Épuisement professionnel : 10 novembre 2022 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/00104

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Épuisement professionnel : 10 novembre 2022 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/00104

C9

N° RG 21/00104

N° Portalis DBVM-V-B7F-KV5E

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SCP MAISONOBE – OLLIVIER

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 10 NOVEMBRE 2022

Appel d’une décision (N° RG 19/00569)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 03 décembre 2020

suivant déclaration d’appel du 04 janvier 2021

APPELANT :

Monsieur [H] [M]

né le 21 Mai 1974 à [Localité 3] (38)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Elise OLLIVIER de la SCP MAISONOBE – OLLIVIER, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

S.A.S. ATALIAN PROPRETE RHONE-ALPES Venant aux droits de la SAS NET 38, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,

Et par Me Séverine HOUARD-BREDON, avocat plaidant au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

DÉBATS :

A l’audience publique du 07 septembre 2022,

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président, chargé du rapport, et Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère, ont entendu les parties en leurs observations, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées ;

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 10 novembre 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L’arrêt a été rendu le 10 novembre 2022.

EXPOSE DU LITIGE’:

M. [H] [M] a été embauché par la société Net 38, prestataire dans le secteur de la propreté, suivant contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de chef d’équipe, à compter du 4 novembre 1996.

Au dernier état des relations contractuelles, M. [H] [M] était responsable d’exploitation, statut cadre.

En 2018, la société Net 38 a été rachetée par la société par actions simplifiée Atalian Propreté Rhône-Alpes avec transmission universelle de patrimoine.

A la suite de cette opération, par avenant du 1er février 2008, M. [H] [M] a été confirmé dans ses fonctions de responsable d’exploitation.

M. [H] [M] a été placé en arrêt maladie à compter du 30 mai 2018.

Le 16 novembre 2018, les parties ont signé une rupture conventionnelle, avec effet au 26 décembre 2018.

Considérant que son ancien employeur avait manqué à son obligation de sécurité et que la rupture conventionnelle lui avait été imposée, M. [H] [M] a, par requête en date du 28 juin 2019, saisi le conseil de prud’hommes de Grenoble d’une demande de nullité de la rupture conventionnelle de prétentions afférentes à la rupture et d’une demande de dommages et intérêts au titre du manquement à l’obligation de sécurité.

La société Atalian Propreté Rhône-Alpes a conclu au rejet des prétentions adverses.

Par jugement en date du 03 décembre 2020, le conseil de prud’hommes de Grenoble a’:

– dit que la rupture conventionnelle signée le 16 novembre 2018 est valable et n’est pas nulle,

– dit que la société Atalian Propreté Rhône-Alpes n’a pas manqué à son obligation de sécurité de résultat,

– débouté M. [H] [M] de l’ensemble de ses demandes,

– débouté la société Atalian Propreté Rhône-Alpes de sa demande reconventionnelle,

– condamné M. [H] [M] aux dépens.

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusé de réception signé le 5 décembre 2020 pour M. [M] et le 7 décembre 2020 pour la société Atalian Propreté Rhône-Alpes.

Par déclaration en date du 04 janvier 2021, M. [H] [M] a interjeté appel à l’encontre dudit jugement.

M. [H] [M] s’en est remis à des conclusions remises le 13 juillet 2021 et demande à la cour d’appel de’:

INFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu le 03 décembre 2020 par le conseil de prud’hommes de Grenoble et statuer à nouveau :

JUGER que la société Atalian Propreté Rhône-Alpes a manqué à son obligation de sécurité et voir condamner cette dernière à lui verser 50.000 € à titre de dommages et intérêts,

ANNULER la rupture conventionnelle régularisée le 16 novembre 2018 et CONDAMNER la société Atalian Propreté Rhône-Alpes à verser à M. [M] les sommes suivantes :

– 120.000 € de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– 16.435,29 € au titre de l’indemnité de préavis,

CONDAMNER la société Atalian Propreté Rhône-Alpes à verser à M. [M] la somme de 3.000€ au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre 3.000 € pour les frais engagés en première instance,

CONDAMNER la société Atalian Propreté Rhône-Alpes aux entiers dépens.

La société Atalian Propreté Rhône-Alpes s’en est remise à des conclusions déposées le 23 avril 2021 et entend voir’:

– CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Grenoble le 3 décembre 2020 (RG n°19/00569) ;

– DEBOUTER M. [M] de l’intégralité de ses demandes ;

– Le CONDAMNER au paiement de la somme de 3.000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l’article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures sus-visées.

La clôture a été prononcée le 30 juin 2022.

EXPOSE DES MOTIFS’:

Sur le périmètre d’appel’:

A titre liminaire, il convient d’observer que la cour d’appel est saisie par les dernières conclusions de M. [H] [M], adressées par RPVA le 13 juillet 2021, d’une demande indemnitaire à l’encontre de la société Atalian Propreté Rhône-Alpes de 50 000 euros de dommages et intérêts au titre d’un manquement allégué à son obligation de sécurité.

La société Atalian Propreté Rhône-Alpes avance, à juste titre, au visa des articles 954 et 910-4 alinéa 1 du code de procédure civile, que la cour d’appel n’est saisie que des prétentions figurant dans le dispositif des conclusions et que les premières conclusions d’appel doivent formuler l’ensemble des prétentions.

Toutefois, elle n’en tire pas les conséquences utiles dans le dispositif de ses conclusions d’intimée puisqu’elle conclut uniquement à la confirmation du jugement entrepris, notamment en ce qu’il a débouté M. [M] de sa demande indemnitaire au titre d’un manquement allégué à son obligation de sécurité, et en particulier ne sollicite pas que cette demande soit déclarée irrecevable.

Au demeurant, les premières conclusions d’appel de M. [M], notifiées le 30 mars 2021,comportent dans le dispositif la demande suivante’:  »JUGER que la Société ATALIAN PROPRETE RHONE ALPES a manqué à son obligation de sécurité et voir condamner cette dernière à lui verser : ‘, le montant sollicité de 50000 euros figurant dans les motifs des conclusions .

Il s’en déduit que les premières conclusions ont bien saisi la cour d’appel d’une demande indemnitaire au titre d’un manquement à l’obligation de sécurité, l’omission de la somme dans le dispositif des conclusions procédant manifestement d’une erreur purement matérielle, qui n’était aucunement de nature à tromper la société Atalian Propreté Rhône-Alpes puisque celle-ci a développé ensuite des moyens de défense au fond relatif à ce chef de demande dans ses conclusions d’intimée et qu’elle a de surcroît considéré que la cour d’appel était manifestement saisie des mêmes prétentions qu’en première instance puisqu’elle a demandé à celle-ci de confirmer en toutes ses dispositions le jugement, soit y compris en celle ayant débouté M. [M] de sa demande indemnitaire au titre du manquement à l’obligation de sécurité.

Il s’ensuit que la cour d’appel est saisie de l’ensemble des prétentions figurant au dispositif des dernières conclusions des deux parties.

Sur le manquement à l’obligation de sécurité’:

D’une première part, l’employeur a une obligation s’agissant de la sécurité et de la santé des salariés dont il ne peut le cas échéant s’exonérer que s’il établit qu’il a pris toutes les mesures nécessaires et adaptées énoncées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ou en cas de faute exclusive de la victime ou encore de force majeure.

D’une seconde part, l’article L.4121-1 du code du travail énonce que :

L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1 ;

2° Des actions d’information et de formation ;

3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.

L’article L4121-2 du code du travail prévoit que :

L’employeur met en oeuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

L’article L. 4121-3 du même code dispose que :

L’employeur, compte tenu de la nature des activités de l’établissement, évalue les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, y compris dans le choix des procédés de fabrication, des équipements de travail, des substances ou préparations chimiques, dans l’aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations et dans la définition des postes de travail. Cette évaluation des risques tient compte de l’impact différencié de l’exposition au risque en fonction du sexe.

A la suite de cette évaluation, l’employeur met en oeuvre les actions de prévention ainsi que les méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Il intègre ces actions et ces méthodes dans l’ensemble des activités de l’établissement et à tous les niveaux de l’encadrement.

Lorsque les documents prévus par les dispositions réglementaires prises pour l’application du présent article doivent faire l’objet d’une mise à jour, celle-ci peut être moins fréquente dans les entreprises de moins de onze salariés, sous réserve que soit garanti un niveau équivalent de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat après avis des organisations professionnelles concernées.

En l’espèce, alors même que la société Atalian Rhône-Alpes admet, dans ses conclusions, que lors du rachat qu’elle a effectué de la société NET 38, certains aspects de l’organisation interne ont été modifiés tout en en minimisant la portée et dont certains ont directement fait évoluer les missions et tâches confiées au salarié, un avenant au contrat de travail ayant d’ailleurs été régularisé entre les parties, prévoyant une définition précise des missions en annexe, qui n’est toutefois produit par aucune des parties, force est de constater que la société Atalian Rhône-Alpes ne justifie d’aucune des mesures qu’elle aurait prises pour veiller à ce que cette nouvelle organisation du travail ne crée pas de risques pour la santé de M. [M].

Par ailleurs, bien que l’enquête de la CPAM, ensuite d’une déclaration de maladie professionnelle du 30 mai 2018, soit postérieure à la rupture du contrat de travail, l’employeur n’apporte pas les éléments utiles permettant de contredire les faits précis avancés par M. [M] quant à la dégradation objective de ses conditions de travail, ce dernier indiquant notamment avoir assuré le déménagement des locaux de l’agence sans l’appui et la présence du directeur, avoir pris possession de locaux encore en chantier, avoir été privé de standard, basculé un mois et demi sur l’agence de [Localité 2], avoir fait face à des tâches nouvelles (comptabilité analytique), à un manque de personnel et à une absence d’interlocuteur dans la chaîne hiérarchique, M. [K] n’étant jamais disponible ou, au mieux, rappelant le lendemain sans proposer de solutions aux problèmes rencontrés.

Le risque professionnel sous forme d’un burn-out s’est en définitive manifestement réalisé puisque le médecin du travail a écrit à l’employeur, le 12 juin 2018, pour l’informer que M. [M] était en arrêt maladie pour «’épuisement professionnel’» et qu »« une reprise du travail dans les conditions actuelles ne peut être envisagée.’».

Quoique M. [M] n’ait pas repris le travail depuis le début de son arrêt maladie, à compter du 30 mai 2018, jusqu’à la rupture conventionnelle régularisée entre les parties à effet du 26 décembre 2018, l’employeur ne justifie aucunement des mesures qu’il aurait prises ou au moins envisager de prendre pour répondre à l’alerte faite par le médecin du travail sur les conditions de travail de son salarié, compromettant ainsi de manière évidente toute reprise du travail.

M. [M] produit de nombreux éléments médicaux sous forme d’ordonnances, de prescription de somnifères, d’anxiolytiques et d’antidépresseurs ainsi qu’un certificat médical en date du 14 août 2018 du Dr [Y], psychiatre, confirmant les effets particulièrement préjudiciables sur son état de santé du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité et plus particulièrement et de ne pas s’être assuré que le salarié avait à sa disposition les moyens nécessaires pour l’accomplissement de ses missions, dont l’étendue exacte n’est pas même connue de la cour d’appel, et ce, alors que M. [M] avait une ancienneté particulièrement importante dans l’entreprise avant son rachat, pour avoir été embauché le 04 novembre 1996′; ce qui confirme la corrélation directe entre le rachat de l’entreprise et la dégradation rapide et substantielle des conditions de travail et de l’état de santé psychique du salarié.

Il convient, en conséquence, d’infirmer le jugement entrepris et de dire que la société Atalian Propreté Rhône-Alpes a manqué à son obligation de sécurité et d’allouer à M. [M], tenant compte de l’importance du préjudice subi mais également de la période concernée de quelques mois, la somme de 8 000 euros nets de dommages et intérêts, le surplus de la demande de ce chef étant rejeté.

Sur la nullité de la rupture conventionnelle’:

L’article L1237-11 du code du travail énonce que’:

L’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.

La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties.

Elle résulte d’une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties.

L’article 1130 du code civil prévoit que’:

L’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.

Leur caractère déterminant s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.

En l’espèce, M. [M] établit de manière suffisante que son consentement a été vicié à raison de la violence économique qu’il a subie de la part de l’autre partie contractante lorsqu’il a signé, le 16 novembre 2018, la convention de rupture conventionnelle avec son employeur, peu important le fait discuté qu’il en ait été à l’initiative selon courrier dactylographié du 22 octobre 2018 signé du salarié, dont ce dernier indique qu’il lui aurait été dicté par son employeur.

En effet, étant rappelé que le paiement du salaire, et par voie de conséquence des revenus de remplacement en cas d’arrêt maladie lorsqu’ils résultent de l’application d’une convention collective, constitue une obligation essentielle de l’employeur, il apparaît qu’après avoir perçu jusqu’en août 2018 des indemnités journalières et un complément de salaire pour des montants de 4 462,33 euros nets en juillet 2018 puis de 3 390,47 euros en août 2018, M. [M] n’a plus perçu, en septembre, octobre et novembre 2018, que les indemnités journalières, lui occasionnant une baisse particulièrement significative de revenus puisque justifiant avoir bénéficié en septembre 2018 de 1 950,07 euros, en octobre 2018 de 1 031,75 euros et en novembre 2018 de 1 153,16 euros.

Signe de sa réelle préoccupation à ce titre, M. [M] a très rapidement relancé directement ou indirectement, par le biais de son assureur protection juridique, son employeur par courriers des 9 octobre, 17 octobre et 12 novembre 2018 afin que celui-ci accomplisse les diligences à sa charge auprès de l’organisme de prévoyance visant à lui permettre de percevoir des indemnités journalières complémentaires.

Les mises en demeure du salarié auprès de l’employeur étaient toujours infructueuses, tant au jour de la signature, le 22 octobre 2018, que de l’expiration du délai de rétractation, le 03 décembre 2018.

Alors que M. [M] établit que la société Atalian Rhône-Alpes a perçu les indemnités complémentaires de la part de la société AG2R la Mondiale le 27 décembre 2018, elle n’a reversé celles-ci au salarié qu’après une ultime mise en demeure de l’avocat de M. [M], par courrier du 5 février 2019, dans lequel il est clairement discuté de l’absence de consentement libre et éclairé à la rupture conventionnelle.

Le fait que l’inspecteur du travail ait écrit, par des lettres des 14 décembre et 17 décembre 2018, au salarié, n’est pas de nature à contredire le fait que M. [M] ne subissait pas, à raison de l’abstention fautive de son employeur à respecter ses obligations conventionnelles, une violence économique viciant son consentement à accepter la rupture conventionnelle litigieuse.

Les deux courriers ont en effet été adressés par l’inspection du travail après l’expiration du délai de rétractation imparti au salarié, le premier l’informant uniquement que la convention allait être homologuée par l’administration sauf refus exprès, sans pour autant évoquer la problématique des indemnités de prévoyance dont M. [M] avait tenu informé l’inspection du travail, et le second abordant, certes, cette problématique mais précisant par ailleurs à M. [M] que la rupture conventionnelle a d’ores et déjà fait l’objet d’une homologation, de sorte que ce dernier, qui n’y a certes pas répondu, a pu légitiment ne pas considérer que la question de l’approbation de l’inspection du travail sur la rupture du contrat de travail était directement liée à l’issue du litige avec son employeur sur les indemnités complémentaires.

Le caractère déterminant de la violence économique dans l’acceptation par M. [M] de la rupture conventionnelle litigieuse ressort suffisamment du fait qu’il démontre, par la production de ses relevés bancaires, qu’alors qu’il avait toujours été créditeur à l’égard de la banque, sa situation financière s’est notablement dégradée en octobre et novembre 2018 puisque son solde est alors devenu débiteur, étant relevé que M. [M] pouvait objectivement considérer qu’aucune reprise du travail lui garantissant le paiement de son salaire n’était possible au moment où il a régularisé la rupture conventionnelle, dans la mesure où le médecin du travail a considéré, dans un courrier du 12 juin 2018 à l’employeur, que M. [M] souffrait d’un épuisement professionnel et qu’une reprise du travail dans les conditions actuelles ne pouvait être envisagée, étant souligné qu’il a été vu précédemment que l’employeur ne justifiait aucunement avoir répondu sur ce point au Dr [X] dans le cadre de son obligation de sécurité afin d’envisager les aménagements nécessaires à une reprise, par le salarié, de son emploi.

Le moyen tiré du fait que M. [M] a exercé en qualité d’entrepreneur individuel est sans portée dès lors que l’activité a été démarrée le 11 mars 2019, après que la convention de rupture a été définitivement approuvée et produit ses effets.

En conséquence, compte tenu du vice du consentement de M. [M] à la convention de rupture conventionnelle en date du 16 novembre 2018 sans qu’il soit nécessaire d’analyser les autres moyens qu’il a développés de ce chef, il convient par infirmation du jugement d’annuler ladite rupture conventionnelle et de dire que la rupture du contrat de travail s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les prétentions afférentes à la rupture du contrat de travail’:

D’une première part, dès lors que la rupture du contrat de travail s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, peu important que M. [M] n’ait pas été apte physiquement à exécuter le préavis, il a droit à l’indemnité conventionnelle de préavis à hauteur de 16 435,29 euros.

D’une seconde part, il y a lieu de dire que l’annulation de la rupture conventionnelle emporte restitution de plein droit de l’indemnité perçue par le salarié à cette occasion (2e Civ., 18 octobre 2018, pourvoi n° 17-17.315) à hauteur de 37 230 euros bruts, à déduire pour autant, par compensation légale, de l’indemnité légale de licenciement, plus favorable que l’indemnité conventionnelle à hauteur de 36066,34 euros bruts qui est due à M. [M], qui n’offre pas, à tort, de restituer l’indemnité perçue lors de la rupture conventionnelle qui ne saurait lui rester acquise pour la partie excédant l’indemnité légale de licenciement.

D’une troisième part, au jour de son licenciement injustifié, M. [M] avait plus de 22 ans d’ancienneté, un salaire de l’ordre de 5478,43 euros bruts et justifie qu’il a, à compter de mars 2019, exercé en qualité d’entrepreneur individuel’; ce qui lui a procuré des revenus annuels, en 2020, de 43210 euros bruts, soit en baisse par rapport à son emploi salarié.

Il convient, en conséquence, au visa de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version applicable au jour du licenciement sans cause réelle et sérieuse, de lui allouer la somme de 75 000 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le débouter du surplus de sa demande de ce chef.

Sur les demandes accessoires’:

L’équité commande de condamner la société Atalian Rhône-Alpes à payer à M. [M] une indemnité de procédure de 2500 euros.

Le surplus des prétentions des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile est rejeté.

Au visa de l’article 696 du code de procédure civile, infirmant le jugement entrepris, il convient de condamner la société Atalian Rhône-Alpes, partie perdante, aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS’;

La Cour,

Statuant contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi’;

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions

STATUANT à nouveau,

DIT que la société Atalian Propreté Rhône-Alpes a manqué à son obligation de sécurité

ANNULE la convention de rupture conventionnelle régularisée le 22 octobre 2018 entre M. [M] et la société Atalian Propreté Rhône-Alpes

DIT que l’annulation de la rupture conventionnelle emporte restitution de plein droit, par M. [M] à la société Atalian Propreté Rhône-Alpes, de l’indemnité de rupture versée à hauteur de 37 230 euros bruts, déduction faite par compensation légale de l’indemnité légale de licenciement de 36 066,34 euros bruts

CONDAMNE la société Atalian Propreté Rhône-Alpes à payer à M. [M] les sommes suivantes’:

– seize mille quatre cent trente-huit euros et vingt-neuf centimes (16 438,29 euros) bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis

– huit mille euros (8 000 euros) nets à titre de dommages et intérêts au titre du manquement à l’obligation de sécurité

– soixante-quinze mille euros (75 000 euros) bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

DÉBOUTE M. [M] du surplus de ses demandes au principal

CONDAMNE la société Atalian Propreté Rhône-Alpes à payer à M. [M] une indemnité de procédure de 2 500 euros

REJETTE le surplus des prétentions des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la société Atalian Propreté Rhône-Alpes aux dépens de première instance et d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président

 


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