Engagement de cautionnement : Validité et conditions d’application dans le cadre d’un bail commercial

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Engagement de cautionnement : Validité et conditions d’application dans le cadre d’un bail commercial
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Contexte de l’affaire

La SCI Frevert a assigné M. [L] devant le tribunal judiciaire du Puy-en-Velay le 1er décembre 2021, se basant sur un acte de cautionnement signé par M. [L] le 27 juillet 2018. La SCI demandait le paiement de 14’286,18 euros, des intérêts, ainsi que des dommages et intérêts pour résistance abusive.

Décision du tribunal

Le tribunal a rendu un jugement le 22 novembre 2022, déboutant la SCI Frevert de toutes ses demandes et la condamnant aux dépens. Le tribunal a conclu que la SCI n’avait pas prouvé la validité du cautionnement de M. [L] en faveur de la SARL Raphael, rendant ainsi les demandes de loyers et de réparations locatives infondées.

Appel de la SCI Frevert

La SCI Frevert a interjeté appel du jugement le 15 juin 2023, demandant à la cour d’infirmer la décision du tribunal et de condamner M. [L] à payer les sommes réclamées, ainsi que les dépens de première instance et d’appel.

Arguments de la SCI Frevert

La SCI Frevert a soutenu qu’elle avait loué un local commercial à la SARL Raphael et que M. [L] s’était porté caution solidaire des sommes dues par cette société. Elle a également mentionné une procédure de résiliation de bail et la liquidation judiciaire de la SARL Raphael, affirmant qu’il restait une somme due de 14’286,18 euros.

Analyse du cautionnement

Le tribunal a examiné l’acte de cautionnement et a noté que M. [L] s’était engagé à l’égard de lui-même, ce qui a été jugé non valable. La SCI Frevert n’a pas réussi à prouver que M. [L] avait consenti à un engagement de caution pour la SARL Raphael, et les incohérences entre les montants des loyers dans l’acte de cautionnement et l’avenant de cession de bail ont été relevées.

Décision de la cour d’appel

La cour d’appel a confirmé le jugement du tribunal en déboutant la SCI Frevert de toutes ses demandes, y compris celle de dommages-intérêts pour résistance abusive. La SCI Frevert a été condamnée aux dépens, et sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile a été rejetée.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

6 novembre 2024
Cour d’appel de Riom
RG n°
23/00955
COUR D’APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°

DU : 06 Novembre 2024

N° RG 23/00955 – N° Portalis DBVU-V-B7H-GAOX

ACB

Arrêt rendu le six Novembre deux mille vingt quatre

Sur APPEL d’une décision rendue le 22 Novembre 2022 par le Tribunal judiciaire du PUY-EN-VELAY (RG n° 22/00082)

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Mme Sophie NOIR, Conseiller

Madame Anne Céline BERGER, Conseiller

En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l’appel des causes et du prononcé

ENTRE :

La société FREVERT

SCI immatriculée au RCS de Saint-Etienne sous le n° 795 093 285

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Karine PAYS de la SELARL PARALEX, avocat au barreau de HAUTE-LOIRE

APPELANTE

ET :

M. [F] [L]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Non représenté, assigné à domicile

INTIMÉ

DÉBATS :

Après avoir entendu en application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, à l’audience publique du 19 Septembre 2024, sans opposition de leur part, les avocats des parties, Madame BERGER, magistrat chargé du rapport, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré.

ARRET :

Prononcé publiquement le 06 Novembre 2024 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige :

Par acte d’huissier en date du 1er décembre 2021, la SCI Frevert, fondant ses demandes sur un acte de cautionnement souscrit par M. [L] le 27 juillet 2018, a fait assigner celui-ci devant le tribunal judiciaire du Puy-en-Velay afin d’obtenir sa condamnation à lui payer les sommes de 14’286,18 euros avec intérêts de droit à compter de la mise en demeure, outre la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et celle de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement réputé contradictoire du 22 novembre 2022, le tribunal a débouté la SCI Frevert de l’intégralité de ses demandes et l’a condamnée aux dépens.

Le tribunal a énoncé principalement que faute de justifier d’un cautionnement valable de M. [L] au bénéfice de la SARL Raphael, les demandes au titre des loyers dus par celle-ci et des éventuelles réparations locatives qui pourraient lui être imputables ne sont pas fondées et sont rejetées.

La SCI Frevert a interjeté appel du jugement par déclaration du 15 juin 2023.

Par conclusions régulièrement déposées et notifiées par voie électronique le 31 août 2023 l’appelante demande à la cour de :

– infirmer le jugement du tribunal judiciaire du Puy-en-Velay du 22 novembre 2022 ;

– statuant à nouveau ;

– la juger recevable et bien fondée en son action ;

– condamner M. [L] à lui payer les sommes suivantes :

‘ 14’286,18 euros avec intérêts de droit depuis le 1er décembre 2021 ;

‘ 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

‘ 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

– condamner M. [L] aux dépens de première instance et d’appel.

Au soutien de ses demandes, la SCI Frevert fait valoir qu’elle a donné en location à la SARL Raphael un local commercial situé [Adresse 2] à [Localité 3] ; que M. [L] s’est porté caution solidaire des sommes dues par la SARL Raphael selon acte de cautionnement en date du 27 juin 2018 ; qu’une procédure de résiliation de bail expulsion a été initiée par un commandement d’avoir à payer les loyers visant la clause résolutoire signifiée le 9 mars 2020’; que la SARL Raphael a fait l’objet d’une liquidation judiciaire et que le local a été restitué ; qu’aux termes d’un procès-verbal de constat des lieux de sortie et un décompte liquidatif des sommes dues il reste dû la somme de 14’286,18 euros au titre des loyers, charges et réparations locatives. Elle indique que le tribunal a fait une analyse erronée en retenant que M. [L] se serait engagé en qualité de caution à l’égard de lui-même dès lors qu’elle justifie que c’est bien la SARL Raphael, entité juridique distincte de son gérant M. [L], qui était bénéficiaire du contrat de bail commercial et était donc débitrice principale des obligations découlant du contrat. Elle en conclut qu’en application de l’article 2288 du code civil ayant consenti un engagement de caution personnelle, M. [L] s’est obligé envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci.

Aucun avocat ne s’est constitué pour M. [L]. Par acte du 6 septembre 2023 signifié à domicile la SCI Frevert a notifié à M. [L] la déclaration d’appel et ses conclusions.

Il sera renvoyé pour l’exposé complet des demandes et moyens de l’appelante à ses dernières conclusions.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 20 juin 2024.

MOTIFS :

L’article 472 du code de procédure civile dispose que si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Sur la demande principale :

Comme relevé à juste titre par le premier juge aucun élément du dossier n’établit que la SCI Frevert a la qualité de professionnel, celle-ci n’étant pas présumée du seul fait de la forme de la SCI. Dès lors le formalisme imposé par le code de la consommation n’est pas applicable même si M. [L] est une personne physique.

Il sera donc fait application des dispositions du code civil sur le cautionnement. Suivant les dispositions de l’article 37 de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, les cautionnements conclus avant le 1er janvier 2022 demeurent soumis à la loi ancienne. En l’espèce le contrat de cautionnement ayant été souscrit le 27 juillet 2018, il sera fait application des anciennes dispositions du code civil.

Aux termes de cet acte de cautionnement litigieux, M. [L] déclare s’engager dans les termes suivants (pièce 4) :

‘ après avoir reçu toute information sur la nature et l’étendue des obligations que je contracte, je soussigné M. [L] habitant aux [Adresse 1] [Localité 4] (…) déclare me porter caution solidaire, sans bénéfice de division et de discussion du règlement des loyers, charges, taxe, impôts, réparations locatives indemnité d’occupation dues à compter du jugement constatant la résiliation du bail, tout frais éventuel de procédure et tous intérêts et indemnités dus par M. [L] [F]'(…).

Force est de constater que M. [L] a ainsi déclaré s’engager en qualité de caution à l’égard de lui-même.

La SCI Frevert fait valoir que M. [L] s’est bien engagé en qualité de caution à l’égard de la SARL Raphael en sa qualité de gérant et associé unique. Pour en justifier, la SCI Frevert verse aux débats les pièces suivantes :

– le bail initial conclu entre elle et M. [T] [Z] le 30 mars 2015 (pièce 2) ;

– l’avenant de cession de bail régularisé le 16 novembre 2018 entre elle-même et la SARL Raphael avec effet à la date de la cession du fonds de commerce soit au 23 août 2018 (pièce 2).

Elle produit également afin de justifier de l’existence de la SARL Raphael, les statuts de la SARL Raphael signés le 31 juillet 2018 (pièce 11) et le justificatif de l’immatriculation de la SARL Raphael 7 août 2018 au registre du commerce et des sociétés (pièces 11 et 12).

Le seul fait qu’à la date de signature de l’acte de cautionnement, la SARL Raphael n’était pas encore immatriculée au RCS n’est pas de nature à invalider le cautionnement dès lors qu’une caution peut être amenée à s’engager pour le compte d’une société en formation. Néanmoins, force est de constater que la SARL Raphael n’est nullement mentionnée dans l’acte de cautionnement litigieux et la SCI Frevert ne produit aucun autre document permettant d’établir que M. [L] a entendu s’engager en qualité de caution pour la SARL Raphael.

En outre, il convient de relever que M. [L] déclare s’engager au titre d’un bail en date du 23 août sans que l’année soit précisée et il indique avoir noté que ‘le montant initial du loyer des provisions sur charges s’élève à 1 478 euros par trimestre soit 5 912 euros par an’. Or, l’avenant de cession de bail commercial au bénéfice de la SARL Raphael pour lequel, selon l’appelante, M. [L] se serait porté caution mentionne un loyer annuel de 5 760 euros de sorte qu’il n’existe pas de concordance entre les mentions contenues dans l’acte de cautionnement et l’avenant de cession de bail commercial.

Dès lors, au regard de l’ensemble de ces éléments, il convient de considérer que le cautionnement souscrit par M. [L] au bénéfice de la SARL Raphael n’est pas valable. En conséquence, les demandes au titre des loyers dus par celle-ci et des éventuelles réparations locatives qui pourraient lui être imputables seront rejetées.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il débouté la SCI Frevert de l’intégralité de ses demandes.

Sur la demande en demande de dommages et intérêts :

La SCI Frevert affirme que la résistance abusive de M. [L] de lui régler les sommes dues lui cause un préjudice.

Néanmoins, aucune résistance abusive ne peut être reprochée à M. [L] dès lors que la SCI Frevert a été déboutée de sa demande principale.

Le jugement déféré sera donc également confirmé de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

La SCI Frevert qui succombe sera condamnée aux dépens en application de l’article 696 du code de procédure civile et sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut et en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant ;

Déboute la SCI Frevert de sa demande en dommages-intérêts ;

Condamne la SCI Frevert aux dépens.

Le greffier, La présidente,


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