Émissions TV pérennes : la requalification des CDD d’usage en CDI

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Émissions TV pérennes : la requalification des CDD d’usage en CDI
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Dès lors qu’une émission télévisée est devenue pérenne, l’emploi par voie de CDD d’usage ne se justifie plus, y compris pour les sous-traitants du producteur.

La société Set Up (anciennement Générale Décors) réalisait les décors de l’émission les Guignols de l’Info depuis plusieurs dizaines d’années et engageait à ce titre des accessoiristes en période quasi continue, sauf les périodes de vacances scolaires, comme en attestent les plannings et les contrats de travail du salarié.

Au regard de ces éléments, la cour retient qu’aucune raison objective n’établit le caractère par nature temporaire de l’emploi d’accessoiriste.

C’est en vain que la société Set Up fait valoir que le salarié accessoiriste n’a pas demandé la requalification durant la relation de travail, que l’activité déployée pour l’émission les Guignols de l’Info était propre aux relations contractuelles existantes avec Canal+ , que le salarié occupait également un autre emploi ou que sa collaboration a parfois été interrompue plusieurs mois étant observé que c’est la société Set Up qui choisissait les accessoiristes intervenants sur un emploi durable.

La Cour a requalifié la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée à compter du 16 novembre 2000 et de condamner la société à verser au salarié la somme de 1 281,71 euros d’indemnité au titre de la requalification. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Pour rappel, en application de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n°2008-217 du 29 mars 2018, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant, eu égard à son ancienneté, est compris entre 3 mois et 14,5 mois de salaire.

Compte tenu notamment de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour a alloué la somme de 15 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En application de l’article L.1242-2, 3° du code du travail, sous réserve des dispositions de l’article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, dans les cas d’emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.

Il est constant que même lorsqu’il est conclu dans le cadre de l’un des secteurs d’activité visés par les articles L1242-2.3° et D1242-1 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée ne peut avoir d’autre objet que de pourvoir un emploi présentant par nature un caractère temporaire.

Résumé de l’affaire : M. [X] [Y], engagé par la S.A. Set up en 2000 en tant qu’accessoiriste, a vu ses relations contractuelles régies par la convention collective nationale des entreprises techniques. En avril 2014, la société a été placée en redressement judiciaire, suivi d’un plan de continuation en août 2015. M. [Y] a eu plusieurs contrats à durée déterminée jusqu’à la fin de son dernier contrat en septembre 2018. À la suite de la rupture de son contrat, il a demandé la requalification de sa relation de travail en contrat à durée indéterminée et a saisi le conseil de prud’hommes en 2019. Ce dernier a rejeté ses demandes en avril 2021. M. [Y] a interjeté appel, et en février 2023, la société a été mise en liquidation judiciaire. Dans ses conclusions, M. [Y] a demandé la requalification de son contrat et diverses indemnités. La société Set up et l’Unédic ont également formulé des demandes et des objections. L’affaire a été fixée à l’audience de juin 2024, et la cour a finalement infirmé le jugement précédent, requalifiant les contrats de M. [Y] en contrat à durée indéterminée et fixant les créances à la liquidation judiciaire.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

24 septembre 2024
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/04379
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 11

ARRET DU 24 SEPTEMBRE 2024

(n° , 1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/04379 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDWLF

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Avril 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CRETEIL – RG n° 19/01083

APPELANT

Monsieur [Z] [X] [Y]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Benoît BRUTSCHI, avocat au barreau de PARIS, toque : C2054

INTIMES

Monsieur [P] [L] ès-qualités de mandataire judiciaire et de commissaire à l’exécution du Plan de la société SET UP

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représenté par Me Stéphane HASBANIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0398

La SAS [G] prise en la personne de Maître [X] [G] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SA SET UP

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représenté par Me Stéphane HASBANIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0398

S.A. SET UP

[Adresse 5]

[Localité 9]

Représentée par Me Stéphane HASBANIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0398

AGS CGEA ILE DE FRANCE EST

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Jean-Charles GANCIA, avocat au barreau de PARIS, toque : T07

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,

Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,

Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, et par Madame Marika WOHLSCHIES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

M. [X] [Y], né en 1962, a été engagé par la S.A. Set up, anciennement dénommée Générale décors, par un contrat de travail à durée déterminée d’usage le 16 novembre 2000, en qualité d’accessoiriste.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des entreprises techniques au service de la création et de l’événement.

Par jugement du 24 avril 2014, le tribunal de commerce de Créteil a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société Set up, et a désigné M. [L], ès qualités de mandataire judiciaire et Mme [J] ès qualités d’administrateur judiciaire.

Par jugement en date du 5 août 2015, le tribunal de commerce de Créteil a fait bénéficier la société Set up d’un plan de continuation. M. [L] a alors été désigné en qualité de commissaire à l’exécution du plan.

Une succession de contrats à durée déterminée d’usage s’en est suivie jusqu’au 26 septembre 2018, date de la fin du dernier contrat à durée déterminée d’usage.

A la date de la rupture, la société Set up occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Demandant la requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée et diverses indemnités consécutives à la rupture du contrat, M. [Y] a saisi le 31 juillet 2019 le conseil de prud’hommes de Créteil qui, par jugement du 19 avril 2021, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :

– dit qu’il n’y a pas lieu à requalification de l’ensemble des contrats à durée déterminée à terme précis,

– dit que le contrat à durée déterminée à terme précis s’étant terminé à la date prévue, il n’y a pas lieu à procédure de licenciement,

– déboute M. [Y] de la totalité de ses demandes,

– dit la S.A. Set up recevable et bien fondée en ses pièces et conclusions,

– prend acte de l’intervention à titre subsidiaire de l’UNEDIC délégation AGS CGEA IDF Est du fait du plan de continuation,

– dit qu’il n’y a pas lieu à la fixation de la garantie de l’UNEDIC délégation AGS CGEA IDF Est,

– met les dépens à la charge de M. [Y].

Par déclaration du 6 mai 2021, M. [Y] a interjeté appel de cette décision, notifiée par lettre du greffe adressée aux parties le 20 avril 2021.

Par jugement du 22 février 2023, le tribunal de commerce de Créteil a mis fin aux fonctions du commissaire à l’exécution du plan et placé la société Set Up en liquidation judiciaire, M. [G] ayant été désigné comme liquidateur.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 14 mars 2024, M. [Y] demande à la cour de :

– recevoir M. [Y] en son appel,

y faisant droit,

– réformer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Créteil en toutes ses dispositions faisant l’objet des chefs visés au soutien de l’appel interjeté à son encontre par M. [Y] selon déclaration au greffe de la cour en date du 6 mai 2021,

et statuant à nouveau,

– requalifier la relation de travail entre M. [Y] et la société Set up en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 16 novembre 2000 et jusqu’au 26 septembre 2018,

en conséquence,

– fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Set up la créance de M. [Y] à la somme de 7500 euros à titre d’indemnité de requalification des dispositions de l’article L 1245-2 du code du travail,

vu la rupture du contrat de travail de M. [Y] par la société Set up qui y a mis fin à la date du 27 septembre 2018 par absence de fourniture de travail et considérant que la rupture du contrat de travail de M. [Y] par la société Set up revêt la nature et produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Set up la créance de M. [Y] à la somme de 3843,51 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Set up la créance de M. [Y] à la somme de 384,35 euros à titre de congés payés sur indemnité compensatrice de préavis,

– fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Set up la créance de M. [Y] à la somme de 8968,19 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

– fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Set up la créance de M. [Y] à la somme de 18 576,97 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamner solidairement M. [U], ès qualités d’administrateur judiciaire de la société Set up, et M. [G] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Set up à payer à M. [Y] la somme de 4500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– assortir les condamnations de l’intérêt au taux légal à compter du 17 juillet 2019, date de la saisine du conseil des prud’hommes de Créteil et ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l’article 1343-2 du code civil,

– ordonner l’opposabilité de l’arrêt à intervenir à l’UNEDIC délégation AGS CGEA IDF Est dans les conditions de l’article L 3253-8 du code du travail et condamner l’UNEDIC délégation AGS CGEA IDF Est à garantir les créances de M. [Y] fixées au passif de la liquidation judiciaire de la société Set up dans la limite et le plafond de sa garantie et sur présentation d’un relevé par le liquidateur judiciaire et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles pour procéder au paiement des sommes mises à la charge de la société Set up à l’exception des frais irrépétibles non couverts par la garantie,

– condamner solidairement M. [U] ès qualités d’administrateur judiciaire de la société Set up et M. [G] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Set up aux entiers dépens.

Dans leurs dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 3 janvier 2024, la société Set up ainsi que Messieurs [G] et [L] demandent à la cour de :

– dire recevables et bien fondées ses pièces et conclusions,

à titre principal :

– confirmer le jugement entrepris et débouter M. [Y] de l’ensemble de ses demandes,

– condamner M. [Y] à payer à la société Set up et à M. [G] es-qualités chacun la somme de 1.500 euros,

– prononcer la mise hors de cause de M. [L] es-qualités,

à titre subsidiaire :

– limiter le montant de toutes condamnations qui seraient fixées au passif de la société Set up comme suit :

– 1281,17 euros à titre d’indemnité de requalification,

– 3843,51 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 14 mai 2024, l’Unédic délégation AGS CGEA d’Ile de France Est demande à la cour de:

à titre principal :

– constater, dire et juger l’AGS CGEA IDF Est recevable et bien fondée en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– débouter M. [Y] de ses demandes,

à titre subsidiaire :

– limiter la fixation au passif de la société Set up des sommes suivantes :

– 1281,17 euros à titre d’indemnité de requalification,

– 3843,51 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

à titre infiniment subsidiaire : sur la garantie :

– dire et juger que, s’il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale,

– dire le jugement opposable à l’AGS dans les termes et conditions de l’article L 3253-19 du code du travail,

– dire et juger qu’en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l’article L 3253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens de l’article L 3253-8 du code du travail,

– dire et juger qu’en tout état de cause la garantie de l’AGS ne pourra excéder, toutes créances confondues, sous déductions des sommes déjà versées, l’un des trois plafonds fixés en vertu des dispositions des articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail,

– exclure de l’opposabilité à l’AGS la créance éventuellement fixée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– exclure de l’opposabilité à l’AGS l’astreinte,

– dire et juger irrecevable la demande d’intérêts légaux,

– exclure de l’opposabilité à l’AGS la délivrance de documents sociaux,

– dire ce que de droit quant aux dépens sans qu’ils puissent être mis à la charge de l’AGS.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 5 juin 2024 et l’affaire a été fixée à l’audience du 11 juin 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la requalification de la relation de travail en un contrat à durée indéterminée

M. [Y] soutient que les contrats à durée déterminée d’usage conclus avec son employeur l’ont été pour les besoins de la réalisation des décors de l’émission Les guignols de l’Info, activité pérenne pour la société Set up, ne pouvant être qualifiée de temporaire, ayant été exercée durant plusieurs décennies. Il fait valoir que son emploi d’accessoiriste correspond à une fonction normale et permanente au sein de la société Set up, bien qu’à temps partiel ; que dès lors, la relation de travail doit être requalifiée depuis le 16 novembre 2000 en contrat à durée indéterminée.

La société Set up réplique que la fonction d’accessoiriste ne relève pas d’un emploi lié à son activité permanente et durable, ce qu’illustre le fait qu’après l’arrêt par la société Canal + des Guignols de l’Info, aucun accessoiriste n’a plus jamais été recruté par la société Set up ; que le recrutement d’accessoiristes ou chefs accessoiristes a donc chez elle toujours été lié à des besoins exceptionnels pour un projet particulier, moins de cinq jours dans l’année ; qu’il s’est donc agi d’une situation particulière et non permanente et durable, puisque dépendante de la poursuite des Guignols de l’Info, des relations commerciales avec la société Canal +, seule cliente de la société Set up pour cette activité, et de la proportion de tournages réalisés en plateau, les seuls pour lesquels la société Canal + faisait appel à la société Set up ; qu’en outre que M. [Y] n’aurait pas pu bénéficier du régime d’intermittent du spectacle, alors même que son travail pour les Guignols de l’info était non continu et fluctuant.

En application de l’article L.1242-2, 3° du code du travail, sous réserve des dispositions de l’article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, dans les cas d’emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.

Il est constant que même lorsqu’il est conclu dans le cadre de l’un des secteurs d’activité visés par les articles L1242-2.3° et D1242-1 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée ne peut avoir d’autre objet que de pourvoir un emploi présentant par nature un caractère temporaire.

En l’espèce, il convient donc de rechercher si, pour l’emploi considéré il est effectivement d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée et de vérifier si le recours à un ou plusieurs contrats à durée déterminée est justifié par des raisons objectives, qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi.

Il n’est pas contesté que la société Set Up intervient dans un secteur d’activité dans lequel il est possible de conclure des contrats à durée déterminée d’usage. Cependant, cette possibilité ne doit pas déroger au principe interdisant de pourvoir durablement un emploi permanent par une succession de contrats à durée déterminée.

A cet égard, la cour constate que la société Set Up (anciennement Générale Décors) réalisait les décors de l’émission les Guignols de l’Info depuis plusieurs dizaines d’années et engageait à ce titre des accessoiristes en période quasi continue, sauf les périodes de vacances scolaires, comme en attestent les plannings et les contrats de travail du salarié.

Dès lors au regard de ces éléments, la cour retient qu’aucune raison objective n’établit le caractère par nature temporaire de l’emploi d’accessoiriste.

C’est en vain que la société Set Up fait valoir que M. [Y] n’a pas demandé la requalification durant la relation de travail, que l’activité déployée pour l’émission les Guignols de l’Info était propre aux relations contractuelles existantes avec Canal+ , que M. [Y] occupait également un autre emploi ou que sa collaboration a parfois été interrompue plusieurs mois étant observé que c’est la société Set Up qui choisissait les accessoiristes intervenants sur un emploi durable.

Il convient par conséquent de requalifier la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée à compter du 16 novembre 2000 et de condamner la société à verser au salarié la somme de 1 281,71 euros d’indemnité au titre de la requalification. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur la rupture

L’employeur a cessé de fournir du travail et de verser un salaire à M. [Y] à l’expiration du dernier contrat à durée déterminée du 11 septembre 2018 qui a été requalifié, soit le 26 septembre 2018 comme indiqué sur le dernier bulletin de paie. Il a ainsi mis fin aux relations de travail au seul motif de l’arrivée du terme d’un contrat improprement qualifié par lui de contrat de travail à durée déterminée.

Cette rupture est donc à son initiative et s’analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ouvre droit au profit de M. [Y] au paiement des indemnités de rupture et de dommages-intérêts.

En application de la convention collective et au regard des bulletins de paie produits, M. [Y], âgé de plus de 50 ans est en droit de percevoir les sommes suivantes :

– 3 843,51 euros d’indemnité compensatrice de préavis ;

– 384,34 euros de congés payés afférents ;

– 8 968,19 euros d’indemnité conventionnelle de licenciement.

En application de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n°2008-217 du 29 mars 2018, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant, eu égard à son ancienneté, est compris entre 3 mois et 14,5 mois de salaire.

Compte tenu notamment de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [Y], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure de lui allouer la somme de 15 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les frais irrépétibles

La société Set Up devra supporter les entiers dépens et la somme de 2 000 euros sera fixée à son passif en application de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de M. [Y].

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

REQUALIFIE les contrats à durée déterminée d’usage conclus par M. [Z] [Y] et la SA Set Up (anciennement Générale Decors) en contrat à durée indéterminée à compter du 16 novembre 2000 ;

FIXE au passif de la SA Set Up les créances de M. [Z] [Y] ainsi qu’il suit :

– 1 281,71 euros d’indemnité au titre de la requalification ;

– 3 843,51 euros d’indemnité compensatrice de préavis ;

– 384,34 euros de congés payés afférents ;

– 8 968,19 euros d’indemnité conventionnelle de licenciement ;

– 15 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que le jugement d’ouverture de la procédure collective emporte arrêt du cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations ;

DIT le présent arrêt opposable à l’AGS, dont la garantie sera due dans les limites légales et réglementaires en l’absence de fonds disponibles et en application des articles L.3253-8, L.3253-17, L.3253-20 et D.3253-5 du code du travail ;

FIXE les entiers dépens au passif de la SA Set Up.

La greffière, La présidente.


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