Élagage : 2 juin 2022 Cour d’appel de Montpellier RG n° 21/05992

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Élagage : 2 juin 2022 Cour d’appel de Montpellier RG n° 21/05992
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délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre civile

ARRET DU 02 JUIN 2022

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 21/05992 – N° Portalis DBVK-V-B7F-PFM6

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 16 SEPTEMBRE 2021 PRESIDENT DU TJ DE MONTPELLIER N° RG 21/30550

APPELANT :

Monsieur [E] [R]

né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 11]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 8]

Représenté par Me Nathalie TRAGUET de la SELARL NATHALIE TRAGUET, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMES :

Madame [L] [H] épouse [W]

née le [Date naissance 3] 1972 à [Localité 13] (Belgique)

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représentée par Me Madeleine ARCHIMBAUD, avocat au barreau de MONTPELLIER

Monsieur [J] [W]

né le [Date naissance 6] 1962 à [Localité 10] BELGIQUE

de nationalité Belge

[Adresse 12]

[Localité 9] (BELGIQUE)

Représenté par Me Joanna SCHWARZ, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 17 Mars 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 MARS 2022, en audience publique, Béatrice VERNHET ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

Madame Myriam GREGORI, Conseiller, faisant fonction de Président

Madame Nelly CARLIER, Conseiller

Madame Béatrice VERNHET, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Laurence SENDRA

L’affaire, mise en délibéré au 19/05/22, a été prorogée au 02/06/22.

ARRET :

– Contradictoire

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Madame Myriam GREGORI, Conseiller, faisant fonction de Président et par Mme Laurence SENDRA, Greffier.

Monsieur [R] est propriétaire d’une maison sise [Adresse 4]) depuis 37 ans. Son fonds est contigu à l’ancienne propriété des consorts [H] -[W] qu’ils avaient acquise en 2014 pour la revendre en octobre 2019.

Un litige est né entre les parties en raison de la présence sur la propriété de Monsieur [W] et de Madame [H] de deux grands arbres, à savoir un cèdre du Liban et un grand pin d’Alep , qui selon Monsieur [R] présentaient un danger pour sa propriété, en ce sens que leur branchage, empiétait sur son terrain et surplombait la toiture de sa maison.

Après l’échec d’une mesure de médiation, Monsieur [R] a obtenu par ordonnance de référé en date du 31 octobre 2018 , sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile, une expertise , confiée à Madame [S] qui a déposé son rapport en avril 2019.

En lecture de ce rapport, Monsieur [R] a saisi le juge des référés, en mars 2021 sur le fondement de l’article 809 devenu 835 du code de procédure civile , pour obtenir principalement la condamnation de Monsieur [W] et de Madame [H] , au paiement d’une provision de 10 000 € en indemnisation de son préjudice.

Par ordonnance en date du 16 septembre 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Montpellier a :

– déclaré irrecevables comme étant prescrites les demandes de Monsieur [E] [R] sur le fondement de la théorie des troubles anormaux du voisinage ,

– dit n’y avoir lieu à référé, et renvoyé Monsieur [E] [R] à mieux se pourvoir s’agissant des demandes fondées sur la responsabilité délictuelle de Madame [L] [H] et de Monsieur [J] [W]

– condamné Monsieur [E] [R] à payer à Madame [L] [H] la somme de 800 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– condamné Monsieur [E] [R] à payer à Monsieur [J] [W] la somme de 800 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– rejeté la demande de Monsieur [E] [R] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– condamné Monsieur [E] [R] aux dépens, qui ne comprendront pas les frais liés au coût de l’expertise de [B] [S].

Monsieur [R] a relevé appel de cette ordonnance le 8 octobre 2021 , en critiquant chacune de ses dispositions.

Dans ses dernières conclusions , notifiées par voie électronique le 08 mars 2022 , auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, il demande à la cour de :

– infirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance de référé rendue le 16 septembre 2021 par le Président du Tribunal Judiciaire de Montpellier.

Statuant à nouveau,

Au principal, dire et juger recevable et bien-fondée la demande de Monsieur [R] en indemnisation de son préjudice sur la théorie du trouble anormal de voisinage

-condamner en conséquence solidairement Madame [L] [H] et Monsieur [J] [W] à payer à Monsieur [R] à titre de provision une somme de 10 000 € à valoir sur son préjudice de jouissance et moral

A titre subsidiaire, si d’aventure il est jugé que la demande de Monsieur [R] est prescrite sur le fondement de la théorie des troubles anormaux de voisinage,

-accueillir en tant que recevable et bien fondée la demande de Monsieur [R] en indemnisation de son préjudice de jouissance et moral sur le fondement de l’article 1240 du Code Civil, l’obligation pour Madame [H] et Monsieur [W] de réparer ne souffrant d’aucune contestation sérieuse

-condamner en conséquence solidairement Madame [L] [H] et Monsieur [J] [W] au paiement de la somme provisionnelle de 10 000 € à valoir sur le préjudice de jouissance et moral subi par Monsieur [R]

-débouter Madame [H] et Monsieur [W] de toutes leurs demandes

-condamner solidairement Madame [L] [H] et Monsieur [J] [W] au paiement de la somme de 4500.00 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

-condamner également sous la même solidarité Madame [L] [H] et Monsieur [J] [W] aux entiers dépens de l’instance comprenant les frais de l’expertise judiciaire.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 mars 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, Madame [H] demande à la cour de :

– confirmer l’ordonnance rendue le 16 septembre 2021 en toutes ses dispositions et notamment en ce qu’elle a :

– déclaré prescrite l’action de Monsieur [R] sur la théorie du trouble anormal de voisinage,

– dit n’y avoir lieu a référé compte tenu de la présence de contestations sérieuses quant à l’action délictuelle.

En conséquence,

– débouter Monsieur [R] de l’intégralité de ses demandes,

-condamner Monsieur [R] au paiement de la somme de 4.500€ au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 1 er décembre 2021, auxquelles il y a lieu de se référer pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, Monsieur [W] demande à la cour de

– confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue le 16 septembre 2021 par le juge des référés,

– débouter en tout état de cause, Monsieur [R] de l’ensemble de ses demandes, tenant l’existence de contestations sérieuses,

Y ajoutant,

-condamner Monsieur [R] à payer à Monsieur [W] la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile pour la procédure en appel,

– condamner Monsieur [R] aux entiers dépens de l’instance.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 17 mars 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour est saisie du seul appel principal de Monsieur [R], qui conteste la décision du premier juge ayant déclaré irrecevables certaines de ses prétentions et jugé les autres comme ne relevant pas des pouvoirs du juge des référés.

Monsieur [W] et Madame [H] ne recherchent de leur côté que la confirmation de la décision entreprise, en dehors d’une demande additionnelle en paiement d’indemnité fondée sur l’article 700 du Code de procédure civile.

(I ) Sur la demande en dommages intérêts fondée sur la théorie des troubles anormaux du voisinage.

Le juge des référés a déclaré irrecevable la demande de Monsieur [R] fondée sur l’action en responsabilité civile extra contractuelle pour troubles anormaux du voisinage , au motif que s’agissant non d’une action immobilière réelle mais d’une action en responsabilité civile, elle était soumise à une prescription quinquennale dont le délai débutait à compter de la première manifestation du trouble. S’appuyant sur le rapport d’expertise duquel il ressortait que les branches dépassaient sur la propriété et le toit ( s’agissant du cèdre du Liban ) de Monsieur [R] depuis 1969 , le magistrat a considéré que l’action était prescrite.

Monsieur [R] expose qu’il ressort de manière très claire du rapport d’expertise ( déposé au printemps 2019 ) que sa propriété souffre des nuisances occasionnées par les deux arbres, à savoir le cèdre du Liban et le pin d’Alep dont les branches empiètent sur sa parcelle.

Il indique que les mesures recommandées par l’expert sont, s’agissant du pin d’Alep un simple élagage tous les 4 ans, et l’abattage pour le cèdre. Il soutient qu’il doit être indemnisé que cela soit sur un fondement de la théorie des troubles anormaux du voisinage ou sur le fondement de la responsabilité civile même si son préjudice a cessé depuis le mois d’octobre 2019.

Il prétend que son action est imprescriptible en vertu de l’article 673 du Code civil duquel il ressort que celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres du voisin peut le contraindre à les couper. Il ajoute qu’en tout état de cause, même si son action doit être soumise à une prescription quinquennale, elle ne se trouve pas éteinte puisque les troubles ne sont devenus anormaux qu’à compter de l’année 2018.

Monsieur [W] et Madame [H] répliquent que Monsieur [R] ne peut se prévaloir du caractère imprescriptible du droit défini par l’article 673 du Code civil qui n’est pas applicable à l’espèce et qu’il ne démontre pas en quoi le trouble ne serait devenu anormal qu’à partir de l’année 2018.

La cour retient que le juge des référés a écarté à juste titre l’application de l’article 673 du Code civil revendiquée par Monsieur [R] pour asseoir l’imprescriptibilité de son action, dès lors que sa demande ne tend pas à la suppression des branchages surplombant sa propriété , cette situation ayant cessé depuis septembre 2019, mais à la réparation du préjudice subi pendant de nombreuses années .

En effet, la cour de cassation a, dans un arrêt de principe du 16 mars 2022, rappelé que l’ action fondée sur un trouble anormal du voisinage est une action en responsabilité civile extracontractuelle qui, indépendamment de toute faute, permet à la victime de demander réparation au propriétaire de l’immeuble à l’origine du trouble.

Ainsi, comme l’a retenu à juste titre le juge des référés, elle est soumise à la prescription quinquennale prévue par l’article 2224 du Code civil dont le point de départ se situe à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait du connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Monsieur [R] prétend que le trouble ne serait devenu anormal qu’au fil du temps au fur et à mesure de la croissance des deux arbres, et plus particulièrement à compter de l’année 2018, de sorte que son action ne serait pas atteinte par la prescription.

Cependant, il ressort du rapport d’expertise de Madame [S], que sur les deux arbres litigieux , le premier d’entre eux, à savoir le pin d’Alep n’entraîne aucune nuisance à la propriété de Monsieur [R], tandis que le cèdre qui surplombait la quasi totalité de la toiture de sa maison présente une dangerosité , par chute de branches notamment en cas d’événement météorologique ainsi que des nuisances liées au tapis d’aiguilles et de pommes de pin, et à la privation d’ensoleillement.

Par ailleurs, selon le technicien, les nuisances liées à la perte d’ensoleillement et à l’amoncellement des aiguilles et des pommes de pin sur la toiture de Monsieur [R], remontent à plus de trente ans, tandis que la dangerosité que peut présenter la chute de branches sur le toit, existe elle, depuis au moins une cinquantaine d’années.

Il est ainsi établi que Monsieur [R], propriétaire de cette parcelle depuis le 23 juillet 1984, ne pouvait ignorer cette situation qui existait déjà au moment où il a acheté l’immeuble et la subissait en tout état de cause depuis plus de cinq années lorsqu’il a introduit son action en justice devant la juridiction des référés en mars 2021.

En conséquence c’est par une exacte appréciation des circonstances de l’espèce et une juste appréciation de la loi que le premier juge a considéré qu’il n’était plus recevable à se prévaloir des troubles anormaux de voisinage.

(II ) Sur la demande en dommages intérêts fondée sur la responsabilité délictuelle.

Le juge des référés a débouté Monsieur [R], considérant que celui ci devait démontrer l’existence d’une faute imputable à Monsieur [W] et Madame [H] , et qu’en l’état des justificatifs d’élagage produits par ces derniers, le défaut d’entretien des arbres n’était pas avéré et se heurtait à une contestation sérieuse, le juge relevant par ailleurs que les arbres avaient été abattus en 2019 .

Devant la cour, Monsieur [R] estime que le premier juge ne pouvait pas rejeter sa demande en se fondant sur l’existence d’une contestation sérieuse quant au principe même de la responsabilité délictuelle de ses anciens voisins, alors que l’expert judiciaire, avait énoncé clairement en page 15 de son rapport ‘ qu’il n’identifie pas de cause autre que la responsabilité d’entretien des propriétaires du terrain sur lequel les arbres sont implantés’. Il considère que leur responsabilité civile délictuelle est engagée sur le fondement de l’article 1240 du Code Civil.

Monsieur [W] et Madame [H], affirment qu’ils n’ont commis aucun manquement à leur obligation d’entretien , en ce sens qu’ils ont fait procéder aux travaux d’élagage des deux arbres , dans les règles de l’art, par des entreprises qualifiées de sorte qu’aucune faute ne peut leur être utilement reprochée. Monsieur [W] ajoute que le fait qu’ils aient décidé de faire abattre le cèdre, postérieurement au dépôt du rapport d’expertise, ne permet pas déduire qu’ils reconnaissant une quelconque responsabilité.

La cour observe que Monsieur [R] fonde toujours ses prétentions sur les dispositions de l’article 1240 du Code civil , qui imposent à celui qui subi le dommage causé par autrui à démontrer l’existence de la faute qui en est à l’origine et non sur l’article 1242 du même code qui institue une responsabilité de plein droit du fait des choses que l’on a sous sa garde.

Monsieur [W] et Madame [H], justifient par la production des factures établies le 22 octobre 2015 ( facture Fages Elagage) et le 28 mai 2018 (société ‘l’arbre en tête ‘) qu’ils ont eu recours à des entreprises spécialisées pour procéder aux tailles et élagages des arbres litigieux, étant par ailleurs établi que le cèdre a été par la suite, soit en septembre 2019, purement et simplement abattu suivant les recommandations de l’expert.

Ainsi, même si Monsieur [R] a pu subir pendant plusieurs années les conséquences dommageables de la présence de ces deux arbres sur la propriété voisine de la sienne, aucune nuisance n’existe plus à ce jour, et son droit à réparation dont il entend se prévaloir à l’encontre de ses anciens voisins est bien sujet à contestations sérieuses, au regard des diligences accomplies par ces derniers, durant les cinq années au cours desquels ils ont été propriétaires du terrain.

Dans ces conditions , l’ordonnance de référé sera confirmée de ce chef et Monsieur [R], débouté de ses demandes de provisions.

(III) sur l’application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Compte tenu des circonstances de la cause, il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [W] et de Madame [H], l’intégralité des frais irrépétibles qu’ils ont du exposer pour assurer la représentation de leurs intérêts devant la cour d’appel. Monsieur [R], sera condamné de ce chef à verser à chacun d’eux la somme de 1000 € .

(IV) Sur les dépens

Monsieur [R], qui succombe sera condamné aux entiers dépens de la procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

-Confirme l’ordonnance rendue le 16 septembre 2021 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Montpellier en toutes ses dispositions critiquées,

– Condamne Monsieur [E] [R] à verser à Monsieur [J] [W] la somme de 1000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

– Condamne Monsieur [E] [R] à verser à Madame [L] [H] la somme de 1000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

– Condamne Monsieur [E] [R] aux entiers dépens de l’instance d’appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

 


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