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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 70E
14e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 02 JUIN 2022
N° RG 21/03838 – N° Portalis DBV3-V-B7F-USMR
AFFAIRE :
[R] [T]
…
C/
[G] [F]
…
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 07 Juin 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CHARTRES
N° RG : 20/00180
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 02.06.2022
à :
Me Mathilde PUYENCHET, avocat au barreau de CHARTRES,
Me Mathieu KARM, avocat au barreau de CHARTRES,
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DEUX JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [R] [T]
né le 01 Mars 1977 à [Localité 5] (92)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Madame [D] [H] épouse [T]
née le 17 Mars 1980 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Mathilde PUYENCHET, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000034 – N° du dossier 1711, substituée par Me Baptiste PROUTHEAU
APPELANTS
INTIMES A TITRE INCIDENT
****************
Madame [G] [F]
née le 15 Janvier 1945 à [Localité 3]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Monsieur [B] [S]-[F]
né le 24 Septembre 1969 à [Localité 4]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Mathieu KARM de la SCP PICHARD DEVEMY KARM, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000040 – N° du dossier 34145
INTIMES ET APPELANTS A TITRE INCIDENT
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 04 Avril 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marina IGELMAN, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Nicolette GUILLAUME, Président,
Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller,
Madame Marina IGELMAN, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI,
EXPOSE DU LITIGE
Mme [G] [F] est propriétaire d’une maison d’habitation située [Adresse 1], comprenant une cour d’entrée et un jardin d’agrément à l’arrière, laquelle est entièrement clôturée d’un mur privatif surélevé d’un grillage tendu sur des piquets métalliques doublés d’une haie végétale, qu’elle habite avec son fils, M. [B] [S]-[F].
Par acte du 24 octobre 2017, M. [R] [T] et Mme [D] [H] épouse [T] sont devenus propriétaires du pavillon voisin, situé au numéro 21 de la même rue.
Le 10 juin 2020, au cours de travaux d’élagage de la haie végétalisée au niveau du grillage entrepris par Mme [F], M. [T] a retiré le grillage. Un constat d’huissier a été effectué et une plainte a été déposée par les consorts [S]-[F] pour détérioration du bien appartenant à autrui.
Par acte d’huissier de justice délivré le 18 août 2020, les consorts [S]-[F] ont fait assigner en référé M. et Mme [T] aux fins d’obtenir principalement leur condamnation à restaurer dans son exact état antérieur le grillage élevé sur le mur de clôture séparant leur propriété situé côté jardin [Adresse 1] et ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé ce délai de 15 jours suivant le prononcé de l’ordonnance, ainsi qu’à leur payer la somme de 5 000 euros à titre d’indemnité provisionnelle à valoir sur les préjudices subis, en particulier le préjudice moral.
Par ordonnance contradictoire rendue le 7 juin 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Chartres a :
– au principal, renvoyé les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront mais tous droits et moyen étant réservés,
– condamné M. et Mme [T] à procéder, sur le mur appartenant à M. [S]-[F] et Mme [F] à la pose d’un nouveau grillage tendu sur des piquets métalliques de dimension conforme à celle encore visible sur le piquet du mur pignon et de forme et de couleur identiques à celui supprimé aux fins de remise en état du bien et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 1er jour du deuxième mois suivant la signification de l’ordonnance,
– condamné M. [S]-[F] et Mme [F] à procéder à la taille du prunier à 50 cm de la limite de propriété de M. et Mme [T],
– condamné M. et Mme [T] à payer la somme de 1 200 euros à M. [S]-[F] et Mme [F] au titre de 1’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. et Mme [T] aux dépens,
– débouté les parties du surplus de leurs prétentions,
– rappelé que l’ordonnance bénéfice de l’exécution provisoire de droit.
Par déclaration reçue au greffe le 17 juin 2021, M. et Mme [T] ont interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition sauf en la condamnation prononcée à l’encontre des consorts [S]-[F].
Dans leurs dernières conclusions déposées le 28 mars 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, M. et Mme [T] demandent à la cour, au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile et 671 et 544 du code civil, de :
– confirmer la condamnation de M. [S]-[F] et Mme [F] à procéder à la taille du prunier à 50 cm de la limite de leur propriété ;
– infirmer le reste des dispositions de l’ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Chartres en date du 7 juin 2021 ;
ce faisant,
– dire qu’ils n’ont commis aucun trouble manifestement illicite ;
– débouter M. [S]-[F] et Mme [F] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
– condamner solidairement M. [S]-[F] et Mme [F] à :
– tailler leur lierre à hauteur de la crête du mur ;
– tailler leurs haies bordant le mur privatif à hauteur de la crête du mur ;
– traiter et enlever toutes les racines contre leur mur et de leur côté et placer un écran anti-racines ;
– supprimer toute l’armature, enlever et déposer la clôture qui s’avère détériorée et remettre en place, sans surplomb sur leur fonds, une clôture sur profils adaptés à l’aplomb même du mur de soutènement. Cette clôture pourra conserver la même hauteur et pourrait être d’aspect léger mais autorisant la protection visuelle (écran) pour chaque habitant. Les supports devront être cependant ancrés sur des platines afin d’éviter tous désordres dus aux intempéries ;
– effectuer la reprise des maçonneries sur le mur de soutènement par une entreprise spécialisée afin de procéder aux épingles ou agrafes afin de conserver le couronnement existant ;
– procéder au rabattage des arbres et à un élagage constant conformément aux articles 671 et 672 du code civil ;
ce dans les quinze jours suivant le prononcé de « l’ordonnance » à intervenir, sous astreinte de la somme de 150 euros par jour de retard ;
– condamner M. [S]-[F] et Mme [F] à leur verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et du présent appel, ainsi que les frais de recouvrement éventuels.
Dans leurs dernières conclusions déposées le 25 mars 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, M. [S]-[F] et Mme [F] demandent à la cour, au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile et 544 et suivants et 2278 du code civil, de :
– dire M. et Mme [T] irrecevables et en tout état de cause mal-fondés en leur appel principal formé à l’encontre de l’ordonnance de référé rendue le 7 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Chartres ;
– confirmer en conséquence la décision en toutes ses dispositions critiquées par M. et Mme [T] ;
– les dire recevables et fondés en leur appel incident formé à 1’encontre de la décision litigieuse ;
– réformant partiellement en conséquence ladite ordonnance de référé rendue le 7 juin 2021 ;
– condamner solidairement M. et Mme [T] sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé le délai de 15 jours suivant le prononcé de l’arrêt à intervenir à faire restaurer par un professionnel dûment qualifié en espaces verts dans son exact état antérieur le grillage doublé d’une haie végétale élevée sur la totalité du mur de clôture leur appartenant, situé à 1’arrière (coté jardin) de la maison d’habitation sise [Adresse 1], selon les travaux de clôture et plantation de lierres décrits par la société Arpaja dans son devis daté du 1er avril 2021, laquelle astreinte courra jusqu’à leur remise par M. et Mme [T] d’un duplicata de la facture dûment acquittée par eux à 1’entête du professionnel ayant effectué les travaux susmentionnés ;
– condamner sous la même solidarité M. et Mme [T] à leur verser à chacun une indemnité provisionnelle d’un montant de 5 000 euros à valoir sur leurs différents préjudices respectifs,
– condamner, toujours sous la même solidarité, M. et Mme [T] à leur verser la somme supplémentaire de 4 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en tous les dépens, article 696 du même code.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 29 mars 2022.
Par message en date du 23 mai 2022, la cour a sollicité les observations des parties sur le moyen soulevé d’office de l’éventuelle irrecevabilité des demandes respectives des parties relatives à l’élagage d’arbres et de haies en application des dispositions des articles 750-1 du code de procédure civile, R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l’organisation judiciaire, qui imposent aux parties, à peine d’irrecevabilité, de recourir préalablement à la saisine du juge, à un mode de résolution amiable des litiges.
Par messages du 24 mai 2022, le conseil des consorts [S]-[F] a indiqué qu’une vaine tentative de médiation avait bien eu lieu à la demande du juge de première instance et précisé que ses clients n’avaient pas saisi la juridiction des référés d’une action aux fins d’élagage d’arbres et de haies mais uniquement afin de voir restaurer dans son exact état antérieur le grillage élevé sur leur mur de clôture, outre le paiement de dommages et intérêts.
Par message du 25 mai 2022, le conseil de M. et Mme [T] rappelle également qu’une tentative de médiation a eu lieu et qu’en tout état de cause, les demandes des parties ne sont entachées d’aucune irrecevabilité, faisant observer que l’article 750-1 du code de procédure civile dispense les parties de cette obligation ‘lorsque l’exercice d’un recours préalable est imposé auprès de l’auteur de la décision’.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur les demandes relatives au grillage surplombant le mur séparatif :
M. et Mme [T], appelants, sollicitent l’infirmation de l’ordonnance querellée en soutenant tout d’abord que le juge des référés « n’est pas compétent » pour statuer sur la question de la propriété du grillage litigieux, qui relève du juge du fond.
Ils relatent que les anciens propriétaires de leur fonds avaient sollicité de pouvoir installer une clôture grillagée au-dessus du mur séparatif de propriété et que ce grillage est demeuré la propriété unique de leur fonds.
Ils ajoutent avoir à plusieurs reprises demandé vainement aux consorts [S]-[F] de couper la haie de lierre et le cerisier surplombant leur propriété, et que lors du passage de l’élagueur mandaté par les consorts [S]-[F], la taille de la haie a emporté la clôture grillagée, les obligeant à intervenir en urgence afin de sécuriser leur propriété.
Ils font valoir qu’il existe une contestation sérieuse sur la propriété du grillage litigieux et contestent l’argumentation adverse selon laquelle les consorts [S]-[F] seraient propriétaires du grillage par accession, étant propriétaires du mur en pierre sur lequel il est incorporé.
Ils prétendent quant à eux que le grillage installé au droit du mur, au-dessus de leur fonds, leur appartient comme le démontrent les photographies versées faisant apparaître que les éléments métalliques fixés dans le mur sont uniquement sur leur propriété, de même que le grillage fixé sur les cornières métalliques.
Ils ajoutent qu’ils bénéficiaient d’une servitude supportée par les consorts [S]-[F] puisque les piquets et grillages leur appartenant étaient fixés sur leur mur privatif, mais qu’en application de l’article 703 du code de procédure civile, la servitude étant dangereuse, ils ont choisi de ne plus en user.
Ils contestent ainsi l’injonction faite par le premier juge de remettre en état le grillage déposé, soutenant qu’ils étaient dans leur bon droit de le démonter, s’agissant de leur propriété, et alors qu’il menaçait de blesser.
Ils expliquent que la prolifération des végétaux du fonds des consorts [S]-[F], s’élevant jusqu’au grillage, a fait plier celui-ci sous leur poids, descellant les piquets, ce qui présentait un danger grave pour leur sécurité et celle de leurs enfants.
Ils précisent avoir dès 2018 sollicité les consorts [S]-[F] afin qu’ils coupent le buisson de lierre agrippé à leur grillage, en vain, et expliquent que c’est lors de l’intervention de l’entreprise Netten missionnée par les consorts [S]-[F] pour des travaux d’élagage, que M. [T] a retiré le grillage, qui était en train de s’effondrer, constituant ainsi un danger imminent pour leur famille.
Ils ajoutent qu’en tout état de cause, le devis présenté par les consorts [S]-[F], d’un montant de 21 546 euros, est manifestement excessif et que les travaux d’embellissement ou d’amélioration qu’il mentionne ne sauraient être mis à leur charge.
Les consorts [S]-[F], intimés, concluent quant à eux à l’existence d’une voie de fait constituant un trouble manifestement illicite justifiant la compétence du juge des référés.
Ils exposent que le grillage litigieux étant incorporé au mur appartenant à Mme [F], il lui appartient dès lors également par accession en application des dispositions de l’article 546 du code civil.
Surabondamment, ils arguent d’une atteinte à leur possession paisible, le trouble possessoire constituant lui-même un trouble manifestement illicite.
Ils reprennent à leur compte la motivation de l’ordonnance querellée et soulignent que c’est délibéremment que M. et Mme [T] ont cru pouvoir s’affranchir de l’obligation faite à tout justiciable de s’adresser à justice pour former, si bon leur semblait, une action en arrachage et élagage.
Ils forment un appel incident et demandent à ce que leurs voisins soient condamnés à faire restaurer par un professionnel dans son exact état antérieur le grillage doublé d’une haie végétale élevé sur la totalité du mur de clôture appartenant à Mme [F], sous astreinte.
Sur ce,
Aux termes de l’article 835 alinéa 1er du code de procédure civile, le juge du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
L’atteinte au droit de propriété constitue par elle-même une voie de fait et cause un trouble manifestement illicite qu’il incombe au juge des référés de faire cesser.
Au cas présent, il est admis par les deux parties en litige que le mur séparant leurs fonds respectifs est la propriété exclusive de Mme [F], les appelants indiquant notamment en page 8 de leurs conclusions qu’ils « ne contestent pas l’appartenance du mur de pierre à Madame et Monsieur [S] dans la mesure où les tuiles du chaperon du mur sont inclinées vers leur propriété ».
L’article 546 du code civil dispose que « La propriété d’une chose soit mobilière, soit immobilière, donne droit sur tout ce qu’elle produit, et sur ce qui s’y unit accessoirement soit naturellement, soit artificiellement.
Ce droit s’appelle “droit d’accession”. »
Toutefois, il découle de ce texte une présomption simple de propriété de l’accessoire de la chose principale, qui peut être renversée par la preuve contraire.
Or en l’espèce, si en application de ce texte, l’armature grillagée implantée sur le mur privatif appartenant à Mme [F] peut être considérée comme fondant une présomption de propriété par accession, il s’avère qu’il existe d’autres éléments susceptibles de faire la preuve contraire de l’appartenance du grillage litigieux à M. et Mme [T].
Ainsi, les intimés reconnaissent eux-mêmes (en page 2 de leurs conclusions) que le grillage a été posé au début des années 1980 pour des raisons de sécurité par les parents de M. [P] [A], vendeur de l’ensemble immobilier acquis par M. et Mme [T] le 24 octobre 2017.
Par ailleurs, il ressort des diverses photographies du mur séparatif et du grillage litigieux versées aux dossiers de plaidoiries des deux parties, que les cornières métalliques sur lesquelles sont fixées le grillage, ainsi que ce dernier, sont situés du côté du mur donnant sur la propriété des appelants.
Dès lors, la question de la détermination de la propriété du grillage litigieux ne peut être tranchée par le juge des référés, car à défaut de s’imposer avec la certitude requise en la matière, elle dépasse ses pouvoirs de juge de l’évidence.
Partant, il n’est pas davantage avéré, avec la certitude requise, qu’en procédant au retrait du grillage le 10 juin 2020, les intimés aient commis une voie de fait, alors qu’en outre, par lettre du 23 mai 2018, M. [T] avait sollicité son voisin en attirant son attention sur le fait que « les renforts installés sur le mur mitoyen (sic) présentent des ruptures au niveau de leurs fixations » et que « la végétation prise dans le maillage du grillage exerce une force plus importante que l’ancrage puisse supporter » et que par lettre recommandée du 20 mars 2020, il lui demandait « soit de ramener la hauteur de ces haies à moins de 2 mètres, soit de les arracher pour les replanter à plus de 2 mètres de la clôture », compte tenu des gênes occasionnées et de la « détérioration prématurée [du] mur ».
Dans ces circonstances, le trouble manifestement illicite allégué par les consorts [S]-[F] n’est pas caractérisé, de sorte que, par voie d’infirmation, il sera dit n’y avoir lieu à référé sur la demande des consorts [S]-[F] de restauration du grillage sur le mur séparatif.
La décision querellée sera cependant, au vu de ce qui précède, confirmée en ce qu’elle a débouté les consorts [S]-[F] de leur demande de réparation du préjudice moral.
Sur la demande relative à la taille du prunier appartenant aux intimés :
Les intimés sollicitent à titre incident l’infirmation de l’ordonnance critiquée en ce qu’elle les a condamnés à procéder à la taille du prunier à 50 cm de la limite de la propriété de M. et Mme [T], au motif qu’il ressort de l’attestation délivrée le 10 novembre 2020 par le président de la société d’Horticulture d’Eure-et-Loir que « du côté de la limite ouest, est implanté un prunier dont les branches ne surplombent pas le fonds voisin car elles sont élaguées régulièrement (‘) ».
Les appelants demandent la confirmation de l’ordonnance déférée sur ce point, soutenant que les intimés se contredisent puisqu’ils avaient indiqué dans leurs écritures de première instance que « la phase 2 des opérations d’élagage concernant l’unique arbre (un prunier et non un cerisier !) dont quelques branches empiètent sur le terrain des époux [T] va pouvoir s’effectuer cet automne ainsi que le commande le respect du cycle des végétaux », et ajoutant qu’ils démontrent par l’intermédiaire des photographies produites qu’il y a lieu de procéder à la taille du prunier.
Sur ce,
L’article 671 du code civil dispose que :
« Il n’est permis d’avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes près de la limite de la propriété voisine qu’à la distance prescrite par les règlements particuliers actuellement existants, ou par des usages constants et reconnus et, à défaut de règlements et usages, qu’à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d’un demi-mètre pour les autres plantations.
Les arbres, arbustes et arbrisseaux de toute espèce peuvent être plantés en espaliers, de chaque côté du mur séparatif, sans que l’on soit tenu d’observer aucune distance, mais ils ne pourront dépasser la crête du mur. »
Par ailleurs, en vertu des dispositions de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Or en l’espèce, force est de constater qu’outre le fait que les appelants n’indiquent pas le texte de droit qui permettrait au juge des référés de se prononcer sur leur demande, ils ne procèdent à aucune démonstration du non-respect par les consorts [S]-[F] du texte du code civil susvisé, ne précisant ni la hauteur de l’arbre, ni sa distance de la ligne séparative, se contentant de se référer à l’engagement de ces derniers à procéder à la taille du prunier à l’automne et de renvoyer à des photographies non annotées.
Partant, il sera dit n’y avoir lieu à référé sur la demande non étayée de M. et Mme [T] concernant le prunier des consorts [S]-[F] et l’ordonnance déférée sera infirmée en ce sens.
Sur les autres demandes de M. et Mme [T] :
Les appelants relatent qu’une cornière ainsi qu’une partie du grillage qu’ils n’avaient pas déposées ont fini par s’arracher du mur sous le poids des végétaux appartenant aux consorts [S]-[F], entraînant leur chute vers leur fonds voisin.
Ils demandent en conséquence à la cour de faire cesser ce trouble manifestement illicite en ordonnant aux consorts [S]-[F] de réaliser à leurs frais la taille de leur lierre à hauteur de la crête du mur, la taille de leurs haies bordant le mur privatif à hauteur de la crête du mur, le traitement et l’enlèvement de toutes les racines contre leur mur et de leur côté et placer un écran anti-racines, la suppression de toute l’armature et le dépôt de la clôture détériorée et la remise en place d’une autre clôture, la réalisation de la reprise des maçonneries sur le mur de soutènement, le rabattage des arbres et leur élagage conformément aux articles 671 et 672 du code civil.
Ils s’appuient sur le rapport de l’expert amiable qu’ils ont missionné, M. [Y] [K], mais précisent qu’à la réception de leurs conclusions comportant ces demandes, les consorts [S]-[F] ont pris l’attache avec une société d’entretien des espaces verts qui s’est présentée le 23 mars 2022 pour réaliser les coupes mentionnées.
Les consorts [S]-[F] rétorquent que ces demandes sont irrecevables car nouvelles en cause d’appel et qu’en outre, ils ne pourraient être condamnés à réaliser des travaux de maçonnerie sur leur propre mur, ni à reposer à leurs frais la clôture dont M. et Mme [T] revendiquent la propriété.
Sur ce,
L’article 564 du code de procédure civile dispose qu’ « à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait. »
Les articles 565 et 566 suivants précisent cependant que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent, ce qui est le cas en l’espèce des demandes de M. et Mme [T] qui avaient déjà sollicité du premier juge la condamnation des consorts [S]-[F] à tailler leur lierre et leurs haies.
Toutefois, en matière d’actions relatives à l’élagage d’arbres ou de haies, les dispositions des articles 750-1 du code de procédure civile, R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l’organisation judiciaire, imposent aux parties, à peine d’irrecevabilité, de recourir préalablement à la saisine du juge, à un mode de résolution amiable des litiges.
La dispense d’une telle obligation visée au 2° de l’article 750-1 susvisé concerne l’hypothèse où le juge ou l’autorité administrative doit, en application d’une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
Par ailleurs, quand bien même le premier juge a orienté les parties vers l’organisation d’une médiation, force est de constater que cette démarche n’a pas été préalable à la demande en justice de M. et Mme [T] .
En conséquence, à défaut d’avoir respecté ce préalable impératif, les demandes de M. et Mme [T] tendant à la taille et à l’élagage des végétaux seront déclarées irrecevables.
Les autres demandes de M. et Mme [T], relatives aux racines, à la clôture et à la reprise du mur de soutènement n’avaient effectivement pas été formées devant le premier juge.
Nouvelles à hauteur d’appel compte tenu des procédures spécifiques applicables en la matière, elles seront déclarées irrecevables.
Sur les demandes accessoires :
Compte tenu du sens de la présente décision, chacune des parties succombant partiellement, l’ordonnance sera infirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.
Pour la même raison, elles conserveront chacune la part des dépens de première instance et d’appel qu’elles ont exposés et par équité, elles seront toutes déboutées de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, tant en première instance qu’en appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant par arrêt contradictoire,
Infirme l’ordonnance du 7 juin 2021 en toutes ses dispositions à l’exception de ce qu’elle a débouté Mme [G] [F] et M. [B] [S] [F] de leur demande au titre de la réparation de leur préjudice moral,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes de Mme [G] [F] et M. [B] [S] [F] relatives au grillage ainsi que sur la demande de M.[R] [T] et Mme [D] [H] époue [T] relative à la taille du prunier,
Déclare irrecevables les demandes de M.[R] [T] et Mme [D] [H] épouse [T] relatives à la taille du lierre, des haies et des arbres, aux racines, à la clôture et à la reprise du mur de soutènement,
Dit que chaque partie conservera la charge des dépens qu’elle a exposés tant en première instance qu’en appel,
Dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu’en appel.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame Nicolette GUILLAUME, président, et par Madame Élisabeth TODINI, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,