Élagage : 27 mars 2018 Cour de cassation Pourvoi n° 17-80.994

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Élagage : 27 mars 2018 Cour de cassation Pourvoi n° 17-80.994
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N° P 17-80.994 F-D

N° 361

CG10
27 MARS 2018

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :


La société Bobst Lyon,

contre l’arrêt de la cour d’appel de LYON, 7e chambre, en date du 25 janvier 2017, qui l’a condamnée pour infractions à la réglementation relative à l’hygiène et à la sécurité des travailleurs, à 4 000 euros d’amende et pour blessures involontaires, à 3 000 euros d’amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 6 février 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. RICARD, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;

Sur le rapport de M. le conseiller RICARD, les observations de la société civile professionnelle GATINEAU et FATTACCINI, de la société civile professionnelle DE NERVO et POUPET, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général LEMOINE ;

Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué, du rapport de l’inspection du travail, base de la poursuite, et des autres pièces de procédure, que M. Lionel Z…, ouvrier recruté auprès d’une entreprise de travail intérimaire pour le compte de la société Bobst Lyon, a eu le doigt d’une main arraché en travaillant sur une machine de modèle tour conventionnel “Cazeuneuve type HB 725” ; que la société Bobst Lyon ayant été poursuivie, notamment, des chefs d’emploi de travailleur temporaire sur un poste à risque sans organisation de formation renforcée, de mise à disposition de travailleur d’équipement de travail ne permettant pas de préserver la sécurité et de blessures involontaires ayant occasionné une incapacité de travail n’excédant pas trois mois, a été déclarée coupable des chefs susvisés par le tribunal correctionnel ; que la société prévenue a relevé appel de cette décision, le procureur de la République ayant interjeté appel à titre incident, M. Z…, partie civile, ayant limité son appel aux seuls intérêts civils ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, § 2, de la Convention européenne des droits de l’homme, L. 4741-1, L. 4321-1, L. 4321-4, R. 4324-2 du code du travail, 121-2 et 121-3 du code pénal, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

“en ce que l’arrêt attaqué a déclaré la société Bobst Lyon coupable de mise à disposition de travailleur d’équipement de travail ne permettant pas de préserver sa sécurité et l’a condamnée à une amende délictuelle de 4 000 euros ;

“aux motifs propres que la société Bobst Lyon est prévenue d’avoir dans le département du Rhône à Vénissieux, le 8 juillet 2013, en tout cas depuis non couvert par la prescription, laissé utiliser par un salarié, M. Lionel Z…, un équipement de travail, en l’espèce un tour conventionnel dont les éléments mobiles de travail étaient accessibles et qui n’était pas installé, équipé et utilisé de manière à préserver la santé et la sécurité des travailleurs, infraction commise pour son compte par un de ses organes ou représentant, en l’espèce, M. Ralph A…, président de la société Bobst Lyon ; qu’il résulte du rapport de l’APAVE, réalisé à la demande de l’inspection du travail que l’équipement en question, mis en service dans l’établissement en 1964, est un tour parallèle conventionnel, machine d’usinage par enlèvement de métal, à pièce tournante et outil fixe sur un support mobile ; qu’elle sert à la réalisation de diverses opérations d’usinage de pièces, telles que le tournage ou le perçage, principalement en acier et ponctuellement en aluminium ou en bronze ; que selon l’utilisateur, elle est principalement destinée à la retouche de pièces ou à la réalisation de pièces spéciales en très petites séries ; que le rapport relève, dans ses conclusions, les dispositions techniques non conformes au code du travail suivantes :
– l’office de passage des barres associé à l’arbre d’ébauche n’est pas muni d’un protecteur empêchant l’accès à la broche par l’arrière ;
– des éléments mobiles de travail sont accessibles par absence de protection, protections défectueuses ou protections insuffisantes ;
– le protecteur fixe placé à l’arrière de la zone de travail, ne présente pas de rigidité suffisante ;
– le protecteur amovible placé devant l’outil ne comporte pas de moyens permettant son maintien en place de manière sûre
-la mise en marche des éléments mobiles peut être commandée de manière involontaire si le levier de mise en marche du moteur est resté dans l’une des positions de marche, l’appui sur le bouton poussoir « mise en route », entraînant directement le moteur et donc la broche et le mandrin, et la vis mère, et/ou la barre de chariotage ;
– des organes de services ne sont plus identifiés ;
– la vanne quart de tour permettant d’ouvrir ou de fermer l’arrosage du fluide de coupe est située en zone dangereuse ;
– le positionnement des organes de service sur la face avant du support droit entre 250 et 300 mm du sol ne permet pas une manoeuvre ergonomique de ces derniers ;
– le volant associé à l’avance manuelle longitudinale entraîné par rotation lors de l’avance automatique du traînard, présente des zones à risque de coincement des mains entre les parties fixes environnantes ;
– les leviers de mise en marche du moteur ne sont pas protégés contre les manoeuvres non intentionnelles ;
– l’appui sur la barre d’arrêt sur son côté gauche a un effet aléatoire sur la fonction d’arrêt de la machine ;
– la présence d’électricité derrière la porte du coffret n’est pas indiquée ;
– les positions de la poignée du sectionneur ne sont plus correctement réalisées ;
– l’installation électrique de la machine n’est pas réalisée selon les prescriptions de l’arrêté du 23 décembre 2011 ; que ces constatations, ainsi que celles de l’inspection du travail ne sont contredites par aucun élément de preuve à la procédure ; que la société Bobst Lyon ne démontre pas au surplus, dans la limite ou certains des éléments mobiles ne pouvaient être rendus inaccessibles en tout ou partie durant leur fonctionnement, compte tenu des opérations à réaliser et nécessitant l’intervention de l’opérateur, avoir installé, dans la limite de ce qui est techniquement possible, des protecteurs ou dispositifs de protection de ces éléments mobiles, ni disposé, protégé, commandé ou équipé l’équipement en question de façon à réduire les risques au minimum ; que le fait, pour un employeur de faire travailler un salarié sur un équipement de travail, présentant des non-conformités aux dispositions techniques d’utilisation notamment définies par les articles R. 4324-1 et suivants du code du travail, contrevient aux dispositions de l’article L. 4321-1 du code du travail qui prévoit que les équipements de travail et les moyens de protection mis en service ou utilisés dans les établissements destinés à recevoir des travailleurs sont équipés, installés, utilisés, réglés et maintenus de manière à préserver la santé et la sécurité des travailleurs, y compris en cas de modification de ces équipements de travail et de ces moyens de protection ; que M. A…, président de la société Bobst Lyon depuis le 1er novembre 2012, ne pouvait ignorer le caractère ancien de l’équipement et insuffisamment entretenu, tel que cela ressort du rapport de l’APAVE, les risques potentiels de son utilisation pour les ouvriers, la nécessité dans la mesure où l’entreprise continuait à faire travailler des salariés sur cet équipement de le maintenir conforme aux dispositions en matière de sécurité du code du travail ; que la société Bobst Lyon s’en trouve ainsi responsable de l’infraction qui lui est imputée commise pour son compte par un de ses organes et représentants ; que le jugement déféré qui l’a déclarée coupable de ces faits sera en conséquence confirmé ;

“et aux motifs éventuellement adoptés qu’en application de l’article L. 4321-1 du code du travail, « les équipements de travail et les moyens de protection mis en service ou utilisés dans les établissements destinés à recevoir des travailleurs sont équipés, installés, utilisés, réglés et maintenus de manière à préserver la santé et la sécurité des travailleurs, y compris en cas de modification de ces équipements de travail et de ces moyens de protection » ; que certes, aux termes de l’articles R. 4324-2 du code du travail, « lorsque certains de ces éléments mobiles ne peuvent être rendus inaccessibles en tout ou partie pendant leur fonctionnement compte tenu des opérations à accomplir et nécessitent l’intervention de l’opérateur, ces éléments mobiles sont, dans la mesure de ce qui est techniquement possible, munis de protecteurs ou dispositifs de protection. Ceux-ci limitent l’accessibilité et interdisent notamment l’accès aux parties des éléments non utilisées pour le travail. Lorsque l’état de la technique ne permet pas de satisfaire aux dispositions des premier et deuxième alinéas, les équipements de travail sont disposés, protégés, commandés ou équipés de façon à réduire les risques au minimum » ; que le tour conventionnel Cazeneuve a été mis en service en 1964 ; que si la société Bobst soutient qu’il ne pouvait techniquement être installés de protecteurs de sécurité, elle ne justifie pas ses dires et quand bien même serait retenue l’hypothèse de l’impossibilité d’installer des dispositifs de protection empêchant l’accès aux parties des éléments mobiles non utilisés pour le travail, il n’est pas plus démontré que le tour conventionnel a été équipé ou protégé de manière à réduire les risques au minimum parce qu’une barre de sécurité a été installée ; que si la faute du salarié a été invoquée, elle n’est pas démontrée ; que le délit est constitué ;

“1°) alors que l’existence de manquements en matière de sécurité du travail doit être appréciée au jour de la commission des faits reprochés sans pouvoir être déduite de la seule et unique survenance de l’accident ; qu’il n’est pas contesté en l’espèce que le tour parallèle Cazeneuve avait fait l’objet d’un diagnostic de conformité dans le cadre du décret 93/40 du 11 janvier 1993 qui n’avait relevé aucun des points de défaillance mis en évidence dans les conclusions du rapport de l’APAVE établi à la suite de l’accident ; qu’il est par ailleurs établi que la société avait mis en place un maintien en conformité de la machine litigieuse puisque des actions avaient été régulièrement entreprises, notamment les 7 décembre 2006, 15 février 2006 et 11 mars 2007, lorsque des dysfonctionnements avaient été constatés, et que ces derniers avaient été immédiatement traités par le service de sécurité et de maintenance de l’entreprise ; qu’en déduisant la culpabilité de la société Bobst du chef de mise à disposition de travailleur d’équipement de travail ne permettant pas de préserver sa sécurité, des seules conclusions du rapport de l’APAVE ayant conclu à l’existence de certaines non-conformités, sans avoir nullement établi que son représentant aurait été alerté d’une quelconque façon, antérieurement à l’accident, sur des carences de sécurité de la machine litigieuse, nonobstant le diagnostic de conformité dont elle avait fait l’objet, et nonobstant le fait que, depuis 1964, cet équipement n’avait jamais été à l’origine, à sa connaissance, d’un accident du travail, la cour d’appel n’a, en réalité déduit l’existence d’une faute pénale que de la seule et unique survenance de l’accident, privant de ce fait sa décision de toute base légale au regard des textes visés au moyen ;

“2°) alors qu’il résulte des dispositions de l’article R. 4324-2 du code du travail que lorsque certains des éléments mobiles concourant à l’exécution du travail et pouvant entraîner des accidents par contact mécanique, ne peuvent être rendus inaccessibles en tout ou partie pendant leur fonctionnement compte tenu des opérations à accomplir et nécessitent l’intervention de l’opérateur, ces éléments sont, dans la mesure de ce qui est techniquement possible, munis de protecteurs ou dispositifs de protection ; que lorsque l’état de la technique ne permet pas de satisfaire à ces dispositions, les équipements de travail sont disposés, protégés, commandés ou équipés de façon à réduire les risques au minimum ; qu’un manquement à ces dispositions ne peut être établi que s’il a été démontré avec certitude que la prévision d’un dispositif de protection des éléments mobiles était techniquement possible, ou à défaut qu’aucune mesure de protection de l’équipement de travail n’a été prise pour réduire les risques au maximum ; qu’en déclarant la société Bobst coupable de ces manquements, sans avoir recherché ni établi que la prévision d’un dispositif de protection était techniquement possible et sans avoir démontré en quoi les mesures prises par la société Bobst, tenant à l’installation d’un dispositif d’arrêt d’urgence commandé à la jambe, et à la stricte interdiction du port des gants lorsque la machine est en rotation, étaient insuffisantes à « réduire les risques au maximum », la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision de condamnation au regard des exigences d’appréciation concrète de la faute pénale d’imprudence requises par l’article 121-3, alinéa 3, du code pénal ;

“3°) alors que la charge de la preuve de la culpabilité du prévenu incombe à la partie poursuivante et que le doute profite à l’accusé ; qu’il appartenait en l’espèce à la partie poursuivante de prouver l’existence des manquements reprochés à la société Bobst sur le fondement de l’article R. 4324-2 du code du travail en établissant que cette dernière n’avait pas installé de dispositif de protection empêchant l’accès aux parties des éléments mobiles, alors que cela était techniquement possible, et à tout le moins, en démontrant que la machine litigieuse n’avait pas été équipée ou protégée de manière à réduire les risques au minimum ; que pour déclarer la prévenue coupable des manquements précités, la cour d’appel se borne à reprocher à la société Bobst de ne pas avoir démontré avoir installé dans la limite de ce qui est techniquement possible des dispositifs de protection des éléments mobiles, ni protégé l’équipement de façon à réduire les risques au minimum ; qu’en prononçant ainsi par ces motifs impliquant un renversement de la charge de la preuve, la cour d’appel a méconnu les textes et principes visés au moyen, ensemble le principe de la présomption d’innocence, et privé sa décision de toute base légale” ;

 


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