Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 11
ARRET DU 13 JUIN 2023
(n° , 8 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/02677 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBZCC
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Janvier 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 18/09790
APPELANT
Monsieur [H] [K]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Michel GUIZARD, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020
INTIMEE
FONDATION [5]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Alexandra LORBER LANCE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,
Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,
Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [H] [K], né en 1958, a été engagé par la fondation orphelins [5], par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2000 en qualité de veilleur de nuit.
Par un avenant signé le 15 septembre 2001, M. [K] a exercé les fonctions de surveillant de nuit, non cadre, indice 310.
Le 19 mars 2014, M. [K] a été reconnu travailleur handicapé.
A compter du 22 août 2016, M. [K] a été placé en arrêt de travail pour maladie d’origine non professionnelle, ses arrêts ont été prolongés jusqu’au 7 juin 2018.
A l’issue de la visite médicale de reprise le 7 juin 2018, le médecin du travail a rendu un avis médical d’inaptitude avec la mention suivante : tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé.
Lors de la réunion du 13 juin 2018, les délégués du personnel ont donné un avis favorable au projet de licenciement de M. [K].
Par lettre datée du 19 juin 2018, M. [K] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 27 juin 2018 avant d’être licencié pour inaptitude d’origine non professionnelle avec impossibilité de reclassement, par un courrier en date du 5 juillet 2018.
A la date du licenciement, M. [K] avait une ancienneté de 17 ans et 10 mois et la fondation des [5] occupait à titre habituel plus de dix salariés.
Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, outre des dommages-intérêts pour harcèlement moral, non respect des dispositions protectrices afférentes au travail de nuit, et violation de l’obligation de sécurité, M. [K] a saisi le 21 décembre 2018 le conseil de prud’hommes de Paris qui, par jugement du 27 janvier 2020, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :
– déboute M. [K] de l’ensemble de ses demandes,
– déboute la fondation les [5] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– laisse les dépens à la charge de M. [K].
Par déclaration du 19 mars 2020, M. [K] a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 18 juin 2020, M. [K] demande à la cour de :
– infirmer la décision du conseil de prud’hommes de Paris du 27 janvier 2020 en ce qu’il a débouté M. [K] de l’intégralité de ses demandes,
Et statuant à nouveau :
– infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau :
– constater que la fondation [5] a manqué à son obligation de sécurité,
– requalifier le licenciement pour inaptitude en un licenciement sans cause réelle et par conséquent,
A titre principal :
– constater que le barème Macron est inconventionnel et ne tient pas compte du préjudice subi par M. [K],
– condamner, la fondation [5] au paiement de 62.400 € (correspondant à 24 mois de salaire ; 2.600×24) au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
à titre subsidiaire :
– condamner la fondation [5] au paiement de 39.866,66 € au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En tout état de cause,
– condamner la fondation [5] au paiement de 30.000 € au titre de dommages et intérêts pour violation de son obligation de sécurité de résultat pour violation de l’article L 4121-1 du code du travail,
– condamner la fondation [5] au paiement de 15.000€ au titre de dommages et intérêts pour déloyauté de l’employeur dans l’exécution du contrat de travail,
– condamner la fondation [5] au paiement de la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement,
– condamner la fondation [5] au paiement de la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions protectrices afférentes au travail de nuit,
– condamner la fondation [5] au paiement de la somme de 3.000 € en amende au visa de l’article 3124-15 du code du travail pour récidive du non-respect des dispositions protectrices afférentes au travail de nuit,
– ordonner la remise de l’attestation pôle emploi corrigée sous astreinte de 200 € par jour de retard,
– condamner la fondation [5] au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 18 septembre 2020, la fondation les [5] demande à la cour de’:
A titre principal :
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris le 27 janvier 2020, RG n°18/09790,
en conséquence :
– constater l’absence de tout manquement de la fondation à ses obligations de santé et de sécurité de résultat à l’égard de M. [K], en ce compris des prescriptions des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail,
– constater l’absence de toute exécution déloyale du contrat de travail par la fondation depuis l’embauche de M. [K],
– constater l’absence de toute violation des prescriptions légales et réglementaires par la fondation en matière de travail de nuit, eu égard à la fonction de surveillant de nuit de M. [K],
– juger que le licenciement de M. [K] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,
– débouter M. [K] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
reconventionnellement,
– condamner M. [K] à payer à la fondation d'[5] la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [K] aux entiers dépens de l’instance,
A titre subsidiaire :
– ramener à de plus justes proportions les dommages et intérêts sollicités par M. [K] au titre de ses prétendus préjudices en les limitant, notamment l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (article L. 1235-3 du code du travail) au maximum à 28.700 euros.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 1er février 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience du 6 avril 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le manquement à l’obligation de santé et sécurité de l’employeur
Pour infirmation de la décision déférée, M. [K] soutient en substance que ses entretiens annuels faisaient état de sa souffrance liée aux conditions de son travail de nuit, qu’il a transmis de nombreux courriers relatifs à cette souffrance, parallèlement à des courriers collectifs des surveillants de nuit auxquels il a participé, dénonçant leurs conditions de travail ; que les délégués du personnel sont intervenus pour dénoncer le nombre trop important de nuits durant lesquelles il a travaillé et que le CHSCT avait donné un avis défavorable sur les nouvelles planifications des horaires de nuit ; que la médecine du travail a alerté l’employeur à propos de ces conditions qui ont donné lieu à de nombreux arrêts de travail pour souffrance liée au contexte professionnel.
La fondation des [5] réplique que M. [K] démontre pas le manquement de la fondation à son obligation de santé et sécurité puisqu’il n’établit pas de véritable souffrance au travail, qu’il ne démontre pas que ses arrêts de travail ou son inaptitude ont un quelconque lien avec ses conditions de travail, la CPAM n’ayant pas reconnu le caractère professionnel de sa maladie.
En application de l’article L.4121-1 du code du travail dans sa rédaction applicable, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail,
2° Des actions d’information et de formation,
3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.
L’article L. 4121-2 du même code précise que l’employeur met en oeuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants:
1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l’article L. 1142-2-1 ;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.
S’il appartient à l’employeur de justifier qu’il a pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité de son salarié, celui-ci doit justifier d’un préjudice en lien avec ses conditions de travail.
En l’espèce, les comptes rendus d’entretien annuel révèlent qu’à compter de 2003, M. [K] précisait que le travail était ‘dur’ et que ‘à la longue, le travail de nuit est usant’ ; qu’en décembre 2003, les conditions étaient selon lui, meilleures du fait de la présence de deux éducateurs de nuit mais le rythme de travail un week-end sur deux était très contraignant.
Dans un courrier du 19 janvier 2010, M. [K] alertait la fondation sur le nouveau planning prévoyant 8 heures de travail par nuit et 20 à 22 nuits par mois au lieu de 10 heures par nuit et donc 14 à 15 nuits par mois ainsi que les risques que ce changement pouvait avoir sur la santé, la vie de famille et la sécurité des résidents du foyer. Par lettre du 8 février 2010, la directrice de la maison d’accueil [6] expliquait à M [K] les raisons pour lesquelles les horaires des surveillants de nuit avaient été modifiés pour la rentrée de septembre 2009 et rappelait sans être contredite, que deux types d’organisation hebdomadaire avaient été proposés aux surveillants de nuit, 39 heures donnant lieu à 23 RTT ou 36H50 donnant lieu à 9 RTT afin de s’adapter au mieux aux contraintes personnelles, M. [K] ayant opté pour le planning à 36H50, et indiquait être en mesure de lui proposer un nouveau planning sur 36H50 hebdomadaires avec un rythme plus régulier de 3 nuits d’affilées d’une durée de 8 heures et 2 jours de repos, auquel cas il ne bénéficierait pas de JRTT mais uniquement des jours d’ancienneté et de congés payés et travaillerait 4 nuits par semaine sur 46 semaines.
Si le CHSCT a donné un avis défavorable à la planification prévue pour l’année 2013/2014 qui prévoyait notamment de 20 à 21 nuits par mois par surveillants de nuit et si la direction a maintenu ce planning, il appert que celui-ci a fait l’objet d’un avis favorable de la commission horaire du comité d’entreprise régional et qu’en 2016, le CHSCT a émis un avis favorable à la nouvelle planification.
Il résulte du compte rendu de la réunion du 1er décembre 2015 qu’à la suite d’un échange sur les notions de fatigabilité/pénibilité au travail pour les surveillants de nuit, le médecin du travail a préconisé qu’un surveillant de nuit bénéficie d’au minimum de deux nuits de repos consécutifs entre deux périodes de travail, que l’amplitude horaire soit la plus longue possible dans le respect du cadre de loi ce qui permet de diminuer le nombre de nuits mensuellement (environ 14 nuits contre 16 nuits et même 20 nuits ‘il y a quelques années’), que l’horaire de fin de poste ne soit pas trop tardif car cela engendre une perturbation du rythme de sommeil.
Si le 30 mai 2016, lors de l’entretien d’évaluation professionnelle, M. [K] a ‘réitéré son épuisement professionnel d’autant plus accentué avec la planification de cette année 2015/2016″ et que ‘conformément aux demandes émises lors de l’entretien d’évaluation de l’an passé, un travail de réflexion a été mené en lien avec M. [K] afin de prendre en compte cet épuisement’, il résulte du compte rendu de la réunion du 17 mai 2016 avec les surveillants de nuit à laquelle le salarié a participé que ‘les critères qui ont amené à l’élaboration de la nouvelle planification 2016/2017″ sont notamment ‘le respect de deux jours de repos entre deux séquences de travail, l’organisation horaire de 70 heures à la quinzaine, un nombre de nuits au mois aux alentours de 14″, que M. [K] s’est dit satisfait de la prise en compte de deux jours de repos entre deux séquences de travail ; que Mme [T], chef du service éducatif a rappelé qu »une planification aménagée sera proposée à M. [K] afin de prendre en compte la fatigabilité du poste en lien avec son futur départ en retraite’.
En outre, les documents médicaux produits aux débats révèlent que les nombreux arrêts de travail prescrits depuis 2010 portent les mentions suivantes : syndrome dépressif, lombalgie, grippe, fibromalgie – dépression réactionnelle, syndrome dépressif post agression, zona étendu, migraine, asthénie, vertiges chroniques, céphalée ; qu’en octobre 2013 le docteur [M] indique que M. [K] présente des douleurs chroniques depuis plus de 10 ans ; qu’en 2015, ce même médecin précise qu’il souffre depuis 2008 d’une polypathologie définie comme une fibromalgie sévère ; que le docteur [L] atteste que M. [K] présentait des douleurs lombalgiques à répétition en particulier dans les années 2005 à 2008. Si le docteur [M] écrit en septembre 2013 que l’état de santé de M. [K] se dégrade, qu’on ‘peut imputer cet état au travail de nuit’ et qu’il faut envisager de ‘basculer vers le jour’, il n’en demeure pas moins que le salarié n’a pas demandé de modification de son contrat de travail en ce sens, ce qu’il ne contredit pas et que le médecin du travail a déclaré M. [K] apte à son poste en recommandant toutefois à l’issue des examens du 4 novembre 2015 et du 1er juin 2016, deux nuits de repos consécutifs.
Il se déduit de l’ensemble de ces éléments que la fondation a bien pris en compte les doléances de son salarié et a pris les mesures nécessaires au regard des risques liés à la pénibilité du travail en nuit en diminuant de manière sensible le nombre de nuits de travail pour le ramener à 14 par mois et en permettant aux surveillants de nuit de bénéficier de deux jours de repos consécutifs ; qu’en tout état de cause, il n’est pas établi que la polypathologie ou la fibromalgie dont souffre le salarié depuis une période antérieure à 2003 ont un lien direct avec ses conditions de travail fussent-elles pénibles, pénibilité pour laquelle la fondation a au demeurant mis en oeuvre les moyens nécessaires pour en atténuer les effets conformément aux préconisations du médecin du travail.
En conséquence, il n’est nullement démontré que l’inaptitude d’origine non professionnelle de M. [K] constatée par le médecin du travail a pour origine le non-respect par l’employeur de son obligation de sécurité.
C’est donc à juste titre que les premiers juges ont débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts au titre de l’obligation de sécurité ainsi que de sa demande de voir juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de ses demandes indemnitaires subséquentes.
Sur le travail de nuit
Pour infirmation de la décision déférée, M. [K] fait valoir qu’en n’organisant pas de visites médicales bi-annuelles alors qu’il travaillait de nuit, la société n’a pas respecté son obligation de santé de résultat.
La fondation réplique que l’obligation de surveillance médicale particulière n’imposait pas de visites bi-annuelles mais des échanges réguliers avec la médecine du travail, ce qui a été le cas, outre les visites annuelles qui ont systématiquement déclaré apte M. [K].
L’article L. 3122-42 du code du travail dans sa version applicable dispose que tout travailleur de nuit bénéficie, avant son affectation sur un poste de nuit et à intervalles réguliers d’une durée ne pouvant excéder six mois par la suite, d’une surveillance médicale particulière dont les conditions d’application sont déterminées par décret en Conseil d’Etat.
Si la fondation n’établit pas que M. [K] a bénéficié à intervalles réguliers d’une durée de 6 mois maximum d’une surveillance médicale, il n’en demeure pas moins qu’il n’est pas établi que la dégradation de l’état de santé est en lien avec l’absence de surveillance médicale conformément à l’article sus-visé.
La décision des premiers juges qui a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts sera confirmée de ce chef.
La décision déférée sera également confirmée en que qu’elle a débouté le salarié de sa demande de condamnation de l’employeur à une amende pénale, la juridiction prud’homale n’étant pas compétent pour statuer en matière pénale.
Sur le harcèlement moral
Pour infirmation de la décision sur ce point, M. [K] soutient essentiellement qu’il a été victime de harcèlement moral caractérisé par des sanctions injustifiées ainsi que par des menaces et des agressions.
La fondation réplique que M. [K] s’est vu notifier qu’un seul avertissement du 29 juillet 2014 parfaitement justifié ; que le salarié a rencontré des difficultés avec un de ses collègues, ce qui n’est pas constitutif de harcèlement.
Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L’article L.1152-2 du même code dispose qu’aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
En application des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments présentés par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L.1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d’exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et si l’employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.
A l’appui de sa demande, M. [K] présente les éléments suivants :
– des échanges sur la validité de son permis de conduire, la fondation demandant au salarié de ne plus se garer dans l’enceinte de l’établissement en raison de la non validité du permis de conduire de celui-ci consécutive à la perte de points, M. [K] contestant cette décision en indiquant le 4 mars 2016 ‘ je vous confirme que mon permis de conduire est toujours valide par contre il n’est pas assez crédité en point’ ;
– un courrier du 24 mars 2016 adressé à M. [K] selon lequel son absence a été constatée par un cadre avant 9H le 23 mars 2016, l’invitant à justifier son absence ; le courrier de contestation de M. [K] et la réponse de la fondation prenant note de son courrier de contestation ;
– un courrier du 25 septembre 2015 de M. [K] informant que chaque nuit un compte rendu écrit est déposé dans le bureau des surveillantes de nuit ;
– un courrier également du 25 septembre 2015 de M. [K] se plaignant des pressions, réflexions et remarques de la part de son chef de service, agissements s’apparentant à du harcèlement moral selon lui au motif qu’il lui est reproché d’être tout le temps en arrêt de travail depuis plus d’une année ;
– l’avertissement du 29 juillet 2014 à la suite d’une altercation verbale avec son collègue, M. [G] [U].
La cour retient que le courrier du 25 septembre 2015 n’établit pas le comportement reproché par M. [K] à son chef de service.
Les autres éléments présentés par le salarié établissent des faits qui pris dans leur ensemble laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral. Il appartient donc à l’employeur de justifier que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.
A cet effet, c’est à juste titre que la fondation souligne que les échanges sur la validité du permis de conduire de M. [K] pouvaient légitimement laisser entendre que son permis de conduire n’était plus valide, auquel cas il lui appartenait d’interdire à M. [K] de se garer au sein de l’établissement, qu’il est en outre de son pouvoir de contrôle et de direction de demander des explications à son salarié si un cadre lui signale son absence ainsi que le compte rendu écrit de son activité.
S’agissant de l’avertissement notifié le 29 juillet 2014, il est reproché à M. [K] une altercation verbale avec M. [G] [U] en présence des jeunes de la maison d’accueil, ce qui a nécessité l’intervention du cadre d’astreinte et il est rappelé au salarié qu’en tant que salarié exerçant des fonctions d’encadrement, il doit avoir un devoir d’exemplarité face aux jeunes et en toute circonstance, ne pas montrer ses désaccords devant eux. Selon ce courrier portant avertissement, M. [K] a répondu par la positive à la proposition de médiation avec son collègue à la rentrée de septembre 2014 et qu’ayant ‘entendu [son] inquiétude à intervenir en binôme avec [son] collègue et afin de ne pas rajouter au risque de conflit’, la fondation s’est engagée à ne pas les faire intervenir ensemble avant la médiation, ce qui n’est pas contredit par M. [K]. La fondation conteste avoir été alertée par M. [K] des difficultés rencontrées avec ce collègue dans la nuit du 19 au 20 mai 2014 et de la situation de harcèlement qui s’en est suivie, par courrier du 10 juin 2014 qui n’a pas été retrouvé dans dossier et qui a été remis par le salarié lors de l’entretien du 11 juillet 2014, sans que M. [K] n’apporte la preuve de l’envoi de ce courrier.
La cour en déduit que la fondation établit que les faits invoqués par M. [K] sont étrangers à tout harcèlement moral et que c’est à juste titre que les premiers juges l’ont débouté de sa demande à ce titre. La décision sera confirmée de ce chef.
Sur les frais irrépétibles
M. [K] sera condamné aux entiers dépens. Vu l’équité, il n’y a pas lieu à indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
CONDAMNE M. [H] [K] aux entiers dépens ;
DIT n’y avoir lieu à indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La greffière, La présidente.