Engagement de caution : la nécessité d’une information transparente et complète pour éviter le dol

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Engagement de caution : la nécessité d’une information transparente et complète pour éviter le dol

La Société générale a accordé des concours à la société [K] et fils, incluant un engagement de paiement à première demande en faveur de la société Same Deutz Fahr France, cautionné par M. [Y] [K]. Après l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire pour [K] en novembre 2011, convertie en liquidation judiciaire en janvier 2013, la Société générale a déclaré une créance de 250 000 euros au passif de la procédure. La garantie a été actionnée par la société Same en mars 2013, entraînant le règlement par la Société générale. En mai 2013, la banque a mis en demeure M. [K] et l’a assigné en paiement. En 2018, le tribunal a constaté le désistement de la banque dans une première instance et a déclaré prescrite l’action contre M. [K] dans une seconde instance, le condamnant à verser 1 000 euros à M. [K]. En appel, la cour a confirmé le jugement et le FCT Cedrus a formé un pourvoi. La Cour de cassation a cassé l’arrêt, sauf pour l’intervention du FCT, et a renvoyé l’affaire devant la cour d’appel de Douai. Le FCT Cedrus a ensuite saisi la cour, demandant l’infirmation du jugement de 2019 et le paiement de 250 000 euros par M. [K]. Ce dernier a contesté la recevabilité de l’action et a soulevé des arguments sur la réticence dolosive de la Société générale. La cour a finalement réformé le jugement en déclarant recevable l’action du FCT Cedrus et a débouté M. [K] de certaines de ses demandes.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

17 octobre 2024
Cour d’appel de Douai
RG
23/05686
République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 17/10/2024

N° de MINUTE :

N° RG 23/05686 – N° Portalis DBVT-V-B7H-VIGI

Jugement n° 2018J00135 rendu le 09 juillet 2019 par le tribunal de commerce d’Amiens

Arrêt n° 19/6553 rendu le 19 avril 2022 par la cour d’appel d’Amiens

Arrêt n°754 F-D rendu le 22 novembre 2023 par la Cour de cassation

SAISINE APRES CASSATION

DEMANDEUR à la saisine

Fonds Commun de Titrisation dénommé ‘Cedrus’ ayant pour société de gestion la société IQ EQ Management, anciennement dénommée Equitis Gestion, SAS représentée son recouvreur, la société MCS et Associés, agissant poursuites et diligences de son président en exercice demeurant au siège ès-qualités venant aux droits de la Société Générale en vertu d’un bordereau de cession de créances intervenue en date du 29 novembre 2019 soumis aux dispositions du code monétaire et financier

ayant son siège social [Adresse 3] – [Localité 4]

représenté par Me Loïc Le Roy, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assisté de Me Sébastien Cavallo, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant

DEFENDEUR à la saisine

Monsieur [Y] [K]

né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 5], de nationalité française

demeurant [Adresse 2] – [Localité 5]

représenté par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assisté de Me Philippe Tack, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Dominique Gilles, président de chambre

Pauline Mimiague, conseiller

Aude Bubbe, conseiller

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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs

DÉBATS à l’audience publique du 20 juin 2024 après rapport oral de l’affaire par Pauline Mimiague, conseiller.

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Pauline Mimiague, conseillère, en remplacement de Dominique Gilles, président empêché, et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 12 juin 2024

EXPOSÉ DU LITIGE

La Société générale a consenti à la société [K] et fils (ci-après ‘[K]’), titulaire d’un compte courant professionnel ouvert dans ses livres, divers concours, dont un engagement irrévocable, en date du 30 juillet 2008, de payer à première demande à la société Same Deutz Fahr France toutes sommes dues au titre de factures émises, dans la limite de 250 000 euros, cautionné par M. [Y] [K], président de la société [K], donné par acte du 23 septembre 2011 dans la limite de 325 000 euros.

Par jugement du 18 novembre 2011, le tribunal de commerce d’Amiens a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société [K], la date de cessation des paiements étant fixée au 9 novembre 2011, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 18 janvier 2013. La liquidation judiciaire sera clôturée le 13 janvier 2017 pour insuffisance d’actif.

Le 6 janvier 2012 la Société générale a déclaré au passif de la procédure collective plusieurs créances, dont une créance au titre de la garantie au profit de la société Same, à hauteur de 250 000 euros qui a été admise par ordonnance du 29 mai 2013 confirmée par arrêt du 15 octobre 2015.

La garantie a été actionnée par la société Same le 22 mars 2013 et la Société générale a pris en charge le règlement de factures de cette société sur la société [K] pour un montant de 250 000 euros. Le 2 mai 2013 la banque a mis en demeure la caution de lui régler la somme de 250 000 euros puis l’a assignée en paiement devant le tribunal de commerce d’Amiens par acte du 17 juin 2013.

Par acte du 30 août 2018 la Société générale a assigné M. [K] aux mêmes fins devant le même tribunal.

Par jugement du 5 octobre 2018, le tribunal de commerce d’Amiens, statuant dans l’instance introduite par l’assignation du 17 juin 2013, a constaté le désistement d’instance de la banque.

Par jugement contradictoire du 9 juillet 2019 (2018J00135), statuant dans l’instance introduite par l’assignation du 30 août 2018, le tribunal a déclaré prescrite l’action initiée par la Société générale à l’encontre de la caution et l’a déboutée de ses demandes, l’a condamnée à payer à M. [K] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et mis les dépens à sa charge.

Sur appel de la Société générale, la cour d’appel d’Amiens a, par arrêt du 19 avril 2022 (RG 19/06553), déclaré recevable l’intervention volontaire du Fonds commun de titrisation (FCT) Cedrus représenté par la société MCS et Associés venant aux droits de la Société générale, a confirmé le jugement en toutes ses dispositions et a condamné le FCT Cedrus aux dépens d’appel.

Le FCT Cedrus a formé un pourvoi contre cet arrêt et par arrêt du 22 novembre 2023 la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt sauf en ce qu’il a déclaré recevable l’intervention volontaire du fonds commun de titrisation Cedrus, remis, sur les autres points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant l’arrêt et les a renvoyées devant la cour d’appel de Douai.

Par déclaration reçue au greffe le 22 décembre 2023 le FCT Cedrus ayant pour société de gestion la société IQ EQ Management, anciennement dénommée Equitis Gestion SAS, représenté par son recouvreur la société MCS et Associés, a saisi la cour de renvoi. La déclaration de saisine mentionne l’ensemble des chefs du jugement du tribunal de commerce.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 29 mai 2024 le FCT Cedrus demande à la cour d’infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce d’Amiens le 9 juillet 2019 et, statuant à nouveau, de :

– débouter M. [K] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– le condamner à lui payer la somme totale de 250 000 euros, outre les intérêts dus ‘aux taux correspondants’ jusqu’à parfait paiement, au titre de son engagement de caution en date du 23 septembre 2011,

– le condamner au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de Maître Loïc LE ROY, avocat aux offres de droit, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 28 mai 2024 M. [K] demande à la cour de :

à titre principal :

– juger qu’il n’est pas démontré que la demanderesse au renvoi dispose de l’intérêt et de la qualité à agir devant la cour d’appel de renvoi et la déclarer irrecevable en son action et ses demandes,

– juger qu’à la date à laquelle la Société générale a fait délivrer une seconde assignation, son action était déjà en cours devant la juridiction consulaire, que la banque ne justifiait pas d’un intérêt à agir, et déclarer la seconde assignation irrecevable pour défaut d’intérêt à agir,

– confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré prescrite l’action initiée par le FCT Cedrus à l’encontre de M. [K] et l’a condamné au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

à titre subsidiaire, si l’action était jugée recevable,

– juger que la Société générale a fait preuve d’une réticence dolosive et vicié le consentement de la caution en ne l’informant pas de la suppression imminente de l’ensemble de ses concours,

– annuler en conséquence le cautionnement souscrit le 23 septembre 2011,

– condamner le FCT Cedrus à lui payer la somme de 250 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis,

– constater la disproportion de l’engagement de caution par rapport à ses biens et revenus,

– juger en conséquence que la Société Générale ne peut se prévaloir de l’engagement de caution du 23 septembre 2011,

à titre infiniment subsidiaire :

– lui accorder un échelonnement des paiements sur une période de vingt-quatre mois,

en toute hypothèse :

– débouter le FCT Cedrus de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– le condamner au paiement d’une indemnité de 10 000 euros sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile,

– le condamner au paiement d’une indemnité de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de cette procédure d’appel outre l’ensemble des frais et dépens de première instance et d’appel.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l’exposé de leurs moyens.

La clôture de l’instruction est intervenue le 12 juin 2024 et l’affaire a été renvoyée à l’audience de plaidoiries du 20 juin suivant.

MOTIFS

i – sur les fins de non-recevoir opposées par M. [K]

Sur la qualité et l’intérêt à agir du FCT à raison du défaut de pouvoir du recouvreur

M. [K] fait valoir qu’il n’est pas justifié de l’intérêt et de la qualité à agir de la société MCS et associés pour le FCT, relevant que le pouvoir communiqué, daté du 18 novembre 2019, non accepté par le recouvreur, ne vise que les créances cédées à cette date et non les créances à céder, la créance en cause ayant été cédée le 29 novembre 2019.

La cour d’appel d’Amiens a déclaré recevable l’intervention volontaire du FCT Cedrus représenté par la société MCS et associés venant aux droits de la Société générale, disposition devenue définitive suite à l’arrêt de la Cour de cassation, constatant l’intervention d’une cession de créance au profit du fonds mais elle ne s’est pas prononcée sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de pouvoir de la société MCS et associés pour représenter le fonds, qui concerne la qualité et non l’intérêt à agir de celle-ci.

Selon l’article L. 214-172 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable, issue de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, invoqué par le FCT Cedrus, une société de gestion, en tant que représentant légal d’un fonds de titrisation, peut confier par voie de convention à une entité désignée à cet effet le recouvrement de toute créance dont ce fonds serait cessionnaire, entité qui peut représenter directement l’organisme dans toutes les actions en justice liées à la gestion et au recouvrement de l’actif, sans qu’il soit besoin qu’elle obtienne un mandat spécial à cet effet ni qu’elle mentionne la société de gestion dans les actes.

L’acte de cession de créances comprenant les créances de la Société générale sur la société [K], en date du 29 novembre 2019, stipule que le recouvrement des créances constituant le ‘Portefeuille’ a été confié par le cessionnaire à MCS & Associés. Il est en outre justifié d’un pouvoir octroyé le 18 novembre 2019 par le FCT Cedrus, représenté par Equitis Gestion SAS, désignant la société MCS & Associés ‘comme l’entité en charge du suivi et du recouvrement des créances cédées au FCT’, précisant qu’à compter de ce jour, conformément à l’article L. 214-172 du code monétaire et financier, le recouvreur représentera seul et directement le FCT dans toutes les actions en justice liées à la gestion et au recouvrement des créances cédées. Ces éléments font ressortir l’existence d’une convention confiant à la société MCS & Associés le recouvrement des créances cédées au FCT, qui ne limite pas son étendue aux créances ayant déjà fait l’objet d’une cession à la date du pouvoir et que rien ne permet d’interpréter en ce sens.

La fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société MCS et Associés doit donc être rejetée, de même que la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir motivée par l’absence de pouvoir de cette société et soulevée de manière inopérante.

Sur l’intérêt à agir du FCT du fait d’une procédure déjà en cours

M. [K] soutient que le demandeur était dépourvu d’intérêt à agir, lequel s’apprécie au jour de la demande en justice, au motif qu’à la date de l’assignation du 30 août 2018, une instance, introduite par l’assignation du 30 avril 2013, était déjà en cours.

Le FCT Cedrus lui oppose que la Société générale avait bien un intérêt à agir pour demander le recouvrement d’une créance dont il était débiteur à son égard. Il estime que le seul fait de délivrer deux assignations entre les mêmes parties et pour les mêmes causes n’est pas de nature à entraîner la nullité d’un des deux actes ; il considère que M. [K] fait une confusion entre autorité de la chose jugée, litispendance, intérêt, capacité et défaut de pouvoir.

Si l’intérêt à agir s’apprécie au jour de l’introduction de la demande en justice, l’absence d’intérêt à agir lors de l’introduction de la demande peut en revanche être régularisée jusqu’au jugement en application des dispositions de l’article 126 du code de procédure civile.

En l’espèce, si à la date de l’assignation du 30 août 2018, l’instance introduite le 30 avril 2013, ayant le même objet, était toujours en cours, celle-ci s’éteindra par l’effet du désistement de la Société générale constaté par le jugement du 5 octobre 2018 et seule l’instance engagée le 30 août 2018 se poursuivra.

La société [K] invoque la jurisprudence relative à la procédure d’appel selon laquelle lorsque la cour d’appel est régulièrement saisie par une première déclaration d’appel dont la caducité n’est pas constatée, est irrecevable le second appel faute d’intérêt pour son auteur à interjeter un appel dirigé contre le même jugement entre les mêmes parties (2e Civ., 30 septembre 2021, pourvoi n° 19-23.423). Ce raisonnement n’est toutefois pas transposable en l’espèce dans la mesure où, en appel, le désistement emporte acquiescement au jugement (article 403 du code de procédure civile) et la péremption confère au jugement la force de la chose jugée (article 390 du code de procédure civile), alors qu’en première instance le désistement ou la péremption emportent extinction de l’instance, et non de l’action, et n’empêchent pas l’introduction d’une nouvelle instance.

En conséquence, le FCT Cedrus, venant aux droits de la Société générale pour le recouvrement de créances alléguées sur M. [K], justifie d’un intérêt à agir puisque l’instance introduite en premier, identique à celle introduite le 30 août 2018, encore en cours à cette date, s’est ensuite éteinte par l’effet du désistement, même s’il est intervenu postérieurement.

Le moyen tiré du défaut d’intérêt à agir sera en conséquence écarté.

Sur la prescription de l’action en paiement

Il résulte de la combinaison des articles 2241, 2242 et 2246 du code civil et de l’article L. 622-24 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 12 mars 2014, que la déclaration de créance au passif du débiteur principal en procédure collective interrompt la prescription à l’égard de la caution et que cet effet se prolonge jusqu’à la clôture de la procédure collective.

Le premier juge a considéré que la déclaration de créance de la Société générale à la procédure collective avait perdu son effet interruptif de prescription dès lors que la procédure introduite en 2013 contre la caution avait fait l’objet d’un désistement, d’une péremption ou d’une décision de rejet, et ce, par application de l’article 2243 du code civil, que le délai de prescription de l’action en paiement (cinq ans) courait donc à compter du 18 janvier 2013, date de la conversion en redressement judiciaire, rendant exigible le cautionnement, de sorte que l’action introduite le 30 août 2018 était prescrite.

En vertu de l’article 2243 du code civil, l’interruption de la prescription résultant d’une demande en justice est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l’instance, ou si sa demande est définitivement rejetée.

La déclaration de créance constitue une demande en justice ayant un effet interruptif de prescription. Si son effet interruptif de prescription s’étend à la caution codébiteur solidaire, elle ne constitue pas une demande en justice contre la caution et n’introduit pas l’instance contre elle ; ce n’est qu’à l’égard du débiteur principal qu’elle constitue un acte de poursuite. Les effets interruptifs de prescription d’actes intervenus dans une autre instance (ici la déclaration de créance) n’impliquent pas que les effets attachés au désistement, à la péremption ou au rejet des prétentions d’une instance (ici contre la caution) s’appliquent à ces actes, les deux instances pouvant avoir le même objet mais concernant des débiteurs différents.

Ainsi, si la déclaration de créance doit être assimilée à une assignation car elle a, comme elle, la nature de demande en justice ayant le même objet, à savoir le recouvrement de la créance de la banque, la déclaration de créance n’est pas l’acte qui introduit la demande en justice à l’égard de la caution de sorte qu’elle n’est pas atteinte par les effets liés au désistement ou à la péremption de l’instance introduite par l’assignation contre la caution ; elle ne se confond pas avec l’assignation délivrée contre la caution.

Il en résulte que le désistement, en le considérant pur et simple comme le soutient M. [K], ou une éventuelle péremption acquise, n’ont pu avoir pour effet que de rendre non avenue la prescription résultant de l’assignation du 30 avril 2013, peu importe à cet égard que cet effet fût en pratique sans incidence sur le délai de prescription parce que cette assignation a été délivrée pendant le cours de l’interruption résultant de la déclaration de créance.

Dès lors, la prescription quinquennale ayant été interrompue à compter de la déclaration de créance du 6 janvier 2012 et jusqu’à la clôture de la procédure collective le 13 janvier 2017, l’action en paiement contre la caution introduite par l’assignation du 30 août 2018, n’est pas prescrite.

Le jugement sera infirmé en conséquence.

ii – sur le fond

M. [K] conclut à la nullité du cautionnement pour dol.

Le FCT Cedrus lui oppose la prescription quinquennale de l’action en nullité pour dol, qui a pour point de départ le jour où le contractant découvre l’erreur alléguée.

Pour autant, le moyen tiré de la nullité de l’acte sur lequel est fondée la demande, et qui ne tend qu’au rejet de celle-ci, constitue une défense au fond qui peut être opposée en tout état de cause.

Sur le fond, selon l’article 1116 du code civil, dans sa version applicable à la date du cautionnement litigieux, le dol est une cause de nullité d’une convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté ; il ne se présume pas et doit être prouvé.

Le cautionnement litigieux a été signé le 23 septembre 2011, pour un montant de 325 000 euros, l’acte mentionnant ‘cet acte annule et remplace celui d’un montant de 100 000 euros délivré le 15 mai 2007’, mention qui figure sur l’acte signé par M. [K] et qui établit l’existence d’un précédent cautionnement.

Il peut être relevé que M. [K] était par ailleurs engagé en qualité de caution des engagements de la société [K] à hauteur de 520 000 euros suivant un acte du 19 février 2010.

Par lettre du 5 octobre 2021 adressé à la société [K], la Société générale, rappelant les différents concours consentis à la société (une facilité de caisse sous forme d’une convention de trésorerie de 100 000 euros, deux crédits de trésorerie de 150 000 euros chacun et un engagement en faveur de Deutz Farh pour un montant de 250 000 euros), lui indique que ‘lors de la mise en place de ces concours nous étions convenus d’aucune limite quant à leur durée. Nous souhaitons maintenant y fixer une échéance prochaine. Ainsi, nous vous prions de noter que ces concours prendront fin dans 60 jours soit le 5 décembre 2011’ et lui demande de ne plus utiliser les concours à compter de cette date et de lui rembourser toutes sommes, précisant ‘nous nous réservons de revenir sur cette décision en cas de régularisation de l’impayé actuel de 150 000 EUR’.

M. [K], s’il avait connaissance en tant que dirigeant de la situation financière de la société [K], ne pouvait avoir connaissance du fait que la banque allait, quelques jours après le cautionnement signé le 23 septembre 2011, dénoncer l’ensemble de ces concours, que cette dénonciation ait un effet immédiat ou différé à deux mois, et cela ne ressort en tout cas d’aucune pièce.

Le FCT Cedrus soutient que la banque, en sollicitant l’augmentation du cautionnement, n’a fait qu’actualiser sa garantie au regard de l’encours de la société [K] dans les livres de son fournisseur bénéficiaire de la garantie (société Same Deutz Fahr France), qui s’élevait à plus 112 000 euros. Rien ne démontre pour autant que la banque ait eu connaissance à la date de l’engagement de caution du montant de l’encours, la pièce communiquée à ce sujet étant datée du 22 mars 2013. Il soutient aussi que la dénonciation des concours était la conséquence de l’impayé de 150 000 euros évoqué dans le courrier du 5 octobre 2011 ; or, aucun élément ne permet de considérer que cet impayé serait postérieur à l’engagement de caution ; le seul impayé de 150 000 euros qui ressort du dossier est lié à l’octroi d’un crédit de trésorerie, en vertu d’un contrat d’ouverture de crédit du 17 décembre 2010 mis en oeuvre le 3 août 2011 (par un avis de tirage de la société [K]) pour un montant de 150 000 euros dont l’échéance était prévue au 3 septembre 20211 (qui fera l’objet d’une déclaration de créance à la procédure collective de la société pour ce montant) et dont la banque avait déjà connaissance à la date du cautionnement litigieux.

L’octroi d’un cautionnement supplémentaire trois ans après l’engagement cautionné, ne peut se concevoir qu’en contrepartie de l’octroi de facilités au profit de la société cautionnée ou à tout le moins de leur maintien pendant une durée raisonnable.

La preuve de l’intention de la banque de révoquer ses concours consentis à la société [K] en contrepartie du cautionnement litigieux, dès avant son obtention, résulte en l’espèce du bref délai écoulé entre la souscription de l’engagement et la lettre de dénonciation des encours (treize jours), quand bien même un délai de deux mois était prévu avant sa prise d’effet, le FCT n’alléguant aucun événement ayant affecté la société [K] survenu dans l’intervalle de nature à expliquer cette dénonciation.

De plus, la circonstance selon laquelle la banque allait mettre fin à court terme à l’ensemble de ses concours, au regard de leur importance, constituait un élément déterminant quant aux possibilités de poursuivre l’activité de l’entreprise et les conditions d’exercice de cette activité, modifiant de manière significative la connaissance que pouvait avoir la caution de la situation de la société cautionnée au jour de son engagement.

Dans ces conditions, en l’espèce, le silence gardé par la banque sur le fait qu’elle était sur le point de dénoncer l’intégralité de ses concours, constitue une négligence volontaire caractérisant une manoeuvre dolosive sans laquelle la caution, si elle avait été avisée de ce fait, lors de son engagement, n’aurait pas contracté, et ce, d’autant qu’elle était déjà engagée par ailleurs par un cautionnement de plus de 500 000 euros. La circonstance que la société [K] ait, après la lettre de dénonciation, effectué un tirage au titre du second crédit de trésorerie pour un montant de 100 000 euros, auquel la banque a consenti, alors même que la durée du crédit était expirée, est sans incidence sur ce constat.

Il convient en conséquence d’annuler le cautionnement pour dol et, par substitution de motifs, le jugement ayant débouté la demanderesse de ses demandes, pour le motif inopérant de leur irrecevabilité, de confirmer le jugement.

Sur les demandes de dommages-intérêts formées par M. [K]

A supposer recevable la demande de dommages-intérêts formée par M. [K] contre le FCT Cedrus, force est de constater qu’il ne justifie d’aucun préjudice, que ce soit au titre d’une perte de chance de ne pas s’engager ou d’être appelé en qualité de caution, ou au titre d’un préjudice moral qui pourrait résulter de cet engagement, dans la mesure où, du fait de l’annulation du cautionnement, aucune somme n’est mise à sa charge à ce titre. La demande de dommages-intérêts sera en conséquence rejetée.

Par ailleurs, M. [K] sollicite la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile, sans s’expliquer sur l’existence d’un préjudice qu’il y aurait lieu de réparer de sorte que cette demande ne peut qu’être rejetée.

Sur les demandes accessoires

Le sens de l’arrêt conduit à confirmer le jugement s’agissant des dépens et de l’application de l’article 700 du code de procédure civile, de mettre les dépens d’appel à la charge du FCT Cedrus et d’allouer à M. [K] une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile d’un montant de 6 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Réforme le jugement en ce qu’il a déclaré prescrite l’action initiée par la Société générale à l’encontre de la caution ;

Ecarte les fins de non-recevoir tirées du défaut de qualité à agir, du défaut d’intérêt à agir et de la prescription ;

Déclare recevables les demandes du FCT Cedrus ayant pour société de gestion la société IQ EQ Management, représenté par son recouvreur la société MCS et Associés ;

Confirme le jugement pour le surplus ;

Déboute M. [Y] [K] de sa demande au titre de l’article 32-1 du code de procédure civile ;

Condamne le FCT Cedrus ayant pour société de gestion la société IQ EQ Management, représenté par son recouvreur la société MCS et Associés aux dépens d’appel ;

Condamne le FCT Cedrus ayant pour société de gestion la société IQ EQ Management, représenté par son recouvreur la société MCS et Associés à payer à M. [Y] [K] la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le greffier

Valérie Roelofs

Po/Le président empêché

Pauline Mimiague

Conseiller


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