8ème Ch Prud’homale
ARRÊT N°105
N° RG 20/00651 –
N° Portalis DBVL-V-B7E-QNVC
Mme [U] [Y]
C/
SAS TRANSAT SDW
Infirmation partielle
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 13 MARS 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, Président de chambre,
Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,
Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 09 Décembre 2022
devant Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
En présence de Madame [M] [J], Médiatrice judiciaire
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 13 Mars 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTE :
Madame [U] [Y]
née le 02 Mai 1999 à [Localité 6] (51)
demeurant [Adresse 4]
[Localité 3]
Ayant Me Emmanuel LUDOT, Avocat au Barreau de REIMS, pour Avocat constitué
INTIMÉE :
La SAS TRANSAT SDW prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :
[Adresse 5]
[Localité 2]
Ayant Me Maëlle KERMARREC de la SELARL MGA, Avocat au Barreau de SAINT-NAZAIRE, pour Avocat constitué
Mme [U] [Y] a été embauchée par la SAS TRANSAT SDW qui exerce une activité de restaurant dans le cadre d’un contrat à durée déterminée à temps complet du 20 mars 2018 au 30 septembre 2018 en qualité de plongeuse.
Le 9 juillet 2018 Mme [Y] a informé son employeur de son intention de démissionner.
Le 13 septembre 2018, Mme [Y] a saisi le conseil de prud’hommes de Saint Nazaire aux fins de voir :
‘ Déclarer recevable et bien fondée Mme [Y] en ses demandes,
‘ Requalifier la rupture du contrat de travail en licenciement abusif,
En conséquence,
‘ Condamner la SAS TRANSAT SDW à payer à Mme [U] [Y] les sommes suivantes :
– 4.905,66 € de rappels de salaires de juillet à septembre 2018 inclus,
– 843,16 € au titre du préavis ,
– 3.000 € de dommages et intérêts en réparation du harcèlement moral,
– 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ Débouter la SAS TRANSAT SDW de toutes ses demandes, fins et conclusions,
‘ Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.
La cour est saisie de l’appel formé le 8 janvier 2020 par Mme [U] [Y] contre le jugement du 30 décembre 2019, par lequel le conseil de prud’hommes de Saint Nazaire a :
‘ Dit et jugé que l’employeur n’a commis aucun manquement grave rendant impossible pour Mme [Y] la poursuite de son contrat à durée déterminée,
‘ Débouté Mme [Y] de l’ensemble de ses demandes,
‘ Condamné Mme [Y] à verser à la SAS TRANSAT SDW les sommes suivantes :
– 2.000,00 € nets à titre de dommages et intérêts pour la rupture anticipée de son contrat de travail à durée déterminée en dehors des cas prévus par le code du travail,
– 400,00 € nets sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ Mis les dépens à la charge de Mme [Y], ainsi que les éventuels frais d’huissier en cas d’exécution forcée de la décision.
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 17 avril 2020, suivant lesquelles Mme [Y] demande à la cour de :
‘ Dire et juger que Mme [Y] est recevable et bien fondée en son appel,
‘ Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Saint Nazaire le 30 décembre 2019,
‘ Requalifier la rupture du contrat de travail en licenciement abusif,
‘ Condamner la SAS TRANSAT SDW à payer à Mme [Y] les sommes suivantes :
– 4.905,56 € à titre de rappel de salaires de juillet à septembre 2018,
– 843,16 € au titre du préavis,
– 3.000 € au titre des dommages et intérêts pour harcèlement moral,
– 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ Dire et juger que la SAS TRANSAT SDW a commis une faute de nature à le priver de tout droit à dommages et intérêts du fait de la rupture du contrat,
‘ Dire et juger que la SAS TRANSAT SDW ne rapporte pas la preuve d’un quelconque préjudice qui lui aurait été causé par le départ de Mme [Y],
‘ Débouter la SAS TRANSAT SDW de toutes ses demandes, fins et conclusions,
‘ Condamner la SAS TRANSAT SDW au paiement des entiers dépens de première instance et d’appel,
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 20 mai 2020, suivant lesquelles la SAS TRANSAT SDW demande à la cour de :
‘ Confirmer le jugement du Conseil des Prud’hommes du 30 décembre 2019 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
‘ Condamner Mme [Y] à payer à la SAS TRANSAT SDW la somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile pour les frais irrépétibles d’appel,
‘ Condamner la même aux entiers dépens de le première instance et d’appel,
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 24 novembre 2022.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le harcèlement moral :
Pour infirmation et condamnation de l’employeur à ce titre, Mme [U] [Y] invoque l’asthénie due selon elle à un épuisement professionnel dont aurait été témoin sa soeur et qui trouverait son origine dans le harcèlement qu’elle aurait subi au travail.
La SAS TRANSAT SDW réfute l’argumentation de la salariée et produit au débat des attestations de salariés précisant que l’intéressée était intégrée à l’équipe tant dans le cadre de ses fonctions que pour des activités hors du temps de travail.
En application des articles L1152-1 et L1154-1 du code du travail, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L.1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d’exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et si l’employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.
La salariée produit une attestation de sa soeur concernant la dégradation de son état de santé qu’elle relie au caractère difficile de ses conditions de travail ainsi qu’un arrêt de travail de deux jours pour asthénie.
Cependant hormis ce témoignage restituant pour l’essentiel des propos de la salariée comme elle le précise elle-même, l’intéressée n’énonce aucun fait précis et ne rapporte aucun élément précis susceptible d’illustrer les actes d’humiliation, les propos blessants, rabaissant ou ironiques dont elle fait état, étant relevé que la salariée reconnaît elle-même qu’elle était moins sollicitée par son employeur pendant la période de cohabitation avec sa soeur que cette dernière présente comme étant particulièrement difficile.
Dans ces conditions, les faits rapportés même appréciés dans leur ensemble ne laissent pas présumer l’existence d’un harcèlement moral, les allégations concernant les brûlures aux mains imputés par la salariée à l’usage de vinaigre pour nettoyer les couverts à mains nues ne sont corroborées par aucun élément.
Il y a lieu par conséquent de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [U] [Y] de sa demande au titre du harcèlement moral.
Sur la rupture du contrat de travail et ses conséquences :
Pour infirmation et requalification de sa démission en prise d’acte produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la salariée, reprenant son argumentation concernant le harcèlement moral et ses mauvaises conditions de travail, fait en outre valoir que le courriel produit par l’employeur n’est pas de son fait, qu’il n’a jamais été question de reprise d’une entreprise de son père, qu’en revanche il est établi qu’elle a remis sa lettre de démission en main propre à son employeur, qu’elle justifie être restée à [Localité 7] à cette date.
La salariée ajoute que l’employeur ne justifie pas de la mise à disposition de gants pour la plonge et que les attestations produites émanant de salariés de l’entreprise n’ont pas une force probante suffisante.
L’employeur réfute l’argumentation de la salariée et produit des attestations de salariés concernant l’intégration de Mme [U] [Y] au travail et à la faveur de moments de convivialité à l’extérieur du lieu de travail ainsi que des justificatifs d’achat de gants de protection pour la plonge.
La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail, il appartient à l’employeur qui invoque l’existence d’une démission d’en rapporter la preuve.
Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l’annulation de la démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s’il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu’à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l’analyser en une prise d’acte de la rupture qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire, d’une démission.
Il appartient en toute hypothèse au salarié d’établir les faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur et dont la gravité était telle qu’elle faisait obstacle à la poursuite de l’exécution du contrat de travail.
En l’espèce, Mme [U] [Y] produit au débat une lettre de démission datée du 9 juillet 2018 qu’elle aurait remise à l’employeur qui conteste l’avoir reçue. Ce dernier produit de son côté un message téléphonique écrit (sms) émanant d’un téléphone identifié ‘[U] Staff’ ([XXXXXXXX01]) du 9 juillet 2018.
Aux fins de voir établie la réalité de la remise de la lettre dont elle se prévaut et au terme de laquelle elle invoque la force majeure résultant de ses mauvaises conditions de travail, la salariée produit un message téléphonique écrit (sms) concernant un échange non daté avec un compte ‘[U]’ sans numéro rédigé de la manière suivante :
[U] : Slt oui et toi’ Oui jetais la pk’
X non identifiable : Oui ça va, bah il as dit qu’il n’avais jamais eu la lettre mais tout le monde été présent ce jour là, merci
[U] : Ah bon ‘ Bizarre ; ‘smiley sourire’
L’employeur lui oppose les attestations des salariés indiquant n’avoir jamais assisté à la remise de la lettre litigieuse qui de surcroît ne porte aucune mention de remise en main propre. La preuve étant libre en droit du travail, ces attestations ne peuvent être écartées au motif qu’elles ne seraient pas conformes aux dispositions de l’article 202 du Code de procédure civile et le seul fait qu’elles émanent de salariés placés dans une situation de subordination à l’égard de l’employeur n’étant pas en soi de nature à annihiler leur valeur probante.
Par ailleurs, l’argumentation de la salariée fondée sur la production de la quittance de loyer du 4 septembre 2018 se rapportant à la période du 1er au 31 août 2018 pour un logement occupé dans l’Oise, est dénuée de portée s’agissant de l’authenticité du message téléphoné écrit (sms) du 9 juillet 2018 et de la réalité du motif de rupture qu’il contient, étant relevé que ni l’authentification de l’émetteur ni son numéro de téléphone ne sont formellement discutés.
Dans la mesure où il résulte des développements qui précèdent qu’il n’est pas justifié de la remise par Mme [U] [Y] à son employeur de sa lettre de démission datée du 9 juillet 2018 et que le message téléphonique écrit (sms) également daté du 9 juillet 2018 ne peut constituer une lettre de démission qu’elle ne fait qu’annoncer, il ne peut être soutenu que Mme [U] [Y] a effectivement démissionné de son emploi, l’employeur ayant mentionné sur l’attestation Pôle emploi au titre du motif de rupture ‘fin de contrat à durée déterminée’ en fixant au 30 septembre 2018 le terme du contrat à durée déterminée conformément au contrat initialement signé.
Dans ces conditions, il ne peut être imputé à faute à l’employeur la rupture anticipée du contrat à durée déterminée de Mme [U] [Y], de même que l’employeur ne peut solliciter la condamnation de Mme [U] [Y] à réparer le préjudice d’une rupture fautive de son contrat de travail avant son terme.
En revanche, il est établi qu’au delà du 9 juillet 2018, la salariée ne s’est pas maintenue à la disposition de l’employeur, de sorte qu’elle n’est pas fondée à réclamer de rappel de salaire à ce titre.
Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [U] [Y] des demandes formulées au titre de la rupture anticipée et de sa demande de rappel de salaire et de l’infirmer en ce qu’il l’a condamnée à verser à son employeur 2.000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée de son contrat à durée déterminée.
Sur l’article 700 du Code de procédure civile :
Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties ne justifient pas qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile. L’appelante comme la société intimée doivent être déboutées des demandes formulées à ce titre.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,
INFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté Mme [U] [Y] de toutes ses demandes,
et statuant à nouveau,
DÉBOUTE la SAS TRANSAT SDW de sa demande de dommages et intérêts pour la rupture anticipée de son contrat de travail à durée déterminée,
DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile,
DIT que les dépens de première instance et d’appel seront supportés à parts égales entre les parties.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.