent jugement opposable à L’AGS CGEA dans la limite de ses garanties légales.

-laissé les dépens à la charge du Trésor public.

Par acte du 16 juillet 2019, Mme [T] [P] épouse [B] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 02 mai 2022, Mme [B] demande à la cour de :

– recevoir Mme [B] en ses demandes ;

– les déclarer bien fondées ;

– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Annonay en date du 24 juin 2019 en ce qu’il a requalifié le licenciement de Mme [B] en licenciement pour cause réelle et sérieuse

– constater que Mme [B] n’a commis aucun fait de nature à justifier son licenciement

– en conséquence, dire et juger que le licenciement dont a été victime Mme [B] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et est abusif.

– en conséquence, condamner la SELARL MJ Synergie Me [H] [X] es qualité de mandataire liquidateur de la clinique [9] à payer à Mme [B] les sommes de :

o 3855,48 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement

o 3 mois de préavis : 13902 euros

o 55 000 euros à titre de dommages et intérêts (soit environ 12 mois de salaires).

– infirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [B] de sa demande au titre des astreintes.

– constater que la clinique [9] n’a pas payé les astreintes à Mme [B].

– condamner la SELARL MJ Synergie Me [H] [X] es qualité de mandataire liquidateur de la clinique [9] à la somme de 64 516,77 euros au titre des astreintes impayées et 6451,67 euros au titre de congés payés sur cette somme.

– condamner la SELARL MJ Synergie Me [X] es qualité de mandataire liquidateur de la clinique [9] à la somme de 3363,34 euros au titre des RTT non attribuées et non prises ( confirmation du jugement sur ce point)

– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Annonay en date du 24/06/2019 en ce qu’il a débouté Mme [B] de sa demande de dommages et intérêts au titre du manquement de son employeur à son obligation de sécurité

– constater que la clinique [9] a manqué à son obligation de sécurité entraînant une atteinte à la santé de Mme [B]

– en conséquence, condamner la SELARL MJ Synergie Me [H] [X] es qualité de mandataire liquidateur de la clinique [9] à verser à Mme [B] la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts

– fixer la créance de Mme [B] au passif de la clinique [9] aux sommes suivantes :

o 3855,48 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement

o 3 mois de préavis : 13902 euros

o 55 000 euros à titre de dommages et intérêts ( soit environ 12 mois de salaires)

o 64 516,77 euros au titre des astreintes impayées et 6451,67 euros au titre de congés payés sur cette somme

o 3363,34 euros au titre des RTT non attribuées et non prises

o 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité

o 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– condamner l’UNEDIC délégation AGS CGEA à relever et garantir la SELARL MJ Synergie Me [H] [X] es qualité de mandataire liquidateur de la clinique [9] des condamnations mises à leurs charges

– condamner la SELARL MJ Synergie Me [X] es qualité de mandataire liquidateur à payer la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– débouter la SELARL MJ Synergie Me [X] es qualité de mandataire liquidateur et l’UNEDIC délégation AGS CGEA de toutes leurs demandes

– la condamner aux entiers dépens.

Elle soutient que :

-Sur le licenciement

Sur la prétendue transmission de documents confidentiels à la CPAM et violation de l’obligation de discrétion et de confidentialité :

Elle a souhaité que ses arrêts maladie soient reconnus comme accident du travail.

A cette fin, elle a été entendue par M. [S], enquêteur CPAM, le 8 novembre 2016.

Dans ce cadre, non de son propre chef mais pour répondre à l’inspecteur CPAM, elle a transmis 5 emails : ces emails mentionnent les éléments décrits par la salariée lors de son audition par l’inspecteur CPAM.

L’enquête administrative de la CPAM est confidentielle et l’inspecteur ne communique pas à d’autres autorités les informations recueillies.

Le fait qu’elle les ait transmis à une personne assermentée dans le cadre d’une enquête administrative ne constitue pas une violation de ses obligations contractuelles.

Il n’y a aucun lien entre l’inspecteur CPAM et l’Agence Régionale de Santé.

Les informations qu’elle a données à l’ARS n’ont aucune incidence possible sur la décision de l’agence.

Elle n’a jamais divulgué la moindre information aux salariés, ni à des concurrents de son employeur, ni aux médecins.

La clinique connaissait déjà des difficultés économiques.

Dans le cadre de la démarche qualité : sur la rétention des informations indispensables à la qualiticienne, cette dernière n’ayant pu accomplir une partie de sa mission :

Elle n’a jamais retenu des informations indispensables à la qualiticienne.

L’employeur n’explique pas en quoi Mme [I] n’aurait pas pu accomplir une partie de ses missions.

Sur l’absence d’information de l’installation par le service technique d’un filtre acheté en grande distribution :

D’après l’employeur, ce filtre inadapté serait à l’origine du dégât des eaux survenu fin août 2016.

Elle a donné son accord pour l’achat d’un support de filtration et non d’un filtre. Ce type de produit avait déjà été acheté et installé par l’agent technique dans le passé sans difficultés.

Elle n’a pas de compétence technique.

– Sur les astreintes et les RTT

Elle a réalisé de nombreuses astreintes et verse aux débats l’attestation de M. [Z] [C] ainsi que les plannings qui font apparaître la réalisation de ces astreintes.

Des astreintes techniques et des astreintes administratives avaient été mises en place pour assurer la continuité des soins.

M. [Z] [C] assurait les astreintes techniques une fin de semaine sur deux et durant la semaine et les congés. Lorsque M. [C] était d’astreintes techniques, elle était toujours d’astreintes administratives.

L’employeur ne produit aucune preuve que seules les astreintes techniques étaient rémunérées.

Les plannings font apparaître la réalisation de ces deux types d’astreinte.

En sa qualité de directeur opérationnel, elle n’a pas eu de RTT de septembre 2013 à décembre 2014

– Sur le manquement à l’obligation de sécurité de la part de l’employeur

Elle a dû faire face seule aux difficultés économiques de la clinique et aux conséquences en découlant. Or, elle a alerté M. [O] qui était particulièrement fuyant quant à la prise en charge et l’annonce des difficultés, notamment à l’égard des salariés ou des médecins.

Du fait de la carence de son employeur, elle a subi une atteinte à sa santé avec une dépression.

En l’état de ses dernières écritures en date du 26 novembre 2019 contenant appel incident, la SELARL MJ Synergie Me [X] es qualité de mandataire liquidateur demande à la cour de :

– infirmer partiellement la décision du conseil de prud’hommes d’Annonay du 24 juin 2019.

A titre principal,

– dire et juger que le licenciement de Mme [B] repose bel et bien sur une faute grave ;

A titre subsidiaire,

– dire et juger que le licenciement de Mme [B] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

A titre infiniment subsidiaire,

– réduire à de plus justes proportions le montant des dommages et intérêts qui pourraient être alloués à Mme [B] si la cour venait à considérer que son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse ;

– dire et juger que la demande de rappel de salaire de Mme [B] au titre des RTT est infondée et la rejeter ;

– confirmer la décision du conseil de prud’hommes d’Annonay pour avoir débouté Mme [B] :

– de sa demande d’astreintes ;

– de sa demande au titre du manquement à l’obligation de sécurité de résultat ;

– de sa demande de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

– dire et juger que la demande de rappel de salaires de Mme [B] au titre des astreintes est infondée et la rejeter ;

– dire et juger que la clinique [9] n’a pas manqué à ses obligations professionnelles ;

– débouter Mme [B] de l’ensemble de ses demandes infondées dont

– indemnité de licenciement

– indemnité de préavis

– rappel de salaires au titre des RTT

– rappel de salaires au titre des astreintes

– rejeter ses demandes de dommages et intérêts :

– de 55000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

– de 25000 euros pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat

– rejeter sa demande au titre de l’article 700 du code de procedure civile

– la condamner au versement de la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– la condamner aux entiers dépens.

Il fait valoir que :

– Sur le bien-fondé du licenciement de Mme [B]

La salariée a manqué à son obligation contractuelle de discrétion et de loyauté en envoyant des données strictement confidentielles à l’inspecteur de la CPAM. Elle a adressé ces courriels confidentiels entre elle et son PDG, destinés à rendre compte de la situation de la clinique de manière récurrente, à un agent de la CPAM.

De par ses liens avec l’ARS, Mme [B] ne pouvait pas ne pas savoir quels risques elle faisait peser sur l’établissement en envoyant ces éléments à la CPAM.

Les emails traitaient notamment des difficultés économiques rencontrées par la clinique et des solutions identifiées par M. [O], son président, pour y remédier.

La gravité de la faute est d’autant plus importante au regard du destinataire des emails, à savoir, M. [S], inspecteur de la CPAM.

Elle a retenu des informations indispensables à la qualiticienne qui lui a succédé, ce qui n’ a pas permis le bon déroulement des activités de la clinique.

Elle a pris l’initiative, sans informer la direction, d’installer un préfiltre à l’arrivée de l’autoclave sur le système d’alimentation en eau alors que ce n’est pas obligatoire. L’inondation a été causée par la rupture de ce préfiltre.

– Sur l’absence de manquements à l’obligation de sécurité et de résultat

Après l’échec de sa demande de reconnaissance d’accident professionnel, Mme [B] a introduit pour les mêmes faits une demande de reconnaissance de maladie professionnelle devant la CPAM pour épuisement professionnel, ce le 25 avril 2017, soit plus de 2 mois après la notification de son licenciement.

Mme [B] ne peut donc solliciter la réparation d’un préjudice né de sa demande de reconnaissance d’une maladie professionnelle au titre du manquement à l’obligation de sécurité alors qu’un contentieux est actuellement en cours.

La cour ne pourra donc pas statuer sur ce chef de demande et devra se déclarer incompétente.

Aucune pièce ne démontre que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité.

Lorsqu’elle a accepté le poste de directrice, elle connaissait la situation économique de la clinique.

M. [O] a toujours été présent pour Mme [B], il répondait à chacun de ses emails.

La salariée prétend avoir dû faire face seule aux salariés et aux fournisseurs. Cette

allégation est fausse car Mme [F] gérait les relations avec les fournisseurs et les paies ainsi que l’administration générale de la clinique, la comptabilité et la facturation.

Elle n’a jamais alerté l’employeur d’une prétendue dégradation de ses conditions de travail.

– Sur les demandes salariales de Mme [B]

Concernant les RTT :

La salariée a introduit sa demande devant la juridiction prud’homale le 4 avril 2017, elle ne peut donc pas prétendre à des réclamations salariales antérieures au 4 avril 2014. Elle ne donne aucune preuve d’un éventuel dû.

Mme [B] a bénéficié dans le cadre de son solde de tout compte du règlement de 19.60 JRTT.

Concernant les astreintes :

La seule astreinte réalisée est une astreinte technique.

Mme [B] n’a jamais effectué d’astreinte ‘entretien’.

La colonne appelée ‘DIRECTION ADMINISTRATIVE’ sur les tableaux de la salariée n’a pas vocation à identifier des périodes d’astreinte. Sont mentionnées les coordonnées d’un cadre de direction à titre de référent.

Sa résidence personnelle étant éloignée de la clinique, Mme [B] avait expressément demandé à ne pas faire d’astreinte technique ‘entretien’ pour ne pas se déplacer sur la clinique.

Mme [B] n’avait pas d’horaire de travail quotidien. Elle ne justifie en rien des horaires qu’elle retient et ne fait aucun cas des périodes de congés payés, jours de repos ou JRTT où elle ne travaillait pas.

L’UNEDIC délégation AGS CGEA d'[Localité 7], reprenant ses conclusions transmises le 11 mai 2021, demande à la cour de :

– infirmer la décision rendue,

– dire et juger que le licenciement de Mme [B] pour faute grave était justifié.

– rejeter les demandes de Mme [B] tendant au règlement d’une indemnité légale de licenciement, tendant au règlement d’une indemnité de préavis et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

– débouter Mme [B] de sa demande de paiement d’astreintes et de congés payés sur astreinte.

– apprécier le bien-fondé des demandes de Mme [B] au titre de sa demande de paiement de RTT.

– débouter Mme [B] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité.

– dire et juger que les sommes qui pourraient être accordées à Mme [B] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile sont hors garantie AGS.

– faire application des dispositions législatives et réglementaires du code de commerce.

– donner acte à la délégation UNEDIC et AGS de ce qu’ils revendiquent le bénéfice exprès et d’ordre public des textes légaux et décrets réglementaires applicables, tant au plan de la mise en ‘uvre du régime d’assurance des créances des salariés, que de ses conditions et étendues de garantie, plus précisément les articles L.3253-8, L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

Par ordonnance en date du 28 février 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 05 mai 2022.

MOTIFS

Sur le licenciement

La faute grave résulte de tout fait ou ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail et des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible son maintien dans l’entreprise et exige son départ immédiat, ce, même pendant la durée du préavis. Il incombe à l’employeur qui l’invoque d’en rapporter la preuve.

La lettre de rupture vise les griefs suivants :

La transmission de documents et d’informations hautement confidentiels et stratégiques à un tiers extérieurs à l’entreprise

Mme [B] a été engagée en qualité de qualiticienne puis, par avenant du 1er septembre 2015, a fait l’objet d’une promotion en qualité de directeur opérationnel.

A ce titre, le contrat de travail auquel renvoie l’avenant pour les clauses non modifiées, prévoit en son article 11 ‘EXCLUSIVITÉ – DISCRÉTION :

Pendant toute la durée du présent contrat, Me [B] s’engage à consacrer son activité professionnelle à la Clinique et s’interdit l’exercice, à quelque titre que ce soit, de toute autre activité professionnelle, sauf autorisation préalable de la Clinique.

Me [B] sera par ailleurs tenu à une obligation de discrétion absolue en ce qui concerne les informations et renseignements dont elle pourra avoir connaissance de par l’exercice de ses fonctions. Elle s’interdit donc de divulguer à qui que ce soit des renseignements ou informations.

Tout manquement par Me [B] aux obligations d’exclusivité et de discrétion prévues ci-dessus constituera de sa part une faute grave entraînant la rupture sans préavis ni indemnité du présent contrat et ceci indépendamment de la réparation éventuelle du préjudice subi par la Clinique.

…’

L’employeur peut en effet, s’il le juge nécessaire, restreindre la liberté d’expression d’un salarié en considération du poste que celui-ci occupe par le biais de mesures unilatérales ou de clauses contractuelles insérées au contrat de travail, à la condition que les restrictions soient justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché.

Mme [B] ne reproche d’ailleurs aucunement à l’employeur une quelconque atteinte à sa liberté d’expression.

La salariée ne conteste pas avoir transmis des informations concernant la situation économique de la clinique à l’inspecteur de la CPAM et se justifie en indiquant avoir agi de la sorte pour que ses arrêts maladie soient reconnus comme accident du travail afin de démontrer un surcroît de travail et ses conditions d’emploi.

Les dossiers respectifs des parties comportent les courriels litigieux qui comportent, sans doute possible, des informations confidentielles sur la situation économique, le fonctionnement et la trésorerie de la clinique, ce que la salariée ne pouvait en aucun cas ignorer tenant ses fonctions de directeur opérationnel.

Mme [B] soutient dans un premier temps que les difficultés économiques de la clinique étaient connues et produit pour en justifier un article de presse du 2 mars 2018.

Or, les emails transmis ont été échangés entre la salariée et le président directeur général de la clinique en 2015/2016 et la procédure de redressement judiciaire a été ouverte le 31 octobre 2017, de sorte que son allégation n’est pas avérée.

L’appelante indique ensuite que la transmission d’informations confidentielles était justifiée pour démontrer la nature professionnelle de la maladie qu’elle avait déclarée en septembre 2016.

La cour relève que ladite maladie n’a pas été reconnue au titre de la législation professionnelle.

Ensuite, les informations contenues dans les courriels sont d’un intérêt limité voire inexistant pour démontrer le ‘surcroît de travail ayant entraîné une consultation chez le médecin pour une grande fatigue’ ayant justifié l’arrêt de travail litigieux.

En effet, le surcroît de travail invoqué ne ressort pas des emails échangés entre la salariée et M. [O], s’agissant d’une énumération des difficultés de la clinique.

Dans ces conditions, Mme [B] a diffusé à des tiers des informations détaillées relatives au fonctionnement de la clinique dont elle avait connaissance dans le cadre de ses fonctions et dont elle ne pouvait ignorer leur caractère confidentiel eu égard à l’obligation de discrétion absolue figurant dans son contrat de travail et à son statut de cadre au sein de la structure.

La circonstance qu’elle ait communiqué ces éléments à une personne, elle-même soumise à un devoir de confidentialité et disposant d’un pouvoir de contrôle, est sans incidence, dès lors qu’elle a méconnu l’obligation de discrétion à laquelle elle était soumise et que les informations divulguées étaient strictement confidentielles.

Constitue ainsi pour l’intéressée une faute grave ne permettant plus son maintien dans le poste de confiance qu’elle occupait le fait de la part de ce cadre , tenue en raison de ses fonctions à une obligation de discrétion à l’égard de la clinique, d’avoir divulgué des renseignements dont elle avait connaissance en raison desdites fonctions, sur les difficultés financières de cette entreprise, portant ainsi atteinte à sa réputation et à son crédit.

Il résulte des éléments analysés ci-dessus que la méconnaissance de la salariée de son obligation de discrétion, au demeurant rappelée dans son contrat de travail, justifie, eu égard aux informations divulguées, son niveau de responsabilité et le destinataire de leur diffusion, son licenciement pour faute grave de ce seul grief.

La rétention d’informations indispensables à la qualiticienne

Pour démontrer ce grief, l’employeur produit un échange de courriels des 17 et 18 janvier 2017 entre Mmes [I] et [D], duquel il résulte que Mme [B] n’a laissé aucun code à son départ du poste de qualiticienne, ce que Mme [I] ne semblait ignorer ainsi qu’il apparaît de sa réponse en date du 18 janvier 2018 à 9h03 : ‘… Pour ce qui est des codes, oui [T] n’a rien laissé…’

La cour relève que Mme [B] a été promue en tant que directrice opérationnelle par avenant du 15 septembre 2013.

S’il y avait eu une rétention des ‘codes’ indispensables à l’exécution de la fonction de qualiticien pour le successeur de l’appelante, l’employeur s’en serait plaint auprès de cette dernière, alors qu’il n’y a, dans le dossier de celui-là, aucun élément à ce titre entre le 15 septembre 2013 et le mois de janvier 2017, de sorte que ce grief ne sera pas retenu.

L’achat en grande surface d’un filtre et installé par le service technique avec l’accord de la salariée

L’employeur ajoute que ce filtre inadapté à une utilisation industrielle serait à l’origine du grave dégât des eaux du 21 août 2016.

Mme [B] ne conteste pas avoir donné son accord pour l’achat d’un support de filtre et non d’un filtre, après avoir obtenu l’avis du technicien.

Le dossier de l’appelante comporte un email par elle reçu le 7 juin 2016, de Mme [E], ‘chef bloc cdc’, ainsi libellé :

‘…

J’en profite pour rappeler que la société GETINGE avait préconisé la mise en place d’un pré filtre sur le HN6610 afin de protéger la pompe à vide qui souffre aussi des problèmes de qualité d’eau. A ce jour, rien n’a été fait.’

Il apparaît encore de l’échange de courriels entre Mme [B] et la compagnie d’assurance de la clinique à la suite de l’inondation litigieuse, que la cause de cette dernière ‘provient du support de pré-filtre de l’autoclave qui a été installé … en août 2016″ qui a cédé.

Les premiers juges, ainsi repris par l’appelante, ont considéré que cette dernière ‘n’était pas à même de juger de la bonne adaptation du produit à son usage, c’était bien le rôle du technicien de la clinique et celui-ci n’a pas été inquiété.’

Si la cour peut abonder dans ce sens, il appartient cependant à la salariée, qui prétend avoir obtenu l’avis du technicien pour l’achat de la pièce en grande surface, de démontrer son allégation, ce qu’elle ne fait pas.

Le grief ainsi reproché est dès lors justifié.

Il s’ensuit que la cour considère qu’il résulte de l’ensemble des pièces communiquées, que maître [X], es qualité, rapporte objectivement et sérieusement la preuve des faits qu’il reproche à la salariée et que ces faits sont suffisamment graves pour justifier la rupture immédiate du contrat de travail.

Dès lors, il y a lieu de réformer le jugement ayant jugé que le licenciement pour faute grave n’est pas fondé, mais justifié par une cause réelle et sérieuse.

Les demandes de Mme [B] relatives à l’indemnité de licenciement, au préavis et congés payés afférents, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doivent être rejetées comme non fondées, le licenciement reposant sur une faute grave.

Sur les astreintes

L’article 8 de la l’accord du 27 janvier 2000 relatif à la réduction et à l’aménagement du temps de travail du secteur de l’hospitalisation privée et du secteur social et médico-social à caractère commercial prévoit à ce titre :

‘ Une période d’astreinte s’entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, a l’obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d’être en mesure d’intervenir pour effectuer un travail au service de l’entreprise, la durée de cette intervention étant considérée comme du temps de travail effectif.

Compte tenu de la diversité desc onventions collectives nationales dans le champ d’application du présent accord, les dispositions relatives à la rémunération des astreintes sont définies par ces textes conventionnels.

Les postes pouvant être assujettis au régime des astreintes sont limitativement les suivants :

– personnel d’encadrement et cadres susceptibles de répondre à l’urgence.’

L’astreinte est considérée comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, doit être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise.

Dans la mesure où le salarié peut, lorsqu’il est dans l’attente d’une demande d’intervention éventuelle, vaquer librement à des occupations personnelles, les temps d’astreinte (à l’exception des temps d’intervention) ne constituent pas du temps de travail effectif et ne sont donc pas rémunérés comme tel.

Dans certaines hypothèses, l’astreinte peut s’effectuer dans un logement de fonction, soit en dehors soit au sein de l’entreprise, dès lors que le salarié peut librement vaquer à ses obligations personnelles.

En présence d’une véritable astreinte, seuls les temps d’intervention constituent du temps de travail effectif.

Il appartient donc à Mme [B] de démontrer dans un premier temps la réalité des astreintes revendiquées et dans un second temps les interventions qu’elle aurait été dans l’obligation de réaliser, seules susceptibles de constituer un temps de travail indemnisable.

Force est de constater que la salariée est défaillante dans l’administration de la preuve, justifiant la confirmation du jugement attaqué.

Sur les jours de réduction du temps de travail non pris

Mme [B] soutient que l’employeur lui est redevable des RTT non prises sur la période de septembre 2013 à décembre 2014.

Or, comme l’ont justement retenu les premiers juges, tenant la prescription triennale applicable aux rappels de salaire et la date de saisine de la juridiction prud’homale à la date du 4 avril 2017, la salariée ne pourrait prétendre qu’à un rappel pour la période d’avril à décembre 2014.

Les jours de récupération acquis par un salarié au titre d’un accord d’aménagement et de réduction du temps de travail sont la contrepartie des heures de travail accomplies en sus de l’horaire légal ou convenu.

Il est de principe que la mention sur les bulletins de salaires des congés de réduction du temps de travail pris n’a qu’une valeur indicative et que, en cas de contestation par le salarié, la charge de la preuve de l’octroi effectif des jours de réduction du temps de travail incombe à l’employeur.

L’analyse des bulletins de salaire produits aux débats montre que la salariée n’a bénéficié d’aucune RTT sur la période considérée.

L’employeur ne conteste pas le droit à RTT de Mme [B] mais soutient que

– cette dernière déclarait elle-même au service paie les jours de congé et JRTT qu’elle prenait,

– elle n’a jamais adressé la moindre demande relative aux RTT avant la présente instance,

– elle a toujours travaillé le nombre de jours prévu par son contrat de travail et elle a bénéficié dans le cadre de son solde de tout compte du règlement de 19,60 JRTT.

Etant rappelé qu’à défaut d’un accord collectif prévoyant une indemnisation, l’absence de prise des jours de repos au titre de la réduction du temps de travail n’ouvre droit à une indemnité que si cette situation est imputable à l’employeur.

Les dispositions relatives à la durée du travail dans le cas d’espèce sont définies par l’accord de branche du 27 janvier 2000 sur la réduction et l’aménagement du temps de travail du secteur de l’hospitalisation privée et du secteur social et médico-social à caractère commercial et son avenant en date du 8 novembre 2000, complétés par le décret du 22 mars 2002 pris en application de l’article 4, section 1, chapitre II de l’accord de branche précité, applicable aux établissements de soins de suite, de réadaptation, établissements d’enfants à caractère sanitaire, de psychiatrie et aux établissements d’hébergement pour personnes âgées.

L’article 4.3. ‘Attribution dans un cadre annuel’ prévoit à ce titre que :

‘La réduction du temps de travail accordée sous forme de repos devra être préalablement convertie en journées entières de repos, correspondant à l’horaire quotidien du salarié.

Ces journées de repos ainsi capitalisées devront être prises, par journée ou demi-journée, au plus tard avant le terme de l’année de référence et selon un calendrier arrêté en début de période annuelle ou, à défaut, moyennant un délai de prévenance de 1 mois.

Par année de référence, il est entendu la période de 12 mois qui s’écoule à compter de la date d’entrée en vigueur de la réduction du temps de travail dans l’entreprise.

Ces journées de repos pourront être prises isolément ou regroupées dans les conditions suivantes :

1. A l’initiative de l’employeur.

Pour moitié des jours capitalisés, la ou les dates seront arrêtées par l’employeur.

Toute modification de ces dates ne pourra intervenir que sous réserve du respect d’un délai de prévenance de 7 jours ouvrés sauf urgence et avec l’accord du salarié.

2. A l’initiative du salarié.

Pour l’autre moitié capitalisée, la ou les dates seront arrêtées par le salarié.

Toute modification par le salarié de la ou des dates précitées ne pourra également intervenir que sous réserve de l’accord de la direction et dans le respect d’un délai de prévenance de 7 jours ouvrés.

Si les nécessités du service ne permettent pas d’accorder les jours de repos à la ou aux dates choisies par le salarié, celui-ci devra proposer une nouvelle date dans la quinzaine ou ultérieurement à une date fixée en accord avec l’employeur.

L’employeur ne pourra pas opposer plus de 2 reports par an.’

L’article 7.3. prévoit l’attribution des RTT pour les cadres non soumis à l’horaire collectif en ces termes :

‘Les cadres non soumis à l’horaire collectif et n’ayant pas la qualité de cadre dirigeant au sens de l’article L. 212-15-1 du code du travail bénéficient d’une réduction effective de leur temps de travail. Ils bénéficient des dispositions légales sur le repos quotidien et hebdomadaire.

L’ampleur de cette réduction du temps de travail sera déterminée par accord d’entreprise ou d’établissement, ou à défaut après concertation avec les cadres concernés. En tout état de cause, cette réduction devra aboutir à accorder au moins 15 jours ouvrés de repos pris dans les conditions des dispositions de l’article 4.3, chapitre II, du présent accord.

Ces dispositions ne font pas obstacle à la conclusion de conventions de forfait annuelles en heures ou en journées par accord d’entreprise ou d’établissement.’

Ainsi q’il a été indiqué supra l »absence de prise des jours de RTT n’ouvre pas droit à indemnité, sauf si cette situation est imputable à l’employeur ou si un accord collectif le prévoit.

Force est de constater en l’espèce que l’accord collectif susvisé ne prévoit aucune indemnisation pour les RTT non pris dans l’année de référence et que Mme [B] n’établit pas plus avoir présenté des demandes ou avoir voulu poser des jours de RTT qui lui aurait été refusés.

Ce faisant, la demande présentée par l’appelante au titre des RTT sera rejetée par réformation de la décision attaquée.

Sur le manquement à l’obligation de sécurité

L’employeur conteste la compétence de la juridiction prud’homale au motif que la salariée ne peut réclamer la réparation d’un préjudice né de sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle au titre du manquement à l’obligation de résultat alors qu’un contentieux est actuellement en cours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale.

Il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 451-1 et L.142-1 du code de la sécurité sociale, L. 1411-1 du code du travail que le tribunal des affaires de sécurité sociale a compétence exclusive pour trancher les litiges relatifs à la réparation des conséquences d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, y compris lorsqu’ils portent sur l’indemnisation complémentaire pour faute inexcusable.

Il en découle que le salarié ne peut former devant la juridiction prud’homale une action en dommages-intérêts pour manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité de résultat pour obtenir l’indemnisation des dommages

résultant d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.

Dès lors, même si le salarié invoque un manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité, la réparation de l’accident du travail reste de la compétence exclusive du Tass, et donc, désormais, du tribunal judiciaire spécialement désigné.

La Cour de cassation a ainsi posé que la juridiction prud’homale est seule compétente pour connaître d’un éventuel litige relatif à l’indemnisation du « préjudice consécutif à la rupture du contrat de travail », lorsque s’en est suivi un licenciement pour inaptitude professionnelle. En revanche, l’indemnisation des « dommages résultant de l’accident du travail » relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale, qu’ils soient ou non la conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité (Cass. soc., 29 mai 2013, no 11-20.074). En conséquence, l’action prud’homale doit être rejetée lorsque, sous couvert d’une action en responsabilité contre l’employeur pour manquement à son obligation de sécurité, la victime demande en réalité la réparation d’un préjudice né de l’accident du travail qu’elle a subi.

En l’espèce, la CPAM a reconnu que la maladie déclarée par Mme [B] relevait de la législation sur les maladies professionnelles.

Par requête du 21 décembre 2018, l’employeur a saisi le Tass de Saint Etienne en contestation de la décision prise par la CPAM.

Il résulte des dispositions sus visées et de la jurisprudence de la Cour de cassation que, dans la mesure où le manquement prétendu de l’employeur à son obligation de sécurité n’est pas en lien avec un licenciement pour inaptitude, la juridiction prud’homale n’est pas compétente pour statuer sur ce chef de demande.

Cependant, eu égard à la contestation de l’employeur sur la reconnaissance de maladie professionnelle, il y a lieu de surseoir à statuer sur ce chef de demande.

En effet, suivant la décision devant être rendue par la juridiction sociale, la compétence de la juridiction prud’homale pourra être retenue si le caractère professionnel de la maladie déclarée par Mme [B] n’est pas retenu.

Sur les mesures accessoires

Eu égard au sursis à statuer décidé par la cour sur l’obligation de sécurité de l’employeur, il convient de réserver la demande sur les frais irrépétibles et les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Annonay le 24 juin 2019 ce qu’il a débouté Mme [T] [P] épouse [B] de sa demande de paiement des astreintes,

Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau,

Dit le licenciement de Mme [T] [P] épouse [B] fondé sur une faute grave,

Déboute Mme [T] [P] épouse [B] de ses demandes financières subséquentes,

Déboute Mme [T] [P] épouse [B] de sa demande de paiement des RTT,

Sursoit à statuer sur le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité jusqu’à la décision devant être rendue par la juridiction sociale du tribunal judiciaire de Saint Etienne sur le caractère professionnel de la maladie déclarée par Mme [T] [P] épouse [B],

Dit qu’il reviendra à la partie la plus diligente de transmettre au greffe de la cour d’appel une copie du jugement rendu par la juridiction sociale du tribunal judiciaire de Saint Etienne,

Réserve la demande au titre des frais irrépétibles et les dépens.

Arrêt signé par Monsieur ROUQUETTE-DUGARET, Président et par Madame BERGERAS, Greffière.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,

 


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