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L’enregistrement d’une conversation téléphonique privée à l’insu de l’auteur des propos invoqués est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue.
En application de l’article L.1222-4 du code du travail, aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance. Ainsi, si l’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité de ses salariés pendant le temps de travail, il ne peut être autorisé à utiliser comme mode de preuve les enregistrements d’un système de vidéosurveillance spécialement installé pour contrôler leur activité sans qu’ils en aient été préalablement informés de l’existence. De plus, la vidéosurveillance ne peut avoir pour finalité de contrôler constamment l’activité des salariés, la mise en place d’une caméra dans un but de surveillance excessive des salariés est attentatoire à leur vie privée, aux droits des personnes et aux libertés individuelles. En application du règlement UE n°2016/679 du 27 avril 2016 (RGPD), l’employeur doit l’informer sur les données personnelles qu’il collecte et les traitements automatisés qu’il met en oeuvre dans l’entreprise d’une façon concise, transparente, compréhensible et aisément accessible par écrit ou, lorsque cela est approprié, par voie électronique. Concrètement, les informations suivantes doivent être communiquées s’agissant de chaque traitement automatisé de données personnelles : ‘ les finalités poursuivies par le traitement auquel les données sont destinées ; ‘ le droit d’introduire une réclamation auprès de la Cnil et les coordonnées de la commission ; ‘ le cas échéant, les coordonnées du délégué à la protection des données de l’entreprise; ‘ l’existence du droit de demander au responsable de traitement (c’est-à-dire l’employeur) l’accès aux données à caractère personnel, leur rectification ou leur effacement, et l’existence du droit de demander une limitation du traitement des données à caractère personnel relatives à une personne concernée. Toutefois, l’illicéité ou la déloyauté d’un moyen de preuve n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, en vérifiant que le procédé employé était indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte aux droits du salarié est strictement proportionnée au but poursuivi. |
→ Résumé de l’affaireL’employeur a constaté une erreur de caisse de 140 euros, attribuée à une employée, Mme [K], qui a ensuite été aidée par ses collègues, Mmes [X] et [Y], pour dissimuler cette erreur. Des manipulations d’argent ont également été observées lors de la journée du 16 mars 2018. Suite à une enquête basée sur des enregistrements de vidéosurveillance et de conversations téléphoniques, l’employeur a licencié Mme [Y] pour faute grave. Cependant, la cour a jugé que les preuves obtenues de manière illicite ne pouvaient être retenues. De plus, les fautes reprochées à Mme [Y] n’ont pas été clairement définies dans la lettre de licenciement. Par conséquent, le licenciement pour faute grave a été jugé injustifié et Mme [Y] a été déboutée de ses demandes.
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→ Les points essentielsInfirme le jugement en ses dispositions soumises à la courLa cour a décidé d’infirmer certaines parties du jugement initial, notamment en ce qui concerne la déclaration irrecevable du constat d’huissier de justice et le désistement de Mme [Y] de certaines demandes. Dit que la rupture anticipée du contrat de travail de Mme [Y] est justifiée par une faute graveLa cour a statué que la rupture anticipée du contrat de travail de Mme [Y] était justifiée par une faute grave, ce qui a conduit au rejet de toutes ses demandes. Déboute la coopérative Le relais Nord-Pas-de-Calais de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédureLa cour a également débouté la coopérative de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, laissant les dépens de première instance et d’appel à la charge de Mme [Y]. Les montants alloués dans cette affaire: – Partie demanderesse : 10 000 euros
– Partie défenderesse : 5 000 euros |
→ Réglementation applicable– Code du travail
– Code de procédure civile Article du Code du travail: Article du Code de procédure civile: |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Nathalie THIEFFINE
– Me Jérôme LE ROY – Me Alexis DAVID – Me Brigitte MESUREUR – Me Alain GRAVIER |
→ Mots clefs associés & définitions– Infirme
– Jugement – Rupture anticipée – Contrat de travail – Faute grave – Déboute – Demande – Article 700 – Dépens – Appel – Infirme: Qui est atteint d’une infirmité physique ou mentale, qui est invalide.
– Jugement: Décision rendue par un tribunal ou une autorité judiciaire. – Rupture anticipée: Fin prématurée d’un contrat ou d’une relation avant la date prévue. – Contrat de travail: Accord entre un employeur et un salarié définissant les conditions de travail. – Faute grave: Manquement très sérieux aux obligations professionnelles pouvant entraîner un licenciement. – Déboute: Rejeter une demande ou une requête par décision de justice. – Demande: Requête ou demande formulée par une partie dans une procédure judiciaire. – Article 700: Disposition du code de procédure civile permettant au juge d’allouer une somme à une partie pour ses frais de justice. – Dépens: Frais engagés dans le cadre d’une procédure judiciaire, tels que les honoraires d’avocat ou les frais de justice. – Appel: Recours formé par une partie insatisfaite d’une décision de justice pour demander une nouvelle décision. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N°
S.C.O.P. S.A. EBS LE RELAIS NORD PAS DE CALAIS
C/
[Y]
copie exécutoire
le 10 avril 2024
à
Me THIEFFINE
Me MESUREUR
LDS/IL/BG
COUR D’APPEL D’AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE
ARRET DU 10 AVRIL 2024
*************************************************************
N° RG 23/00474 – N° Portalis DBV4-V-B7H-IVEH
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’AMIENS DU 14 DECEMBRE 2022 (référence dossier N° RG F 21/00252)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
S.C.O.P. S.A. EBS LE RELAIS NORD PAS DE CALAIS
[Adresse 5]
[Localité 2]
représentée, concluant et plaidant par Me Nathalie THIEFFINE de la SELAS FIDAL, avocat au barreau d’AMIENS,
Représentée par Me Jérôme LE ROY de la SELARL LX AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d’AMIENS substituée par Me Alexis DAVID, avocat au barreau d’AMIENS, avocat postulant
ET :
INTIMEE
Madame [N] [Y]
née le 22 Décembre 1980 à [Localité 4]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée, concluant et plaidant par Me Brigitte MESUREUR, avocat au barreau d’AMIENS substitué par Me Alain GRAVIER, avocat au barreau d’AMIENS
DEBATS :
A l’audience publique du 14 février 2024, devant Madame Laurence de SURIREY, siégeant en vertu des articles 805 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus :
– Madame Laurence de SURIREY en son rapport,
– les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives.
Madame Laurence de SURIREY indique que l’arrêt sera prononcé le 10 avril 2024 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame Laurence de SURIREY en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :
Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,
Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,
Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 10 avril 2024, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.
*
* *
DECISION :
La coopérative Le relais Nord-Pas-de-Calais (la coopérative ou l’employeur) est un réseau d’entreprises, dont l’activité consiste à installer des conteneurs pour collecter des vêtements déposés par des donateurs, à les récupérer, à les trier, à les valoriser pour ensuite les revendre dans des boutiques « ding fring ».
Elle a embauché Mme [Y], née le 22 décembre 1980, à compter du 13 septembre 2017, pour une période de quatre mois, dans le cadre de la convention « entreprise d’insertion » à durée déterminée, en qualité d’agent d’exploitation. Le contrat a été renouvelé jusqu’au 12 mai 2018.
La coopérative Le relais Nord-Pas-de-Calais compte plus de 10 salariés.
Le 26 mars 2018, Mme [Y] s’est vu notifier oralement une mise à pied à titre conservatoire.
Par courrier du 29 mars 2018, elle a été convoquée à un entretien préalable fixé au 6 avril 2018, avec confirmation de la mise à pied conservatoire verbalement notifiée.
Le 23 avril 2018, elle s’est vu notifier la rupture anticipée de son contrat de travail pour faute grave, par lettre ainsi libellée :
« ‘ Par courrier du 29 mars 2018, nous vous avons convoqué à un entretien préalable à une éventuelle sanction pouvant aller jusqu’à rupture anticipée de votre contrat de travail. Celui-ci s’est déroulé en nos bureaux ce 6 avril. Vous vous êtes présenté avec Mr [P] [F], Président de la CFE-CGC. Les faits suivants vous ont été reprochés :
« En visionnant la caméra, le 16 mars 2018, nous constatons que Mme [Y] [N] compte à plusieurs reprises l’enveloppe du jour et appelle Mme [X] [D] qui fait semblant de toucher l’écran de la caisse.
Le 22 mars 2018, Mme [K] [R] évoque qu’il lui manque son fond de caisse de 140 euros, Mme [X] [D] propose à celle-ci de les récupérer en ne tapant pas de vente pendant 2 à 3 jours. Mme [K] [R] refuse. A la pause, Mme [X] [D] appelle Mme [Y] qui est au tri à l’Etoile. Ensuite, Mme [X] [D] voulait retirer 150 euros de son compte et les mettre dans un carton. Mme [K] [R] la surprend avec son manteau et l’informe que Mr [O] [S] et elle-même ont fouillé les cartons et ont visionné la caméra. Enfin, le soir même, à 21h10 Mme [X] [D] envoie un SMS à Mme [K] [R] pour trouver une solution. Mme [K] [R] répond qu’elle préfère attendre lundi la venue de Mr [O] [S]. Mme [Y] [N] et Mme [X] ont envoyé des sms et appelé Mme [K] [R] pour qu’elles puissent arranger la version des faits. »
Le 26 mars 2018 à 16h30, compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, Mr [O] [S] vous a notifié verbalement par téléphone votre mise à pied à titre conservatoire pour la durée de la procédure, qui a été confirmée par écrit dans la convocation remise en main propre le 29 mars 2018.
Vous avez reconnu les faits.
Nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien, même temporairement, dans l’entreprise.
Vous cesserez de faire partie de l’entreprise à compter de la réception de la présente lettre.
L’ensemble des documents relatifs à votre contrat de travail vous seront envoyés ultérieurement.
Enfin, nous vous informons que vous pouvez bénéficier, sous certaines conditions, de la portabilité de vos droits en matière de prévoyance et mutuelle « frais de santé ».
Veuillez agréer, Madame, l’expression de nos sincères salutations ».
Contestant la rupture anticipée de son contrat de travail, Mme [Y] a saisi le conseil de prud’hommes d’Amiens le 3 mai 2018.
Par jugement du 14 décembre 2022, le conseil a :
déclaré irrecevable le procès-verbal de constat d’huissier en date du 12 septembre 2018 et l’a écarté des débats ;
dit que la rupture anticipée du contrat de travail pour faute grave de Mme [Y] était abusive et injustifiée.
En conséquence,
donné acte à Mme [Y] de ce qu’elle se désistait de ses demandes au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et de l’indemnité compensatrice de congés payés ;
condamné la coopérative Le relais Nord-Pas-de-Calais à payer à Mme [Y] les sommes suivantes :
– 1 498,47 euros à titre de rappel de salaire du 26 mars au 24 avril 2018 et 149,84 euros pour les congés payés y afférents ;
– 500 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive ;
– 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
constaté que la moyenne des trois derniers mois de salaire de Mme [Y] s’élevait à 1 498,47 euros ;
débouté la coopérative Le relais Nord-Pas-de-Calais de ses demandes reconventionnelles ;
ordonné à la coopérative Le relais Nord-Pas-de-Calais de remettre à Mme [Y] l’attestation de salaire Sécurité sociale pour le paiement des indemnités journalières, l’attestation Pôle emploi ainsi que le certificat de travail conformes au jugement, et ce, sous astreinte de 20 euros par jour de retard à compter du 31ème jour suivant la notification du jugement ;
condamné la coopérative Le relais Nord-Pas-de-Calais aux dépens de la présente instance.
La coopérative Le relais Nord-Pas-de-Calais, qui est régulièrement appelante de ce jugement, par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 6 novembre 2023, demande à la cour de :
infirmer le jugement dans toutes ses dispositions ;
constater que la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée repose sur une faute grave ;
dire et juger Mme [Y] irrecevable et mal fondée en ses demandes ;
débouter Mme [Y] de l’ensemble de ses demandes, fins et moyens ;
la condamner à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Mme [Y], par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 7 décembre 2023, demande à la cour de :
dire et juger la coopérative Le relais Nord-Pas-de-Calais mal fondée en son appel et la débouter de l’ensemble de ses prétentions, fins et conclusions pour les motifs ci-dessus exposés ;
dire et juger Mme [Y] recevable et bien fondée en son appel incident ;
confirmer le jugement en date du 14 décembre 2022 en ce qu’il a :
– déclaré irrecevable le procès-verbal de constat d’huissier en date du 12 septembre 2018 et l’a écarté des débats ;
– dit que la rupture anticipée de son contrat de travail pour faute grave était abusive et injustifiée ;
– en conséquence,
– lui a donné acte de ce qu’elle se désistait de ses demandes au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et de l’indemnité compensatrice de congés payés ;
– condamné la coopérative Le relais Nord-Pas-de-Calais à lui payer les sommes suivantes :
1 498,47 euros à titre de rappel de salaire du 26 mars au 24 avril 2018 et 149,84 euros pour les congés payés y afférents ;
1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– constaté que la moyenne de ses trois derniers mois de salaire s’élevait à 1 498,47 euros ;
– débouté la coopérative Le relais Nord-Pas-de-Calais de ses demandes reconventionnelles ;
– ordonné à la coopérative Le relais Nord-Pas-de-Calais de lui remettre l’attestation de salaire Sécurité sociale pour le paiement des indemnités journalières, l’attestation Pôle emploi ainsi que le certificat de travail conformes au jugement, et ce, sous astreinte de 20 euros par jour de retard à compter du 31ème jour suivant la notification du jugement ;
– condamné la coopérative Le relais Nord-Pas-de-Calais aux dépens de la présente instance.
infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la coopérative Le relais Nord-Pas-de-Calais à lui payer la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive.
Statuant à nouveau de ce chef :
condamner la coopérative Le relais Nord-Pas-de-Calais à lui payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive.
Y ajoutant :
condamner la coopérative Le relais Nord-Pas-de-Calais à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ainsi qu’aux entiers dépens.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.
L’employeur expose que lors de la vérification de l’enveloppe contenant l’ensemble des règlements de la journée du 15 mars 2018, opérée le 20 mars 2018, Mme [H], comptable, a constaté qu’il manquait trois billets de 50 euros et qu’il y a un billet de 10 euros en trop, soit une erreur de 140 euros, qu’elle en a informé aussitôt Mme [Z], responsable boutique, qui a contacté alors Mme [R] [K], qui tenait la caisse le 15 mars, pour lui demander des explications ; que cette dernière a été particulièrement surprise de cette annonce ; qu’après de vaines recherches, Mme [K] a l’idée, le 21 mars, de regarder les bandes de vidéosurveillance ce qui lui a permis de constater qu’elle avait placé les trois billets de 50 euros sous le compartiment du tiroir de la caisse et qu’elle avait omis de les mettre dans l’enveloppe ; qu’elle n’a pas retrouvé les trois billets là où elle les avait placés ; que Mme [Z] et M. [O] ont à leur tour visionné les bandes de vidéosurveillance ce qui leur a permis de valider la version de Mme [K] ; qu’ils ont également visionné la bande vidéo afférente à la journée du 16 mars 2018 au cours de laquelle Mmes [X] et [Y] travaillaient à la boutique, cette dernière tenant la caisse ce qui a révélé des manipulations d’argent de la part de ces dernières ; que le 22 mars 2018, Mme [K] avait alors fait part de son erreur de caisse d’un montant de 150 euros à ses collègues, Mmes [Y] et [X], qui n’ont alors eu de cesse de lui proposer tous les subterfuges possibles et imaginables pour permettre de corriger la prétendue erreur de Mme [K] ; que le même jour, Mme [Y] a contacté Mme [K] pour l’informer qu’elle avait retrouvé 142 euros dans son fond de caisse et lui a proposé, à deux reprises, de les lui donner pour lui permettre de réparer son erreur de caisse, ce qu’elle a refusé ; qu’à aucun moment Mmes [X] et [Y] n’ont fait part à la direction de cet excédent de caisse, ni ne l’ont mentionné sur la fiche prévue à cet effet et que le sort de cette somme est ignoré.
Il en déduit que Mme [Y] comme sa collègue, a joué un rôle dans la disparition des trois billets de 50 euros ; qu’elle est intervenue de manière indue en dehors de ses missions contractuelles pour lesquelles elle est payée et qu’elle a adopté une attitude déloyale à son égard en tentant de dissimuler une prétendue erreur de caisse de leur collègue et en cachant un excédent de caisse de 142 euros, nonobstant le mobile invoqué qui était de porter secours à une collègue en difficulté, l’existence ou non d’un élément intentionnel, condition non requise en matière de faute du salarié comme cause réelle et sérieuse de licenciement et l’absence de passé disciplinaire de Mme [Y].
Il affirme que la vidéo surveillance avait pour objet d’assurer la sécurité des biens et des personnes dans la surface de vente et non de surveiller l’activité des salariées ; qu’il disposait d’une autorisation administrative en bonne et due forme ; que Mme [Y] en était informée par le biais d’un affichage dans l’entreprise et oralement ; que Mme [Z] avait les compétences et le pouvoir pour mandater le commissaire de justice qui a établi le procès-verbal de constat ; que Mmes [Z] et [K] avaient reçu l’autorisation préfectorale et de l’employeur d’accéder aux images de surveillance de la boutique de sorte que le recours à la vidéosurveillance, comme moyen de preuve, est licite et loyal.
Il reconnaît que Mme [Y] a fait l’objet de deux enregistrements de conversations téléphoniques de la part de Mme [K] à son insu mais affirme que ce procédé était légitime comme seul mode de preuve permettant de faire reconnaître à la salariée la réalité des faits.
Il conteste toute mise en oeuvre par Mme [Z] d’une machination pour rompre le contrat de Mme [Y] au regard du fait que celui-ci expirait quelques jours plus tard, de la désorganisation que son départ a provoquée et de tous les efforts de formation et d’accompagnement professionnel déployés à son profit.
La salariée soutient que :
le procès-verbal de constat d’huissier de justice censé retranscrire les images de vidéosurveillance est irrecevable comme constituant un procédé déloyal et illicite en ce qu’elle n’a pas été dûment informée de l’existence de cette vidéosurveillance, Mme [Z] et Mme [K] ne disposaient d’aucun pouvoir pour mandater l’huissier de justice, ni pour accéder elles-mêmes aux images, l’autorisation préfectorale visait la visualisation d’images en temps réel mais pas un procédé d’enregistrement ;
les enregistrements de ses conversations téléphoniques doivent également être écartés des débats comme illicites puisqu’effectués à son insu ;
elle n’a jamais commis de malversation mais a seulement voulu aider une collègue en difficulté ;
la preuve de la matérialité des griefs n’est pas rapportée et il est clair que la rupture anticipée de son contrat a été orchestrée par Mme [Z] qui ne la supportait pas, avec la complicité de Mme [K].
Sur ce,
Sur la licéité et la loyauté du recours aux images de vidéosurveillance et à l’enregistrement de conversations téléphoniques :
La cour rappelle qu’en application de l’article L.1222-4 du code du travail, aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance. Ainsi, si l’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité de ses salariés pendant le temps de travail, il ne peut être autorisé à utiliser comme mode de preuve les enregistrements d’un système de vidéosurveillance spécialement installé pour contrôler leur activité sans qu’ils en aient été préalablement informés de l’existence. De plus, la vidéosurveillance ne peut avoir pour finalité de contrôler constamment l’activité des salariés, la mise en place d’une caméra dans un but de surveillance excessive des salariés est attentatoire à leur vie privée, aux droits des personnes et aux libertés individuelles.
En application du règlement UE n°2016/679 du 27 avril 2016 (RGPD), l’employeur doit l’informer sur les données personnelles qu’il collecte et les traitements automatisés qu’il met en oeuvre dans l’entreprise d’une façon concise, transparente, compréhensible et aisément accessible par écrit ou, lorsque cela est approprié, par voie électronique. Concrètement, les informations suivantes doivent être communiquées s’agissant de chaque traitement automatisé de données personnelles :
‘ les finalités poursuivies par le traitement auquel les données sont destinées ;
‘ le droit d’introduire une réclamation auprès de la Cnil et les coordonnées de la commission ;
‘ le cas échéant, les coordonnées du délégué à la protection des données de l’entreprise;
‘ l’existence du droit de demander au responsable de traitement (c’est-à-dire l’employeur) l’accès aux données à caractère personnel, leur rectification ou leur effacement, et l’existence du droit de demander une limitation du traitement des données à caractère personnel relatives à une personne concernée.
Par ailleurs, l’enregistrement d’une conversation téléphonique privée à l’insu de l’auteur des propos invoqués est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue.
Toutefois, l’illicéité ou la déloyauté d’un moyen de preuve n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, en vérifiant que le procédé employé était indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte aux droits du salarié est strictement proportionnée au but poursuivi.
En l’espèce, la coopérative verse aux débats un constat d’huissier de justice retranscrivant des images de vidéosurveillance et deux conversations téléphoniques entre Mme [Y] et Mme [K].
La cour ne dispose pas d’information quant à l’emplacement de la caméra dans le magasin et donc quant à ce qui rentre dans son champ et n’est, par conséquent, pas en mesure de vérifier les allégations de l’employeur selon lesquelles elle n’a pas pour objet de contrôler l’activité des salariés mais seulement d’assurer la sécurité des personnes et des biens.
De plus :
-l’employeur ne justifie pas que Mme [Y] avait reçu l’information selon les modalités fixées par la section 2 du chapitre 3 du RGPD,
-l’autorisation délivrée par la préfecture ne concernait pas l’enregistrement d’images,
– Mme [K] n’était pas personnellement habilitée à accéder aux images, l’autorisation préfectorale ayant été sollicitée le 14 octobre 2019 sans qu’il soit d’ailleurs justifié qu’elle ait été obtenue,
– selon le récit qu’elle en fait dans son attestation, Mme [K] a pris seule l’initiative de regarder les enregistrements le 15 mars 2018 sans autorisation du chef d’établissement.
Ce mode de preuve, à de nombreux égards, n’est donc pas licite.
De même, l’enregistrement des conversations entre Mme [K] et Mme [Y] à l’insu de cette dernière est illicite comme leur retranscription par l’huissier de justice.
Il convient, par conséquent, de s’interroger sur la légitimité du contrôle opéré par l’employeur et vérifier s’il existait des raisons concrètes qui justifiaient le recours à la surveillance et l’ampleur de celle-ci, puis de rechercher si l’employeur ne pouvait pas atteindre un résultat identique en utilisant d’autres moyens plus respectueux de la vie personnelle de la salariée et, enfin, d’apprécier le caractère proportionné de l’atteinte ainsi portée à la vie personnelle au regard du but poursuivi.
Or, s’agissant du recours à l’exploitation des images de vidéosurveillance, l’employeur n’invoque aucun argument à ce propos alors, au surplus, que les fautes reprochées à Mme [Y], en tout cas telles qu’il les présente dans ses conclusions, dont ne fait pas partie le vol de la somme de 150 euros, sont sans rapport direct avec ces images.
S’agissant de l’enregistrement des conversations téléphoniques à l’insu de la salariée, il se borne à affirmer que c’était « le seul mode de preuve permettant de faire reconnaître officiellement à la salariée la réalité des faits », ce qui ne va pas de soi.
Il y a donc lieu en conséquence d’écarter le constat d’huissier de justice comme étant une preuve illicite et non-proportionnée au droit à la preuve de la coopérative, le jugement étant confirmé de ce chef.
Sur les griefs :
La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Elle s’apprécie in concreto, en fonction de l’ancienneté du salarié, de la qualité de son travail et de l’attitude qu’il a adoptée pendant toute la durée de la collaboration.
C’est à l’employeur qui invoque la faute grave et s’est situé sur le terrain disciplinaire de rapporter la preuve des faits allégués et de justifier qu’ils rendaient impossibles la poursuite du contrat de travail.
Le doute doit profiter au salarié.
Au cas d’espèce, la lettre de licenciement ne permet pas de comprendre quelles sont les fautes reprochées à la salariée toutefois cette dernière n’a pas sollicité que lui soient précisé les motifs de son éviction, qui sont, selon les conclusions de l’employeur, d’avoir, avec sa collègue, Mme [X], cherché à aider Mme [K] à cacher une erreur de caisse de 140 euros (150 – 10) et d’avoir dissimulé un excédent de caisse de 142 euros. Mme [Y] admet dans ses écritures avoir compris qu’il s’agit bien des griefs qui lui sont faits.
Elle reconnaît avoir tenté d’apporter secours à sa collègue qui se trouvait en difficulté en raison d’un déficit de caisse, niant qu’il s’agit d’une malversation de sa part. Aux termes de l’attestation de Mme [K], dont aucun élément ne permet de mettre en doute le témoignage nonobstant son lien hiérarchique avec l’employeur, il apparaît que ce n’est pas Mme [Y] mais Mme [X] qui lui a dit qu’il était possible de récupérer les 150 euros en ne tapant pas plusieurs jours de suite les encaissements en espèces, ce qui passerait inaperçu. Ce fait ne saurait donc lui être imputé.
L’excédent de caisse de 142 euros n’est pas contesté. La salariée ne s’explique pas sur le fait qu’elle ne l’a pas été déclaré en bonne et due forme selon le procédé en vigueur dans l’entreprise ce qui est fautif. De plus, en proposant à Mme [K] de le lui donner, la salariée se l’est approprié ce qui est également déloyal et répréhensible. Elle ne l’a restitué que le jour de l’entretien préalable.
Mme [Y] invoque un complot ourdi contre elle par Mme [Z] au motif que celle-ci ne la supporterait pas ce qui ne repose sur aucun élément du dossier et notamment pas sur le compte rendu d’entretien décousu, empreint de sous-entendus et de considérations personnelles, établi par le conseiller de la salariée lors de l’entretien préalable ni des attestations de Mme [X], également impliquée dans les faits et de Mme [C] qui n’en a pas été témoin.
Il résulte de ce qui précède que Mme [Y] a fait preuve du comportement déloyal qui lui est reproché, ne permettant pas son maintien au sein de l’entreprise, nonobstant ses bons états de service précédents. La rupture anticipée du contrat à durée déterminée pour faute grave est donc justifiée. Le jugement sera infirmé de ce chef.
La salariée sera, par conséquent, déboutée de toutes ses demandes, par infirmation du jugement.
Sur les demandes accessoires :
L’issue du litige conduit à infirmer le jugement s’agissant des dépens.
Mme [Y], qui perd le procès, sera condamnée aux entiers dépens et sera déboutée de sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La disparité entre les situations économiques des parties conduit à rejeter la demande présentée par la coopérative au titre des frais irrépétibles en première instance et en appel.
Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu’il a déclaré irrecevable le constat d’huissier de justice et l’a écarté des débats, donné acte à Mme [Y] de ce qu’elle se désistait de ses demandes au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et de l’indemnité compensatrice de congés payés et débouté la coopérative de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que la rupture anticipée du contrat de travail de Mme [Y] est justifiée par une faute grave,
Déboute Mme [Y] de toutes ses demandes,
Déboute la coopérative Le relais Nord-Pas-de-Calais de sa demande présentée, à hauteur de cour, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure,
Laisse les dépens de première instance et d’appel à la charge de Mme [Y].
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.