Épuisement professionnel : 10 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/09410

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Épuisement professionnel : 10 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/09410

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 13

ARRÊT DU 10 février 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 21/09410 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEUZT

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Septembre 2021 par le Pole social du TJ de CRETEIL RG n° 20/00429

APPELANTE

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU VAL DE MARNE

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Virginie FARKAS, avocat au barreau de PARIS, toque : E1748

INTIME

Monsieur [X] [H]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représenté par Me Pierre-emmanuel BASTARD, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 24 Novembre 2022, en audience publique et double rapporteur, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre et Monsieur Gilles BUFFET, Conseiller, chargés du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre

Monsieur Gilles BUFFET, Conseiller

Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller

Greffier : Madame Alice BLOYET, lors des débats

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le vendredi 13 janvier 2023, prorogé le vendredi 10 février 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre et par Madame Alice BLOYET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l’appel interjeté par la caisse primaire d’assurance maladie du Val de Marne d’un jugement rendu le 29 septembre 2021 par le Tribunal judiciaire de Créteil dans un litige l’opposant à M. [X] [H].

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que M. [X] [H] (l’assuré) a souscrit le 26 septembre 2018 auprès de la caisse primaire d’assurance maladie du Val de Marne (la caisse) une déclaration de maladie professionnelle. La caisse l’ayant informé que le certificat médical joint à cette déclaration n’était pas exploitable, il a adressé le 19 mars 2019 un certificat médical établi par le docteur [F] le 7 mars 2019 indiquant que l’assuré présentait « un épuisement professionnel » et avait développé « un épisode dépressif caractérisé, sévère, ayant nécessité une prise médicamenteuse et psychothérapeutique »

La caisse a mis en oeuvre une instruction et a saisi un CRRMP au vu du colloque médico-administratif. Elle a avisé le 24 juillet 2019 l’assuré de la prolongation du délai d’instruction de trois mois. A l’issue de ce délai et en absence d’avis du CRRMP, elle a notifié à l’assuré un rejet provisoire de sa demande.

Le CRRMP ayant rendu un avis défavorable quant au lien entre la maladie et le travail habituel de l’intéressé, la caisse a notifié à celui-ci le 29 septembre 2020 un refus de prise en charge de sa maladie au titre de la législation sur les risques professionnels.

Après vaines saisines de la commission de recours amiable pour contester chacune de ces décisions, l’assuré a saisi le Pôle social du Tribunal judiciaire de Créteil qui, après avoir joint les instances, par jugement du 29 septembre 2021 a :

– fait droit à la demande de M. [X] [H],

– dit que la caisse primaire d’assurance maladie du Val de Marne a reconnu implicitement le caractère professionnel de la pathologie déclarée par M. [X] [H] le 26 septembre 2018 et que cette maladie doit être prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels,

– dit que la caisse primaire d’assurance maladie du Val de Marne devra en tirer toutes conséquences financières sur les prestations et indemnités journalières servies à M. [X] [H],

– condamné la caisse primaire d’assurance maladie du Val de Marne à payer M. [X] [H] la somme de 1 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamne la caisse primaire d’assurance maladie du Val de Marne aux dépens.

Le jugement lui ayant été notifié le 7 octobre 2021, la caisse en a interjeté appel le lundi 8 novembre 2021.

Par conclusions écrites soutenues oralement à l’audience par son conseil, la caisse demande à la cour de :

– infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

– juger que M. [H] ne peut se prévaloir d’une décision implicite de reconnaissance de la maladie déclarée,

– juger régulière et bien-fondée la décision de refus de prise en charge de la maladie déclarée par M. [H],

– dans l’hypothèse où la Cour s’estimerait insuffisamment éclairée, ordonner la saisine d’un second de comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, afin que soit réexaminée l’origine professionnelle ou non de la maladie déclarée par M. [H],

– rejeter toutes les demandes, fins et conclusions de M. [H].

Par conclusions écrites soutenues oralement à l’audience par son conseil, M. [H] demande à la cour de :

– confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

– condamner la caisse à lui payer la somme de 3 200 euros, en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la caisse à lui payer la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts pour appel abusif,

– condamner la caisse aux dépens.

En application du deuxième alinéa de l’article 446-2 et de l’article 455 du code procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties déposées à l’audience pour l’exposé des moyens développés et soutenus à l’audience.

SUR CE, LA COUR

1. Sur l’existence d’une prise en charge implicite au titre de la législation sur les risques professionnels de la maladie déclarée par l’assuré.

L’article R.441-10 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, dispose :

« La caisse dispose d’un délai de trente jours à compter de la date à laquelle elle a reçu la déclaration d’accident et le certificat médical initial ou de trois mois à compter de la date à laquelle elle a reçu le dossier complet comprenant la déclaration de la maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial et le résultat des examens médicaux complémentaires le cas échéant prescrits par les tableaux de maladies professionnelles pour statuer sur le caractère professionnel de l’accident ou de la maladie.

Il en est de même lorsque, sans préjudice de l’application des dispositions du chapitre Ier du titre IV du livre Ier et de l’article L. 432-6, il est fait état pour la première fois d’une lésion ou maladie présentée comme se rattachant à un accident du travail ou maladie professionnelle.

Sous réserve des dispositions de l’article R. 441-14, en l’absence de décision de la caisse dans le délai prévu au premier alinéa, le caractère professionnel de l’accident ou de la maladie est reconnu. »

L’inobservation de ces délais par l’organisme de sécurité sociale pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie, à réception de la déclaration, vaut pour la victime reconnaissance implicite du caractère professionnel de la maladie et lui ouvre ainsi le bénéfice des prestations servies par l’assurance maladie.

Au cas particulier, les parties s’opposent sur le point de départ du délai de trois mois prévu à l’article précité.

Il ressort des échanges entre les parties, qu’à la suite de la réception de la déclaration de maladie professionnelle du 26 septembre 2018, la caisse a indiqué à l’assuré que le certificat médical joint à cette déclaration était inexploitable car il ne précisait pas que la pathologie déclarée était en lien avec son travail. L’assuré a adressé le 19 mars 2019 un nouveau certificat médical daté du 7 mars 2019.

La caisse affirme que ce certificat médical n’ayant pas été établi sur l’imprimé Cerfa prévu à cet effet, son service administratif s’est rapproché du service médical pour vérifier la recevabilité de ce certificat médical et que ce n’est qu’à compter du 30 avril 2019, date à laquelle le certificat médical initial a été validé par le service médical que le dossier de déclaration de maladie professionnelle était complet.

L’assuré soutient que la recevabilité du certificat du 7 mars 2019 n’avait pas à être vérifiée par le service médical pour que la caisse considère que le dossier de déclaration de maladie professionnelle était complet. Il soutient qu’il n’avait aucune obligation de présenter un certificat médical rédigé sur un imprimé Cerfa et qu’en se prévalant de cette exigence, la caisse ajoute à la loi.

L’article L.461-5 du code de la sécurité sociale dispose :

«  Toute maladie professionnelle dont la réparation est demandée en vertu du présent livre doit être, par les soins de la victime, déclarée à la caisse primaire dans un délai déterminé , même si elle a déjà été portée à la connaissance de la caisse en application de l’article L. 321-2.

Dans le cas prévu au quatrième alinéa de l’article L. 461-2, il est fixé un délai plus long courant à compter de la date d’entrée en vigueur du nouveau tableau annexé au décret.

Le praticien établit en triple exemplaire et remet à la victime un certificat indiquant la nature de la maladie, notamment les manifestations mentionnées aux tableaux et constatées ainsi que les suites probables. Deux exemplaires du certificat doivent compléter la déclaration mentionnée au premier alinéa dont la forme a été déterminée par arrêté ministériel.

Une copie de cette déclaration et un exemplaire du certificat médical sont transmis immédiatement par la caisse primaire à l’inspecteur du travail chargé de la surveillance de l’entreprise ou, s’il y a lieu, au fonctionnaire qui en exerce les attributions en vertu d’une législation spéciale.

Sans préjudice des dispositions de l’article L. 461-1, le délai de prescription prévu à l’article L. 431-2 court à compter de la cessation du travail. »

Il ressort de ce texte que le certificat médical initial n’a pas à être rédigé sur un imprimé spécifique, seule la déclaration de maladie professionnelle devant répondre à cette exigence. Dès lors, la caisse ne peut soutenir que le dossier de déclaration de maladie professionnelle de l’assuré n’était pas complet à la date du 19 mars 2019, date à laquelle elle a reçu le certificat médical rédigé le 7 mars 2019 par le docteur [F], dont elle admet qu’il constituait un certificat médical initial conforme aux dispositions de l’alinéa 3 de l’article L.461-5 du code de la sécurité sociale.

En conséquence, le délai de trois mois prévu à l’article R. 441-10 du code de la sécurité sociale a commencé à courir le 20 mars 2019 et la caisse était tenue de prendre une décision ou d’informer l’assuré de la nécessité de recourir à un délai supplémentaire avant le jeudi 20 juin 2019. Or, la caisse a notifié la nécessité de recourir à un délai complémentaire le 24 juillet 2019 (pièce 6 de la caisse). Dès lors, l’assuré est fondé à se prévaloir d’une décision implicite de prise en charge et c’est à bon droit que le premier juge a retenu l’existence d’une prise en charge de cette nature.

La décision du premier juge doit être confirmée.

2. Sur la demande de dommages et intérêts pour appel abusif

L’intimé soutient que l’appel de la caisse lui a causé un préjudice au motif que ce recours aurait a entraîné un sursis à statuer dans l’instance prud’homale qui l’oppose à son employeur et l’a contraint à saisir le Premier président de la Cour d’appel pour obtenir une fixation prioritaire de la présente instance.

La cour constate que la caisse n’est pas partie à l’instance prud’homale et qu’en conséquence, si l’appel qu’elle a formé dans la présente instance a eu pour conséquence le prononcé d’un sursis à statuer, l’intimé n’est pas fondé à soutenir qu’il avait un but dilatoire quant au litige relatif au contrat de travail.

S’agissant de la fixation prioritaire, elle constitue l’exercice d’un droit, dont le coût éventuel ressort des frais irrépétibles.

Enfin, le jugement ayant été assorti de l’exécution provisoire, l’intimé est particulièrement mal fondé à soutenir que l’appel de la caisse était dilatoire et l’exercice d’une voie de recours ne saurait être qualifié en lui-même d’abusif.

M. [X] [H] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts.

3. Sur l’article 700 du code de procédure civile

La caisse primaire d’assurance maladie du Val de Marne sera condamnée à payer à M. [X] [H] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles.

4. Sur les dépens

La caisse primaire d’assurance maladie du Val de Marne, succombant en cette instance, devra en supporter les dépens engagés depuis le 1er janvier 2019.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement du pôle social du Tribunal judiciaire de Créteil du 29 septembre 2021 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute M. [X] [H] de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif et dilatoire,

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,

Condamne la caisse primaire d’assurance maladie du Val de Marne à payer à M. [X] [H] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d’appel,

Condamne la caisse primaire d’assurance maladie de Seine Et Marne aux dépens de l’instance.

La greffière, La présidente,

 


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