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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
1re chambre C
ARRÊT
DU 5 JUILLET 2018
N° 2018 / 505
N° RG 17/11988
N° Portalis DBVB-V-B7B-BAYNW
Massimo X…
C/
Michel L…
Daniele Y… épouse L…
Sébastien Z…
Sandrine Z… épouse A… B…
Grosse délivrée
le :
à :
Me C…
Me M… D…
Décision déférée à la cour :
Ordonnance de référé rendue par le président du tribunal d’instance de Grasse en date du 18 mai 2017 enregistrée au répertoire général sous le n° […].
APPELANT
Monsieur Massimo X…
né le […] à Molinella (Italie)
de nationalité française
demeurant […]
représenté et assisté par Me Laurent-Attilio C… de la SELARL EY VENTURY AVOCATS, avocat au barreau de Marseille
substitué par Me Marion N…, avocate au barreau de Grasse, plaidant
INTIMÉS
Monsieur Michel L…
né le […] à Damgan (56750)
demeurant […]
Madame Danièle Y… épouse L…
demeurant […]
représentés par Me Paul D… de la E…, avocat au barreau d’Aix-en-Provence,
assistés par Me Stéfano F…, avocat au barreau de Nice, plaidant
Monsieur Sébastien Z…
demeurant […] – Bajo 2 – 28723 Pedrezuela (Espagne)
Madame Sandrine Z…
demeurant […]
non comparants
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 29 mai 2018 en audience publique. Conformément à l’article 785 du code de procédure civile, Madame Lise Leroy-Gissinger, conseillère, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La cour était composée de:
Madame Geneviève TOUVIER, présidente
Madame Lise LEROY-GISSINGER, conseillère
Madame Annie RENOU, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : madame Sylvie MASSOT.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2018.
ARRÊT
Rendu par défaut,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2018,
Signé par madame Geneviève TOUVIER, présidente, et madame Caroline BURON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Exposé du litige
Les époux L… sont propriétaires d’une maison située […] et sont voisins d’une parcelle appartenant en indivision à Sandrine et Sébastien Z… et à M. X…, qui l’habite.
Le 20 septembre 2016, M. et Madame L… ont assigné Sandrine et Sébastien Z… ainsi que M. X… devant le juge des référés du tribunal d’instance de Grasse afin qu’ils soient condamnés à procéder à l’abattage d’un cèdre situé à proximité de leur maison sous astreinte et, subsidiairement, à ce qu’une expertise soit ordonnée.
Par ordonnance réputée contradictoire faute de comparution de Sébastien et Sandrine Z…, du 18 mai 2017, le juge des référés a :
‘ condamné M. X…, Sébastien Z… et Sandrine Z… à abattre ou faire abattre à leur frais le cèdre, objet du litige, planté sur leur fonds à la limite de celui de M. et Madame L…, dans les deux mois suivant la signification de l’ordonnance sous astreinte de 10 € par jour de retard,
‘ rejeté le surplus des demandes,
‘ condamné les défendeurs à payer aux époux L… la somme de 300 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par déclaration du 22 juin 2017, M. X… a formé un appel général contre cette décision.
Par ses dernières conclusions du 16 mai 2018, il demande à la cour de :
– dire que le juge des référés est incompétent en l’absence de dommage imminent,
– au vu de l’autorité de la chose jugée par un arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence du 10 octobre 2012, dire que l’autorité de la chose jugée rend les demandes irrecevables,
A titre subsidiaire,
– écarter le rapport rendu par M. G…,
– juger que le cèdre ne présente pas de danger immédiat,
En tout état de cause,
– débouter les époux H… de leurs demandes,
– les condamner à une amende civile de 6000 euros,
– les condamner à lui verser la somme de 6000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par leurs dernières conclusions du 23 février 2018, M. et Madame L… sollicitent :
‘ la confirmation de l’ordonnance de référé en ce qu’elle a ordonné l’abattage de l’arbre et la condamnation des défendeurs à leur verser une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ la condamnation de M. X… à leur verser la somme de 6000 € à titre d’indemnité provisionnelle à valoir sur des dommages-intérêts outre la somme de 6000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
À titre subsidiaire, ils sollicitent la désignation d’un expert sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile.
Sébastien Z… et Sandrine Z…, tous deux domiciliés […], ont été assignés le 18 mai 2018, et n’ont pas constitué avocat.
Motifs de la décision
A titre préliminaire, il sera noté que bien que M. et Mme L… soutiennent dans les motifs de leurs conclusions que M. X… n’a ni qualité ni intérêt à agir, ils n’en tirent aucune conséquence dans le dispositif de leurs écritures sur lequel la cour d’appel doit uniquement statuer, en application de l’article 954 du code de procédure civile.
Il sera relevé au demeurant que M. X… justifie être propriétaire indivis de la propriété sur laquelle est implanté le cèdre en cause et que l’indivisibilité du litige à l’égard des autres indivisaires a pour conséquence que son appel produit effet à l’égard des autres (article 553 du code de procédure civile).
Sur l’autorité de la chose jugée et la concentration des moyens :
Si l’autorité de la chose jugée s’oppose à ce qu’un litige ayant donné lieu à une décision soit jugé à nouveau entre les mêmes parties, même sur des moyens qui n’auraient pas été initialement soulevés, il n’en est pas de même s’il est justifié d’un élément nouveau. Un élément nouveau permet également au juge des référés de statuer malgré l’existence d’une décision au fond antérieure.
En l’espèce, il est constant qu’un arrêt de la présente cour d’appel, statuant au fond, du 10 octobre 2013 a rejeté la demande d’abattage, de réduction ou d’étêtage de l’arbre, dans un litige opposant les mêmes parties après qu’une expertise avait été ordonnée, dont le rapport avait été déposé le 27 mars 2012. La cour avait en revanche condamné M. X…, Mme Z… et M. Z… à couper toutes les branches de l’arbre surplombant le terrain de M. et Mme L…, sous astreinte, ce qui a été exécuté. S’agissant de la demande d’abattage, la cour avait retenu l’acquisition de la prescription.
Le litige était alors fondé sur l’article 672 du code de procédure civile et le trouble anormal de voisinage, alors qu’il est aujourd’hui fondé sur le dommage imminent permettant au juge des référés de statuer (article 809 du code de procédure civile).
Le fait que l’arbre soit devenu dangereux depuis la décision rendue serait de nature à constituer un élément nouveau permettant d’échapper à l’autorité de la chose jugée ou à l’obligation de concentration des moyens. Encore faut-il que cette dangerosité soit établie.
Or, en l’espèce, aucune des expertises produites de part et d’autre, toutes non contradictoires, ne font état d’un dommage imminent lié à un fait particulier (notamment l’élagage et l’étêtage subi par l’arbre depuis l’arrêt de 2013) ou à la croissance naturelle ou au vieillissement de l’arbre. Aucun des experts ne met en évidence de signe de fragilité de l’arbre, étant relevé en outre que la présence de chenilles processionnaires a été traitée. En effet, ‘l’arbre continue de croître’ , il est ‘en assez bon état végétatif et même assez vigoureux’ , il apparait ‘en bonne santé’ (expertise I…) et il ne présente pas de ‘symptômes visuels attestant un risque de basculement ou de rupture’ (expertise J…). Si l’expert I… conclut néanmoins à la nécessité de l’abattre, de même que M. G…, c’est en considération de circonstances non objectivées (‘est-on sur que la résistance au sol par son système racinaire pourra tenir le coup en cas de tempête ”), ou de supputations (conséquences éventuelles de la foudre) qui ne caractérisent pas un dommage imminent.
Dans ces conditions, l’autorité de la chose jugée s’oppose à ce que la demande d’abattage soit examinée à nouveau.
Sur la demande d’expertise :
Les parties s’opposent depuis plusieurs années sur la nécessité d’abattre cet arbre et remettent en cause la qualité et la validité des expertises non contradictoires qu’elles produisent. Par ailleurs, le rapport déposé par M. J… indique qu’en raison de l’élagage réalisé à la suite de la décision de 2013, il y a lieu de procéder à une surveillance de l’arbre, pour vérifier l’apparition de symptômes qui pourraient témoigner d’une éventuelle mauvaise adaptation à ce traitement.
Dans ces conditions, M. et Mme L… justifient d’un motif légitime au sens de l’article 145 du code de procédure civile, pour voir organiser, à leur frais avancés, une expertise destinée à vérifier, dans un cadre contradictoire, l’évolution de l’arbre à la suite de son élagage.
Sur les autres demandes :
M. et Mme L… obtenant en partie gain de cause, leur action ne peut être jugée abusive. La demande de leur condamnation à une amende civile ne peut donc qu’être rejetée. Il en sera de même de la demande de provision sur dommages et intérêts, qui n’est au demeurant pas motivée, présentée par M. et Mme L….
La partie défenderesse à une expertise ne constituant pas une partie perdante et la demande d’élagage étant déclarée irrecevable, M. et Mme L… seront condamnés aux dépens et à verser à M. X… la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Leur demande formée sur le même fondement sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour,
– Infirme l’ordonnance,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
– Déclare irrecevable la demande d’abattage du cèdre situé sur la propriété indivise de M. X… et de M. et Mme Z…,
– Ordonne une expertise de l’arbre, confiée à M. Didier K…
190 chemin de la Pierre O…
[…]
Avec mission de :
– Convoquer les parties et leur avocat et se faire remettre toute pièce utile à la mission, notamment les précédentes expertises réalisées,
– Se rendre chez M. X…, […] – Le Riou – à Grasse et procéder à tout examen du cèdre en cause ainsi que de son environnement, permettant de déterminer sa dangerosité éventuelle, en en détaillant précisément les symptômes et les causes,
– Le cas échéant, faire toute préconisation concernant sa dangerosité,
– Répondre explicitement et précisément, dans le cadre de ces chefs de mission, aux dires des parties, après leur avoir fait part de ses premières conclusions dans un pré rapport et leur avoir imparti un délai pour présenter ces dires, délai qui ne pourra être inférieur à un mois,
– Dit que l’expert pourra, s’il le juge nécessaire, recueillir l’avis d’un autre technicien dans une spécialité distincte de la sienne,
– Désigne le magistrat chargé du contrôle des expertises du tribunal d’instance de Grasse pour contrôler l’expertise ordonnée,
– Dit que l’expert devra déposer son rapport au greffe du tribunal d’instance de Grasse dans les quatre mois de l’avis de consignation, sauf prorogation du délai dûment sollicitée auprès du juge du contrôle en temps utile,
– Dit que conformément à l’article 173 du code de procédure civile, en le mentionnant dans l’original, l’expert devra remettre aux parties et aux avocats copie de son rapport,
– Dit que M. et Mme L… devront consigner dans les deux mois de la présente décision la somme de 2000 € à la Régie d’Avances et de Recettes du tribunal d’instance de Grasse destinée à garantir le paiement des frais et honoraires de l’expert,
– Rappelle qu’à défaut de consignation dans le délai et selon les modalités imparties, la désignation de l’expert est caduque, à moins que le magistrat chargé du contrôle de la mesure, à la demande d’une des parties se prévalant d’un motif légitime, ne décide une prorogation du délai ou un relevé de caducité,
– Rejette la demande de provision formée par M. et Mme L…,
– Dit n’y avoir lieu à amende civile,
– Condamne M. et Mme L… à verser à M. X… la somme de 2000euros,
– Rejette la demande formée sur le même fondement par M. et Mme L…,
– Condamne M. et Mme L… aux dépens de première instance et d’appel.
Le greffier,La présidente,