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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-5
ARRÊT AU FOND
DU 02 MAI 2019
lu.b
N° 2019/ 269
N° RG 17/17051 – N° Portalis DBVB-V-B7B-BBGIQ
[B], [C],[I], [Q] [J]
[H], [L], [X] [R]
C/
[A] [M]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
SCP JOURDAN / WATTECAMPS ET ASSOCIES
SCP BUVAT-TEBIEL
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal d’Instance de FREJUS en date du 07 Juillet 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 16-000774.
APPELANTS
Monsieur [B], [C], [I], [Q] [J]
demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Jean-François JOURDAN de la SCP JOURDAN / WATTECAMPS ET ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Olivier REVAH de la SELARL SELARL GREGORY KERKERIAN ET ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
Madame [H], [L], [X] [R]
demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Jean-François JOURDAN de la SCP JOURDAN / WATTECAMPS ET ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Olivier REVAH de la SELARL SELARL GREGORY KERKERIAN ET ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIME
Monsieur [A] [M]
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Layla TEBIEL de la SCP BUVAT-TEBIEL, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Jérôme BRUNET-DEBAINES de la SCP BRUNET-DEBAINES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785,786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 Février 2019, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Luc BRIAND, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Laure BOURREL, Président
Madame Sophie LEONARDI, Conseiller
Monsieur Luc BRIAND, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Mai 2019.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Mai 2019
Signé par Madame Laure BOURREL, Président et Madame Danielle PANDOLFI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :
M. [A] [M] est propriétaire d’une parcelle de terrain située sur la commune de [Localité 1], [Adresse 3]t, formant le lot n° 53 du lotissement dit de «Bellevue», cadastrée section AC n°[Cadastre 1] pour une contenance de 1450 m2, sur laquelle est édifiée une villa.
Sa propriété est mitoyenne de la parcelle appartenant à M. [B] [J] et Mme [H] [R], formant le lot n° 52 du même lotissement et sur laquelle sont édifiées également une villa et une piscine.
Par acte d’huissier du 7 septembre 2011, M. [J] et Mme [R] ont sollicité du juge des référés la désignation d’un expert judiciaire avec pour mission de :
– décrire les désordres allégués tant dans l’assignation en référé que dans le constat d’huissier,
– dire si les arbres, ou de manière générale, toutes végétations présentes sur le terrain de [A] [M] ont obstrué leur vue, donner tous les éléments techniques qui permettront à la juridiction ultérieurement saisie d’apprécier les responsabilités encourues,
-déterminer les travaux nécessaires pour assurer la vue dont ils se prévalent et en chiffrer le coût,
-donner tous les éléments permettant d’apprécier les préjudices revendiqués (préjudice financier de jouissance).
Par ordonnance du 12 octobre 2011 du président du tribunal de grande instance de Draguignan, M. [G] [Q] a été désigné en qualité d’expert. Par ordonnance du 13 décembre 2011, M. [Z] a été désigné au lieu et place de M. [Q] empêché.
M. [Z] a déposé son rapport le 31 août 2012. (pièce 4)
Par acte d’huissier du 26 septembre 2016, M. [M] a été assigné par M. [J] et Mme [H] [R] à comparaître devant le tribunal d’instance de Fréjus à l’effet de le voir :
A titre principal,
– condamner à mettre sa végétation en conformité avec le cahier des charges sous astreinte de
1 000 euros par jour de retard : élaguer le pin de 2,20 m et le chêne de 1,25 m,
-condamner à maintenir sa végétation entretenue et taillée sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée,
A titre subsidiaire,
– condamner à faire cesser le trouble par la mise en conformité de la végétation, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard sur le fondement du trouble anormal de voisinage,
A titre encore plus subsidiaire,
– condamner à payer la somme de 600 000 euros en réparation du préjudice subi consistant à la perte de valeur de la propriété du fait de la privation de vue mer sur le fondement de l’article 1382 du code civil,
– condamner à la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [J] et Mme [R] se sont désistés devant le tribunal de leur demande d’indemnisation d’une perte de valeur de leur maison à hauteur de 600 000 euros et ont maintenu leurs autres demandes.
Par jugement du 7 juillet 2017 le tribunal d’instance de Fréjus a :
– débouté M. [J] et Mme [R] de l’intégralité de leurs demandes,
– débouté M. [M] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
– condamné M. [J] et Mme [R] à payer à M. [M] la somme de 800 euros sur le fondement de 1’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Le tribunal a relevé, pour l’essentiel, que le règlement du lotissement interdisait l’abattage des arbres, imposant au contraire leur maintien ou leur remplacement le cas échéant, et qu’il n’était pas prouvé que la servitude « non altius tollendi » visée à l’article 16 de ce règlement serait une servitude de vue mer au bénéfice des résidences.
Par acte du 14 septembre 2017, M. [J] et Mme [R] ont régulièrement relevé appel de ce jugement.
Dans leurs dernières conclusions signifiées par voie électronique le 12 octobre 2018, ils demandent à la cour de :
« Vu l’article L.449-9 du Code de l’urbanisme
Vu l’article 672 du Code civil
CONSTATER la caducité du règlement et du cahier des charges de l’ASL « BELLEVUE »
EN CONSEQUENCE
REFORMER en toutes ses dispositions le jugement du 7 juillet 2017
STATUANT à nouveau,
CONDAMNER M. [M] sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification de 1’arrêt à intervenir, à :
-Elaguer le chêne pour lequel aucun danger de mort n’est identifié selon les préconisations du rapport d’expertise [Z] en vue de rétablir la vue mer.
-Elaguer le pin selon les préconisations du rapport d’expertise [Z] en vue de rétablir la vue mer, et en cas de dégénérescence dudit pin, le remplacer par une essence similaire.
A TITRE SUBSIDIAIRE
INTERPRETER le règlement et le cahier des charges de l’ASL « BELLEVUE ».
DIRE ET JUGER que l’abattage des arbres n’est pas incompatible avec une situation de création de trouble anormal de voisinage caractérisée.
REFORMER le jugement du 07 juillet 2017
STATUANT à nouveau,
CONDAMNER M. [M] sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir :
Elaguer le chêne pour lequel aucun danger de mort n’est identifié selon les préconisations du rapport d’expertise [Z] en vue de rétablir la vue mer.
Elaguer le pin selon les préconisations du rapport d’expertise [Z] en vue de rétablir la vue mer, et en cas de dégénérescence dudit pin, le remplacer par une essence similaire.
EN TOUT ETAT DE CAUSE,
CONDAMNER M. [M] à leur payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts.
CONDAMNER M. [M] à leur payer la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que le remboursement des frais d’expertise judiciaire et entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP JOURDAN-WATTECAMPS & associés. »
En réplique, dans ses dernières conclusions signifiées le 7 août 2018, M. [M] demande à la cour de :
« – déclarer M. [J] et Mme [R] mal fondés en leur appel et les en débouter,
-déclarer irrecevables au visa de l’article 564 du code de procédure civile la demande de dommages et intérêts de M. [J] et de Mme [R] ainsi que leur demande de remboursement des frais d’expertise judiciaire et subsidiairement les rejeter,
-déclarer irrecevable la demande d’indemnisation de la dépréciation de leurs fonds à hauteur de 100 000 euros formulée par M. [J] et Mme [R] et subsidiairement la rejeter,
-débouter M. [J] et Mme [R] de toutes leurs autres demandes,
-confirmer le jugement du tribunal d’instance de Fréjus du 7 juillet 2017 en ce qu’il a débouté M. [J] et Mme [R] de 1’intégralité de leurs demandes et en ce qu’il les a condamnés au versement d’une indemnité de 800 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
-infirmer le jugement du tribunal d’instance de Fréjus du 7 juillet 2017 en ce qu’il a rejeté sa demande de dommages et intérêts et statuant à nouveau, condamner M. [J] et Mme [R] à lui verser la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Y ajoutant,
-condamner M. [J] et Mme [R] à lui verser une indemnité de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel ainsi qu’aux entiers dépens d’appel. »
En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières conclusions visées ci-dessus des parties, pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
L’ordonnance de clôture est en date du 12 février 2019.
SUR CE :
1. Sur la demande d’élagage et d’indemnisation :
Aux termes de l’article L. 442-9 du code de l’urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur : « Les règles d’urbanisme contenues dans les documents du lotissement, notamment le règlement, le cahier des charges s’il a été approuvé ou les clauses de nature réglementaire du cahier des charges s’il n’a pas été approuvé, deviennent caduques au terme de dix années à compter de la délivrance de l’autorisation de lotir si, à cette date, le lotissement est couvert par un plan local d’urbanisme ou un document d’urbanisme en tenant lieu. / De même, lorsqu’une majorité de colotis a demandé le maintien de ces règles, elles cessent de s’appliquer immédiatement si le lotissement est couvert par un plan local d’urbanisme ou un document d’urbanisme en tenant lieu, dès l’entrée en vigueur de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové. / Les dispositions du présent article ne remettent pas en cause les droits et obligations régissant les rapports entre colotis définis dans le cahier des charges du lotissement, ni le mode de gestion des parties communes. / Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux terrains lotis en vue de la création de jardins mentionnés à l’article L. 115-6. / Toute disposition non réglementaire ayant pour objet ou pour effet d’interdire ou de restreindre le droit de construire ou encore d’affecter l’usage ou la destination de l’immeuble, contenue dans un cahier des charges non approuvé d’un lotissement, cesse de produire ses effets dans le délai de cinq ans à compter de la promulgation de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 précitée si ce cahier des charges n’a pas fait l’objet, avant l’expiration de ce délai, d’une publication au bureau des hypothèques ou au livre foncier. / La publication au bureau des hypothèques ou au livre foncier est décidée par les colotis conformément à la majorité définie à l’article L. 442-10 ; les modalités de la publication font l’objet d’un décret. / La publication du cahier des charges ne fait pas obstacle à l’application du même article L. 442-10. »
En l’espèce, il n’est pas justifié par les appelants qu’à la date à laquelle ceux-ci ont engagé leur action dirigée contre M. [M], le lotissement aurait été couvert par un plan local d’urbanisme ou un document d’urbanisme en tenant lieu.
En tout état de cause, il résulte des stipulations du cahier des charges que celui-ci se borne à renvoyer au règlement, le complétant sur certains points, pour la fixation des droits et obligations régissant les rapports entre colotis, soulignant le caractère contractuel de ce règlement de sorte qu’en application du troisième alinéa de l’article L. 442-9 précité, les règles fixées aux articles 7, 8 et 16 du règlement ne peuvent être regardés comme caduques.
Aux termes de cet article 8 : « L’abattage des arbres est interdit, à l’exception de ceux situés à l’emplacement des aires de construction et des allées carrossables. / Les arbres doivent être remplacés immédiatement par des sujets de même essence qu’eux, à raison d’un pour un. / D’une façon générale, les acquéreurs sont tenus de maintenir dans leurs lots la densité d’un arbre de haute futaie par are. »
Les appelants sont certes fondés à soutenir que cette stipulation n’interdit pas tout élagage des arbres pendant leur croissance. Toutefois, au vu des pièces du dossier et en particulier du rapport d’expertise, l’élagage du pin et du chêne dans les proportions revendiquées par M. [J] et Mme [R], soit 2,20 mètres pour le premier et 1,25 mètre pour le second, comporterait au risque, que la cour estime certain, de mort de ces arbres et donc à leur inévitable abattage, soit une situation méconnaissant le règlement du lotissement.
Dès lors, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que M. [M] aurait méconnu les stipulations de ce règlement ni qu’il aurait, plus largement, manqué à une quelconque obligation de vigilance et d’entretien ni fait preuve de diligences insuffisantes dans l’entretien de son jardin.
Par ailleurs, et ainsi que l’a estimé le tribunal par des motifs pertinents que la cour adopte, aucune pièce du dossier ne permet d’établir que les consorts [J] bénéficiaient d’une servitude de vue sur la mer.
Enfin, au vu de la nature du lotissement en cause, boisé et dans lequel les arbres de haute futaie font l’objet d’une protection particulière, au contraire de la vue sur la mer dont peuvent bénéficier les biens, le trouble causé par les arbres de M. [M] aux consorts [J] ne revêt pas un caractère anormal.
Dès lors, si les demandes formées par ces derniers sont recevables, celles formées pour la première fois en appel se rattachant en effet aux prétentions originaires par un lien suffisant, elles ne peuvent qu’être rejetées.
2. Sur la demande en dommages et intérêts pour procédure abusive :
En vertu de l’article 1240, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
En l’espèce, il ne ressort d’aucune pièce du dossier que M. [J] et Mme [R] auraient commis un abus dans leur droit d’agir en justice. La demande sera donc rejetée.
3. Sur les autres demandes :
Il est équitable de mettre à la charge de M. [J] et Mme [R] une somme de 2 500 euros à verser à M. [M] au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Ils assumeront en outre la charge des dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement déféré,
Condamne M. [B] [J] et Mme [H] [R] à verser à M. [A] [M] une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [B] [J] et Mme [H] [R] aux dépens d’appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT