La S.A. BNP PARIBAS a consenti un prêt professionnel de 200.000 euros à la S.A.S. NATURAWEB, avec des cautions solidaires de trois associés, dont Monsieur [R] [J]. Des avenants ont modifié les modalités de remboursement. En raison de la crise sanitaire, la S.A.S. HEOLYS (anciennement NATURAWEB) a demandé une suspension des échéances, acceptée par la banque. La S.A.S. HEOLYS a ensuite été placée en liquidation judiciaire, et BNP PARIBAS a déclaré une créance de 167.465,61 euros. Après une mise en demeure restée sans réponse, BNP PARIBAS a assigné Monsieur [R] [J] pour obtenir le paiement de 18.385,75 euros. Le tribunal a clôturé la liquidation pour insuffisance d’actif. BNP PARIBAS demande la condamnation de Monsieur [R] [J] au paiement de la somme due, tandis que ce dernier conteste la recevabilité des conclusions de la banque et demande des communications de documents. L’affaire a été entendue le 21 mai 2024, avec un jugement prévu pour le 17 septembre 2024.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE 17 SEPTEMBRE 2024
Minute n°
N° RG 21/04149 – N° Portalis DBYS-W-B7F-LGVK
S.A. BNP PARIBAS
C/
[R] [J]
Cautionnement – Demande en paiement formée contre la caution seule
1 copie exécutoire et certifiée conforme à :
Me Brigitte GUIZARD – [Localité 3]
Me Mélanie LESOURD – 61
la SELARL TORRENS AVOCATS – 08
délivrées le
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTES
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QUATRIEME CHAMBRE
JUGEMENT
du DIX SEPT SEPTEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE
Composition du Tribunal lors du délibéré :
Président : Nathalie CLAVIER, Vice Présidente,
Assesseur : Laëtitia FENART, Vice-Présidente,
Assesseur : Stéphanie LAPORTE, Juge,
GREFFIER : Sandrine GASNIER
Prononcé du jugement fixé au 17 SEPTEMBRE 2024.
Jugement Contradictoire rédigé par Nathalie CLAVIER, prononcé par mise à disposition au greffe.
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ENTRE :
S.A. BNP PARIBAS, inscrite au R.C.S. de PARIS sous le numéro 662 042 449, dont le siège social est sis [Adresse 1]
Rep/assistant : Me Brigitte GUIZARD, avocat au barreau de PARIS
Rep/assistant : Me Mélanie LESOURD, avocat au barreau de NANTES
DEMANDERESSE.
D’UNE PART
ET :
Monsieur [R] [J], demeurant [Adresse 2]
Rep/assistant : Maître Philippe BARDOUL de la SELARL TORRENS AVOCATS, avocats au barreau de NANTES
DEFENDEUR.
D’AUTRE PART
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Faits, procédure et prétentions des parties
Aux termes d’un acte sous seing privé en date du 22 juillet 2016, la S.A. BNP PARIBAS a consenti à la S.A.S. NATURAWEB un prêt professionnel d’un montant de 200.000,00 euros pour une durée de 59 mois au taux nominal annuel de 1,060 % et remboursable en mensualités de 4346,14 euros, aux fins de reconstitution de fonds de roulement.
Par actes du même jour, Monsieur [E] [U], Monsieur [L] [Y] et Monsieur [R] [J], associés de la S.A.S. NATURAWEB, se sont portés cautions solidaires de cette dernière pour le remboursement de ce prêt dans la limite, chacun, de la somme de 25.000,00 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et pénalités de retard et ce, pour une durée de 83 mois.
Par avenants successifs en date des 18 juin 2017, 22 décembre 2018 et 23 janvier 2019, la S.A. BNP PARIBAS et la S.A.S. NATURAWEB, devenue la S.A.S. HEOLYS, ainsi que Monsieur [E] [U], Monsieur [L] [Y] et Monsieur [R] [J], en leur qualité de cautions, ont convenu de la modification de la durée et des modalités de remboursement du prêt.
Dans le cadre de la crise sanitaire de covid 19 et par courrier en date du 15 avril 2020, la S.A.S. HEOLYS a adressé à la S.A. BNP PARIBAS une demande de suspension des échéances du prêt en capital et intérêts pour une durée de 6 mois à compter du 1er mars 2020, à laquelle l’établissement bancaire a fait droit.
Par jugement en date du 14 octobre 2020, le Tribunal de Commerce de BOURG-EN-BRESSE a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la S.A.S. HEOLYS et désigné la S.E.L.A.R.L. MJ SYNERGIE en qualité de liquidateur.
Par courrier du 24 novembre 2020, la S.A. BNP PARIBAS a déclaré sa créance à l’encontre de la S.A.S. HEOLYS au titre du prêt susvisé auprès de la S.E.L.A.R.L. MJ SYNERGIE à hauteur de la somme globale de 167.465,61 euros.
Par courrier du 05 mars 2021, la S.A. BNP PARIBAS a vainement mis en demeure Monsieur [R] [J] de lui régler la somme de 18.385,75 euros en exécution de son engagement de caution.
Par acte d’huissier délivré le 17 septembre 2021, la S.A. BNP PARIBAS a fait assigner Monsieur [R] [J] devant le Tribunal Judiciaire de NANTES afin d’obtenir sa condamnation au paiement de la somme due au titre de cet engagement de caution.
Par jugement en date du 13 octobre 2021, le Tribunal de Commerce de BOURG-EN-BRESSE a clôturé la procédure de liquidation judiciaire de la S.A.S. HEOLYS pour insuffisance d’actif.
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Suivant ses dernières conclusions notifiées par voie dématérialisée le 08 mars 2023, la S.A. BNP PARIBAS sollicite du tribunal de :
Vu les dispositions des articles 1103, 1104, 1193 du Code civil,
Vu les dispositions des articles 1376, 2288 et suivants du Code civil,
Vu les dispositions des articles 1231-6 et 1343-2 du Code civil,
Vu les dispositions de l’article 514 et des articles 698 et suivants 765 et 766 du CPC,
– Accueillir la BNP PARIBAS en ses demandes et les déclarer recevables et bien fondées ;
– Débouter Monsieur [R] [J] de l’intégralité de son argumentation et de ses demandes;
– Condamner Monsieur [R] [J] à payer la BNP la somme de 18.385,75 euros, à titre principal, soit 10,87 % de l’encours restant dû, dans la limite de la somme de 25.000,00 euros, outre intérêts de retard au taux contractuel de 1,06% l’an jusqu’à parfait paiement ;
– Ordonner la capitalisation des intérêts dans les termes de l’article 1343-2 du Code civil ;
– Rappeler que l’exécution provisoire de droit de la décision à intervenir est compatible avec la nature de l’affaire ;
– Condamner Monsieur [R] [J] à payer à BNP PARIBAS la somme de 3.000,00 euros en application des dispositions de l’article 700 du CPC ainsi que les entiers dépens.
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Suivant ses dernières conclusions notifiées par voie dématérialisée le 30 mars 2023, Monsieur [R] [J] sollicite du tribunal de :
Vu les dispositions des articles 1104, 2288 et 2292 du Code Civil,
– Recevoir Monsieur [J] en ses conclusions ;
– Le dire bien-fondé ;
– Dire et juger que la prétendue irrecevabilité des conclusions de Monsieur [J], en application des dispositions de l’article 766 du code de procédure civile, ne figure pas au dispositif des conclusions de la BNP Paribas et que le tribunal ne peut donc se prononcer sur cette question ;
– Subsidiairernent, dire et juger que l’irrecevabilité soulevée ne fait pas grief à la BNP Paribas et que par ailleurs elle a été régularisée ;
– En conséquence, débouter la BNP Paribas de sa demande d’irrecevabilité, de surcroit, abandonnée sans aucune réserve de nature à la rendre relative ;
– Enjoindre à la BNP Paribas de communiquer :
– l’ensemble des actes justifiant de la contre-garantie accordée par BPl France Financement ;
– les actes justifiant que BPI France Financement a accepté l’ensemble des avenants et modifications du contrat de prêt principal ;
– Surseoir à statuer en attente de cette communication ;
– Subsidiairement, prononcer la nullité du cautionnement de Monsieur [J] ;
– Débouter la BNP Paribas de l’ensemble de ses demandes ;
– La condamner à payer à Monsieur [J] la somme de 3000,00 euros au titre de l’article 700 du CPC ;
– La condamner à payer les entiers dépens de l’instance.
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Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
Une ordonnance de clôture a été rendue le 19 mars 2024 et l’affaire a été fixée à l’audience du 21 mai 2024. Les parties ont été informées par le président que le jugement serait rendu le 17 septembre 2024 par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.
A titre liminaire, il convient de rappeler :
– que conformément aux dispositions de l’article 768 du code de procédure civile, le tribunal n’est saisi que des prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions des parties et que notamment, en l’espèce, aucune demande tenant à l’irrecevabilité des conclusions de Monsieur [R] [J] n’a été formée ;
– que les demandes tendant à “constater”, “donner acte”, “dire et juger” ou “déclarer”, sauf dispositions légales spécifiques, ne sont pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas le tribunal qui n’est par conséquent pas tenu d’y répondre.
Sur les demandes de communication de pièces et de sursis à statuer de Monsieur [R] [J]
Aux termes de l’article 378 du code de procédure civile,“la décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine”..
En l’espèce, Monsieur [R] [J], aux termes de ses dernières conclusions, fait valoir qu’il convient d’enjoindre à la S.A. BNP PARIBAS de communiquer “les actes relatifs à la contre-garantie BPI France Financement” et “les actes justifiant que cette dernière a accepté les avenants auquel la S.A. BNP PARIBAS fait référence”, soutenant qu’il y a lieu de surseoir à statuer dans l’attente de cette communication.
Cependant, Monsieur [R] [J] ne précise pas davantage la nature des pièces qu’il entend voir communiquer, au regard notamment des éléments déjà versés aux débats s’agissant de cette contre-garantie de BPI France Financement, et ne justifie en tout état de cause aucunement de l’incidence de la communication des dites pièces sur l’issue du présent litige.
Il ne sera donc pas fait droit aux demandes de communication de pièces et de sursis à statuer de Monsieur [R] [J].
Sur la demande en paiement de la S.A. BNP PARIBAS
Selon l’article 1103 du code civil, “les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits”.
Conformément à l’article 2288 du code civil, “celui qui se rend caution d’une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n’y satisfait pas lui-même”.
Aux termes de l’article 2292 du code civil dans sa version antérieure au1er janvier 2022 applicable au présent litige,“le cautionnement ne se présume point ; il doit être exprès, et on ne peut pas l’étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté”.
Il résulte de ces dispositions que lorsque l’obligation garantie a été modifiée et que cela a des conséquences sur l’engagement de la caution, le consentement de la caution doit être sollicité.
En l’espèce, force est de constater :
– d’une part, que par acte sous seing privé du 22 juillet 2016, la S.A. BNP PARIBAS a consenti à la S.A.S. NATURAWEB un prêt d’un montant de 200.000,00 euros pour une durée de 59 mois au taux nominal annuel de 1,060 % ;
– d’autre part, que par acte du même jour, Monsieur [R] [J] s’est porté caution solidaire de la S.A.S. NATURAWEB pour le remboursement de ce prêt dans la limite de la somme de 25.000,00 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et pénalité de retard, pour une durée de 83 mois, étant précisé que conformément aux termes de l’acte de prêt, les parties ont expressément convenu que “le cautionnement… serait limité pendant toute la durée du prêt à concurrence de 10,87 % du montant de l’encours du prêt, constitué du principal, des intérêts ainsi que le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard, et ce dans la limite d’une somme maximum de 25.000,00 euros” ;
– enfin, que par actes successifs des 18 juin 2017, 22 décembre 2018 et 23 janvier 2019, Monsieur [R] [J] a donné son accord pour les modifications de la durée et des modalités de remboursement du prêt convenues par la S.A. BNP PARIBAS et la S.A.S. NATURAWEB.
La S.A. BNP PARIBAS sollicite aujourd’hui la condamnation de Monsieur [R] [J], en exécution de cet engagement de caution, au paiement de la somme de 18.385,75 euros représentant 10,87 % du solde du prêt litigieux, la procédure de liquidation judiciaire de la S.A.S. NATURAWEB, devenue la S.A.S. HEOLYS, ayant été clôturée pour insuffisance d’actif le 13 octobre 2021.
Monsieur [R] [J] s’oppose à cette demande en paiement, faisant valoir que la modification apportée au prêt litigieux telle que résultant de la suspension des échéances accordée par la S.A. BNP PARIBAS dans le cadre de la crise sanitaire du covid 19, pour une durée de 6 mois à compter du 1er mars 2020, nécessitait son consentement en application des dispositions légales susvisées.
Cependant et contrairement à ce qu’il semble soutenir, il s’agissait là, non d’une modification des conditions et caractéristiques essentielles du prêt, mais d’une simple modification de ses modalités d’exécution pour une durée limitée de 6 mois, étant relevé :
– que cette suspension du remboursement du prêt n’a entraîné aucune modification substantielle du cautionnement de nature à emporter novation de cet engagement ;
– que ni le montant du prêt, ni le taux d’intérêts, ni le montant cautionné, ni la durée de l’engagement de caution n’ont notamment été modifiés ;
– que la prorogation du terme du prêt, conséquence de cette suspension des échéances de remboursement, n’était pas ainsi créatrice d’une obligation nouvelle pour Monsieur [R] [J], la durée de son engagement qui était de 83 mois, soit jusqu’au 22 juin 2023, étant demeurée inchangée.
Dans ces conditions, aucune incidence quant à la nature et l’étendue de l’engagement de caution ne peut être retenue.
Dès lors, Monsieur [R] [J] n’avait pas à donner son consentement à cette suspension du remboursement du prêt et ce, quand bien même la S.A. BNP PARIBAS a manifestement entendu obtenir la confirmation de son engagement, “en tant que de besoin”, tel que cela résulte du document rédigé par ses soins à cet effet.
L’absence de consentement de Monsieur [R] [J] à cette modification des modalités d’exécution du prêt n’est donc pas de nature à le libérer de son engagement ou à justifier la nullité du cautionnement, étant relevé en outre et pour les mêmes motifs qu’il n’apporte aucunement la preuve d’un manquement de la S.A. BNP PARIBAS à son obligation de loyauté à son égard.
Il ne pourra ainsi être fait droit aux prétentions de Monsieur [R] [J].
Conformément à ce qui a été précédemment indiqué, au vu des pièces versées aux débats et dès lors que la S.A. BNP PARIBAS justifie de l’obligation de Monsieur [R] [J], en sa qualité de caution solidaire de la S.A.S. HEOLYS, de s’acquitter du solde du prêt litigieux à hauteur de 10,87 % et dans la limite de la somme de 25.000,00 euros, la demande en paiement formée à son encontre apparaît bien fondée à hauteur de 18.203,51 euros, étant souligné :
– que la somme globale restant due au titre du prêt telle que déclarée par la S.A. BNP PARIBAS auprès du liquidateur judiciaire de la S.A.S. HEOLYS à hauteur de 167.465,61 euros et l’admission de cette créance au passif de la procédure collective, n’ont pas été contestées par Monsieur [R] [J] ;
– que la preuve du bien-fondé de l’actualisation par la S.A. BNP PARIBAS de cette somme globale due au titre du prêt à hauteur de 169.142,15 euros n’est pas apportée, aucune explication n’ayant été fournie par la demanderesse sur ce point.
En conséquence, Monsieur [R] [J] sera condamné à payer à la S.A. BNP PARIBAS la somme de 18.203,51 euros, outre les intérêts de retard au taux de 1,060 % à compter de la mise en demeure du 05 mars 2021 conformément à l’article 1231-6 du code civil et leur capitalisation dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du code civil.
Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile
Monsieur [R] [J] qui succombe à l’action, supportera les dépens en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.
L’équité s’oppose en revanche à sa condamnation en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Il ne sera donc pas fait droit à la demande de la S.A. BNP PARIBAS au titre de ses frais irrépétibles.
Sur l’exécution provisoire
Conformément aux termes de l’article 514 du code de procédure civile, la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire.
Le Tribunal,
Statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort ;
CONDAMNE Monsieur [R] [J], en sa qualité de caution de la S.A.S. HEOLYS, à payer à la S.A. BNP PARIBAS la somme de 18.203,51 euros, outre les intérêts au taux de 1,060% à compter du 05 mars 2021 ;
DIT que les intérêts échus pourront être capitalisés par année entière en application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil ;
DÉBOUTE la S.A. BNP PARIBAS de ses demandes pour le surplus ;
DÉBOUTE Monsieur [R] [J] de ses demandes ;
CONDAMNE Monsieur [R] [J] aux dépens ;
DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
Sandrine GASNIER Nathalie CLAVIER