Engagements de cautionnement : Évaluation de la proportionnalité et obligations d’information des parties impliquées

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Engagements de cautionnement : Évaluation de la proportionnalité et obligations d’information des parties impliquées

Le tribunal de commerce de Bastia a, par jugement du 16 décembre 2022, condamné [R] [M] à payer diverses sommes à la caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Corse, en lien avec des prêts et des engagements de caution. [R] [M] et la société Midena ont été condamnés solidairement à rembourser un montant total de 304 055,22 euros, ainsi qu’à payer des intérêts et des frais. Un appel a été interjeté par [M] et la société Midena le 10 février 2023, contestation qui a été partiellement accueillie par la cour, qui a prononcé la déchéance des intérêts conventionnels pour défaut d’information. La cour a confirmé certaines condamnations tout en déboutant les parties de leurs autres demandes et a condamné solidairement [R] [M] et la société Midena à payer des frais supplémentaires à la caisse régionale de crédit agricole.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

9 octobre 2024
Cour d’appel de Bastia
RG
23/00096
Chambre civile

Section 2

ARRÊT N°

du 9 OCTOBRE 2024

N° RG 23/96

N° Portalis DBVE-V-B7H-CFXH VL-C

Décision déférée à la cour :

Jugement, origine tribunal de commerce de BASTIA, décision attaquée du

16 décembre 2022, enregistrée sous le

n° 2022000567

[M]

S.A.S. SOCIETE MIDENA

C/

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA CORSE

Copies exécutoires délivrées aux avocats le

COUR D’APPEL DE BASTIA

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU

NEUF OCTOBRE DEUX-MILLE-VINGT-QUATRE

APPELANTS :

M. [R] [M]

né le [Date naissance 5] 1962 à [Localité 3] (Haute-Corse)

[Adresse 8]

[Localité 3]

Représenté par Me Valérie GASQUET SEATELLI de l’ASSOCIATION SEATELLI-GASQUET, avocate au barreau de BASTIA, et par Me Yves LARUE de la SOCIETE CIVILE ASKESIS, avocat au barreau de GRASSE

S.A.S. SOCIETE MIDENA

au capital de 1 193 000 euros

immatriculée au RCS de BASTIA sous le numéro 519 638 712

siège social sis [Adresse 7]

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par Me Valérie GASQUET SEATELLI de l’ASSOCIATION SEATELLI-GASQUET, avocate au barreau de BASTIA, et par Me Yves LARUE de la SOCIETE CIVILE ASKESIS, avocat au barreau de GRASSE

INTIMÉE :

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA CORSE

Société coopérative à capital variable

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Frédérique GENISSIEUX de la SCP CABINET RETALI & ASSOCIES, avocate au barreau de BASTIA

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 14 juin 2024, devant Valérie LEBRETON, présidente de chambre, chargée du rapport, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Valérie LEBRETON, présidente de chambre

Emmanuelle ZAMO, conseillère

Guillaume DESGENS, conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Vykhanda CHENG

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 octobre 2024

ARRÊT :

Contradictoire,

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Valérie LEBRETON, présidente de chambre, et Vykhanda CHENG, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Par jugement du 16 décembre 2022, le tribunal de commerce de Bastia a condamné [R] [M] au titre du prêt n°73007123670 dans la limite de son engagement de caution de 260 000 euros à payer à la caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Corse la somme de 89 471,91 euros outre intérêts au taux conventionnel de 5,15 % à compter de l’acte introductif d’instance jusqu’à complet règlement, a condamné solidairement [R] [M] et la société Midena à payer au titre du contrat d’ouverture de crédit en compte n°00000048126 et dans la limite respective de leur engagement de caution de 390 000 et 300 000 euros au crédit agricole la somme de 304 055,22 euros en principal outre intérêt conventionnel de 2,06 % à compter de l’acte introductif d’instance jusqu’à complet réglement, a condamné [R] [M] dans la limite de son engagement de caution de 390 000 euros à payer au crédit agricole la somme de 300 000 euros outre intérêts de droit à compter de la signification de la décision, a condamné solidairement [R] [M] et la société Midena à payer au crédit agricole une somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et a condamné monsieur [M] aux dépens en ce les frais d’inscription de sûreté judiciaire, a liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 89,67 euros, a ordonné à [R] [M] d’avoir à attribuer au crédit agricole le contrat d’assurance-vie n°67593770, a dit que [R] [M] et la société Midena pourront se libérer des condamnations en 24 versements mensuels, le premier versement devant intervenir dans le mois suivant la signification du jugement et qu’en cas de non paiement d’une seule échéance, le solde deviendra immédiatement exigible, appel portant également sur le rejet des demandes de [R] [M] et de la société Midena.

Par déclaration au greffe le 10 février 2023, monsieur [M] et la société Midena ont interjeté appel, limité en ce que monsieur [M] a été condamné à au titre du prêt n°73007123670 dans la limite de son engagement de caution de 260 000 euros à payer à la caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Corse la somme de 89 471,91 euros outre intérêts au taux conventionnel de 5,15 % à compter de l’acte introductif d’instance jusqu’à complet règlement, a condamné solidairement [R] [M] et la société Midena à payer au titre du contrat d’ouverture de crédit en compte n°00000048126 et dans la lilite respective de leur engagement de caution de 390 000 et 300 000 euros au crédit agricole la somme de 304 055,22 euros en principal outre intérêt conventionnel de 2,06 % à compter de l’acte introductif d’instance jusqu’à complet réglement, a condamné [R] [M] dans la limite de son engagement de caution de 390 000 euros à payer au crédit agricole la somme de 300 000 euros outre intérêts de droit à compter de la signification de la décision, a condamné solidairement [R] [M] et la société Midena à payer au crédit agricole une somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et a condamné monsieur [M] aux dépens en ce les frais

d’inscription de sûreté judiciaire, a liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 89,67 euros, a ordonné à [R] [M] d’avoir à attribuer au crédit agricole le contrat d’assurance-vie n°67593770, a dit que [R] [M] et la société Midena pourront se libérer des condamnations en 24 versements mensuels, le premier versement devant intervenir dans le mois suivant la signification du jugement et qu’en cas de non paiement d’une seule échéance, le solde deviendra immédiatement exigible, appel portant également sur le rejet des demandes de [R] [M] et de la société Midena.

Dans ses dernières conclusions RPVA du 5 février 2024, que la cour vise pour l’exposé de ses moyens et prétentions, monsieur [M] et la société Midena sollicitent :

ANNULER les cautionnements de Monsieur [R] [M].

DEBOUTER la CRCAM de la Corse de l’ensemble de ses demandes.

CONDAMNER la CRCAM de la Corse à payer la somme de 304 055,22 euros à la société MIDENA ;

SUBSIDIAIREMENT,

DIRE ET JUGER que le la CRCAM de la Corse sera privée du droit au bénéfice de tout intérêt conventionnel ou légal tant à l’encontre de Monsieur [R] [M] que de la société MIDENA ;

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE :

Si, par extraordinaire, le Tribunal de Commerce entrait en voie de condamnation et n’accueillait pas Monsieur [R] [M] et la société MIDENA en leurs demandes à titre subsidiaire,

DIRE ET JUGER que le paiement des sommes susvisées soit reporté d’une durée de vingt-quatre (24) mois au profit de Monsieur [M] et la société MIDENA, ou, à défaut le paiement de la dette sera un échelonné sur une durée de vingt-quatre (24) mois au profit de Monsieur [M] et la société MIDENA,

En tout état de cause :

PRONONCER la déchéance des pénalités et intérêts de retard réclamés par la CRCAM de la Corse au profit de Monsieur [M] et de la société MIDENA,

PRONONCER la déchéance des intérêts conventionnels,

DIRE ET JUGER que les paiements réalisés seront imputés sur le capital et non sur les intérêts.

CONDAMNER la CRCAM de la Corse à payer la somme de 2 000 euros à Monsieur [M] et à la société MIDENA sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 29 novembre 2023, que la cour vise pour l’exposé de ses moyens et prétentions, la caisse régionale de crédit agricole mutuel de la corse sollicite la confirmation du jugement du Tribunal de Commerce en toutes ses dispositions, y ajoutant, condamner solidairement Monsieur [R] [M] et la société MIDENA au paiement de la somme de 3 000 € en application de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens en ce y compris les frais d’inscription d’une sureté judiciaire.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 16 mai 2024.

SUR CE :

Sur les cautionnements :

Sur la disproportion :

Monsieur [M] allègue de la disproportion de son engagement de caution au vu de ses revenus et charges, qu’il n’était pas une caution avertie et que la banque a commis une faute en ne le mettant pas en garde du caractère disproportionné de l’engagement souscrit.

Il indique que la banque n’a pas sollicité de fiche de renseignements pour les cautionnements du 22 avril 2010 à hauteur de 390 000 euros et celui du 3 mai 2012 de 260 000 euros et n’a pas vérifié les capacités financières de la caution, ce qui doit conduire à la déchéance des intérêts.

Il ajoute que le 22 avril 2010, il s’est porté caution de la société [Localité 3] automobiles services à hauteur de 390 000 euros alors que ses revenus en 2010 et 2012 consistaient en une pension d’invalidité suite à un accident du travail, son épouse était employée à la Dass de [Localité 3] et percevait 1600 euros avant son embauche par la société Midena le 1er novembre 2010.

Il ajoute que son patrimoine se composait en 2010 d’un appartement acheté 140 000 euros en 2006 : il détenait les parts de la société Midena avec un capital social de 3 000 euros et une part de la sci romarin, propriétaire d’un bien de 230 000 euros.

Il conclut que son patrimoine etait : des revenus de 69 843 euros, un bien immobilier de 140 000 euros acheté en 2006 à 140 000 euros et revendu en 2019 à 115 000 euros, les parts sociales de la sci romarin, les parts sociales de Midena et de la société Camjo.

S’agissant de Midena, il produit la liasse pour 2011 avec un résultat déficitaire de 13 151 euros ; pour la société romarin, il avait un bénéfice de 24 099 euros. Il ajoute qu’il était caution depuis 2007 de la société formule 1 garage, de la société romarin, depuis novembre 2009 à la société bonbonnière à hauteur de 110 500 euros et de la société Midena à hauteur de 130000 euros.

Il ajoute qu’il s’est porté caution de la société [Localité 3] automobiles le 3 mai 2012 à hauteur de 260 000 euros, ce qui porte son engagement de caution à la somme de 1 686 100 euros.

Il indique que la banque ne peut se retrancher derrière l’unique fiche de renseignements.

Il ajoute que madame [M] est désormais au chômage, ses revenus ont été divisés par deux.

Il indique que la société Midena est une holding et n’a plus de filiales opérationnelles, son résultat est déficitaire.

Les comptes de la société Formule 1 garage ont un résultat déficitaire de 100 241 euros.

Il en conclut que les revenus et biens de la caution n’étaient pas proportionnés aux engagements de 2010, 2012 et 2015 et demeurent disproportionnés au jour de la mise en oeuvre.

L’intimée indique qu’elle s’est fondée sur les déclarations de la caution lors de la signature du cautionnement, qu’elle a fait remplir une fiche de renseignements. Elle s’est fondée sur les déclarations et n’est pas comptable des déclarations erronées et incomplètes, qu’elle doit prendre en compte les parts sociales et le compte courant associé et n’a pas à prendre en compte un endettement non déclaré avec des revenus annuels de 85 000 euros outre un patrimoine immobilier et qu’il n’y a pas de disproportion.

La cour relève qu’il n’est pas contesté que par acte du 3 mai 2012, la société [Localité 3] automobiles services a conclu un prêt professionnel n°73007123670, dans le même acte monsieur [M] a pris un engagement de caution de 260 000 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et des pénalités de retard.

Il est également acquis que par acte du 30 décembre 2015, la société [Localité 3] automobiles services a conclu un contrat global de trésorerie n°00000048126 d’un montant de 300 000 euros de durée indéterminée au taux de 2,0600% auprès de la caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Corse, dans le même acte, monsieur [M] s’est porté caution solidaire de la société dans la limite de 390 000 euros.

La société Midena s’est également portée caution solidaire afin de garantir ce prêt pour dans la limite de 300 000 euros.

La société [Localité 3] automobiles services a conclu un contrat avec la société Cogera devenue Diac, par acte n°73005707939 du 15 juillet 2010, le crédit agricole s’est engagé à garantir à première demande la Cogera pour 300 000 euros.

Une convention cadre a été établie entre la société [Localité 3] automobiles services et le crédit agricole le 22 avril 2010 pour la somme de 300 000 euros, le même jour, [R] [M] s’est porté caution de cette convention, l’épouse de monsieur [M] ayant donné son consentement.

Il est acquis également que monsieur [M] a remis en nantissement la police d’assurance vie avec Predica à hauteur de 200 000 euros, montant modifié le 25 novembre 2014 à 300 000 euros.

Par jugement du 26 mars 2019, le tribunal de commerce de Bastia a ouvert une procédure de redressement judiciaire et a désigné la selarl Balincourt en qualité de mandataire judiciaire et le crédit agricole a déclaré ses créances :

– 90 528,25 euros pour le prêt n°730071123670

– 304 055,22 euros pour l’ouverture de crédit n°000048126

– 300 474,60 euros pour le cautionnement bancaire n°73005707939

Par jugement du 26 janvier 2021, la liquidation judiciaire de la société a été prononcée.

Selon l’ancien article L. 341-4 du code de la consommation remplacé par l’article L 332-1 du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était lors de sa conclusion manifestement disproprotionné à ses biens, ses revenus, à moins que le patrimoine de cette caution au moment où elle est appelée ne lui permette de faire face à cette obligation.

Il est constant que la disproportion s’apprécie à la date de l’engagement de caution.

Une disproportion suppose que la caution lorsqu’elle a souscrit son engagement, était dans l’impossibilité manifeste d’y faire face.

Il est constant que la disproportion manifeste du cautionnement s’apprécie nécessairement au regard de la capacité de la caution à faire face à son propre engagement et non à l’obligation garantie, selon les modalités de paiement propres à celle-ci.

Il est constant que la disproportion s’apprécie au regard du montant de l’engagement et des biens et revenus de la caution, ainsi un bien immobilier appartenant à la caution fait partie de son patrimoine et doit être pris en compte pour l’appréciation de la proportionnalité de l’engagement de la caution.

Il est acquis que lorsqu’une caution n’est pas été invitée par le créancier à établir une fiche de renseignements, elle n’est pas tenue de déclarer spontanément l’existence de ses engagements antérieurs, de sorte qu’en l’absence de telles déclarations, l’ensemble de ses biens et revenus, dont elle établit l’existence, doit être pris en compte pour apprécier l’existence d’une éventuelle disproportion manifeste de l’engagement litigieux.

Il est constant que le créancier a le devoir de s’enquérir de la situation patrimoniale de la caution avant la souscription du cautionnement. Cette obligation de surveiller la situation patrimoniale de la caution doit donc être mise en ‘uvre en amont de la conclusion de la garantie personnelle et qu’en l’absence de fiche de renseignements fournie par le créancier, la caution garde la possibilité, qu’elle perd seulement en cas de fiche remise et dûment remplie, d’invoquer la disproportion de son engagement au regard, notamment, des cautionnements antérieurs non déclarés.

La cour relève qu’en l’espèce, la situation du créancier en l’absence de fiche de renseignements en 2010 et en 2012 doit donc s’apprécier par rapport aux documents produits.

La cour constate que monsieur [M] a apporté des éléments sur ses revenus du 1er janvier au 31 décembre 2010, les éléments produits par la caisse primaire d’assurance maladie montre qu’il a perçu une pension pour invalidité d’un montant de 1 106,54 euros mensuels.

Du 1er janvier au 31 décembre 2012, il a perçu une pension pour invalidité de 1 139,94 euros mensuels.

Monsieur [M] a produit aux débats les revenus de sa femme qui a perçu avant son embauche par la société Midena le 1er novembre 2010, un salaire de 1 600 euros.

Les pièces produites montrent que monsieur [M] et son épouse étaient propriétaires d’un bien immobilier acheté en 2006 à 140 000 euros.

Il résulte de l’étude des revenus de monsieur [M] en 2010 et 2012, qu’il disposait de revenus annuels de 69 843 euros, d’un bien immobilier acquis en 2006 pour 140 000 euros, des parts sociales de la société midena, des parts sociales de la société romarin.

La société Midena dont monsieur [M] était le gérant a eu un résultat déficitaire de 13 151 euros en 2010, la société romarin dans laquelle il avait des parts a fait un bénéfice à cette date de 24 099 euros.

A la date du cautionnement du 22 avril 2010, d’un montant de 390 000 euros disposait donc des revenus précités.

Il est manifeste que les revenus détaillés supra permettaient à monsieur [M] de faire face à son engagement de caution, son patrimoine et celui de son épouse pris en considération par le créancier au jour de la signature du cautionnement permet d’apprécier que le cautionnement était proportionné à ses revenus et à son patrimoine.

S’agissant de l’engagement de caution du 3 mai 2012, pour un montant de 260 000 euros, là encore, il n’y a pas eu de fiche de renseignement remplie.

Il appartient tout de de même à la caution de rapporter la preuve de la disproportion qu’elle allègue.

Les ressources de monsieur [M] en 2012 sont le suivantes :

69 843 euros de revenus annuels, un bien immobilier acquis en 2006 pour 140 000 euros, des parts sociales de la société midena, des parts sociales de la société romarin.

En l’absence de fiche de renseignements, le crédit agricole était avisé de l’étendue de l’engagement de caution de monsieur [M] s’agissant de l’engagement de 2010 d’un montant de 390 000 euros.

La créancière était donc consciente de l’étendue du cautionnement totale de monsieur [M] pour un montant de 650 000 euros.

En l’espèce, les revenus et le bien immobilier de monsieur [M] lui permettait encore de faire face à ses engagements et il ne rapporte pas la preuve d’une disproportion.

S’agissant de l’engagement de caution du 30 décembre 2015 pour un montant de 390 000 euros de monsieur [M] et de la société Midena.

En l’espèce, la cour relève qu’elle dispose de la fiche de renseignements qui a été produite aux débats (pièce 16 de l’intimée).

Cette fiche de renseignements intitulée ‘fiche de renseignements situation personnelle ‘ est datée et signée par monsieur [M] le 14 décembre 2015 ; dans cette fiche, il a déclaré des revenus annuels de 43 332 euros avec comme dépenses les échéances de prêt de 1 140 euros, les impôts pour 6 714 euros, soit une somme totale de 7 854 euros de dépenses.

Au titre des valeurs mobilières en plein propriété, il fait état d’un produit d’épargne de 202 000 euros et un Pel de 2 500 euros.

Il précise qu’il détient 16,67 % des parts de la société Midena et détenant des parts de Bastia automobile services, sud auto service et la sci romarin.

Il n’est produit aux débats par l’intimée que cette seule fiche, datant de 2015, qui ne vaut donc que pour le contrat global de crédits de trésorerie pour lequel, monsieur [M] s’est porté caution solidaire à hauteur de 390 000 euros et la société Midena pour 300 000 euros.

Il est manifeste que monsieur [M] n’a pas déclaré les engagement de caution antérieurs pour un montant de 650 000 euros lorsqu’il a rempli la fiche de renseignement le 14 décembre 2015.

Or il résulte des articles L. 332-1 et L. 343-4 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 14 mars 2016, que la caution qui a rempli, à la demande de la banque, une fiche de renseignements relative à ses revenus et charges annuelles et à son patrimoine, dépourvue d’anomalies apparentes sur les informations déclarées, ne peut, ensuite, soutenir que sa situation financière était en réalité moins favorable que celle qu’elle a déclaré au créancier.

Tel est le cas en l’espèce, où monsieur [M], n’a pas déclaré ses engagements antérieurs de caution, alors qu’il y avait été invité par le créancier avec la fiche de renseignements.

En raison de ces manquements déclaratifs, le patrimoine déclaré au moment de l’engagement de caution du 30 décembre 2015 lui permettait de faire face à ses engagements aux yeux du créancier.

Le fait que ce soit le même établissement bancaire qui lui ait octroyé des crédits et lui ai fait souscrire les engagements de caution est sans effet sur la disproportion que l’établissement bancaire apprécie à partie des éléments déclaratifs du client.

Or, en l’espèce, il a déclaré des revenus annuels de 43 332 euros avec comme dépenses les échéances de prêt de 1 140 euros, les impôts pour 6 714 euros, soit une somme totale de 7854 euros de dépenses.

Au titre des valeurs mobilières en plein propriété, il a déclaré un produit d’épargne de 202 000 euros et un Pel de 2 500 euros.

Il a précisé qu’il détenait 16,67% des parts de la société Midena et détenant des parts de Bastia automobile services, sud automobiles services et la sci romarin, la société formule 1 garage, la sci nathalie, la société bonbonnière.

Le fait qu’il n’ait qu’une part sociale de la société nathalie, que la société Midena ait eu un bénéfice de 6 914 euros en 2015, pour la société [Localité 3] automobiles services, un déficit de 26 402 euros, pour la société romarin, un bénéfice de 7 958 euros et pour sud automobiles service un bénéfice de 7 958 euros ne démontre pas la disproportion.

Contrairement à ce qu’allègue monsieur [M] c’est à lui et non à la banque de démontrer l’existence d’une disproportion et manifestement au vu des pièces produites aux débats et de l’analyse de ces pièces, il n’y avait pas de disproportion pour les engagements de caution de monsieur [M] en 2010, 2012 et 2015.

En conséquence, la demande au titre de la disproportion sera rejetée.

Sur l’obligation de mise en garde :

Il est constant que c’est à la caution qui se prévaut d’un manquement du banquier à son obligation de mise en garde de démontrer soit l’inadaptation de son engagement à ses capacités financières, soit l’existence d’un risque d’endettement né du cautionnement.

Ainsi, il appartient à la caution qui invoque l’existence d’un devoir de mise en garde de démontrer que les conditions de cette obligation étaient réunies.

Par ailleurs, la mise en garde ne vaut que pour une caution non avertie.

En l’espèce, la cour relève que monsieur [M] était dirigeant de la société Bastia automobiles depuis 2005, qu’il détenait des parts sociales dans la société la bonbonnière, qu’il était président de la société Midena depuis 2010, qu’il a déclaré dans sa fiche de renseignements du 14 décembre 2015, qu’il détenait 16,67 % des parts de la société Midena et des parts de Bastia automobile services, sud auto service et la sci romarin.

En sa qualité de dirigeant de [Localité 3] automobiles, il avait une implication majeure dans la vie de la société et comprenait parfaitement le fonctionnement des sociétés commerciales, nonobstant la survenance de procédures collectives, et avait la capacité à apprécier les risques que son engagement de caution impliquait.

Son implication dans d’autres sociétés comme précisé, à savoir, sud automobiles services sci romarin, la société formule 1 garage, la sci nathalie, midena démontre également sa connaissance du fonctionnement des sociétés et la connaissance des conséquences d’un engagement de caution, il était donc bien en 2010, 2012 et 2015, une caution avertie, pour laquelle, une obligation de mise en garde n’est pas requise.

Au surplus, monsieur [M] n’a pas rapporté la preuve d’une faute de la banque qui en a résulté un préjudice.

La mise en garde sur l’inadéquation financière ne concerne pas le chef d’entreprise rompu depuis de nombreuses années à l’activité commerciale, c’est en toute connaissance de cause et sans pouvoir mettre en cause la responsabilité de la banque que monsieur [M] a pris ses engagements de caution.

En conséquence, le moyen tenant à l’absence de mise en garde et la faute de la banque n’est pas opérant et sera rejeté.

En l’absence de toute faute de la banque, les demandes d’annulation des cautionnements et de décharge de la caution seront rejetées.

Sur l’obligation d’information à la société Midena :

Selon l’article 313-22 du code monétaire et financier abrogé mais applicable au litige, les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l’engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.

Le défaut d’accomplissement de la formalité prévue à l’alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l’établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l’établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.

Il est constant que la banque doit prouver l’envoi de l’information annuelle à la caution et non sa réception par celle-ci.

En l’espèce, s’agissant de la société Midena, l’examen des procès-verbaux de constat montre que le nom des destinataires n’apparaît pas, ne corroborant donc pas l’envoi des courriers simples produits aux débats.

En conséquence, le crédit agricole ne rapporte pas la preuve de l’envoi des informations.

En conséquence, conformément aux dispositions de l’article L 313-22 du code monétaire et financier abrogé mais applicable au présent litige, la sanction est la déchéance de la garantie des intérêts et pénalités échus.

Il est constant que la déchéance encourue en cas de manquement à l’obligation d’information ne concerne que les intérêts conventionnels appliqués à l’obligation principale, la déchéance ne couvre pas non plus les accessoires de la dette principale, tels que notamment les pénalités et autres intérêts de retard.

Sur l’obligation d’information de monsieur [M] :

En l’espèce, le crédit agricole a produit les courriers simples d’information annuelle de 2013 à 2021.

Selon l’article 313-22 du code monétaire et financier abrogé mais applicable au litige, les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l’engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.

Le défaut d’accomplissement de la formalité prévue à l’alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l’établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l’établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.

Il est constant que la banque doit prouver l’envoi de l’information annuelle à la caution et non sa réception par celle-ci.

En l’espèce, l’examen des procès-verbaux de constat montre que le nom des destinataires n’apparaît pas, ne corroborant donc pas l’envoi des courriers simples produits aux débats.

En conséquence, le crédit agricole ne rapporte pas la preuve de l’envoi des informations.

En conséquence, conformément aux dispositions de l’article L 313-22 du code monétaire et financier abrogé mais applicable au présent litige, la sanction est la déchéance de la garantie des intérêts et pénalités échus.

Sur l’attribution du contrat d’assurance-vie :

La décision des premiers juges d’attribution du contrat d’assurance-vie sera confirmée, car elle va permettre de désintéresser en partie le créancier.

Sur les délais de paiement :

L’appelant sollicite un report.

L’intimée sollicite le rejet de cette demande.

Selon l’article 1343-5, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner dans la limite de deux années le paiement des sommes dues.

En l’espèce, monsieur [M] a produit aux débats copie de son avis d’imposition 2022 sur les revenus 2021, où il a un revenu fiscal de référence de 62 978 euros avec son épouse, son épouse ayant produit une attestation de retour à l’emploi.

Ces éléments financiers sont suffisamment probants pour qu’en vertu de son pouvoir souverain, la cour considère que les délais de paiement ont été accordés à bon droit au regard de l’incapacité de monsieur [M] de payer les sommes demandées en une seule fois.

En conséquence, des délais de paiement d’une durée de 24 mois lui seront accordés et à la société Midena, la décision du tribunal de commerce sera confirmée sur ce point.

L’équité commande en l’espèce que monsieur [M] et la société Midena soient solidairement condamnés au paiement d’une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement et par décision contradictoire

CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Bastia du 13 mai 2022, en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne le rejet de la demande au titre de la déchéance des intérêts au titre du manquement à l’obligation d’information

INFIRME le jugement du tribunal de commerce de Bastia du 13 mai 2022, en ce qu’il a rejeté la demande de déchéance des intérêts au titre du manquement à l’obligation d’information

STATUANT A NOUVEAU sur ce seul point

PRONONCE la déchéance des intérêts conventionnels pour défaut d’information pour les engagements de caution de [R] [M] au titre de la convention cadre établie entre la société [Localité 3] automobiles services et le crédit agricole le 22 avril 2010, pour une somme de 300 000 euros, l’engagement de caution de [R] [M] de 260 000 euros du 3 mai 2012 au titre du prêt professionnel n°73007123670, de l’engagement de caution de [R] [M] de 390 000 euros au titre du contrat global de trésorerie n°00000048126, ainsi que l’engagement solidaire au même titre de la société Midena de 300 000 euros

Y AJOUTANT

DEBOUTE [R] [M] et la société Midena de toutes leurs autres demandes

CONDAMNE solidairement [R] [M] et la société Midena à payer à la caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Corse une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

DEBOUTE la caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Corse de toutes ses autres demandes

CONDAMNE solidairement [R] [M] et la société Midena aux entiers dépens d’appel

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


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