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ARRET N°419
N° RG 20/01560 – N° Portalis DBV5-V-B7E-GBM6
[D]
[G]
C/
[O] [H]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 05 JUILLET 2022
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/01560 – N° Portalis DBV5-V-B7E-GBM6
Décision déférée à la Cour : jugement du 07 novembre 2018 rendu par le Tribunal d’Instance de POITIERS.
APPELANTS :
Madame [X] [D] épouse [G]
née le 22 Juin 1958 à [Localité 9] (86)
[Adresse 6]
[Localité 8]
Monsieur [R] [G]
né le 02 Avril 1956 à [Localité 8] (86)
[Adresse 6]
[Localité 8]
ayant tous les deux pour avocat Me Isabelle LOUBEYRE de la SCP EQUITALIA, avocat au barreau de POITIERS
INTIMEE :
Madame [E] [O] [H]
née le 26 Novembre 1947 à [Localité 10]
[Adresse 7]
[Localité 8]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/005965 du 15/02/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de POITIERS)
ayant pour avocat Me Caroline MAISSIN de la SCP DICE AVOCATS, avocat au barreau de POITIERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 16 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Thierry MONGE, Président de Chambre
Madame Anne VERRIER, Conseiller
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,
ARRÊT :
– Contradictoire
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
En 2002, M. [R] [G] et Mme [X] [D] épouse [G] ont acquis deux parcelles cadastrées n° [Cadastre 2] et [Cadastre 3] [Adresse 7] à [Localité 8].
Ils sont également propriétaires indivis du chemin permettant l’accès à ces parcelles qui jouxtent celles de Mme [E] [O] [H], propriétaire depuis 1989 des parcelles n° [Cadastre 1] et [Cadastre 5].
M. et Mme [G] se plaignent de certaines branches de peupliers, de noyers et d’érable qui empiètent sur leur propriété, surplombent une cabane de jardin et produisent des nuisances ainsi que de l’implantation de certains arbres qui ne respectent pas les distances légales en limite de propriété.
Une demande de conciliation n’a pas pu aboutir du fait de l’absence de Mme [O]. Toutefois un protocole d’accord en date du 23 mars 2016 a prévu que Mme [O] s’engage à procéder à l’élagage de ses arbres avant la fin de l’année 2016.
M. et Mme [G] contactaient leur assureur protection juridique qui adressait le 25 novembre 2016, à Mme [O], une mise en demeure d’honorer ses engagements avant le 31 décembre 2016.
Un procès-verbal de constat d’huissier a été dressé le 15 mars 2017.
Par acte d’huissier de justice délivré le 28 juillet 2017, M. [R] [G] et Mme [X] [D] épouse [G] assignaient Mme [E] [O] à comparaître devant le tribunal d’instance de Poitiers le 20 septembre 2017.
A l’audience, M. et Mme [R] [G] sollicitaient :
A titre principal,
‘ Qu’il soit pris acte de leur désistement concernant l’arrachage de 4 peupliers et d’un noyer,
‘ La condamnation de Mme [O] à arracher tous les arbres plantés sur la parcelle n° [Cadastre 1] et [Cadastre 5], hormis le noyer, et qui ne respectent pas les distances réglementaires sous astreinte de 100 € par jour de retard passé un délai de 15 jours à compter de la signification du jugement à intervenir,
‘ La condamnation de Mme [O] à payer la somme de 2 000 sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, y compris le coût du procès-verbal de constat d’huissier.
A titre subsidiaire,
‘ La condamnation de Mme [O] à élaguer les arbres plantés sur les parcelles n° [Cadastre 1] et [Cadastre 5] sous astreinte de 100 par jour de retard passé un délai de 15 jours à compter de la signification du jugement à intervenir.
A titre très subsidiaire,
‘ Désigner un expert.
En réponse, Mme [E] [O] demandait qu’il soit pris acte du désistement de la demande d’arrachage de 4 peupliers et du noyer. Elle sollicitait du tribunal un transport sur les lieux, compte tenu de la particularité de l’environnement dans lequel se situent les propriétés, afin d’apprécier la configuration des lieux tout à fait singulière.
Elle concluait au débouté de l’intégralité des demandes et sollicitait à titre reconventionnel la somme de 1 500 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, outre 1 500 € sur le fondement de l’article 37 de la loi sur l’aide juridictionnel.
Les Epoux [G] s’en remettaient à justice quant au transport sur les lieux.
Par jugement contradictoire en date du 07/11/2018, en dernier ressort, le tribunal d’instance de POITIERS a statué comme suit :
‘PREND ACTE du désistement de M. [R] [G] et Mme [X]
[D] épouse [G] de leur demande d’arrachage de 4 peupliers et un noyer.
DIT n’y avoir lieu à un transport sur les lieux.
DÉBOUTE M. [R] [G] et Mme [X] [D] épouse [G] de l’intégralité de leurs demandes.
DÉBOUTE Mme [O] [H] [E] de sa demande de dommages et intérêts.
CONDAMNE M. [R] [G] et Mme [X] [D] épouse [G] à payer à la SCP LACOSTE PLAT MAISSIN la somme de 600 € (SIX CENTS EUROS) au titre de l’article 37 de la loi sur l’aide juridictionnelle, aux entiers dépens, ainsi qu’à rembourser au trésor public les frais avancés par l’Etat au titre de l’aide juridictionnelle en application des articles 43 de la loi du 10 juillet 1991 et 123 du décret du 19 décembre 1991″.
Le premier juge a notamment retenu que :
– Il sera pris acte du désistement de la demande au titre de l’arrachage des 4 peupliers et du noyer comme étant prescrite.
– vu les pièces produites, la juridiction s’estime suffisamment informée et un transport sur les lieux ne se justifie pas.
– il appartient aux juges du fond de rechercher si le trouble invoqué dépasse les inconvénients normaux du voisinage en fonction des circonstances de temps et de lieu.
– le lieu du litige se situe en vallée du Clain où se trouvent des jardins d’agrément sans habitation et dans le périmètre du projet de classement au titre des sites Vallée du Clain, du Miosson et de la Menuse
– Il ressort des pièces produites et plus précisément du rapport d’un inspecteur de la DREAL dépêché sur les lieux que «d’une façon générale les arbres ne portent en aucun cas préjudice au fonds voisin ni à d’éventuelles cultures potagères qui n’existent pas dans la partie au droit des peupliers. Certes les feuilles peuvent être emmenées par les vents d’ouest pour autant il faudrait couper tous les arbres de la vallée du Clain. Les végétaux sont dans un état sanitaire parfait. Eu égard à sa situation, l’ombre du noyer avec la course du soleil ne donne pas sur la propriété du voisin, le secteur est très fourni en grands végétaux depuis longtemps».
– la jurisprudence retient comme normal le fait de supporter la chute de feuilles provenant d’arbres de propriétés voisines dès lors que l’accumulation de ces feuilles n’atteint pas une trop grande intensité, ce qui n’est pas établi.
– l’ensemble des éléments rapportés ne démontrent pas des inconvénients anormaux de voisinage.
En conséquence. les époux [G] seront déboutés de leur demande d’arrachage et d’élagage.
– Mme [O] ne rapporte pas la preuve d’un préjudice notamment moral, elle sera déboutée à ce titre.
LA COUR
– M. et Mme [G] ont formé un pourvoi en cassation, le jugement ayant été rendu en dernier ressort.
Par un arrêt rendu le 9 juillet 2020, la cour de cassation a déclaré le pourvoi irrecevable au motif que ‘le jugement a été qualifié à tort de rendu en dernier ressort’.
– par une déclaration du 29 juillet 2020, M. et Mme [G] ont interjeté appel du jugement rendu.
Vu cet appel
Vu l’article 954 du code de procédure civile
Aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions en date du 04/03/2022, M. [R] [G] et Mme [X] [D] épouse [G] ont présenté les demandes suivantes :
‘Vu les dispositions des articles 671, 672 et 673 du code civil,
Vu le protocole d’accord du 23 mars 2016 et les dispositions de l’article 2044 du code civil,
Déclarer recevable l’appel régularisé par M. et Mme [G] le 29 juillet 2020.
Réformer le jugement rendu par le tribunal d’instance de POITIERS le 7 novembre 2018 en ce qu’il a :
– Débouté M. [R] [G] et Mme [X] [D] épouse [G] de l’intégralité de leurs demandes fondées sur les dispositions des articles 671, 672, 673, 2044 du code civil et 146 du code de procédure civile consistant à :
. Condamner Mme [O] à élaguer les peupliers et le noyer plantés sur les parcelles n°[Cadastre 1] et [Cadastre 5] lui appartenant, sous astreinte de 100 € par jour de retard passé un délai de quinze jours à compter de la signification de la décision à intervenir,
. Condamner Mme [O] à arracher tous les arbres plantés sur la parcelle n°[Cadastre 5], hormis le noyer, qui ne respectent pas les dispositions précitées sur code civil (à savoir un érable, un conifère et un feuillu), sous astreinte de 100 € par jour de retard passé un délai de quinze jours à compter de la signification de la décision à intervenir,
. A défaut, condamner Mme [O] à élaguer les arbres précités (un érable, un conifère et un feuillu) plantés sur la parcelle n°[Cadastre 5], sous astreinte de 100 € par jour de retard passé un délai de quinze jours à compter de la signification de la décision à intervenir,
. Ordonner avant dire droit, une expertise judiciaire et désigner tel expert qu’il plaira avec la mission suivante : convoquer les parties et se rendre les lieux du litige, se faire communiquer l’ensemble des documents qu’il estimera nécessaire pour l’accomplissement de sa mission, (acte de propriété, …), mesurer les distances entre les arbres situés sur les parcelles n°[Cadastre 1] et [Cadastre 5] et les limites séparatives, constater que les arbres situés en limite des parcelles [Cadastre 1] et [Cadastre 5] empiètent sur la parcelle de M. et Mme [G] et mesurer l’ampleur de cet empiétement, d’une façon plus générale, donner tous éléments d’information permettant à la juridiction de donner une solution définitive au litige, répondre à tout dire que les parties pourraient lui adresser et diffuser avant le dépôt du rapport définitif un document intermédiaire permettant de recueillir les dires des parties et d’y répondre.
– Condamné M. [R] [G] et Mme [X] [D] épouse [G] à payer à la SCP LACOSTE PLAT MAISSIN la somme de 600 € sur le fondement de l’article 37 de la loi sur l’aide juridictionnelle, aux entier dépens, ainsi qu’à rembourser au Trésor Public les frais avancés par l’État au titre de l’aide juridictionnelle en application des articles 43 de le Loi du 10 juillet 1991 et 123 du décret du 19 décembre 1991.
Statuant à nouveau :
. À titre principal :
Condamner Mme [O] à élaguer les peupliers et le noyer plantés sur les parcelles n°[Cadastre 1] et [Cadastre 5] lui appartenant, sous astreinte comminatoire de 100 € par jour de retard passé un délai de quinze jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir.
Condamner Mme [O] à arracher tous les arbres plantés sur la parcelle n° [Cadastre 5], hormis le noyer, et qui ne respectent pas les dispositions des articles 671, 672 et 673 du Code civil (un érable, un conifère et un feuillu) sous astreinte comminatoire de 100 € par jour de retard passé un délai de quinze jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir.
À défaut, condamner Mme [O] à élaguer les arbres précités (un érable, un conifère et un feuillu) plantés sur les parcelles n° [Cadastre 5], sous astreinte comminatoire de 100 € par jour de retard passé un délai de quinze jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir.
Condamner Mme [O] à verser à M. et Mme [G] une somme de 3 000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens des procédures d’appel et de première instance, y compris le coût du procès-verbal de constat.
À titre subsidiaire :
. Désigner, avant dire droit, tel expert qu’il plaira à la Cour de nommer, assisté en cas de besoin par tout sapiteur de son choix, avec la mission suivante :
– Convoquer les parties et se rendre les lieux du litige.
– Se faire communiquer l’ensemble des documents qu’il estimera nécessaire pour l’accomplissement de sa mission, (acte de propriété, …).
– Mesurer les distances entre les arbres situés sur les parcelles n°[Cadastre 1] et [Cadastre 5] et les limites séparatives.
– Constater que les arbres situés en limite des parcelles [Cadastre 1] et [Cadastre 5] empiètent sur la parcelle de M. et Mme [G] et mesurer l’ampleur de cet empiétement.
– D’une façon plus générale, donner tous éléments d’information permettant à la Cour de donner une solution définitive au litige.
– Répondre à tout dire que les parties pourraient lui adresser et diffuser avant le dépôt du rapport définitif un document intermédiaire permettant de recueillir les dires des parties et d’y répondre.
. Réserver les dépens en fin de cause’.
A l’appui de leurs prétentions, M. [R] [G] et Mme [X] [D] épouse [G] soutiennent notamment que :
– l’appel est recevable, car le caractère erroné de la voie de recours mentionnée sur l’acte de signification d’un jugement, de qu’il porte sur le délai ou ses modalités, a pour effet que le délai de recours ne court pas.
– des branches d’arbres plantés sur les parcelles n°[Cadastre 1] (peupliers) et n°[Cadastre 5] (noyer et érable) dont
Mme [O] est propriétaire, empiètent sur la propriété de M. et Mme [G].
Après plusieurs demandes demeurées vaines, les parties ont conclu un protocole d’accord le 23 mars 2016 et Mme [O] s’est engagée à élaguer les arbres implantés sur sa propriété avant la fin de l’année 2016.
– Mme [O] n’a cependant pas exécuté le protocole.
– Me [T], huissier de justice, a établi un procès-verbal de constat le 15 mars 2017.
Il a constaté que l’implantation de certains arbres ne respectait pas les distances légales. Plus précisément, quatre peupliers sont implantés sur la parcelle n°[Cadastre 1] en limite de propriété dont les branches sont largement débordantes au-dessus du terrain de M. et Mme [G].
Il a également constaté la présence de plusieurs variétés d’arbres implantés sur la parcelle n°[Cadastre 5] et dont les branches empiètent sur leur propriété.
– M. et Mme [G] ont formé un pourvoi en cassation.
– par ordonnance du 8 juin 2021, le conseiller de la mise en état a refusé de faire droit à la demande d’expertise qui n’entre pas dans ses pouvoirs.
– une mesure de médiation a été proposée, acceptée par M. et Mme [G], mais en juin 2021, Mme [O] a refusé d’y participer.
– Mme [O] témoigne d’une particulière mauvaise foi, et les relations sont tendues, une main courante ayant été déposée suite à des insultes.
– le tribunal a méconnu les termes du litige, puisque les demandes de M. et Mme [G] ne sont pas fondées sur l’article 544 du code civil et les troubles anormaux du voisinage, mais sur les dispositions de l’article 673 du code civil.
– la destination de jardin d’agrément donné à leurs parcelles par M. et Mme [G] est ici totalement indifférente. De même, est indifférente, l’existence ou non d’un préjudice.
– les arbres implantés sur la parcelle n°[Cadastre 5] sont situés à une distance inférieure à deux
mètres du chemin permettant l’accès à différentes parcelles, dont celles de Mme [D] et M. [G]. Ces derniers étant propriétaires indivis du chemin, ils sont donc fondés à solliciter l’arrachage sous astreinte des arbres ne respectant pas les distances légales sur le fondement de l’article 672 du code civil.
– sur l’élagage des arbres, les branches des arbres implantés sur les parcelles n°[Cadastre 1] et n°[Cadastre 5] appartenant à Mme [O] empiètent sur la propriété de M. et Mme [G] et aucune prescription ne peut faire échec à la demande d’élagage des branches des arbres qui empiètent sur leur propriété.
– l’empiétement est établi par constat d’huissier, photographies et reconnu par Mme [O] dans le cadre du protocole d’accord signé mais non exécuté.
– les feuilles, notamment celles provenant du noyer dont les branches surplombent une cabane de jardin, provoquent des difficultés d’entretien et d’écoulement des eaux pluviales de la toiture de la cabane.
– les branches des arbres plantés sur la parcelle n°[Cadastre 5] appartenant à Mme [O] empiètent non seulement sur le chemin indivis, mais aussi sur la parcelle de M. et Mme [G].
– Mme [O] n’a pas contesté la demande présentée par M. et Mme [G] tendant à leur élagage. Elle s’est contentée de contester l’arrachage des peupliers.
– Mme [O] n’établit d’ailleurs pas en quoi l’élagage serait de nature à nuire à l’arbre.
– pour ce qui concerne les arbres qui bordent la parcelle n°[Cadastre 5], un chemin indivis la sépare de la propriété de M. et Mme [G].
M. et Mme [G] sont bien propriétaires indivis, « avec divers copropriétaires à la voie privée », du [Adresse 7].
Pour demander la suppression de cet empiétement qui se poursuit sur leur parcelle, M. et Mme [G] n’ont nul besoin de l’autorisation des autres propriétaires du chemin
En outre, l’action en élagage, qui a pour objet la conservation des droits des indivisaires sur le fonds desquels s’étendent les branches des arbres du voisin, entre dans la catégorie des actes conservatoires que tout indivisaire peut accomplir seul. Aucun mandat ou autorisation n’est donc requis pour que l’indivisaire exerce seul une action en élagage, acte conservatoire des biens indivis.
– M. et Mme [G] sont bien fondés à invoquer les dispositions du code civil, mais également, ils sont fondés à solliciter l’exécution forcée du protocole signé par Mme [O], le tribunal n’ayant pas statué sur ce point ni répondu à leur moyen.
– à titre très subsidiaire, une mesure d’expertise est sollicitée.
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 27/07/2021, Mme [E] [O] [H] a présenté les demandes suivantes :
‘VOIR CONFIRMER le jugement entrepris ;
VOIR DÉBOUTER les consorts [G] de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions en appel ;
VOIR CONDAMNER les consorts [G] à verser à Mme [O] la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de Procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens’.
A l’appui de ses prétentions, Mme [E] [O] [H] soutient notamment que :
– sur la demande d’arrachage et d’élagage des arbres implantés sur la parcelle n°[Cadastre 5] appartenant à Mme [O], M. et Mme [G] se sont désistés en première instance de leur demande d’arrachage des 4 peupliers parcelle [Cadastre 1] et du noyer parcelle [Cadastre 5].
Ils sollicitent en appel l’arrachage de tous les arbres plantés sur la parcelle n°[Cadastre 5] hormis le noyer et qui ne respecteraient pas les dispositions précitées par le code civil, à savoir un érable, un conifère et un feuillu.
– ils doivent établir qu’ils sont plantés à moins de deux mètres de la limite séparative de son fonds avec le fonds voisin s’ils mesurent plus de deux mètres ou à une distance inférieure à celle que prévoient les usages locaux, et cette preuve est appréciée souverainement par le juge du fond.
– la demande d’élagage des branches nécessite, à l’évidence, qu’il soit établi que celles-ci avancent sur la propriété de celui qui en demande l’élagage.
– en l’espèce, la parcelle n°[Cadastre 5] est séparée des parcelles [Cadastre 2] et [Cadastre 3] appartenant aux époux [G] par la parcelle cadastrée n° [Cadastre 4] s’agissant d’un chemin d’accès.
Les arbres situés sur la parcelle n°[Cadastre 5] ne sont aucunement situés sur une parcelle jouxtant la parcelle appartenant aux époux [G].
Les dispositions des articles 671, 672 et 673 du code civil sont inapplicables.
– contrairement aux allégations des époux [G], Mme [O] n’est pas propriétaire indivise du chemin qui sépare les propriétés. Elle dispose seulement d’un droit de passage, selon acte de liquidation partage du 28 octobre 2011.
– M. et Mme [G] ne démontrent aucunement disposer d’une quelconque autorisation ou mandat des autres coindivisaires pour former en justice les demandes d’arrachage et d’élagage des arbres et leurs demandes seront rejetées.
– même si les époux [G] n’ont pas soulevé le fondement du trouble anormal de voisinage, cette théorie ne saurait trouver application en l’espèce, comme cela ressort du rapport établi par M. [Z] de la DREAL.
– le noyer est plus que trentenaire et la demande d’arrachage a été abandonnée.
– l’élagage des branches qui surplombent le chemin indivis et qui surplombent quelque peu le fonds voisin porterait nécessairement préjudice à cet arbre et le condamnerait.
Or, le noyer ne prodigue pas d’ombre sur la parcelle appartenant à M. et Mme [G].
– En ce qui concerne l’érable, la situation est exactement identique à celle du noyer.
– le pin pleureur de l’Himalaya, l’érable et le bouleau apparaissent sur les photographies versées aux débats, s’agissant d’une série de photographies faites en même temps en 1989, ce qui est confirmé dans le rapport de M. [Z].
Ces arbres sont également plus que trentenaires et étaient déjà présents lorsque Mme [O] a fait l’acquisition de sa propriété et l’article 672 du code civil trouvera application.
Les consorts [G] seront déboutés de l’intégralité de leurs demandes tendant à voir arracher et élaguer les arbres situés sur la parcelle n°[Cadastre 5].
– sur la demande d’élagage des arbres situés sur la parcelle n°[Cadastre 1] appartenant à Mme [O], M. et Mme [G] n’établissent pas au regard du constat d’huissier non contradictoire que les branches des quatre peupliers débordaient réellement sur la parcelle n°[Cadastre 2].
– à défaut de concessions réciproques, le protocole ne saurait constituer une transaction car il aboutissait à alourdir ses obligations, alors que M. et Mme [G] ne pouvaient exiger l’élagage du noyer situé sur une parcelle non contiguë.
– le tribunal ne pouvait être saisi d’une demande formée sur le protocole, dès lors que la mise en demeure du 25 novembre 2016 avait été adressée de manière prématurée puisque Mme [O] disposait encore à cette date de plus d’un mois pour exécuter les obligations mises à sa charge par le protocole.
– les époux [G] seront donc déboutés en tout état de cause de leur demande tendant à voir élaguer les peupliers situés sur la parcelle n°[Cadastre 1].
– l’application des articles 671 à 673 du code civil n’est pas d’ordre public et des règlements ou dispositions non contraignants pour le propriétaire des arbres peuvent s’appliquer dans un objectif de préservation des plantations. Le droit d’élagage peut être restreint et la vallée du Clain est en voie d’être classée.
– concernant l’ancienneté de ces peupliers, il sera d’ailleurs rappelé qu’il ressort du rapport de M. [Z] de la DREAL que ces peupliers ont au moins quarante ans, comme en témoigne la photographie prise en 1989. Ils sont des éléments importants du paysage et totalement remarquables.
– ces arbres ne portent en aucun cas un préjudice matériel et certains au fonds voisin et sont situés à plus de 3 mètres de la limite séparative de la propriété.
– un élagage non adapté peut mettre en péril la santé et même la vie d’un arbre et les époux [G] seront nécessairement déboutés de leur demande d’élagage des peupliers.
Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.
Par ordonnance en date du 08/06/2021, le conseiller de la mise en état a :
‘- dit n’y avoir lieu à ordonner la mesure d’instruction sollicitée
– condamné in solidum les époux [G] aux dépens de l’incident
– dit n’y avoir lieu à indemnité de procédure du chef de l’incident
– invité les parties à faire savoir au conseiller de la mise en état d’ici au 30 juin 2021 si elles acceptent une mesure de médiation’.
Vu l’ordonnance de clôture en date du 21/03/2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la recevabilité de l’appel :
En l’espèce, le jugement du 7 novembre a été qualifié en dernier ressort.
La Cour de cassation, par son arrêt du 9 juillet 1020, a déclaré irrecevable le pourvoi en cassation de M. et Mme [G], au motif que le jugement, qualifié à tort en dernier ressort, était susceptible d’appel, puisque la demande tendait à la condamnation du défendeur à l’exécution d’une obligation de faire, par elle-même d’une valeur indéterminée.
M. et Mme [G] ont pu ainsi relever régulièrement appel du jugement rendu en date du 29/07/2020, dès lors que le caractère erroné des voies de recours mentionnées à l’acte de signification d’un jugement a eu pour effet que le délai de recours n’avait pas couru.
Sur la demande d’arrachage des arbres :
M. et Mme [G] sollicitent la condamnation sous astreinte de Mme [O] a arracher les arbres plantés sur sa parcelle n° [Cadastre 5], soit un érable, un conifère et un feuillu, l’arrachage du noyer n’étant pas sollicité.
L’article 671 alinéa 1 du code civil dispose que : ‘il n’est permis d’avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes près de la limite de la propriété voisine qu’à la distance prescrite par les règlements particuliers actuellement existants, ou par des usages constants et reconnus et, à défaut de règlements et usages, qu’à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d’un demi- mètre pour les autres plantations’.
L’article 672 alinéa 1 du code civil dispose en outre que ‘le voisin peut exiger que les arbres, arbrisseaux et arbustes, plantés à une distance moindre que la distance légale, soient arrachés ou réduits à la hauteur déterminée dans l’article précédent, à moins qu’il n’y ait titre, destination du père de famille ou prescription trentenaire’.
En l’espèce, M. et Mme [G] versent aux débats un constat d’huissier de justice établi le 15 mars 2017 par Maître [T].
Celui-ci a indiqué ‘je constate tout d’abord quatre peupliers en Sud/Sud Ouest en limite de propriété (parcelle n°[Cadastre 1]) dont les branches sont largement débordantes au-dessus du terrain des requérants. Ils semblent âgés d’environ 25 années et mesurent minimum 30 mètres’…
‘je constate par la suite en Nord/Nord Ouest (parcelle n°[Cadastre 5]) la présence de diverses essences
d’arbres dont les branches sont également débordantes tant au-dessus du chemin en indivision que sur le fonds des requérants et de gauche à droite :
– Un noyer dont les branches débordent de plus de 3,50 mètres environ,
– Un érable dont les branches débordent de manière similaire au noyer,
– Et à la suite, un conifère et un feuillu dont les branches débordent dans une moindre mesure
(environ 1 mètre)’.
Toutefois, il convient de constater que la parcelle n° [Cadastre 5] de Mme [O] sur laquelle les 3 trois arbres litigieux sont plantés n’est pas contiguë avec les parcelles privatives n° [Cadastre 2] net [Cadastre 3] propriété de M. et Mme [G] qui ne peuvent arguer du défaut de respect des distances au regard de la situation de ces deux parcelles.
Par contre, M. et Mme [G] justifient de la propriété indivise du chemin d’accès cadastré n° [Cadastre 4] sur lequel Mme [O] ne dispose que d’un droit de passage.
Ils sont recevables en leur qualité de propriétaires indivis à agir au titre des dispositions de l’article 672 du code civil au titre de la conservation de leurs droits, leur action entrant dans la catégorie des actes conservatoires que tout indivisaire peut accomplir seul.
Par contre, il résulte de l’examen des photographies prises en 1989 et versées aux débats, ainsi que du compte-rendu de visite établi par M. [R] [Z] de la DREAL, en date du 5 septembre 2017, sans qu’une mesure d’expertise soit nécessaire ou opportune, que l’érable sycomore, le bouleau et le conifère (pin pleureur de l’Himalaya) tout comme le noyer dont l’arrachage n’est plus demandé existaient déjà antérieurement à 1989, leur hauteur dépassant alors les deux mètres, étant rappelé que la prescription trentenaire pour la réduction des arbres à la hauteur déterminée par l’article 671, n’est pas la date à laquelle les arbres ont été plantés, mais la date à laquelle ils ont dépassé la hauteur maximum permise.
En conséquence, la demande d’arrachage formée par M. et Mme [G] à l’égard des 3 arbres situés sur la parcelle n° [Cadastre 5] de Mme [O] est irrecevable au regard de l’application de la prescription trentenaire.
Sur la demande d’élagage des arbres :
Selon l’article 673 du code civil : ‘celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin peut contraindre celui-ci à les couper. Les fruits tombés naturellement de ces branches lui appartiennent. Si ce sont les racines, ronces ou brindilles qui avancent sur son héritage, il a le droit de les couper lui-même à la limite de la ligne séparative.
Le droit de couper les racines, ronces et brindilles ou de faire couper les branches des arbres, arbustes ou arbrisseaux est imprescriptible’.
L’article 544 du code civil dispose que ‘la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements’.
L’article 651 du même code précise que ‘ la loi assujettit les propriétaires à différentes obligations l’un à l’égard de l’autre, indépendamment de toute convention’.
Il est suffisamment établi par le constat circonstancié dressé par Maître [T] que tant l’érable, le bouleau et le conifère sis sur la parcelle n° [Cadastre 5] de Mme [O] que le noyer planté sur la même parcelle présentent des branches qui avancent effectivement tant sur les parcelles n° [Cadastre 2] et [Cadastre 3] de M. et Mme [G] que sur leur parcelle indivise n° [Cadastre 4].
De même, il est précisément constaté que les quatre peupliers en Sud/Sud Ouest en limite de propriété (parcelle n°[Cadastre 1]), agés d’au moins 40 ans selon M. [Z], présentent des branches largement débordantes au-dessus du terrain des requérants.
Il convient de relever que ces arbres ne font pas l’objet d’une mesure administrative de protection particulière, interdisant leur élagage, et qu’il ne s’agit pas ici d’envisager leur abattage.
S’agissant du protocole d’accord du 23 mars 2016 prévoyant l’élagage des peupliers, noyer et érable, et dont il est constant qu’il n’a pas exécuté, Mme [O] objecte qu’elle n’était pas tenue de l’exécuter car il est dépourvu de concessions réciproques.
Les époux [G] ne réfutent pas cette argumentation.
La lecture du protocole d’accord signé le 23 mars 2016 ne révèle aucune concession de la part des époux [G], qui ne renoncent à rien ni ne s’engagent à rien.
Il ne peut être retenu, au surplus alors même que les époux [G] ne le prétendent pas, que leur désistement formalisé d’une demande initiale d’arrachage de 4 peupliers et un noyer, dont le protocole ne fait nullement mention, correspondrait à leur part de concession.
L’exposé liminaire figurant à la rubrique de ce protocole dédiée à l’objet du litige fait uniquement état de branches des arbres de Mme [O] empiétant sur la propriété [G];
Dans ces conditions, Mme [O] est fondée à se dire non tenue d’exécuter ce protocole d’accord.
M. et Mme [G] sont néanmoins recevables et fondés à solliciter en vertu des dispositions légales déjà citées l’élagage des arbres propriété de Mme [O], au droit de la propriété de M. et Mme [G] et notamment du chemin indivis cadastré n° [Cadastre 4], cette mesure devant être ordonnée sans qu’une mesure d’expertise soit nécessaire, sous astreinte, par application des dispositions de l’article 673 du code civil.
Sur les dépens et l’application de l’article 699 du code de procédure civile:
Il résulte de l’article 696 du code de procédure civile que ‘ La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. (…).’
Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens de première instance et d’appel seront fixés à la charge de Mme [E] [O] [H] .
Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile :
Il est équitable de condamner Mme [E] [O] [H] à payer à M. [R] [G] et Mme [X] [D] épouse [G] la somme fixée au dispositif du présent arrêt sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et en dernier ressort,
DÉCLARE recevable l’appel de M. [R] [G] et Mme [X] [D] épouse [G].
INFIRME le jugement, sauf en ce qu’il a :
– pris acte du désistement de M. [R] [G] et Mme [X] [D] épouse [G] de leur demande d’arrachage de 4 peupliers et un noyer.
– dit n’y avoir lieu à un transport sur les lieux.
– débouté Mme [E] [O] [H] de sa demande de dommages et intérêts.
Statuant à nouveau,
DIT n’y avoir lieu à expertise judiciaire.
DIT que Mme [E] [O] [H] est fondée à ne pas exécuter le protocole d’accord du 23 mars 2016
DÉCLARE irrecevable comme prescrite la demande d’arrachage d’un érable, un conifère et un feuillu sis sur la parcelle n° [Cadastre 5] de Mme [E] [O] [H].
CONDAMNE Mme [E] [O] [H] à procéder à l’élagage de l’érable sycomore, du bouleau et du conifère sis sur sa parcelle n° [Cadastre 5], du noyer planté sur la même parcelle et des quatre peupliers en limite de propriété sur sa parcelle n°[Cadastre 1].
ORDONNE à Mme [E] [O] [H] de procéder ou faire procéder dans les six mois de la signification du présent arrêt à ces élagages au droit des limites de ses parcelles n° [Cadastre 5] et [Cadastre 1], confrontées aux parcelles n°[Cadastre 2], [Cadastre 3] et également [Cadastre 4], dont M. et Mme [G] sont propriétaires.
DIT que faute d’y avoir procédé dans ce délai, Mme [E] [O] [H] sera débitrice d’une astreinte provisoire de 50 € par jour de retard pendant 6 mois.
Y ajoutant,
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires.
CONDAMNE Mme [E] [O] [H] à payer à M. [R] [G] et Mme [X] [D] épouse [G] à la somme de 1500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause de première instance et d’appel.
CONDAMNE Mme [E] [O] [H] aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,