Embauche et évolution professionnelleM. [E] [D] a été embauché par la société Les Courriers de Seine et Oise en tant que conducteur receveur à compter du 1er février 2016, avec une reprise d’ancienneté au 19 octobre 2015. La convention collective applicable est celle des transports routiers. M. [D] a été désigné membre suppléant du comité d’entreprise en mars 2017, puis membre titulaire en juillet 2018, et enfin membre titulaire du comité social et économique en février 2020. Sanctions disciplinairesM. [D] a subi plusieurs sanctions disciplinaires, dont une mise à pied de quatre jours en juillet 2018 pour un blocage du dépôt des bus, un avertissement en juillet 2019, et une mise à pied d’une journée en avril 2020. Procédure judiciaireLe 1er octobre 2020, M. [D] a saisi le conseil de prud’hommes de Poissy pour contester les sanctions disciplinaires, demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail et obtenir des sommes dues. Par jugement du 12 janvier 2023, le conseil a débouté M. [D] de ses demandes et a également débouté la société de sa demande, condamnant M. [D] aux dépens. M. [D] a interjeté appel le 11 février 2023. Demandes en appelDans ses conclusions du 11 mai 2023, M. [D] a demandé l’infirmation du jugement et a réclamé diverses sommes, y compris des rappels de salaire, l’annulation de sanctions, et des dommages-intérêts pour préjudice moral. La société Les Courriers de Seine et Oise a également demandé la confirmation du jugement en appel et a formulé des demandes contre M. [D]. Exercice du droit de retraitM. [D] a invoqué un droit de retrait pour une situation de danger le 31 octobre 2017, mais n’a pas fourni de preuves suffisantes pour établir la réalité de ce danger. La cour a confirmé le débouté de sa demande de remboursement de la retenue sur salaire liée à cet exercice. Annulation de la mise à pied disciplinaireLa cour a constaté que la mise à pied disciplinaire du 11 juillet 2018 n’avait pas respecté les délais légaux, entraînant son annulation et le paiement d’une somme à M. [D] pour la retenue sur salaire afférente. Rappel de salaire pour heures de délégationM. [D] a demandé un remboursement pour des heures de délégation, mais la cour a confirmé que les dépassements étaient injustifiés selon les règles de l’accord d’entreprise, déboutant ainsi sa demande. Annulation de l’avertissementL’avertissement du 17 juillet 2019 a été annulé par la cour, car la société n’a pas prouvé que M. [D] avait été informé des tours de service qu’il devait accomplir. Retenues sur salaire inexpliquéesLa cour a confirmé le débouté de M. [D] concernant les retenues sur salaire inexpliquées, car l’employeur a justifié les retenues par des retards et absences de M. [D]. Demande de dommages-intérêtsM. [D] a demandé des dommages-intérêts pour des sanctions injustifiées, mais la cour a conclu qu’aucun manquement de l’employeur n’était établi, confirmant ainsi le débouté de cette demande. Résiliation judiciaire du contrat de travailLa cour a jugé que les manquements de l’employeur étaient insuffisants pour justifier une résiliation judiciaire du contrat de travail, confirmant le débouté de cette demande. Intérêts légaux et article 700La cour a ordonné la capitalisation des intérêts légaux et a condamné la société à verser une somme à M. [D] au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en raison de la solution du litige. Conclusion de la courLa cour a infirmé le jugement sur certains points, notamment l’annulation de la mise à pied et de l’avertissement, tout en confirmant le jugement sur d’autres demandes de M. [D]. La société a été condamnée aux dépens. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
Chambre sociale 4-5
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 07 NOVEMBRE 2024
N° RG 23/00450 – N° Portalis DBV3-V-B7H-VVYV
AFFAIRE :
[E] [D]
C/
S.A.S. LES COURRIERS DE SEINE ET OISE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Janvier 2023 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de POISSY
N° Chambre :
N° Section : C
N° RG : 20/00254
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Abdelaziz MIMOUN
Me Oriane DONTOT
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [E] [D]
né le 08 Juin 1980 à [Localité 5] (92)
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Abdelaziz MIMOUN, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 89
APPELANT
****************
S.A.S. LES COURRIERS DE SEINE ET OISE
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Oriane DONTOT, Constituée, de l’AARPI JRF AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617
Me Marie-Astrid BERTIN, Plaidant,avocat au barreau de Paris
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 25 Septembre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Thierry CABALE, Président,
Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,
Madame Laure TOUTENU, Conseillère,
Greffier lors des débats : Madame Anne REBOULEAU,
M. [E] [D] a été embauché selon contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er février 2016, avec reprise d’ancienneté au 19 octobre 2015, en qualité de conducteur receveur par la société Les Courriers de Seine et Oise.
La convention collective applicable à la relation de travail est la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires du transport.
Le 10 mars 2017, M. [D] a été désigné comme membre suppléant au comité d’entreprise.
En juillet 2018, M. [D] a été désigné comme membre titulaire du comité d’entreprise.
Le 13 février 2020, M. [D] a été désigné comme membre titulaire du comité social et économique.
Parallèlement, M. [D] a fait l’objet des sanctions disciplinaires suivantes :
– le 11 juillet 2018, une mise à pied à titre disciplinaire de quatre jours pour un blocage du dépôt des bus de l’entreprise à l’occasion d’une grève ;
– le 17 juillet 2019, un avertissement ;
– le 6 avril 2020, une mise à pied à titre disciplinaire d’une journée ;
Le 1er octobre 2020, M. [D] a saisi le conseil de prud’hommes de Poissy pour demander notamment, l’annulation de certains sanctions disciplinaires, la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société Les Courriers de Seine et Oise produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et sa condamnation à lui payer diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture du contrat de travail.
Par jugement du 12 janvier 2023, le conseil de prud’hommes a :
– débouté M. [D] de l’ensemble de ses demandes ;
– débouté la société Les Courriers de Seine et Oise de sa demande ;
– condamné M. [D] aux dépens.
Le 11 février 2023, M. [D] a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 11 mai 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé des moyens, M. [D] demande à la cour d’infirmer le jugement attaqué en ce qu’il a débouté de ses demandes et, statuant à nouveau sur les chefs infirmés, de :
– Condamner la SAS LES COURRIERS DE SEINE ET OISE à lui verser la somme de 30,19 € au titre de la retenue sur salaire opérée au titre de l’exercice du droit de retrait du 31 octobre 2017 et 3,01 € au titre des congés payés y afférents ;
– Annuler la mise à pied disciplinaire du 11 juillet 2018 et condamner la SAS LES COURRIERS DE SEINE ET OISE à lui verser la somme de 273,66 € et 27,36 € de congés payés afférents ;
– Condamner la SAS LES COURRIERS DE SEINE ET OISE à lui verser la somme de 791,81 € et 79,18 € de congés payés afférents au titre des retenues sur salaire au titre de l’exercice de heures de délégation ;
– Annuler l’avertissement du 17 juillet 2019 ;
– Condamner la SAS LES COURRIERS DE SEINE ET OISE à lui verser la somme de 933,10 € au titre des retenues sur salaire inexpliquées ainsi que 93,31 € de congés payés afférents ;
– Condamner la SAS LES COURRIERS DE SEINE ET OISE à lui verser la somme de 1.182,50 € au titre du bonus métier et 118,25 € au titre des congés payés afférents
– Condamner la société LES COURRIERS DE SEINE ET OISE à lui verser la somme de 3.000,00 € en réparation du préjudice moral pour multiplicité de sanctions injustifiées ;
– Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail ;
– Condamner la société LES COURRIERS DE SEINE ET OISE à verser les sommes suivantes :
– 25.000,00 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 90.411,30 € pour violation du statut protecteur ;
– 6.027,42 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 602,74 € de congés payés afférents ;
– 3.767,13 € (à parfaire) à titre d’indemnité légale de licenciement.
– Condamner la société LES COURRIERS DE SEINE ET OISE à verser la somme de 5.000,00 € par application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Fixer le point de départ des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes ;
– Ordonner la capitalisation des intérêts
– Condamne la société Les Courriers de Seine et Oise aux dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 9 août 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé des moyens, la société Les Courriers de Seine et Oise demande à la cour de confirmer le jugement attaqué sur le débouté des demandes de M. [D] et les dépens, de l’infirmer sur le débouté de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et, statuant à nouveau et y ajoutant, de :
– condamner M. [D] à lui payer une somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouter M. [D] de l’ensemble de ses demandes ;
– condamner M. [D] aux dépens avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de Me Orianne Dontot.
Une ordonnance de clôture de l’instruction a été rendue le 5 septembre 2024.
Sur la retenue sur salaire opérée au titre de l’exercice d’un droit de retrait du 31 octobre 2017 :
Aux termes de l’article L. 4131-1 du code du travail : ‘Le travailleur alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection.
Il peut se retirer d’une telle situation.
L’employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d’une défectuosité du système de protection.’
Aux termes de l’article L. 4131-3 du même code : ‘Aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l’encontre d’un travailleur ou d’un groupe de travailleurs qui se sont retirés d’une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou pour la santé de chacun d’eux’.
En l’espèce, il ressort des débats et des pièces versées que M. [D] invoque, au soutien de la légitimité de l’exercice de son droit de retrait du 31 octobre 2017, le fait d’avoir été victime ce jour là d’insultes et de menaces par les passagers du bus qu’il conduisait.
Toutefois, M. [D] ne verse aucun élément venant établir la réalité de ces menaces et insultes, sur lesquelles il ne donne au demeurant aucune précision.
Il n’établit donc pas qu’il avait un motif raisonnable de penser que la situation de travail en litige présentait un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé et n’est ainsi pas fondé à invoquer un droit de retrait.
Par ailleurs, le moyen tiré de ce que la retenue sur salaire opérée par l’employeur constitue une modification unilatérale de sa rémunération, nécessitant son accord, est inopérant, puisque une telle retenue ne constitue pas une modification du contrat de travail.
En conséquence, il y a lieu de confirmer le débouté de la demande de remboursement de la retenue sur salaire en litige.
Sur l’annulation de la mise à pied disciplinaire du 11 juillet 2018 et le rappel de salaire afférent :
En application de l’article L. 1333-1 du code du travail, le salarié peut demander au juge l’annulation d’une sanction disciplinaire prise à son encontre par son employeur. Le juge forme sa conviction au vu des éléments apportés par les deux parties. Toutefois, l’employeur doit fournir les éléments retenus pour prendre cette sanction qui sera annulée si elle est irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée.
Aux termes de l’article L. 1332-2 du code du travail : ‘Lorsque l’employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l’objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n’ayant pas d’incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l’entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié. […]
La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d’un mois après le jour fixé pour l’entretien. Elle est motivée et notifiée à l’intéressé’.
En l’espèce, il ressort des débats et des pièces versées que :
– la société Les Courriers de Seine et Oise a envoyé à M. [D] par lettre du 18 mai 2018 une première convocation à un entretien préalable à la sanction en litige fixé au 31 mai suivant.
– par lettre du 5 juin 2018, la société Les Courriers de Seine et Oise a reporté la date de l’entretien préalable au 22 juin suivant en faisant valoir que ‘au regard du contexte particulier, les organisations syndicales ont demandé à ce que votre entretien soit décalé, ce que nous avons accepté’.
Toutefois, la société Les Courriers de Seine et Oise ne verse aux débats aucun élément établissant la réalité d’une demande de report de la date d’entretien émanant des organisations syndicales.
Il s’en déduit que le report de la date d’entretien préalable en litige doit être considéré comme résultant de la seule initiative de la société Les Courriers de Seine et Oise.
Par suite, faute de respect du délai d’un mois entre l’entretien initial fixé au 31 mai 2018 et le prononcé de la mise à pied disciplinaire intervenu le 11 juillet suivant, il y a lieu d’annuler la mise à pied disciplinaire en litige et de condamner la société Les Courriers de Seine et Oise à payer à M. [D] une somme de 273,66 euros bruts au titre de la retenue sur salaire opérée à ce titre, outre 27,36 euros bruts au titre des congés payés afférents.
Le jugement attaqué sera infirmé sur ces points.
Sur le rappel de salaire au titre d’heures de délégation effectuées en 2018 :
M. [D] soutient qu’il a dépassé à plusieurs reprises en 2018, de manière licite au regard des stipulations d’un accord d’entreprise du 11 octobre 1990, son plafond mensuel d’heures de délégation, découlant de son mandat de suppléant puis de titulaire au comité d’entreprise, aux motifs que :
– en janvier, avril et mai 2018, il a remplacé un membre du ‘CSO’ qui était absent ce qui lui a donné un quota de 20 heures de délégation au lieu de ses 5 heures de délégation en tant que membre suppléant du comité d’entreprise et que, par ailleurs, il a bénéficié en même temps d’un transfert de 20 heures de délégation par un autre membre du comité d’entreprise, ce qui portait son quota total à 40 heures ;
– en juillet 2018, il est devenu membre titulaire du comité d’entreprise, avec un quota à 20 heures mensuelles pouvant être porté à 40 heures par transfert d’heures d’un autre membre titulaire.
Il en déduit que la société Les Courriers de Seine et Oise ne pouvait procéder à une retenue sur salaire pour les dépassements en litige d’une durée totale de 66,37 heures. Il demande en conséquence le remboursement de cette retenue salariale pour un montant de 791,91 euros outre les congés payés afférents.
Toutefois, il ressort des débats et des pièces versées que, comme le soutient à juste titre la société Les Courriers de Seine et Oise :
– les dépassements d’heures de délégation en litige sont relatifs aux mois de janvier à juin 2018 et ne sont liés qu’au mandat de membre suppléant du comité d’entreprise assorti de 5 heures mensuelles ;
– l’article K2 de l’accord d’entreprise du 11 octobre 1990 autorise le transfert d’heures de délégation d’un représentant du personnel à l’autre avec la limite suivante : ‘le nombre d’heures de délégation d’un représentant ne peut être, au total, supérieur au double de son crédit de base’.
Il en résulte que M. [D] ne pouvait faire valoir qu’un dépassement maximal de 5 heures de son quota mensuel d’heures de délégation de membre suppléant du comité d’entreprise, soit un quota maximum mensuel de 10 heures de délégation pour la période en litige.
Ce quota ayant été dépassé à hauteur de 66,37 heures pour la période de janvier à juin 2018, la société Les Courriers de Seine et Oise est fondée à opérer la retenue sur salaire en litige.
Il y a donc lieu de confirmer le débouté de la demande de remboursement de cette retenue et des congés payés afférents.
Sur l’annulation de l’avertissement du 17 juillet 2019 :
En l’espèce, la société Les Courriers de Seine et Oise a prononcé un avertissement à l’encontre de M. [D] pour n’avoir pas accompli deux tours de son service le 13 mai 2019 entre 21h18 et 21h50.
Cependant, il ressort des débats que la société Les Courriers de Seine et Oise ne justifie pas, contrairement à ce quelle prétend, que M. [D] a été informé, lors d’une réunion du comité d’entreprise, que ces tours étaient portés à son planning.
L’employeur n’apporte donc pas la preuve d’une abstention volontaire ou d’une mauvaise volonté délibérée de la part de M. [D] dans le défaut d’exécution de son service.
Cette sanction injustifiée sera donc annulée par application des dispositions de l’article L. 1333-1 du code du travail mentionnées ci-dessus.
Le jugement attaqué sera infirmé sur ce point.
Sur les ‘retenues sur salaire inexpliquées’ d’un montant total de 933,10 euros :
L’employeur est tenu de payer sa rémunération et de fournir un travail au salarié qui se tient à sa disposition. Il appartient à l’employeur de démontrer que le salarié a refusé d’exécuter son travail ou qu’il ne s’est pas tenu à sa disposition.
En l’espèce, en premier lieu, la retenue d’août 2018 d’un montant de 273,66 euros correspond à la mise à pied conservatoire mentionnée ci-dessus, dont la cour ordonne le paiement ainsi qu’il a été dit.
La retenue sur salaire de novembre 2017, d’un montant de 30,19 euros correspond à la retenue opérée pour l’exercice infondé du droit de retrait qui a été évoqué ci-dessus et dont la cour déboute M. [D] de sa demande de remboursement.
M. [D] ne peut donc formuler deux fois les mêmes prétentions.
En second lieu, il ressort des débats et des pièces versées les éléments suivants :
– la retenue du mois de septembre 2019 correspond à un retard de M. [D] dans sa prise de service pour laquelle il a reçu un courrier sur lequel il a apposé sa signature de reconnaissance des faits sans réserve ;
– la retenue de janvier 2018 a donné lieu à une régularisation ultérieure et à un paiement effectif en septembre 2022 ;
– les autres retenues sur salaire qui courent jusqu’en décembre 2019 sont fondées sur les retards ou absences injustifiées de M. [D], qui sont établis par des tableaux détaillés résultant des relevés d’heure et des feuilles de route du salarié.
La société Les Courriers de Seine et Oise justifie donc qu’elle s’est acquittée des obligations salariales en litige.
Il y a donc lieu de confirmer le débouté de ces demandes de rappel de salaire.
Sur le rappel de prime dit ‘bonus métier’ :
En l’espèce, la société Les Courriers de Seine et Oise justifie des tableaux détaillés résultant des relevés d’heure et des feuilles de route du salarié que pour les vingt-sept mois en cause entre octobre 2017 et août 2020 , M. [D] n’a pas rempli les conditions d’attribution de la prime dite ‘bonus métier’ à raison soit d’accidents de la circulation ou de retards à la prise de poste.
Il y a donc lieu de confirmer le débouté de cette demande de rappel de salaire.
Sur les dommages-intérêts pour ‘multiplicité de sanctions injustifiées’ :
M. [D], au soutient de sa demande indemnitaire, invoque les faits suivants :
– une convocation à entretien préalable au licenciement du 30 novembre 2018 avec mise à pied à titre conservatoire, non suivie du prononcé d’une sanction. Toutefois il n’explique pas en quoi la société Les Courriers de Seine et Oise, qui a renoncé à prononcer une sanction dans le cadre de son pouvoir de direction, a commis une faute à ce titre.
– Un rappel à l’ordre (pour un retard de prise de poste) du 24 septembre 2019 tardif et infondé. Toutefois, l’appelant n’allègue pas que ce rappel à l’ordre constitue une sanction disciplinaire et ne peut donc invoquer la prescription des faits. Par ailleurs, la société Les Courriers de Seine et Oise justifie par la production d’un tableau, établi à partir des feuilles de route, du retard en cause. Aucun manquement de la société Les Courriers de Seine et Oise n’est donc établi.
– une mise à pied disciplinaire du 6 avril 2020 tardive et injustifiée, pour ne pas avoir accompli une course prévue à son planning le 16 janvier 2020 à 16h35. Toutefois, la convocation à entretien préalable à cette sanction a été envoyée le 4 mars 2020, soit dans le délai de deux mois prévue par l’article L. 1332-4 du code du travail. Par ailleurs, la matérialité des faits n’est pas contestée par M. [D] et celui-ci n’apporte aucun élément établissant la réalité du fait justificatif qu’il invoque à savoir une accident bloquant la circulation. Cette sanction disciplinaire est donc justifiée et aucun manquement de l’employeur n’est donc établi.
– ‘Une mise en cause par la société Les Courriers de Seine et Oise pour des faits de diffamation et une convocation devant les services’. Toutefois, alors que la société Les Courriers de Seine et Oise nie la réalité de ces faits, M. [D] renvoie à une pièce numéro 53 qui ne contient aucun élément sur ce point. Aucun manquement n’est donc établi.
– trois retenues sur salaire et des pertes corrélatives de bonus métier injustifiées. Toutefois, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, les retards et absences en litige déjà évoqués ci-dessus, justifiant ces non paiements, sont établis par l’employeur.
– la suppression de majoration pour travail le dimanche ou un jour férié en 2020. Toutefois, la société Les Courriers de Seine et Oise justifie de la régularisation et du paiement effectif des sommes en cause en septembre 2022 (pièces n°39 et 40 de l’intimé).
Aucun manquement de la société Les Courriers de Seine et Oise n’est donc établi.
De plus, et en tout état de cause, M. [D] ne justifie d’aucun préjudice à ce titre.
Il y a donc lieu de confirmer le débouté de cette demande indemnitaire.
Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail et ses conséquences :
Un salarié est fondé à poursuivre la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur en cas de manquement, par ce dernier, à ses obligations. Il appartient au juge de rechercher s’il existe à la charge de l’employeur des manquements d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail afin de prononcer cette résiliation, lesquels s’apprécient à la date à laquelle il se prononce.
En l’espèce, au soutien de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société Les Courriers de Seine et Oise, produisant les effets d’un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, M. [D] invoque l’ensemble des faits examinés ci-dessus.
Ainsi qu’il a été dit ci-dessus, les seuls manquement établis sont le prononcé de la mise à pied disciplinaire du 11 juillet 2018 entachée de nullité à raison d’un non-respect de la procédure disciplinaire et le prononcé d’un avertissement injustifié le 17 juillet 2019.
M. [D] n’impute de plus à son employeur aucun manquement postérieur à l’année 2020.
Dans ces conditions, ces deux seuls manquements datant de plus de six ans et cinq ans, pour lesquels M. [D] ne réclame au demeurant aucun dommages-intérêts, sont insuffisants à établir l’existence de manquements d’une gravité suffisante pour empêcher à ce jour la poursuite de la relation de travail.
Il y a donc lieu de confirmer le débouté de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et des demandes subséquentes d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’indemnité pour violation du statut protecteur, d’indemnité compensatrice de préavis de congés payés afférents et d’indemnité légale de licenciement.
Il y a lieu également de débouter M. [D] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement nul, nouvellement formée en appel.
Sur les intérêts légaux et la capitalisation :
Il y a lieu de rappeler que les sommes allouées ci-dessus à l’appelant, qui ont une nature salariale, portent intérêts légaux à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes.
La capitalisation des intérêts légaux sera en outre ordonnée dans les conditions prévues par les dispositions de l’article 1343-2 du code civil.
Le jugement attaqué sera infirmé sur ces points.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :
Eu égard à la solution du litige, il y a lieu d’infirmer le jugement attaqué en ce qu’il statue sur ces deux points. La société Les Courriers de Seine et Oise, qui succombe partiellement, sera condamnée à payer à M. [D] une somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel.
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement attaqué, sauf en ce qu’il statue sur l’annulation de la mise à pied à titre disciplinaire du 11 juillet 2018, le rappel salarial afférent, et sur l’annulation de l’avertissement du 17 juillet 2019, les intérêts légaux et la capitalisation,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Annule la mise à pied à titre disciplinaire 11 juillet 2018 et l’avertissement du 17 juillet 2019 prononcés à l’encontre de M. [E] [D],
Condamne la société Les Courriers de Seine et Oise à payer à M. [E] [D] une somme de 273,66 euros bruts au titre de la retenue sur salaire opérée pour la mise à pied à titre disciplinaire du 11 juillet 2018 et 27,36 euros bruts au titre des congés payés afférents, avec intérêts légaux à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes,
Ordonne la capitalisation des intérêts légaux dans les conditions prévues par les dispositions de l’article 1343-2 du code civil,
Condamne la société Les Courriers de Seine et Oise à payer à M. [E] [D] une somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne la société Les Courriers de Seine et Oise aux dépens de première instance et d’appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président et par Madame Anne REBOULEAU, Greffière placée, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière Le Président