Engagement de Caution et Prescription : Éclaircissements sur les Délai et Reconnaissance de Dette

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Engagement de Caution et Prescription : Éclaircissements sur les Délai et Reconnaissance de Dette

La société Zigo holding a souscrit un emprunt obligataire de 150 000 euros auprès de K-perspectives, avec un taux d’intérêt de 12 % sur une durée de 18 mois, garanti par une caution solidaire de Monsieur [D]. Après avoir mis en demeure K-perspectives et Monsieur [D] en novembre 2018 pour le remboursement, Zigo holding a assigné les deux parties en août 2023, demandant le paiement d’une somme due ainsi que des intérêts. K-perspectives et Monsieur [D] ont soulevé la prescription de l’action en paiement, arguant que la demande de Zigo holding était tardive. En réponse, Zigo holding a soutenu que la prescription n’était pas acquise et que des reconnaissances de dette avaient interrompu le délai. Le juge a rejeté la fin de non-recevoir pour prescription, a déclaré l’action de Zigo holding recevable, et a condamné Monsieur [D] à payer des frais. L’affaire a été interrompue en raison de la liquidation judiciaire de K-perspectives.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

10 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse
RG
23/02503
ORDONNANCE DU : 10 octobre 2024
DOSSIER N° : N° RG 23/02503 – N° Portalis DBWH-W-B7H-GOIU

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOURG EN BRESSE

Chambre Civile 2

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT

*********

Juge de la mise en état : Stéphane THEVENARD,

Greffier : Camille BOIVIN,

DEMANDERESSE AU PRINCIPAL
DÉFENDERESSE A L’INCIDENT

S.A.R.L. ZIGO HOLDING
immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Grenoble sous le numéro 453 829 806, représentée par son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Me Philippe REFFAY, avocat au barreau de l’Ain (T. 16), avocat postulant, Me Laure VERILHAC, avocat au barreau de la Drôme, avocat plaidant

DÉFENDEURS AU PRINCIPAL
DEMANDEURS A L’INCIDENT

S.A.S. K-PERSPECTIVES
immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Lyon sous le numéro 799 698 410, représentée par son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, dont le siège social est sis [Adresse 5]

représentée par Me Luc PAROVEL, avocat au barreau de l’Ain (T. 1), avocat postulant, Me Etienne BOITIN, avocat au barreau de Saint-Nazaire, avocat plaidant

Monsieur [R] [O] [N] [P] [D]
né le 28 octobre 1943 à [Localité 4] (VIETNAM)
demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Luc PAROVEL, avocat au barreau de l’Ain (T. 1), avocat postulant, Me Etienne BOITIN, avocat au barreau de Saint-Nazaire, avocat plaidant

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous signature privée du 12 août 2016, la société Zigo holding a souscrit à l’emprunt obligataire émis par la société K-perspectives d’un montant de 150 000 euros, au taux de 12 % l’an, pour le financement d’un programme immobilier dénommé [Adresse 3], la durée de l’emprunt étant fixée à 18 mois maximum à compter du jour de réception des fonds.

Le remboursement de l’emprunt a été garanti par l’engagement de caution solidaire souscrit le 11 août 2016 par Monsieur [R] [D].

Le 12 août 2016, le président de la société K-perspectives a émis un certificat de souscription de l’emprunt obligataire par la société Zigo holding pour la totalité de l’emprunt le jour même.

Par lettres recommandées du 2 novembre 2018, la société Zigo holding a mis en demeure la société K-perspectives et Monsieur [D] de lui rembourser la somme de 150 000 euros outre les intérêts dans le délai de trente jours de la présentation des courriers.

Les échanges ultérieurs entre les parties n’ont pas permis de parvenir à une résolution amiable du litige.

*

Par actes de commissaire de justice des 1er et 11 août 2023, la société Zigo holding a fait assigner la société K-perspectives et Monsieur [D] devant le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse aux fins de voir :

“Vu les articles 1315 anc. (1353 nouv.), 1134 anc. (1103 nouv.), 1147 anc. (1231-1 nouv.), 1231-6 anc. (1153 nouv.) du Code civil,
Vu l’article 700 du Code de procédure civile,
Vu les pièces versées aux débats,

DECLARER la demande de la Société ZIGO HOLDING recevable et bien fondée,

Et en conséquence :

CONDAMNER in solidum la Société K-PERSPECTIVES en sa qualité de débiteur principal et Monsieur [D] en sa qualité de caution à régler à la Société ZIGO HOLDING une somme de 70 000 euros au titre du solde du principal,

CONDAMNER in solidum la Société K-PERSPECTIVES en sa qualité de débiteur principal et Monsieur [D] en sa qualité de caution aux intérêts au taux annuel de 12% contractuellement fixé, arrêtés à la somme de 99 754,52 € à la date du 19 juillet 2023,

JUGER que les intérêts contractuels dûs après le 19 juillet 2023 seront à parfaire jusqu’à la date de la parfaite exécution du Jugement à intervenir,

CONDAMNER in solidum la Société K-PERSPECTIVES en sa qualité de débiteur principal et Monsieur [D] en sa qualité de caution à payer à la Société ZIGO HOLDING la somme de 15 161,07 € arrêtée au 19 juillet 2023 au titre des intérêts de retard contractuellement prévues à l’article 2 du contrat, au taux annuel de EURIBOR 3 mois +3%,

JUGER que les intérêts de retard de l’article 2 du contrat dûs après le 19 juillet 2023 seront à parfaire jusqu’à la date de la parfaite exécution du Jugement à intervenir,

ORDONNER la capitalisation des intérêts contractuels et des intérêts de retard par application des dispositions de l’article 1154 ancien (1343-2 nouv.) du Code Civil ;

CONDAMNER in solidum la Société K-PERSPECTIVES et Monsieur [D] à régler à la Société ZIGO HOLDING la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
CONDAMNER in solidum la Société K-PERSPECTIVES et Monsieur [D] à régler à la Société ZIGO HOLDING la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNER in solidum la Société K-PERSPECTIVES et Monsieur [D] aux entiers dépens.”

Par acte notifié par voie électronique le 19 septembre 2023, Maître Luc Parovel s’est constitué pour le compte de la société K-perspectives et de Monsieur [D].

*

Par conclusions d’incident (2) notifiées par voie électronique le 18 avril 2024, la société K-perspectives et Monsieur [D] demandent au juge de la mise en état de :

“Vu les articles 133 à 135 et 780 du Code de procédure civile,
Vu les articles 122 et 771 du Code de procédure civile,
Vu l’article 2224 du Code civil,

1. Déclarer la SAS K-PERSPECTIVES et Monsieur [R] [D] recevables et bien fondés en leur incident,

2. Déclarer prescrite l’action en paiement de SAS ZIGO HOLDING à l’encontre de Monsieur [R] [D],

3. Condamner la SAS ZIGO HOLDING à verser à Monsieur [R] [D], une somme de 1.500,00 € au visa de l’article 700 du Code de procédure civile,

4. Condamner la SAS ZIGO HOLDING aux dépens de l’incident.”

La société K-perspectives et Monsieur [D] opposent à la société Zigo holding la prescription de son action en paiement à l’encontre de la caution sur le fondement de l’article 2224 du code civil. Ils exposent que :
– les fonds ont été remis à la société K-perspectives le 12 août 2016,
– le remboursement devait donc intervenir pour le 12 mars 2018 et la société Zigo holding avait donc jusqu’au 12 mars 2023 pour assigner la caution en paiement,
– la demanderesse a attendu le 1er août 2023 pour assigner Monsieur [D] en qualité de caution, or à cette date son obligation de remboursement – en supposant son engagement valable – était prescrite.

En réponse à l’argumentation adverse, les demandeurs à l’incident soutiennent que la société Zigo holding confond les obligations de couverture et de règlement et que la dette cautionnée étant exigible le 12 mars 2018, le créancier savait que la dette n’était pas remboursée et était donc en capacité d’exercer son action en paiement contre le débiteur principal et la caution. Ils ajoutent que les paiements effectués par le débiteur principal n’ont pas d’effet interruptif de la prescription de l’action contre la caution et que les courriels rédigés par Monsieur [D] n’ont pas d’effet interruptif de prescription, puisqu’il ne s’est pas exprimé en qualité de caution.

*

Dans ses conclusions d’incident n° 2 notifiées par voie électronique le 7 mai 2024, la société Zigo holding demande au juge de la mise en état de :

“Vu l’article 2224 du Code civil
Vu l’article 2246 du Code civil
Vu les jurisprudences citées

Rejetant toutes fins, moyens et conclusions contraires,

RECEVOIR la Société par actions simplifiée ZIGO HOLDING en ses conclusions et, l’y déclarant bien fondée ;

REJETER la demande d’injonction de produire la totalité des pièces visée formulée par la Société par actions simplifiée K/PERSPECTIVES et Monsieur [R] [D] et faite à la SAS ZIGO HOLDING,

REJETER la fin de non-recevoir formulée par la Société par actions simplifiée K/PERSPECTIVES et Monsieur [R] [D] tendant à déclarer l’action de la SAS ZIGO HOLDING prescrite,

CONDAMNER in solidum la Société par actions simplifiée K/PERSPECTIVES et Monsieur [R] [D] à 1.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNER in solidum la Société par actions simplifiée K/PERSPECTIVES et Monsieur [R] [D] aux entiers dépens de l’incident.”

La société Zigo holding allègue principalement que :
– si la caution ne s’est engagée que pour une durée déterminée, le délai de prescription de l’action du créancier court à compter de la date d’expiration de l’engagement de la caution,
– l’acte de caution indique que l’engagement est à durée déterminée de deux ans à compter du 11 août 2016, soit une fin d’engagement au 11 août 2018,
– le délai de prescription à l’encontre de la caution est de cinq ans,
– la prescription était acquise au 11 août 2023 et non au 12 mars 2023,
– elle a assigné Monsieur [D] le 1er août 2023, alors qu’elle avait jusqu’au 11 août 2023 inclus pour le faire,
– son action n’est manifestement pas prescrite,
– en tout état de cause, les courriels qu’elle produit, par lesquels Monsieur [D] et la société K-perspectives ont reconnu leur dette, ont interrompu la prescription par application des articles 2240 et 2246 du code civil.

*

Par application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer, pour l’exposé complet des moyens des parties, aux conclusions sus-visées.

A l’audience du 5 septembre 2024, la décision a été mise en délibéré au 10 octobre 2024.

MOTIFS

1 – Sur la fin de non-recevoir opposée à l’action en paiement contre la caution :

Aux termes de l’article 2224 du code civil, “Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.”

En l’espèce, Monsieur [D] s’est porté caution solidaire du remboursement de l’emprunt obligataire souscrit par la société K-perspectives auprès de la société Zigo holding, par acte du 11 août 2016 pour une durée de deux années expirant le 11 août 2018.

Le créancier disposait d’un délai de cinq années expirant le 10 août 2023 à minuit pour agir à l’encontre de la caution.

Toutefois, par courriels des 24 janvier 2019 et 10 juillet 2019, la société K-perspectives a expressément reconnu devoir rembourser sa dette à l’égard de la société Zigo holding.

Ces reconnaissances par le débiteur principal du droit de celui contre lequel il prescrivait ont interrompu le délai de prescription à l’encontre de la caution, par application de l’article 2246 du code civil.

Par suite, l’action en paiement intentée par la société Zigo holding à l’encontre de Monsieur [D] en sa qualité de caution par acte de commissaire de justice délivré le 11 août 2023 n’est pas prescrite.

La fin de non-recevoir tirée de la prescription sera rejetée et l’action déclarée recevable.

2 – Sur l’interruption de l’instance :

Il résulte des articles L. 622-21 et L. 622-22 du code de commerce, rendus applicables à la liquidation judiciaire par l’article L. 641-3 du même code, que le jugement d’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire interrompt les actions en justice de la part des créanciers dont la créance est née antérieurement à l’ouverture de la procédure et qui tendent à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent, jusqu’à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance.

En l’espèce, la société K-perspectives, contre laquelle la société Zigo holding a formulé une demande en paiement d’une créance antérieure au jugement, a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Lyon du 18 septembre 2024, selon l’annonce numéro 1173 publiée au BODACC du 27 septembre 2024.

Dès lors, il convient de constater l’interruption de l’instance et d’inviter la société Zigo holding à effectuer les formalités de reprise de l’instance au plus tard le 16 décembre 2024, à peine de radiation de l’affaire du rôle.

3 – Sur les frais et dépens :

Monsieur [D], partie perdante, sera condamné aux dépens de l’incident et condamné à payer à la société Zigo holding la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, sa propre demande sur ce fondement étant rejetée.

PAR CES MOTIFS,

Le juge de la mise en état, statuant par ordonnance contradictoire et en premier ressort,

Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription présentée par Monsieur [R] [D],

Déclare recevable l’action en paiement intentée par la société Zigo holding à l’encontre de Monsieur [R] [D],

Condamne Monsieur [R] [D] à payer à la société Zigo holding la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute Monsieur [R] [D] de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [R] [D] aux dépens de l’incident,

Constate l’interruption de l’instance par le placement de la société K-perspectives en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Lyon du 18 septembre 2024,

Renvoie l’affaire à la mise en état électronique du 19 décembre 2024,

Invite Maître Philippe Reffay, conseil de la demanderesse, à effectuer les formalités de reprise de l’instance au plus tard le 16 décembre 2024, à peine de radiation de l’affaire du rôle.

Prononcé le dix octobre deux mille vingt-quatre par mise à disposition du jugement au greffe du tribunal, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

Signé par Stéphane Thévenard, vice-président, et par Camille Boivin, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier Le juge de la mise en état

copie exécutoire + ccc le :
à
Me Philippe REFFAY
Me Luc PAROVEL


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