Encadrement renforcé des jeux d’argent 
Encadrement renforcé des jeux d’argent 

C’est l’une des grandes réformes de la rentrée, l‘Ordonnance n° 2019-1015 du 2 octobre 2019 a réformé le dispositif légal sur la régulation des jeux d’argent et de hasardLa réforme de la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard a été rendue nécessaire par les limites du cadre actuel. La régulation actuelle du secteur des jeux d’argent et de hasard relève de plusieurs entités : les services du ministre de l’intérieur, du ministre chargé du budget et du ministre de l’agriculture interviennent sur le périmètre des casinos, clubs de jeux et jeux sous droits exclusifs alors que la régulation du secteur en ligne ouvert à la concurrence est assurée par une autorité administrative indépendante. En outre, les normes applicables à ces activités diffèrent et ne permettent pas toujours d’assurer la cohérence des différentes régulations exercées.

Esprit de la réforme

A l’occasion du transfert de la majorité du capital de La Française des jeux au secteur privé, le Gouvernement a souhaité renforcer la régulation actuelle afin de garantir le respect des objectifs de la politique de l’Etat. Ces objectifs consistent dans la lutte contre le jeu excessif et des mineurs, l’intégrité des opérations de jeu, la lutte contre la fraude ainsi que le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ainsi que l’exploitation équilibrée des différents types de jeu afin d’éviter toute déstabilisation économique des filières concernées.

L’ordonnance a regroupé les différentes missions de régulation par la mise en place d’une Autorité nationale des jeux (ANJ).  Elle réaffirme le principe de prohibition des jeux d’argent et de hasard et précise les dérogations à ce principe. Elle définit les types de jeux et paris autorisés. Elle confirme les objectifs de la politique de l’Etat en matière de jeu d’argent et de hasard et soumet les opérateurs autorisés au respect de ces objectifs. Elle confirme l’interdiction du jeu des mineurs, du jeu des personnes morales et du jeu à crédit. Elle encadre la communication commerciale en faveur d’un opérateur de jeux d’argent et de hasard. Elle impose, dans les points de vente physiques, de nouvelles obligations en matière d’identification aux bornes de jeu sans intermédiation humaine ; elle limite l’implantation de nouveaux points de vente et la publicité autour d’établissements scolaires. L’ordonnance renforce les sanctions administratives et pénales existantes afin de garantir l’efficacité de la réglementation de l’ensemble du secteur, notamment en matière de lutte contre le jeu excessif ou pathologique, de protection des mineurs ou de lutte contre le blanchiment de capitaux. En particulier, l’ordonnance instaure une amende sanctionnant la vente ou l’offre à titre gratuit de jeux d’argent et de hasard aux mineurs.

Mise en place de l’Autorité nationale des jeux (ANJ)

Mesure phare : l’ordonnance a mis en place une Autorité nationale des jeux (ANJ), qui a pour mission de surveiller et de réguler le secteur des jeux d’argent et de hasard. Cette autorité est compétente pour garantir le respect des quatre objectifs de la politique de l’Etat sur l’ensemble du secteur des jeux d’argent et de hasard, à l’exception de la compétence du ministère de l’intérieur pour le respect des objectifs d’intégrité, de fiabilité et de transparence des opérations de jeux, ainsi que de lutte contre la fraude et le blanchiment des établissements de jeux.

L’ANJ reprend notamment les compétences de l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL). L’Autorité comprend un collège unique de neuf membres, une commission de prévention du jeu excessif ou pathologique, une commission du contrôle des opérations de jeux, une commission de la lutte contre la fraude et le blanchiment des capitaux, une commission des sanctions et un médiateur.

L’Autorité conserve la mission de délivrer les agréments aux opérateurs de jeux et paris sportifs en ligne. Son périmètre est élargi aux opérateurs titulaires de droits exclusifs qui devront soumettre chaque année à l’approbation de l’ANJ les documents suivants : leur programme des jeux annuel et pluriannuel, leur stratégie promotionnelle sur tout support, leur plan d’actions en vue de prévenir le jeu excessif et le jeu des mineurs, leur plan d’actions en matière de lutte contre la fraude et contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.

L’exploitation des jeux sous droits exclusifs est soumise à une autorisation préalable de l’ANJ, elle fait l’objet d’une décision sur la base d’une demande individuelle reposant sur un dossier de demande dont le contenu est très encadré. A ce titre, l’ANJ peut suspendre ou retirer, par décision motivée et après échange contradictoire, l’autorisation d’un jeu à tout moment si les conditions dans lesquelles son exploitation a été autorisée ne sont plus réunies. Aussi, l’ANJ peut exiger le retrait de toute communication commerciale comportant une incitation excessive au jeu, et ce pour La Française des jeux [FDJ], le PMU ou les opérateurs agréés de jeux et paris sportifs en ligne.

A l’encontre des opérateurs titulaires de droits exclusifs, la commission des sanctions de l’ANJ peut prononcer des sanctions incluant l’avertissement, la suspension d’exploitation de jeux, le retrait d’agrément d’un dirigeant ou encore des sanctions pécuniaires ne pouvant excéder 5 % du chiffre d’affaires.

Principe d’interdiction des jeux d’argent : le système des licences

 

L’Ordonnance pose le principe d’une interdiction des jeux d’argent et de hasard, sauf licence d’autorisation d’exercice préalable. Sont réputés jeux d’argent et de hasard et interdits comme tels toutes opérations offertes au public, sous quelque dénomination que ce soit, pour faire naître l’espérance d’un gain qui serait dû, même partiellement, au hasard et pour lesquelles un sacrifice financier est exigé de la part des participants. Cette interdiction recouvre aussi les jeux dont le fonctionnement repose sur le savoir-faire des joueurs.  Le sacrifice financier est établi dans les cas où une avance financière est exigée de la part des participants, même si un remboursement ultérieur est rendu possible par le règlement du jeu.

Les jeux d’argent et de hasard qui, à titre dérogatoire, sont autorisés ne sont ni un commerce ordinaire, ni un service ordinaire ; ils font donc l’objet d’un encadrement strict aux fins de prévenir les risques d’atteinte à l’ordre public et à l’ordre social, notamment en matière de protection de la santé et des mineurs.  A cet effet, leur exploitation est placée sous un régime de droits exclusifs, d’autorisation ou d’agrément, délivrés par l’Etat.

Les jeux autorisés

Par dérogation, peuvent être autorisés :

  • L’exploitation par les casinos de jeux d’argent et de hasard ;
  • Les loteries d’objets mobiliers exclusivement destinées à des actes de bienfaisance, à l’encouragement des arts ou au financement d’activités sportives à but non lucratif, lorsqu’elles ont été autorisées par le maire de la commune où est situé le siège social de l’organisme bénéficiaire et, à Paris, par le préfet de police ;
  • Les lotos traditionnels, également appelés  » poules au gibier « ,  » rifles  » ou  » quines « , lorsqu’ils sont organisés dans un cercle restreint et uniquement dans un but social, culturel, scientifique, éducatif, sportif ou d’animation sociale et se caractérisent par des mises de faible valeur, inférieures à 20 euros. Ces lots ne peuvent, en aucun cas, consister en sommes d’argent ni être remboursés. Ils peuvent néanmoins consister dans la remise de bons d’achat non remboursables ;
  • Les loteries proposées au public à l’occasion, pendant la durée et dans l’enceinte des fêtes foraines.
  • L’exploitation de jeux de loterie soumis à un régime de droits exclusifs ;
  • L’exploitation de paris sportifs en réseau physique de distribution soumis à un régime de droits exclusifs ;
  • L’exploitation de paris hippiques en réseau physique de distribution hors hippodrome et dans l’hippodrome soumis à un régime de droits exclusifs ;
  • L’exploitation des paris hippiques en ligne, des paris sportifs en ligne et des jeux de cercle en ligne dans le cadre d’agréments délivrés ;
  • Les jeux et concours au sens de l’article L. 121-20 du code de la consommation, à savoir les opérations promotionnelles tendant à l’attribution d’un gain ou d’un avantage de toute nature par la voie d’un tirage au sort, quelles qu’en soient les modalités, ou par l’intervention d’un élément aléatoire.

Protection des mineurs renforcée

Les opérateurs de jeux d’argent et de hasard légalement autorisés sont tenus de faire obstacle à la participation de mineurs, même émancipés, aux activités de jeu ou de pari qu’ils proposent.
Il est interdit de vendre ou d’offrir gratuitement à des mineurs des jeux d’argent et de hasard.

Le représentant de l’Etat dans le département ou, à Paris, le préfet de police, peut déterminer le périmètre autour des établissements publics ou privés d’enseignement et des établissements de formation ou de loisirs de la jeunesse, dans lequel la propagande et la publicité, directe ou indirecte, en faveur des jeux d’argent et de hasard est interdite.  Cette interdiction ne s’étend toutefois pas aux casinos et aux enseignes des postes d’enregistrement des jeux de loterie, des paris sportifs ou des paris hippiques ni aux messages et visuels promotionnels situés à l’intérieur et sur la devanture de ces derniers.

Le représentant de l’Etat dans le département ou, à Paris, le préfet de police, peut déterminer par arrêté, sans préjudice des droits acquis, le périmètre autour des établissements publics ou privés d’enseignement et des établissements de formation ou de loisirs de la jeunesse, dans lequel ne peuvent être établis les postes d’enregistrement de jeux de loterie ou de jeux de paris sportifs ou de paris hippiques.

Protection des joueurs compulsifs / dépendants

Les opérateurs de jeux d’argent et de hasard exploités en ligne ou sur des terminaux d’enregistrement physique sans intermédiation humaine au moyen d’un compte sont également tenus de faire obstacle à la participation aux activités de jeu qu’ils proposent des personnes interdites de jeu.

Ces doivent s’assurer périodiquement que les personnes réalisant des opérations de jeux dans les postes d’enregistrement de jeux de loterie, de jeux de paris sportifs ou de paris hippiques au moyen d’un compte ne sont pas interdites de jeu. Tout compte joueur dont le titulaire est interdit de jeu est clôturé.

Les opérateurs en ligne ont l’obligation de prévenir les comportements de jeu excessif ou pathologique par la mise en place de dispositifs de modération, d’auto-exclusion, et d’autolimitation des dépôts et des mises. Ils communiquent en permanence à tout joueur fréquentant leur service de communications électroniques au public le solde instantané de son compte. Ils informent les joueurs de la faculté qui leur est conférée, de faire l’objet d’une mesure d’interdiction volontaire de jeu.  Ils doivent également s’abstenir d’adresser toute communication commerciale aux titulaires (ou anciens titulaires) d’un compte joueur ou identifiés bénéficiant d’une mesure d’auto-exclusion.

Publicité strictement encadrée

Les opérateurs de jeux d’argent et de hasard légalement autorisés ont l’obligation d’informer  tous les joueurs des risques liés au jeu excessif ou pathologique par le biais d’un message de mise en garde. Toute communication commerciale en faveur d’un opérateur de jeux d’argent et de hasard autorisé est :

  • Assortie d’un message de mise en garde contre le jeu excessif ou pathologique ainsi que d’un message faisant référence au système d’information et d’assistance ;
  • Interdite dans les publications à destination des mineurs ;
  • Interdite sur les services de communication audiovisuelle et dans les programmes de communication audiovisuelle, présentés comme s’adressant aux mineurs ;
  • Interdite dans les services de communications électroniques au public à destination des mineurs ;
  • Interdite dans les salles de spectacles cinématographiques lors de la diffusion d’œuvres accessibles aux mineurs.

Les opérateurs de jeux d’argent et de hasard ne peuvent non plus financer l’organisation ou parrainer la tenue d’événements à destination spécifique des mineurs.

Les services de communications au public en ligne sur lesquels les opérateurs proposent une offre de jeux ou de paris en ligne ne peuvent contenir aucune publicité en faveur d’une entreprise susceptible de consentir des prêts d’argent aux joueurs ou de permettre le prêt entre joueurs, ni aucun lien vers un site proposant une telle offre de prêt.

Interdiction des prêts et avances

De façon générale, le jeu à crédit est interdit.  Il est interdit à tout opérateur de jeux d’argent ou de hasard ainsi qu’à tout dirigeant, mandataire social ou employé d’un tel opérateur ainsi qu’aux personnes que ces opérateurs autorisent à exploiter des postes d’enregistrement de jeux, de consentir des prêts d’argent aux joueurs ou de mettre en place directement ou indirectement des dispositifs permettant aux joueurs de s’accorder des prêts entre eux.

Renforcement des sanctions

L’ordonnance renforce également les sanctions suivantes :

  • Le fait de faire de la publicité en faveur d’une entreprise susceptible de consentir des prêts d’argent aux joueurs ou de permettre le prêt entre joueurs est puni de 75 000 euros d’amende.
  • Le fait de proposer un lien vers un service de communications électroniques au public d’une telle entreprise est puni de la même peine.
  • Le fait d’émettre ou de diffuser, par tout moyen, une communication commerciale non conforme est puni d’une amende de 100 000 euros. Le montant de l’amende peut être porté au quadruple du montant des dépenses publicitaires consacrées à l’opération illégale.

 

 


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