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Faire prendre effet une licence de marque à compter d’un évènement précis et non de la date de signature du contrat retarde le déclenchement de la prescription.
La société NIGHT GARDEN INVEST est une société de droit marocain qui intervient dans le domaine de l’événementiel et de l’exploitation de discothèques.
La société J.R. CONNECT a pour principal domaine d’activité la location-bail de droits de propriété intellectuelle et similaire dont elle est propriétaire.
Elle expose être notamment titulaire de la marque «VIP ROOM».
Les sociétés NIGHT GARDEN INVEST et J.R. CONNECT ont conclu, le 23 décembre 2011, un contrat aux termes duquel la société J.R. CONNECT a consenti à la société NIGHT GARDEN INVEST la licence exclusive de l’exploitation de la marque VIP ROOM sur tout le royaume du Maroc pour une durée de 7 années à compter du jour de l’ouverture d’un club-discothèque à [Localité 4], soit le 31 décembre 2012.
La société NIGHT GARDEN INVEST, en contrepartie, s’est engagée à verser à la société J.R. CONNECT la somme de 1 250 000 euros ainsi qu’à exploiter la marque en ouvrant un club-discothèque au plus tard le 31 décembre 2012.
En 2017, la société J.R. CONNECT a consenti à une société tiers l’usage sur le royaume du Maroc de la marque VIP ROOM.
C’est dans ces conditions que la société NIGHT GARDEN INVESTI, dénonçant la violation du contrat de licence par l’octroi à un tiers de l’usage de la marque.
Le contrat stipule en ses articles 10 et 4 que « le présent contrat prendra effet au jour de l’ouverture du Club-Discothèque et au plus tard le 31 décembre 2012 est conclu pour une durée déterminée de 7 ans» et que l’exploitation de la marque « devra être entreprise dans un délai de 12 mois à compter de la signature des présentes.»
Les articles 5 et 6 du contrat définissent le prix convenu (1.250.000€) et ses modalités de paiement en plusieurs versements et stipule en particulier « à défaut de mise en oeuvre du projet de création de l’établissement, les sommes versées seront réputées acquises au concédant.»
Or, la société NIGHT GARDEN INVEST n’a jamais ouvert de discothèque et ne justifie pas davantage d’une exploitation de la marque dans les douze mois de la signature du contrat de licence, de sorte que le contrat de licence n’a pas pris effet, conformément à son article 10, et que le point de départ de la prescription ne peut en conséquence être fixé à l’issue du délai de sept ans, comme le revendique la société NIGHT GARDEN INVEST, outre qu’il n’est pas contesté qu’elle n’a payé qu’une part très limitée du prix convenu. Et comme le contrat n’a pas pris effet, il ne peut être reproché à la société J.R. CONNECT de ne pas l’avoir dénoncé ou de ne pas avoir sollicité sa résiliation, par l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception, conformément à l’article 14 intitulé « résiliation anticipée».
En conséquence, c’est à compter de la date du 31 décembre 2012 que la prescription quinquennale encourue pour agir en responsabilité sur la base de ce contrat a commencé à courir, et elle a expiré au 31 décembre 2017.
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 1
ARRET DU 27 SEPTEMBRE 2023
(n°117/2023, 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 21/13156 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEBNU
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Mai 2021 -Tribunal de Commerce de PARIS 3ème chambre – RG n° 2020007206
APPELANTE
Société NIGHT GARDEN INVEST
Société à responsabilité de droit marocain
Immatriculée au registre du commerce marocain sous le numéro 001633709000025
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2]
(MAROC)
Représentée par Me Etienne BATAILLE de la SCP Etienne BATAILLE, Julien TAMPE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0320
Assistée de Me Georges-Henri LAUDRAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : A0174 substituant Me Mohamed EL MAHI, avocat au barreau de DIJON
INTIMEE
S.A.S. J.R. CONNECT
Société au capital de 50 000 euros
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de FREJUS sous le numéro 524 644 580
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Maciej SUSLO, avocat au barreau de PARIS, toque E0666
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 juin 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Françoise BARUTEL, conseillère et Mme Déborah BOHÉE, conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.
Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre
Mme Françoise BARUTEL, conseillère
Mme Déborah BOHÉE, conseillère.
Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON
ARRÊT :
Contradictoire
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Carole TREJAUT, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
La société NIGHT GARDEN INVEST est une société de droit marocain qui intervient dans le domaine de l’événementiel et de l’exploitation de discothèques.
La société J.R. CONNECT a pour principal domaine d’activité la location-bail de droits de propriété intellectuelle et similaire dont elle est propriétaire.
Elle expose être notamment titulaire de la marque «VIP ROOM».
Les sociétés NIGHT GARDEN INVEST et J.R. CONNECT ont conclu, le 23 décembre 2011, un contrat aux termes duquel la société J.R. CONNECT a consenti à la société NIGHT GARDEN INVEST la licence exclusive de l’exploitation de la marque VIP ROOM sur tout le royaume du Maroc pour une durée de 7 années à compter du jour de l’ouverture d’un club-discothèque à [Localité 4], soit le 31 décembre 2012.
La société NIGHT GARDEN INVEST, en contrepartie, s’est engagée à verser à la société J.R. CONNECT la somme de 1 250 000 euros ainsi qu’à exploiter la marque en ouvrant un club-discothèque au plus tard le 31 décembre 2012.
En 2017, la société J.R. CONNECT a consenti à une société tiers l’usage sur le royaume du Maroc de la marque VIP ROOM.
C’est dans ces conditions que la société NIGHT GARDEN INVESTI, dénonçant la violation du contrat de licence par l’octroi à un tiers de l’usage de la marque, a engagé la présente instance par assignation délivrée le 17 janvier 2020.
Dans son jugement du 14 mai 2021 dont appel, le tribunal de commerce de Paris a :
– déclaré l’action de la société à responsabilité de droit marocain NIGHT GARDEN INVEST prescrite ;
– débouté la société à responsabilité de droit marocain NIGHT GARDEN INVEST de toutes ses demandes ;
– condamné la société à responsabilité de droit marocain NIGHT GARDEN INVEST aux dépens à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 84,37 euros dont 13,85 euros de TVA.
La société NIGHT GARDEN INVEST a interjeté appel de ce jugement le 12 juillet 2021.
Dans ses dernières conclusions, signifiées par RPVA le 4 avril 2022, la société NIGHT GARDEN INVEST demande à la cour de :
Vu les articles 1134 et 1147 du code civil,
– déclarer la société NIGHT GARDEN INVEST recevable et bien fondée en ses demandes ;
– rejeter toutes prétentions, fins et conclusions contraires ;
– infirmer le jugement entrepris et statuer à nouveau sur le tout ;
– constater que les sociétés NIGHT GARDEN INVEST et J.R. CONNECT ont régularisé un contrat de licence de marque portant sur la marque VIP ROOM ;
– constater que la société NIGHT GARDEN INVEST bénéficiait d’une licence exclusive sur la marque VIP ROOM sur le territoire de Marrakech pour une période de 7 années à compter du 31 décembre 2012 ;
-constater que c’est au mépris des dispositions de l’article 14 du contrat de licence de marque que la société J.R. CONNECT a procédé à la résiliation dudit contrat conclu avec la société NIGHT GARDEN INVEST.
En conséquence,
– dire et juger que la société J.R. CONNECT a manqué à ses obligations contractuelles en consentant l’usage de la marque VIP ROOM à une tierce société ;
– condamner la société J.R. CONNECT à payer à la société NIGHT GARDEN INVEST les sommes suivantes :
– 350 000 euros au titre du remboursement des droits réglés à la société J.R. CONNECT sur le fondement du contrat de licence de marque ;
– 2 500 000 euros au titre des gains escomptés par la société NIGHT GARDEN INVEST de l’exploitation de la licence de marque VIP ROOM ;
– 60 000 euros au titre des éphémères effectués par la société J.R. CONNECT à Marrakech en cours d’exécution du contrat de licence de marque ;
– 200 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat ;
– condamner la société J.R. CONNECT à payer à la société NIGHT GARDEN INVEST une somme de 4000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
-condamner la société J.R. CONNECT en tous les dépens du procès en application de l’article 696 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions signifiées par RPVA le 7 janvier 2022, la société J.R. CONNECT demande à la cour de :
Vu l’assignation du 17 janvier 2020,
Vu la licence de marque du 23 novembre 2011,
Vu la loi 2008-561 du 17 juin 2008,
Vu l’article L110-4 du code de commerce,
Vu l’inexécution contractuelle au visa des articles 1217 et suivants du code civil,
– confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 14 mai 2021 en ce qu’il a jugé prescrite l’action de la société NIGHT GARDEN INVEST.
Subsidiairement,
– constater l’inexécution contractuelle opposable à la société NIGHT GARDEN INVEST pour défaut de règlement des droits fixes dans le délai contractuel ;
– ordonner la résiliation judiciaire de la licence de marque du 23 novembre 2011 aux torts exclusifs de la société NIGHT GARDEN INVEST ;
– condamner la société NIGHT GARDEN INVEST à payer à la société J.R. CONNECT la somme de 80 000 euros à titre de dommages et intérêts pour inexécution fautive ;
– débouter la société NIGHT GARDEN INVEST de l’ensemble de ses prétentions.
En tout état de cause,
– condamner la société NIGHT GARDEN INVEST à la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de première instance et d’appel, ceux d’appel distraits au profit de Me Maciej SUSLO, sur son affirmation de droit.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 28 mars 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées.
Sur la prescription de l’action de la société NIGHT GARDEN INVEST
La société NIGHT GARDEN INVEST soutient que la société J.R. CONNECT ne peut prendre comme point de départ de la prescription la date fixée dans le contrat pour entreprendre l’exploitation de la marque, car aucune disposition du contrat de licence de marque ne fixe une quelconque prescription à compter de cette date ; que le point de départ de la prescription ne peut être fixé qu’à compter de la fin du contrat de licence de marque dans la mesure où son action est fondée sur cet acte; que faute, pour la société J.R. CONNECT, de justifier avoir procédé à la résiliation du contrat de licence de marque selon les modalités fixées par l’article précité, il y a lieu de considérer que celui-ci a continué à produire ses effets jusqu’au 31 décembre 2019 conformément aux dispositions de son article 10; que, par conséquent, elle disposait d’un délai de 5 années à compter du 31 décembre 2019 pour introduire une action judiciaire sur le fondement du contrat de licence de marque, ce qu’elle a fait le 17 janvier 2020 ; que l’action n’est en conséquence pas prescrite.
La société J.R. CONNECT soutient que l’action de la société NIGHT GARDEN INVEST est manifestement prescrite rappelant que lorsque la créance contractuelle a pour cause un manquement par une partie à l’une de ses obligations, le point de départ de la prescription se situe au jour de ce manquement ; que la licence consentie par acte du 23 novembre 2011 octroyait à la société NIGHT GARDEN INVEST un délai d’une année pour entreprendre l’exploitation de la marque VIP ROOM soit au plus tard le 31 décembre 2012 et qu’elle devait régler la totalité des droits fixes soit 1 250 000 euros avant le 31 décembre 2013; que la société NIGHT GARDEN INVEST indique avoir procédé à des règlements partiels courant 2013 pour une somme de 220 000 euros et n’a jamais commencé à exploiter la marque, sans solliciter le moindre report ou délai; qu’en l’espèce le manquement résulte du défaut d’exploitation à terme et délais convenus et par ailleurs du défaut de paiement des droits fixes ; que les obligations pesant sur la société NIGHT GARDEN INVEST étaient clairement exigibles au 31 décembre 2013 quant au paiement et au 31 décembre 2012 pour l’exploitation : que dans les deux cas de figure, les prétentions de la demanderesse sont prescrites.
En vertu de l’article 1134 du code civil dans sa rédaction alors applicable, «les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. (…)».
Puis selon l’article 110-4 du code du commerce, « I.-Les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes (…).»
L’action introduite par la société NIGHT GARDEN INVEST repose sur le contrat de licence de marque conclu avec la société J.R. CONNECT le 23 décembre 2011 à qui elle reproche d’avoir manqué à ses obligations contractuelles en consentant l’usage de la marque «VIP ROOM» à une société tierce.
Le contrat stipule en ses articles 10 et 4 que « le présent contrat prendra effet au jour de l’ouverture du Club-Discothèque et au plus tard le 31 décembre 2012 est conclu pour une durée déterminée de 7 ans» et que l’exploitation de la marque « devra être entreprise dans un délai de 12 mois à compter de la signature des présentes.»
Les articles 5 et 6 du contrat définissent le prix convenu (1.250.000€) et ses modalités de paiement en plusieurs versements et stipule en particulier « à défaut de mise en oeuvre du projet de création de l’établissement, les sommes versées seront réputées acquises au concédant.»
Il n’est pas contesté que la société NIGHT GARDEN INVEST n’a jamais ouvert de discothèque et ne justifie pas davantage d’une exploitation de la marque dans les douze mois de la signature du contrat de licence, de sorte que le contrat de licence n’a pas pris effet, conformément à son article 10, et que le point de départ de la prescription ne peut en conséquence être fixé à l’issue du délai de sept ans, comme le revendique la société NIGHT GARDEN INVEST, outre qu’il n’est pas contesté qu’elle n’a payé qu’une part très limitée du prix convenu. Et comme le contrat n’a pas pris effet, il ne peut être reproché à la société J.R. CONNECT de ne pas l’avoir dénoncé ou de ne pas avoir sollicité sa résiliation, par l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception, conformément à l’article 14 intitulé « résiliation anticipée».
En conséquence, c’est à compter de la date du 31 décembre 2012 que la prescription quinquennale encourue pour agir en responsabilité sur la base de ce contrat a commencé à courir, et elle a expiré au 31 décembre 2017.
Dès lors, il convient de dire que l’action introduite par la société NIGHT GARDEN INVEST contre la société J.R. CONNECT suivant assignation délivrée le 17 janvier 2020 est prescrite, le jugement déféré étant confirmé de ce chef.
Corrélativement, l’ensemble des demandes formulées par la société NIGHT GARDEN INVEST doit être déclaré irrecevable, le jugement déféré étant infirmé en ce qu’il a débouté la société NIGHT GARDEN INVEST de ses demandes.
Sur les autres demandes
La société NIGHT GARDEN INVEST, succombant, sera condamnée aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés par Maître Maciej SUSLO, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés à l’occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.
Enfin, l’équité et la situation des parties commandent de condamner la société NIGHT GARDEN INVEST à verser à la société J.R. CONNECT, une somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a débouté la société NIGHT GARDEN INVEST de ses demandes,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare irrecevables les demandes formulées par la société NIGHT GARDEN INVEST sur le fondement du contrat de licence du 23 novembre 2011,
Condamne la société NIGHT GARDEN INVEST aux dépens d’appel, qui pourront être recouvrés par Maître Maciej SUSLO conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
Condamne la société NIGHT GARDEN INVEST à verser à la société J.R. CONNECT une somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La Greffière La Présidente