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24/09/2018
ARRÊT N°261
N° RG 13/00037
CM/MT
Décision déférée du 22 Novembre 2012 – Tribunal de Grande Instance de Castres – 12/00591
M. X…
SCI BATH
C/
David Y…
INFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
1ere Chambre Section 1
***
ARRÊT DU VINGT QUATRE SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT
***
APPELANTE
SCI BATH
La Prade
[…]
Représentée par Me Jean-louis Z…, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉ
Monsieur David Y…
[…]
La Prade
81660 PONT DE L’ARN
Représenté par Me Bruno A…, avocat au barreau de CASTRES
COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l’affaire a été débattue le 26 Février 2018 en audience publique, devant la Cour composée de :
C. BELIERES, président
C. ROUGER, conseiller
C. MULLER, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : C. BERNAD
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par C. BELIERES, président, et par C.PREVOT, greffier de chambre.
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte authentique en date du 29 novembre 1957, M. Charles B… et son épouse ont vendu à sa soeur, Mme Odette B… veuve Y…, une parcelle de terre en nature de friches d’une contenance d’environ un hectare cadastrée section […] n°772P lieudit ‘La Prade’ à PONT DE L’ARN, qui a été grevée d’une servitude de vue constituée dans l’acte au profit de la maison construite par les vendeurs sur le terrain restant leur appartenir; il a été convenu, à cet effet, que ‘la hauteur de tout arbre ou obstacle quelconque pouvant se trouver présentement ou ultérieurement sur le terrain faisant l’objet des présentes ne pourra dépasser une hauteur limite de huit mètres’.
Le fonds dominant, désormais cadastré section […], […] et […], est devenu la propriété de la SCI BATH pour lui avoir été apporté le 7 avril 1997 par M. Michel C… qui en avait fait l’acquisition le 11 mai 1976.
Le fonds servant, désormais bâti et cadastré section […], […] et […], est devenu la propriété de M. David Y… qui l’a reçu le 28 décembre 2009 en donation-partage de son père, M. Didier Y…, lui-même devenu seul propriétaire du bien le 13 août 2008 dans le cadre du partage de la succession de sa mère, Mme Odette B… veuve Y…, décédée le […].
Tous les actes translatifs de propriété du fonds servant, désormais séparé du fonds dominant, qui le surplombe, par la parcelle […] à usage de chemin, rappellent l’existence de la servitude.
La SCI BATH, qui a installé un générateur photovoltaïque sur la parcelle […] et demandé à M. Didier Y… le 18 décembre 2008 de se conformer à la clause de servitude, réitérant ainsi la demande faite par M. Michel C… à Mme Odette B… veuve Y… le 8 février 2008 au motif que toute zone d’ombre dans le champ solaire représenterait un handicap à la production d’énergie, a fait assigner M. Didier Y… le 6 août 2010 devant le juge des référés du tribunal de grande instance de CASTRES au visa de l’article 809 du code de procédure civile afin qu’il lui soit enjoint sous astreinte de réduire à moins de huit mètres la hauteur de tous les arbres plantés sur sa propriété.
Après rejet de ses demandes par une ordonnance rendue le 23 novembre 2010, qui l’a condamnée à verser, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, les sommes de 500 euros à M. Didier Y… et de 1000 euros à M. David Y… intervenu volontairement à l’instance, elle a fait assigner ce dernier le 5 avril 2011 devant le tribunal d’instance de CASTRES au visa des articles 637 et 639 du code civil et R221-16 du code de l’organisation judiciaire afin qu’il soit condamné à respecter la hauteur maximale de huit mètres pour tout arbre et obstacle situé sur sa propriété.
Par jugement en date du 29 novembre 2011, le tribunal saisi s’est déclaré incompétent en raison de la matière au profit du tribunal de grande instance de CASTRES auquel le dossier de la procédure a été directement transmis.
Par jugement en date du 22 novembre 2012, assorti de l’exécution provisoire, le tribunal de grande instance a écarté l’exception tirée de l’irrecevabilité de la demande et, sur le fond, a débouté la SCI BATH de ses demandes et l’a condamnée à payer à M. David Y… la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Suivant déclaration en date du 3 janvier 2013, la SCI BATH a relevé appel général de ce jugement.
Par arrêt rendu le 3 mars 2014 et rectifié le 28 avril 2014, la cour d’appel de céans, adoptant les motifs du premier juge sur l’absence de preuve que l’élagage des arbres remettrait en cause le bon accomplissement du cycle naturel de l’écureuil roux en infraction à l’article L411-1 du code rural et à l’arrêté du 23 avril 2007, sur le fait que la création de la parcelle […] à usage de chemin entre les fonds Y… et BATH n’est pas de nature à rendre la servitude litigieuse inutilisable au sens de l’article 703 du code civil et sur l’intention des parties de préserver par cette servitude, en l’absence de détermination des points de mire, la vue depuis la maison de la SCI BATH vers la vallée qu’elle surplombe et considérant, par ailleurs, que le point de départ du délai de prescription extinctive par non-usage pendant trente ans, prévu par les articles 706 et 707 du code civil, est le jour où l’arbre considéré a atteint la hauteur de huit mètres que la servitude impose de ne pas dépasser, sans qu’il y ait lieu de se référer à une quelconque ligne de foi, a ordonné une expertise confiée à M. Charles D…, aux frais avancés de la SCI BATH, avec mission de déterminer la date à laquelle chacun des arbres plantés sur le fonds Y… a atteint cette hauteur, les dépens étant réservés.
Dans son rapport déposé le 27 février 2016, l’expert judiciaire a répertorié l’ensemble des arbres présents sur le fonds Y… en 2014, mesuré leur diamètre et leur hauteur et estimé pour chacun l’année où il pouvait avoir atteint la hauteur de huit mètres.
Dans ses dernières conclusions (en ouverture de rapport II) notifiées par voie électronique le 25 janvier 2018, la SCI BATH demande à la cour, au visa des articles 671, 672, 706, 707, 2240 et 2241 du code civil, de:
– à titre principal, réformant le jugement dont appel en ce qu’il a jugé que la servitude conventionnelle était éteinte par non-usage pendant trente ans, dire et juger que cette servitude n’est pas éteinte et qu’il conviendra de se placer à la date du 27 décembre 1978 pour chercher quels arbres ont pu atteindre la hauteur de huit mètres à cette date et ordonner une contre-expertise à l’effet de donner tous éléments et déterminer la hauteur de vue concernant les arbres n°11, 17, 29, 33, 39 et sur (sic) l’ensemble des arbres permettant de rétablir la vue de 1978, de déterminer et rétablir la vue disponible trente ans avant le 27 décembre 2008, soit le 27 décembre 1978, et de procéder au carottage à huit mètres de hauteur sur les arbres n°11 (pin parasol), 16 (cyprès), 17 (tilleul), 29 (cèdre de l’Atlas), 33 (chênes rouges) et 39 (pins), avec possibilité pour l’expert de se faire assister, au besoin, par un sapiteur
– à titre infiniment subsidiaire, si la cour ne devait pas ordonner une contre-expertise, ordonner l’élagage des arbres n°2 (chêne vert), 3 (chêne vert), 5 (trois chênes verts), 6 (chêne vert), 13 (hêtre), 14 (chêne vert), 15 (chêne vert), 17 (tilleul), 18 (hêtre), 20 (marronnier), 31 (hêtre) et 36 (deux frênes), ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir
– condamner l’intimé à lui verser une somme de 8000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens comprenant les frais d’expertise judiciaire, dont distraction au profit de Me Z…, avocat, sur le fondement de l’article 699 du même code.
Dans ses dernières conclusions (récapitulatives après expertise n°2) notifiées par voie électronique le 9 janvier 2018, M. David Y… demande à la cour de:
– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté la SCI BATH de l’ensemble de ses demandes et l’a condamnée à lui payer une indemnité de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens
– en toute hypothèse, au visa des articles 706 et 707 du code civil, dire et juger que le premier acte interruptif de prescription est l’assignation en référé en date du 6 août 2010, que les arbres du fonds Y… qui avaient une hauteur supérieure à huit mètres avant le 6 août 1980 bénéficient donc de la prescription extinctive, que la servitude invoquée est éteinte par non-usage pendant trente ans et que, pour les rares arbres qui ne peuvent bénéficier de la prescription, leur élagage ou abattage ne serait d’aucun intérêt pour quiconque et constituerait donc un abus de droit et débouter en conséquence la SCI BATH de toutes ses demandes
– à titre subsidiaire, dire et juger également que, dans leur ensemble, les demandes actuelles de la SCI BATH constituent un abus de droit et les rejeter
– débouter la SCI BATH de sa demande de contre-expertise, subsidiairement, donner à l’expert la même mission que celle confiée à M. Charles D… en écartant les chefs de mission par elle proposés et la débouter de sa demande subsidiaire d’élagage des arbres n° 3, 5, 6 et 13 qui n’ont pas encore atteint la hauteur de huit mètres et des arbres n°2, 14, 15, 17, 18, 20, 31 et 36 en ce qu’elle est inutile et constitue un abus de droit
– condamner la SCI BATH à lui payer une indemnité complémentaire de 8000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés devant la cour, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel comprenant les frais d’expertise judiciaire.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Conformément à l’article 707 du code civil, le délai de trente ans par lequel la servitude conventionnelle de vue constituée le 29 novembre 1957 est susceptible de s’éteindre par non-usage en vertu de l’article 706 du même code court, pour chaque arbre présent sur le fonds servant, à compter du jour où il a atteint la hauteur de huit mètres que cette servitude impose de ne pas dépasser.
Comme le fait valoir l’intimé, le courrier en date du 27 décembre 2008 par lequel son père a reconnu le bien-fondé de la demande de mise en conformité de la hauteur des arbres du fonds servant avec la clause de servitude, ce en ces termes:
‘Comme vous nous l’avez demandé et pour ne pas gêner le champ solaire autour de vos générateurs photovoltaïques, je m’engage à diminuer la hauteur des arbres en cause, comme il a été prévu par la clause de servitude de vue faite entre ma mère et mon oncle le 29 novembre 1957 et ceci courant mois de janvier 2009’,
ne saurait, s’agissant d’une reconnaissance de droit, d’interprétation stricte, concerner d’autres arbres que ceux qui, par leur présence en partie nord du fonds servant, à proximité du fonds dominant, pouvaient porter ombrage aux panneaux photovoltaïques pivotants installés sur le fonds dominant, à savoir onze épicéas communs (dont la silhouette peut évoquer le sapin de Douglas) plantés en haie en bordure du chemin séparant les deux fonds, que M. David Y… a fait abattre en septembre 2010 par M. Didier E…, entrepreneur de travaux forestiers, afin d’éliminer les zones d’ombre susceptibles de nuire à la production d’énergie électrique de la SCI BATH qui n’a étendu sa demande de réduction de hauteur à tous les arbres du fonds servant que dans l’assignation en référé en date du 6 août 2010, postérieure à ce courrier, non sans contradiction avec ses déclarations lors de la première réunion d’expertise en date du 16 avril 2014, selon lesquelles elle n’aurait jamais demandé que tous les arbres du fonds Y… soient maintenus à huit mètres de haut, mais seulement que les arbres de la ligne de crête le soient (voir page 4 du rapport d’expertise judiciaire).
Le délai de prescription trentenaire n’a donc été interrompu par ce courrier en vertu de l’article 2240 du code civil que pour les épicéas abattus, qui ne sont plus en litige, tandis que, pour les autres arbres, l’assignation en référé constitue, comme l’admet l’intimé, le premier acte interruptif de prescription en vertu de l’article 2241 du même code.
Dès lors, la prescription n’est susceptible d’être acquise que pour les arbres qui ont atteint la hauteur de huit mètres avant le 6 août 1980.
Afin de déterminer, pour chaque arbre, à quelle période il a pu atteindre cette hauteur, sans s’arrêter aux attestations produites, insuffisamment détaillées à cet égard, l’expert judiciaire s’est livré à un travail approfondi basé sur l’analyse de la littérature scientifique existante, notamment des données bibliographiques sur la relation âge/hauteur des arbres pour les genres et espèces d’arbres rencontrés sur le fonds Y…, sur l’étude des documents photographiques, en particulier des photographies aériennes de toutes les missions IGN disponibles sur la zone étudiée depuis 1948, sur les opérations du sapiteur géomètre-expert consistant en un relevé parcellaire et topographique du fonds Y…, un relevé géo-référencé des arbres les plus significatifs présents sur ce fonds en 2014 et un report des relevés sur les photographies aériennes des missions IGN les plus représentatives, à savoir celles des années 1964, 1966, 1978, 1985 et 2010, sur les relevés méthodiques et systématiques de la végétation actuelle du fonds Y… (genre et espèce, hauteur, circonférence à 1,30mètre du sol et particularité éventuelle), sur l’étude des milieux naturels, des sols et des conditions pédoclimatiques de la zone concernée, sur des carottages de vérification pratiqués à 1,30 mètre du sol en face nord sur des arbres jugés représentatifs et choisis au hasard par les parties, à savoir les arbres n°11 (pin parasol), 16 (cyprès), 17 (tilleul), 29 (cèdre de l’Atlas), 33 (un des trois chênes rouges) et 39 (un des 57 arbres de la pinède comprenant principalement des pins maritimes, une douzaine de pins laricio et deux pins sylvestres), sur l’étude de l’autoécologie des végétaux de la zone concernée, sur l’utilisation du modèle mathématique de GREENHILL & YOUNG communément utilisé dans les pays anglosaxons et adapté par lui à la situation de la zone concernée, sur les données recueillies auprès de sachants et sur ses propres connaissances scientifiques et techniques.
Il ressort du tableau 8 synthétisant l’ensemble de ces données en page 34 du rapport d’expertise qu’ont atteint une hauteur de huit mètres avant le 6 août 1980 les arbres ou groupes d’arbres n°1, 4, 8 à 12, 16, 19, 21 à 30, 32 à 35, 37 à 39.
Les critiques émises par l’appelante à l’encontre de ce rapport n’apparaissent guère pertinentes.
En effet, l’expert judiciaire n’a pas fait prévaloir les données théoriques résultant du modèle mathématique de GREENHILL & YOUNG, qu’il présente comme un outil à manier avec précautions et circonspection mais intéressant, en cas d’incohérence avec d’autres données étudiées, comme pour l’arbre n°11 (pin parasol) qui, visible sur la photographie aérienne de 1964 et mesuré à 16 mètres de haut en 2014, aurait 38 ans selon le modèle mathématique et 53 selon le carottage et dont la date d’apparition probable est fixée aux années 1958-1960 et la date de croissance à huit mètres aux années 1972-1975, ou encore pour l’arbre n°29 (cèdre de l’Atlas) qui, visible sur la photographie aérienne de 1964 et mesuré à 29 mètres de haut en 2014, aurait 77 ans selon le modèle mathématique et 54 selon le carottage et dont la date d’apparition probable est fixée aux années 1958-1960 et la date de croissance à huit mètres aux années 1966-1968 compte tenu de son tronc très court avec de très grosses branches charpentières à 1 ou 1,20 mètre du sol.
Les erreurs d’interprétation des photographies aériennes qui lui sont reprochées ne sont pas confirmées par l’examen de ces photographies, à une seule exception près concernant l’arbre n°16 (cyprès) qui, mesuré à 15 mètres de haut en 2014, serait apparu dans les années 1958-1960 et aurait atteint huit mètres de haut dans les années 1972-1975, bien qu’il ne soit pas visible sur les photographies aériennes de 1964 et 1966, mais seulement sur celle de 1978 et postérieures, et que le modèle mathématique lui donne 19 ans d’âge et le carottage 33, tous éléments reportant sa date de croissance à huit mètres après l’année 1980.
En particulier, s’agissant des arbres de la pinède n°39, l’expert judiciaire relève, à juste titre, que, dès 1948, un petit bosquet de pins, en fait une extension de la forêt de pins issus de la régénération naturelle poussant sur le fonds CROS en aval, était bien visible à l’angle sud-est de ce qui allait devenir le fonds Y…, que la vue aérienne de 1956 montre que la régénération naturelle de pins s’étend dans la partie sud-est de ce fonds, avec quelques individus épars présents dans sa partie sud-ouest et que, dès 1964 et sur les vues aériennes suivantes, on voit clairement un peuplement bien constitué qui occupe toute la partie sud du fonds d’est en ouest, de sorte qu’il est abusif de prétendre que ces arbres sont absents de la photographie aérienne de 1956.
En outre, l’expert judiciaire a, de manière tout aussi justifiée, écarté la méthode de carottage à 8 mètres du sol suggérée par les conseils techniques de la SCI BATH au motif que la technique de carottage, couramment employée pour déterminer l’âge d’un arbre, n’est conventionnellement pratiquée en France qu’à environ 1,30 mètre par rapport au niveau du sol, certains auteurs recommandant même de la pratiquer plus près du sol, entre 30 et 50 centimètres, comme dans les pays anglo-saxons, et qu’en l’espèce, un carottage à 8 mètres de haut aurait abouti dans plus de 80% des cas à prélever une carotte dans le houppier, dans une branche, ce qui n’aurait absolument pas été représentatif.
Quant à la méthode consistant à analyser les ombres portées des arbres visibles sur certaines photographies aériennes par rapport à des éléments de comparaison dont la hauteur est connue tels qu’un faîtage de toit, sa fiabilité n’est nullement démontrée.
Dès lors, la demande de contre-expertise de la SCI BATH ne pourra qu’être rejetée, d’autant qu’une partie de la mission d’expertise complémentaire sollicitée, relative à la détermination de la ‘ligne de vue’ actuelle, apparaît sans intérêt pour la solution du litige en ce qu’elle s’inspire de la notion de ligne de foi absente de l’acte constitutif de servitude, et son action sera jugée irrecevable comme atteinte par la prescription trentenaire pour les arbres n°1, 4, 8 à 12, 19, 21 à 30, 32 à 35, 37 à 39.
Subsidiairement, au fond, elle limite en appel sa demande d’élagage aux arbres n°2, 3, 5, 6, 13 à 15, 17, 18, 20, 31 et 36.
Cette demande sera rejetée pour les arbres n° 3, 5 et 6 (chênes verts) puisqu’il n’est pas établi que ces cinq arbres, le premier mesuré à 6 mètres de haut en 2014, les quatre autres à l’état d’arbrisseaux à cette date, ont dépassé la hauteur de huit mètres depuis le dépôt du rapport de l’expert judiciaire qui a estimé, sans pouvoir le certifier, qu’ils seraient susceptibles de l’atteindre, respectivement, en 2017-2020, 2020 et 2025.
En revanche, les dix autres arbres ont tous dépassé cette hauteur, y compris l’arbre n°13 (hêtre) qui, bien que présenté par l’expert judiciaire comme étêté et correspondant manifestement à l’un des deux hêtres que M. David Y… a fait écimer en mars 2011 par M. Didier E…, a été mesuré à 10 mètres de haut en 2014.
En outre, il n’est pas soutenu par M. David Y… que, du fait de la présence des arbres dont la SCI BATH n’est plus recevable à demander qu’ils soient ramenés à la hauteur de huit mètres, les choses se trouveraient en un état tel que la servitude de vue, devenue impossible à utiliser, serait éteinte en application de l’article 703 du code civil, mais tout au plus que la limitation à cette hauteur des quelques arbres susceptibles d’être élagués serait privée de toute utilité, et comme telle abusive, car ne lui permettant pas de bénéficier de la vue qu’elle revendique depuis sa maison vers la vallée que celle-ci surplombe.
Or le moyen tiré d’une simple inutilité de la servitude au regard d’une destination qui n’a pas été déterminée par les parties, notamment dans l’acte constitutif de servitude, est inopérant.
Par ailleurs, nonobstant l’évidente qualité paysagère du fonds servant, il n’est pas justifié d’un intérêt environnemental supérieur qui s’attacherait à la préservation des dix arbres concernés, à savoir trois chênes verts (arbres n°2, 14 et 15) plantés, soit en limite nord-ouest, soit en limite nord du fonds servant et mesurés entre 8 et 9 mètres de haut en 2014, trois hêtres (arbres n°13, 18 et 31) plantés, soit entre la limite nord du fonds servant et la maison édifiée sur ce fonds, soit au milieu du fonds servant et mesurés respectivement à 10, 14 et 12 mètres de haut en 2014, un tilleul (arbre n°17) planté à côté de cette maison et mesuré à 19 mètres de haut en 2014, un marronnier (arbre n°20) planté dans l’angle nord-est du fonds servant et mesuré à 15 mètres de haut en 2014 et deux frênes (arbres n°36) plantés en limite sud-ouest du fonds servant et mesurés à 15 mètres de haut en 2014.
Il n’est pas davantage justifié d’un ‘désastre écologique’ qu’entraînerait leur taille à huit mètres de hauteur, l’avis de M. Paul F…, technicien de l’Office National des Forêts, selon lequel les arbres seraient condamnés ou totalement défigurés s’ils venaient à être étêtés à cette hauteur car les tailles réalisées sur de très forts diamètres, à l’encontre de toutes les règles phytosanitaires, occasionnent l’apparition de pourritures et d’agents pathogènes, ne s’appliquant pas à ces arbres en particulier, mais aux arbres plus anciens et/ou plus grands qu’il décrit comme âgés d’environ 80 ans et d’une hauteur moyenne mesurée de 21 mètres.
La SCI BATH est donc en droit d’obtenir de M. David Y… la réduction par élagage jusqu’à huit mètres de hauteur des seuls arbres n°2, 13 à 15, 17, 18, 20, 31 et 36.
Afin d’assurer l’effectivité de cette mesure, la condamnation correspondante sera assortie d’une astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard pendant six mois, sauf à ne faire courir cette astreinte qu’à l’expiration d’un délai d’un an à compter de la signification de l’arrêt à intervenir afin de permettre à M. David Y… de programmer la taille de chaque arbre pendant la saison la plus adaptée.
La SCI BATH et M. David Y…, qui succombent tous deux sur partie de leurs prétentions, conserveront chacun à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’ils ont pu exposer, sans application de l’article 700 du code de procédure civile, et les dépens de première instance et d’appel, comprenant de droit la rémunération de l’expert judiciaire M. Charles D… conformément à l’article 695 du même code, sera répartie entre eux à hauteur des deux tiers pour la première et d’un tiers pour le second.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
INFIRME le jugement entrepris.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DÉBOUTE la SCI BATH de sa demande de contre-expertise.
La DÉCLARE irrecevable en son action pour les arbres n°1, 4, 8 à 12, 19, 21 à 30, 32 à 35, 37 à 39 présents sur le fonds de M. David Y… selon la nomenclature et le repérage figurant au tableau 7 en page 33 du rapport d’expertise de M. Charles D…, dont une copie demeurera annexée au présent arrêt.
La DÉBOUTE de sa demande subsidiaire d’élagage concernant les arbres n°3, 5 et 6 selon ces mêmes nomenclature et repérage.
CONDAMNE M. David Y… à réduire, ou faire réduire, par élagage jusqu’à huit mètres de hauteur les arbres n°2, 13 à 15, 17, 18, 20, 31 et 36 selon ces mêmes nomenclature et repérage, ce sous astreinte provisoire de 100 (cent) euros par jour de retard passé un délai d’un an à compter de la signification du présent arrêt et pour une durée de six mois.
DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.
MET les dépens de première instance et d’appel, comprenant les frais d’expertise judiciaire, à la charge de la SCI BATH à hauteur des deux tiers et de M. David Y… à hauteur d’un tiers et DIT qu’ils seront recouvrés directement par Me Jean-Louis Z…, avocat, conformément à l’article 699 du même code.
Le greffierLe président