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17/07/2018
ARRÊT N°18/499
N°RG: N° RG 18/00704
MT/VBJ
Décision déférée du 17 Novembre 2016 – Cour de Cassation de PARIS – K15-22.724
Décision déférée du 26 mai 2014 – TI d’AUCH
Eliane X… épouse Y… LA SEN
C/
Robert Z…
Jacques Z…
Pascal Z…
REFORMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
3ème chambre
***
ARRÊT DU DIX SEPT JUILLET DEUX MILLE DIX HUIT
***
APPELANTE
Madame Eliane X… épouse Y… LA SEN
LA PLAGNE
32300 LABEJAN
Représentée par Me Christine A…, avocat au barreau de GERS
INTIMES
Monsieur Robert Z…
EN TRAOUERE
[…]
Représenté par Me Michel B… de la SCP B… AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de GERS
Monsieur Jacques Z…
[…]
Représenté par Me Michel B… de la SCP B… AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de GERS
Monsieur Pascal Z…
EN TRAOUERE
[…]
Représenté par Me Michel B… de la SCP B… AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de GERS
COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l’affaire a été débattue le 06 Juin 2018 en audience publique, devant la Cour composée de :
C. E…, président
A. MAZARIN-GEORGIN, conseiller
V. BLANQUE-JEAN, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : M. BUTEL
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par C. E…, président, et par A. BORDE, greffier de chambre.
FAITS
MM. Robert et Jacques Z… ont constitué en 1980 le Gaec d’Entraouère.
Le 20 avril 1995, Mme F… a’:
– par un acte notarié, donné à bail à ferme pour 9 ans à MM. Robert et Jacques Z… une propriété agricole sise à Labejan cadastrée Section ZL n° 11b pour 14h a 80 a et 70 ca, la parcelle 11a en nature de bois étant exclue, et […] pour 4 ha 73 a et 30 ca, soit une superficie totale de 19 ha 54 a,
– par deux actes sous-seings privés, donné à bail sous régime dérogatoire du statut du fermage, pour un an renouvelable, à Robert Z… une partie de la parcelle […] pour une superficie de 3ha et à Jacques Z… une autre partie de la même parcelle pour une superficie de 4 ha 91 a 30 ca.
Ces terres ont été exploitées dans le cadre du Gaec.
Robert Z… prenant sa retraite le 31 décembre 2012 a, le 11 novembre précédent, demandé à Mme F… l’autorisation de céder à son fils Pascal à compter du 1er janvier 2013 son bail de 3 ha et le bail de 19 ha 54 a ‘sur la société d’Entraouère’.
Jacques Z…, a, le même jour, formulé la même demande en vue de son futur départ à la retraite, pour le bail de 4 ha 91 a 30 ca et le bail authentique.
Mme F… a refusé cette cession le 10 janvier 2013, invoquant des manquements commis par le passé ainsi que des menaces et insultes.
Le 1er février 2013, les statuts du Gaec d’Entraouère ont changé, il a pris la dénomination ‘d’Entraouère’, ci-après société d’Entraouère et Pascal Z… en est devenu co-gérant.
Le 3 avril 2014, Mme F… a mis fin aux deux baux concernant les parties de la parcelle […] avec préavis de huit mois et le 30 juin 2014, elle a fait délivrer à MM. Robert et Jacques Z… un congé pour le 31 décembre 2015, avec refus de renouvellement du bail authentique au motif qu’ils avaient atteint l’âge de la retraite.
Le 25 janvier 2016, MM. Z… ont mis fin au GAEC et cédé le bail à Pascal Z… qui l’exploite dans le cadre d’une EARL. La cession a été signifiée à Mme F… le 2 mars 2016.
PROCÉDURE
Le 28 février 2013, Robert et Jacques Z… avaient saisi le tribunal paritaire des baux ruraux d’Auch, afin de voir juger les trois baux indivisibles. Pascal Z… est intervenu à l’instance et cette juridiction, par jugement du 26 mai 2014 :
– les a déboutés de leur demande de reconnaissance d’un seul et unique bail soumis au statut du fermage,
– a ordonné la cession en faveur de Pascal Z… du bail à ferme conclu le 20 avril 1995 entre Mme F…, d’une part, et Robert et Jacques Z…, d’autre part, portant sur les parcelles […] et […],
– a débouté les consorts Z… du surplus de leurs demandes.
La cour d’appel d’Agen a, par arrêt du 12 mai 2015 :
– confirmé le jugement du 26 mai 2014 :
*en ce qu’il a débouté les consorts Z… de leur demande de reconnaissance d’un seul et unique bail soumis au statut du fermage,
*en sa disposition relative aux dépens et frais irrépétibles,
– infirmé le jugement et, statuant à nouveau :
* autorisé la cession de bail portant sur les parcelles […] et […] par Robert et Jacques Z… au profit de Pascal Z…,
* débouté Robert Z… de sa demande de dommages et intérêts,
* débouté Mme F… de sa demande d’expulsion des preneurs, de paiement d’une indemnité d’occupation et de dommages et intérêts,
* débouté les parties du surplus de leurs prétentions,
* condamné Mme F… à payer aux consorts Z…, ensemble, une somme de 1.800 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens d’appel.
Mme F… a formé pourvoi contre cet arrêt attaqué le 30 juillet 2015 et par arrêt du 17 novembre 2016, la Cour de Cassation a :
– cassé et annulé l’arrêt mais seulement en ce que’:
* il autorise la cession du bail sur les parcelles sises commune de Labejan Section […] et […] au profit de Pascal Z…,
* il déboute Mme F… de sa demande d’expulsion des preneurs de la parcelle […] et de paiement d’une indemnité d’occupation,
– renvoyé l’examen de l’affaire devant la cour d’appel de Toulouse.
Pour se déterminer ainsi, la Cour de Cassation a’indiqué :
– au visa des articles 1737, 1738 et 1739 du code civil,
‘ pour rejeter la demande de Mme F…, l’arrêt retient qu’il convient d’autoriser la cession du bail sur les parcelles cadastrées […] et […] et qu’il s’ensuit que la bailleresse doit être déboutée de ses demandes aux fins d’expulsion et de paiement d’une indemnité d’occupation ; qu’en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si MM. Z… n’étaient pas tenus de libérer la parcelle […] en raison du congé délivré par Mme F… par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 3 avril 2014 et, faute de l’avoir fait, de payer une indemnité d’occupation, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;
– au visa des articles L. 331-2 et L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime,
‘pour accueillir la demande de cession de bail, l’arrêt retient que M. Pascal Z… justifie des diplômes nécessaires, produit son dossier “Pac” pour l’année 2013, son dossier Dja, la liste des immobilisations du GAEC d’Entraouère, dont il est adhérent et à disposition duquel les terres seront mises, et l’arrêté du 18 juillet 1996 autorisant le GAEC à exploiter un élevage porcin et bovin ; qu’en statuant ainsi, alors que MM. Z… invoquaient dans leurs conclusions d’appel un arrêté de la commission départementale d’orientation agricole et sans préciser si l’arrêté du 18 juillet 1996 était un arrêté préfectoral d’autorisation d’exploiter, la cour d’appel, qui n’a pas mis la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle, a violé les textes susvisés’.
Mme F… a saisi la cour d’appel de Toulouse en tant que cour d’appel de renvoi par déclaration du 5 février 2018.
Suivant ordonnance du 9 mars 2018, l’affaire a été fixée à bref délai à l’audience du 6 juin 2018.
Entre-temps, les consorts Z… avaient saisi le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux en contestation du congé délivré le 30 juin 2014 et cette instance a fait l’objet de deux jugements de sursis à statuer dans l’attente de l’issue du contentieux susvisé puis d’un retrait de rôle le 30 janvier 2017.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par conclusions du 6 juin 2018, Mme F… expose que’:
– le 10 janvier 2013, elle a refusé la demande de cession du mois de novembre 2012 en raison du mauvais comportement des preneurs à son égard,
– le 30 juin 2014, elle leur a notifié, pour le bail à ferme, un congé dont la contestation est pendante devant le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux,
– les deux baux précaires ont été résiliés par lettre recommandée avec avis de réception du 3 avril 2014, mais les fermiers sont demeurés dans les lieux au-delà du 31 décembre 2015’et ne les ont libérés qu’en début d’année 2016′: la demande d’expulsion des deux petites parcelles est donc devenue sans objet’;
– l’autorisation de cession du bailleur doit être préalable à la cession et la Cour de Cassation ayant cassé l’arrêt de la cour d’appel d’Agen autorisant celle-ci, l’acte de cession du 25 janvier 2016 est nul pour avoir été passé sans autorisation préalable, l’expulsion doit être ordonnée,
– la loi n’autorisant pas une cession entre oncle et neveu (L 411-35), Robert Z… aurait dû demander la cession au profit de son fils et, dans les trois mois du départ à la retraite de Jacques Z…, devait être demandée au bailleur l’autorisation de poursuivre le bail par un seul preneur,
– la bailleresse est en droit de s’opposer à la cession entre les deux co-preneurs en raison :
* du bouleversement de l’économie du contrat (substitution de deux fermiers par un seul),
* de la mauvaise foi des preneurs’qui ont commis des manquements répétés à leurs obligations contractuelles et n’ont pas respecté l’accord du 3 mars 2008,
* de manquements ultérieurs au bail : dégradation de la haie C… et du chemin d’accès à la parcelle […],
– Pascal Z… ne justifie pas d’une autorisation d’exploiter au titre des articles 331-2 et suivants du code rural relatif au contrôle des structures mais seulement d’une autorisation au titre de la protection de l’environnement,
– la demande de dommages et intérêts est justifiée par le comportement des fermiers : menaces, mauvais état des parcelles libérées, destruction de piquets délimitant les terres louées, sans remise en état malgré des réclamations réitérées.
Elle sollicite en conséquence’:
– le rejet de la demande d’autorisation de cession de bail,
– la nullité de la cession de bail du 25 juin 2016 en violation de l’article L 411-35 du CRPM,
– l’expulsion de Pascal Z… des lieux et de tous occupants de son chef,
– le constat de la libération de la parcelle […] en janvier 2016,
– le débouté de l’ensemble des demandes de Robert, Jacques et Pascal Z…,
– leur condamnation à lui payer la somme de 3000 € à titre de dommages et intérêts et, une indemnité de 4000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions du 22 mai 2018, MM. Z… répliquent :
– la cession du 25 janvier 2016 est valable, ayant été autorisée par arrêt de la cour d’appel d’Agen, non susceptible de recours suspensif d’exécution en application des articles 500, 501 et 504 du code de procédure civile,
– la demande en nullité de la cession est nouvelle, et partant irrecevable, Mme F… s’étant seulement opposée à l’autorisation demandée,
– Pascal Z… est dans un lien de filiation avec un titulaire du bail,
– le refus d’autorisation n’est pas fondé’:
* l’argument du bouleversement de l’économie du contrat est spécieux et flou,
* les manquements du preneur ne sont pas justifiés et ont fait l’objet d’un accord du 3 mars 2008’dûment exécuté,
* la bailleresse ne peut se prévaloir aujourd’hui des mêmes griefs compte tenu des termes de l’accord,
– ces faits sont en toute occurrence insuffisants pour justifier un refus de cession, faute de preuve d’un risque de nuire aux intérêts légitimes du bailleur,
– les autres griefs de Mme F…, qui concernent des litiges de voisinage, sont étrangers à l’exécution du bail,
– il en est de même du nouveau reproche relatif au tracé du chemin que Mme F… a accepté de modifier par un autre tracé que celui prévu au bail et qui aboutit à un chemin d’exploitation servant d’accès à la parcelle […],
– la Cour de Cassation n’a pas tiré les exactes conséquences de l’autorisation d’exploitation donnée au Gaec par arrêt préfectoral.
Les consorts Z… demandent ainsi à la Cour de’:
– leur donner acte de ce qu’ils dénient tout fait allégué par toute partie adverse auquel ils n’auraient pas expressément acquiescé (sic),
– dire et juger abusif et infondé le refus de Mme F… d’autoriser la cession de bail au profit de’ M. Pascal Z… sur les parcelles cadastrées Section […] (partie) pour 4 ha 73 a et 30 ca et ZL 11 pour 14h a 80 a et 70 ca soit au total 19 ha 54 a,
– en conséquence autoriser la cession du bail portant sur les dites parcelles,
– condamner Mme F… à payer à chacun d’eux la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
MOTIVATION
En l’état d’une cassation partielle, il est définitivement jugé que les preneurs ne peuvent se prévaloir d’un bail unique et que la demande de dommages et intérêts de Robert Z… a été rejetée. Et, du fait de la libération par MM. Z… de la parcelle […], la Cour n’est plus saisie de la demande d’expulsion de sorte qu’il n’y a plus lieu d’examiner si MM. Z… n’étaient pas tenus de libérer la parcelle […] en raison du congé délivré par Mme F…. Enfin, il n’est plus demandé d’indemnité d’occupation mais seulement des dommages et intérêts en raison de la dégradation de la parcelle restituée.
Sur la cession du bail
Selon l’article L 411-35 du code rural et de la pêche maritime, d’ordre public, toute cession de bail est interdite, sauf si la cession est consentie avec l’agrément du bailleur, au profit du conjoint du preneur participant à l’exploitation ou aux descendants du preneur. Et, à défaut d’agrément préalable du bailleur, la cession peut être autorisée par le tribunal paritaire.
Les parties ne remettent pas en cause le fait qu’en application de ce texte, le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux ne pouvait pas ordonner mais seulement autoriser la cession de sorte que leurs demandes respectives, d’autorisation ou de refus d’autorisation de cession, ne peuvent en toute hypothèse qu’aboutir à une réformation du jugement en ce qu’il a ‘ordonné’ la cession.
Sur la prohibition de la cession
L’esprit de l’article L 411-35 susvisé est de permettre la cession à un membre de la famille ou un conjoint afin de faciliter la transmission des exploitations. Par ailleurs, le bail conclu avec des co-preneurs est indivisible de sorte que chacun des fermiers doit dans ses rapports avec le bailleur être tenu pour un preneur unique.
Il en résulte que la prohibition de principe de la cession ne doit pas prévaloir sur l’autorisation prévue par le texte au seul motif que le cessionnaire n’est que le neveu d’un des preneurs alors qu’il est dans le même temps le descendant du co-preneur.
C’est dès lors vainement que Mme F… soutient que doit prévaloir une interprétation restrictive de la dérogation autorisée par le texte au seul motif que le cessionnaire n’est pas le fils de Jacques Z… et que Robert Z… aurait dû demander la cession au profit de son fils auquel il incombait ensuite de solliciter la poursuite du bail par un seul preneur.
Sur l’autorisation de cession
L’arrêt du 12 mai 2015 a été cassé aux motifs que la cour d’appel en ne précisant pas si l’arrêté du 18 juillet 1996 était un arrêté préfectoral d’autorisation d’exploiter, n’avait pas mis la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle.
Le litige attribué au juge de renvoi n’est pas limité à la connaissance du point de droit soulevé par le moyen technique de cassation qui visait la disposition censurée, mais recouvre tous les points de fait et de droit de nature à justifier la nouvelle disposition qui sera retenue.
La faculté offerte au preneur de céder son bail à un descendant constitue une dérogation au principe général d’incessibilité du bail rural et ne peut nuire aux intérêts du bailleur, appréciés uniquement au regard de la bonne foi du cédant et de la capacité du cessionnaire à respecter les obligations nées du contrat et à mettre en valeur l’exploitation. Et elle suppose que soit établi l’intérêt du cédant à voir continuer une exploitation familiale.
Par ailleurs, en l’absence d’article du code rural et de la pêche maritime définissant les conditions à remplir par le cessionnaire, la garantie de bonne exploitation du fonds par le candidat cessionnaire tend à aligner les conditions qu’il doit présenter à la date de la cession projetée, soit celle où le juge statue, sur celles exigées du bénéficiaire de la reprise par l’article L 411-59 du code rural.
Aux termes de l’alinéa 3 ce texte, le candidat à la reprise doit justifier par tous moyens d’une part qu’il satisfait aux obligations qui lui incombent en application des deux alinéas précédents (obligation de se consacrer à l’exploitation pendant 9 ans au moins, possession du cheptel et du matériel ou moyens de les acquérir, habitation dans les lieux repris ou à proximité), et d’autre part, qu’il répond aux conditions de capacité ou d’expérience professionnelle mentionnée aux articles L 331-2 à L 331-5 ou qu’il bénéficie d’une autorisation d’exploiter en application de ces dispositions.
Les articles L 331-2 et suivants susvisés ont pour objectif d’empêcher les opérations réalisant de grandes concentrations de terres ou opérant le démembrement d’exploitations viables.
L’intérêt légitime du propriétaire de refuser la cession doit enfin s’apprécier compte tenu de la capacité du cessionnaire à respecter les obligations du contrat et de la bonne foi du cédant.
1. Pour ce qui est du cessionnaire
Sa situation doit s’apprécier à la date de la cession projetée, soit le 1er janvier 2013.
Au cas d’espèce, la réunion des conditions imposées par les alinéas 1 et 2 de l’article L 441-59 susvisé n’est pas contestée. La capacité de Pascal Z… est par ailleurs établie : celui-ci, né le […], est titulaire d’un brevet de technicien supérieur agricole en date du 3 octobre 2002, option analyse et conduite des systèmes d’exploitation ; il produit un dossier PAC, un dossier DJA pour une installation à la date du 7 février 2013 et un certificat de conformité pour l’aide à l’installation des jeunes agriculteurs en date du 29 mai 2013.
Demeure en litige l’existence d’une autorisation d’exploiter.
Il doit être rappelé que si une société bénéficie déjà d’une autorisation d’exploiter les terres mises à sa disposition, le cessionnaire n’est pas tenu de l’obtenir lui-même.
L’arrêté du 18 juillet 1996 visé par l’arrêt de cassation est un arrêté préfectoral autorisant le GAEC d’Entraouère à exploiter un élevage porcin (porcherie mixte de plus de 450 têtes) et bovin (étables de 38 vaches nourrices). Il ne concerne pas l’autorisation préalable d’exploiter requise par l’article L 331-2 du code rural au titre du contrôle des structures mais une autorisation à obtenir au titre du contrôle des installations classées pour la protection de l’environnement.
Les consorts Z… produisent cependant une attestation de la préfecture du Gers en date du 27 mars 2014, ayant pour objet ‘Contrôle des structures’, dont il ressort que le GAEC d’Entraouère a déposé le 24 mars 1993, onze ans auparavant, une demande d’autorisation d’exploiter sous le n° 98 294 A pour laquelle la CDOA (commission départementale d’orientation agricole) avait émis un avis favorable.
Selon les articles L 331-7 et L 331-8 du code rural, en leur rédaction en vigueur à cette date, l’autorisation préfectorale était réputée accordée si un refus n’avait pas été notifié au demandeur dans un délai de deux mois et quinze jours à compter de la date de réception de la demande.
Il convient de déduire des textes applicables et des termes de cette attestation qui ne se réfère pas à un refus d’exploitation ou à une prorogation du délai à la demande du Préfet, que le GAEC a bénéficié, à l’issue des deux mois et demi soit à compter du 8 juin 1993, d’une autorisation tacite d’exploiter. Ainsi, à la date de la cession projetée, le 1er janvier 2013, Pascal Z… n’était pas tenu d’en solliciter une en son nom propre.
2. Pour ce qui est des cédants
Les deux co-preneurs ayant atteint l’âge de la retraite, leur intérêt à voir continuer l’exploitation familiale sans démembrement est patent.
Leur bonne foi est en revanche contestée du fait de divers manquements et sont successivement invoqués :
– le bouleversement de l’économie du contrat (substitution de deux fermiers par un seul),
– la mauvaise foi des preneurs’qui ont commis des manquements répétés à leurs obligations contractuelles,
– des manquements ultérieurs au bail.
Le bouleversement allégué de l’économie du contrat ne constitue pas un motif légitime de refus ; en effet, le bail ne comporte aucune clause érigeant en condition essentielle l’exploitation par deux fermiers et Mme F… ne précise pas en quoi la substitution d’un preneur unique aux deux preneurs précédents bouleverserait le potentiel économique des terres affermées, d’autant que Pascal Z… remplit les critères de compétence requis du cessionnaire et que, du fait de la libération de la parcelle […], la surface exploitée a été réduite.
Concernant la bonne ou mauvaise foi du preneur, elle s’apprécie au jour de la demande en justice, le 28 février 2013.
Au cas d’espèce, les manquements allégués seront appréciés au regard du seul bail authentique, désormais seul concerné par la cession demandée et dont il est définitivement jugé qu’il n’était pas indivisible des deux autres baux.
Un fermier s’oblige à valoriser l’exploitation sur le plan économique, au paiement des fermages et à une restitution des biens en bon état et le bail stipule en outre :
– l’interdiction d’abattre les pommiers situés au sud-est de la parcelle n° […],
– l’élagage des arbres non fruitiers, les arbres morts restant la propriété du bailleur qui les fera remplacer et enlever à ses frais,
– le bon entretien des chemins, clôtures et rigoles.
Mme F… invoque des insultes et menaces dans son courrier de refus de cession du 10 janvier 2013, faits formellement contestés par les intimés. Cette lettre est une preuve qu’elle s’est établie à elle-même, non confirmée par un élément probant extérieur, de sorte que ce manquement n’est pas prouvé.
Les parties sont ensuite contraires sur la possibilité pour la bailleresse d’invoquer l’inexécution d’un accord du 3 mars 2008, libellé en présence d’un conciliateur de justice et se référant à une liste du 8 février 2008 mettant à la charge des consorts Z… les 12 obligations suivantes :
1. réparation du grillage de notre parc par un artisan, remplacer les arbres coupés au jardin
2. faire le tracé du chemin au bosquet et le créer
3. restitution au bailleur du bois coupé sans autorisation
4. remplacer les bornes coupées et/ou réparer après accord entre les parties
5. demande d’autorisation préalable avant d’effectuer des travaux sur les terres des bailleurs
6. remplacer arbres, haies et surtout les pommiers coupés
‘le bosquet qui se trouve côté Nord du jardin section C plan cadastral ZL 7 faire le tracé’
7. remplacer les cèdres de la mare (trois)
8. replanter la haie de 6 m traversée avec un tracteur ou une remorque sur la parcelle […] Larroujouse, remplacer les pommiers coupés à la vigne
9. une mare a été comblée sur la parcelle […] La Coume
10. frais d’huissier du 6 septembre 2007 à diviser par 2, (mention manuscrite ajoutée : payé par chèque n° 8004385)
11.’les arbres morts en bordure des champs : je vous demande de me prévenir pour que je puisse les faire débiter’
12. ‘sur les parcelles de terres à l’année, nous sommes convenus d’un arrangement suivant pour le motif suivant. Problème de santé grave avec notre petit-fils. J’ai demandé aux MM. Z… de laisser les parcelles en herbe, apporté du fumier, si possible pendant 5 années un peu d’engrais, pas de désherbant et insecticides. Si après 2013, il n’y a pas eu de rechute nous sommes autorisés Z… Jacques à faire un assolement normal. Nous vous autorisons à aller dans notre partie de bois’ (sic).
Ce constat prévoit que les obligations devront être réalisées le plus rapidement possible avec une date limite fixée à fin mars 2008 et que ‘les parties reconnaissent que leur différent est bien et définitivement réglé, et s’interdisent maintenant et à l’avenir de se rechercher à ce sujet pour quelque cause que ce soit, le présent constat ayant un caractère, forfaitaire, transactionnel et définitif’.
Une transaction, qui ne met fin au litige que sous réserve de son exécution, ne peut être opposée par l’une des parties que si celle-ci en a respecté les conditions.
Mme F… se prévaut d’une inexécution partielle de cet accord limitée au défaut de réparation du grillage, de remise en place ou de réparation des bornes, de replantation des pommiers et des cèdres, et de création du chemin d’accès au bois, et enfin de la dégradation de la haie C…. Les autres obligations seront en conséquence considérées comme ayant été exécutées.
Sur le grillage, les intimés produisent aux débats un courriel de mars 2013 en provenance de Groupama, accompagné des diverses pièces attestant du versement le 15 septembre 2008 au Crédit Mutuel pour le compte de Mme F… d’une somme de 416 € en réparation d’un sinistre affectant haie et grillages endommagés par des bovins. L’inexécution alléguée n’est pas prouvée.
Pour ce qui est des bornes, il s’agit à la lecture du procès-verbal de constat de septembre 2007 de la borne géodésique 1953 ; la note de l’IGN (pièce 37) confirme qu’en 2013, cette borne est toujours arrachée. Mais, ainsi que cela ressort du procès-verbal de constat du 11 février 2016 elle figure sur la parcelle […] qui faisait l’objet des baux précaires. Ce manquement ne peut être invoqué dans le cadre d’une autorisation de cession du bail authentique.
Les autres bornes évoquées par la bailleresse font l’objet d’un constat du 11 mars 2013 dont il résulte que l’huissier a constaté la présence de certaines bornes mais aussi que les bornes sud et sud-ouest de la parcelle […] n’ont pu être repérées. Le manquement à l’accord est établi.
S’agissant du remplacement des arbres, haies, cèdres et pommiers coupés, il est fait état d’un élagage peu soigneux ayant entraîné la mort des pommiers. La photo figurant en pièce 16 fait apparaître l’arrachage de la branche d’un seul arbre. Le constat de mars 2013 fait état de certaines banches cassées dans l’îlot de pommiers ainsi que pour un pommier isolé. La perte des arbres fruitiers, imputable à un fait des preneurs, n’est pas suffisamment prouvée et ce d’autant que les fermiers rappellent la survenance d’une tempête en 2009. L’inexécution de l’accord ne peut être retenue de ce chef.
Si les consorts Z… allèguent enfin avoir racheté des cèdres en 1992, cette date n’est pas cohérente avec l’obligation de remplacement contractée en 2008. Ils ne démontrent donc pas avoir replanté ces cèdres et cette inexécution de l’accord est établie.
Le remplacement de piquets (clôture) ne figure pas dans l’accord de 2008 et sera examiné plus bas.
Pour ce qui est du chemin, il devait permettre, aux termes du bail authentique (page 1), de relier à la route un îlot de bois constituant la parcelle 11a, exclue des terres louées. Son assiette était une bande de terre de six mètres de large pour joindre la parcelle 11a à la route, en ligne droite, côté pointe du 11 a. Les photos aériennes IGN démontrent que cette bande de terre à usage de chemin en ligne droite jusqu’à la route n’existe pas et qu’un chemin a été tracé, partant non de la pointe mais de la partie nord ouest de la parcelle […] a, au travers de la parcelle […] b louée aux fermiers et revenant à angle droit à l’Est, vers ce qui devait être le point de jonction entre la route et la droite ligne partant de la pointe. Ce tracé bien que non conforme au bail permet la jonction au chemin de la parcelle et son assiette plus importante se fait au détriment des seuls preneurs car elle se situe sur la parcelle 11b louée. L’accès à la route, qui était l’objet principal de cette obligation contractuelle, a été réalisé et Mme F… ne conteste pas que ce tracé est le seul compatible avec la configuration naturelle du terrain. L’inexécution ne peut être retenue.
Concernant la haie dite ‘C…’, il est produit une convention du 12 janvier 2005 stipulant la mitoyenneté de la haie séparative des parcelles […], propriété de M. Christian C…, et ZL 11, propriété de Mme F…. Suivant procès-verbal du 10 décembre 2013 dressé par la SCP d’huissiers de justice Mengelle-Quercy, l’huissier a observé une limite séparative matérialisée par un talus herbeux se prolongeant par une haie naturelle et constaté des traces de roues entre les deux fonds. Cet acte, qui ne comporte pas de plan cadastral en annexe permettant d’identifier l’emplacement de la haie, ne mentionne pas de dégradation de celle-ci et ne permet pas d’imputer aux preneurs les traces de roues entre les deux fonds. Aucun manquement n’est établi.
Il résulte des faits ci-dessus prouvés une inexécution partielle de l’accord de 2008 se limitant à la disparition des bornes sud et sud-ouest de la parcelle […], au défaut de replantation de trois cèdres et à l’arrachage de la borne géodésique n° 1953 de l’IGN.
Il convient dès lors d’apprécier si la gravité de ces manquements est susceptible de justifier un refus de cession pour mauvaise foi des preneurs.
Il a été dit plus haut que la borne géodésique ne se situait pas sur les biens objets du bail authentique.
L’arrachage des autres bornes est en relation avec une opération de bornage d’avril 1995, préalable à la signature des baux des parcelles du GAEC et de Mme F…. Cet incident a fait l’objet d’un courrier recommandé de Mme F… le 20 novembre 1995 mais n’a pas fait obstacle au renouvellement du bail en 2004. Aucune procédure n’a été initiée pour la remise en place des bornes. Il ne s’agit pas d’un manquement de gravité suffisante pour justifier le refus de cession ; il en est de même du défaut de replantation de trois cèdres au bord d’une mare ne mettant pas en péril la qualité des terres louées.
Pour ce qui est de l’entretien des clôtures imposé par le bail, le procès-verbal du 6 septembre 2007 fait état d’un arrachage de poteaux sur une parcelle non identifiée. Il ne peut s’agir toutefois que de la parcelle 11b car le procès-verbal vise le chemin d’accès au bosquet. Ce constat d’huissier établit que des piquets enlevés ont été remis en place sommairement à l’exception de deux, au Nord et en bordure d’une haie, qui sont encore au sol. Là encore, le manquement n’est pas d’une gravité suffisante pour fonder le refus de cession.
Enfin, Mme F… fait état de la dégradation en novembre 2013 du chemin d’accès au bois de la parcelle […]. Ce fait est postérieur à la date de la demande en justice du 28 février 2013. De surcroît, les traces de roue relevées par le constat de décembre 2013 l’ont été sur le tracé du chemin détaillé plus haut et qui a reçu l’accord tacite des parties en raison de la configuration des lieux. Ce tracé figure sur la parcelle 11b louée et Mme F… ne peut se prévaloir du fait que les preneurs n’y ont pas accès.
Il résulte de ces éléments qu’en l’absence de manquement grave aux obligations découlant du bail, la bonne foi des preneurs peut être retenue. La bailleresse ne justifie donc d’aucun intérêt légitime pour refuser la cession du bail qui sera autorisée.
Sur la demande de nullité de la cession
Mme F… demande d’annuler la cession intervenue le 30 janvier 2016 et les consorts Z… lui opposent que cette demande est nouvelle.
Selon les articles 624 et 625 du code de procédure civile :
– la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l’arrêt qui la prononce ; elle étend également à l’ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire ;
– sur les points qu’elle atteint, la cassation replace les parties dans l’état où elles se trouvaient avant le jugement cassé.
Et s’agissant des prétentions nouvelles présentées devant la cour d’appel de renvoi, l’article 633 du code de procédure civile dispose qu’elles sont soumises aux règles qui s’appliquent devant la juridiction dont la décision a été cassée et qui sont définies aux articles 564, 565 et 566 du même code.
Sont en particulier recevables les prétentions ayant pour objet de faire juger les questions nées de la survenance ou la révélation d’un fait, qui tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent, ou qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et visent ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément.
Une demande n’est nouvelle que si son auteur attend un résultat différent de celui souhaité en première instance.
Depuis le 10 janvier 2013, Mme F… s’oppose au principe même de la cession de sorte que la demande de nullité de la cession de janvier 2016 ne peut être considérée comme nouvelle mais simplement comme procédant de l’évolution du litige pour survenance d’un fait nouveau.
Il vient d’être jugé que le refus d’autoriser la cession n’était pas légitime et que la cession est autorisée. Il en résulte que la cession postérieure à un refus invalidé, est elle-même valable et la demande de nullité sera rejetée.
Sur les autres demandes
Mme F… invoque à l’appui de sa demande en dommages et intérêts, dont la recevabilité n’est pas contestée, deux fautes tirées de l’existence d’injures et menaces et de la dégradation de la parcelle […] après sa restitution, le coût de réimplantation des piquets s’élevant à 2.034€.
Comme indiqué plus haut, les menaces et injures sont insuffisamment prouvées par un l’écrit du 10 janvier 2013 émanant de Mme F… elle-même.
Concernant la dégradation de la parcelle […] après sa restitution survenue en cours d’instance, il résulte de la facture du 5 avril 1995 et d’un plan de division du mois de janvier 1995 que 22 piquets avaient été mis en place par le géomètre M. D… sur cette parcelle. Les intimés, qui ne concluent pas sur ce point, ne contestent pas avoir enlevé les piquets. La bailleresse produit un devis de la SARL XMGE, à hauteur de 2.034 € et accepté par le versement d’un acompte de 50 %, pour remise en place des piquets après le bornage du 17 juin 2016, dont les frais sont demeurés à la charge de Pascal Z…. Les intimés seront condamnés à verser la somme de 2.034 € à Mme F….
L’équité ne commande pas de faire application à l’espèce de l’article 700 1° du code de procédure civile.
Les dépens d’appel resteront à la charge de Mme F… qui succombe sur la demande principale.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant dans les limites de sa saisine,
Infirme le jugement du 26 mai 2014 en ce qu’il a ordonné la cession en faveur de Pascal Z… du bail à ferme conclu le 20 avril 1995 entre Mme F…, d’une part, et Robert et Jacques Z…, d’autre part, portant sur les parcelles […] et […],
Statuant à nouveau
Autorise la cession par Robert et Jacques Z… au profit de Pascal Z… du bail portant sur les parcelles cadastrées commune de Labejan Section ZL n° 11b pour 14h a 80 a et 70 ca, la parcelle 11a en nature de bois étant exclue, et […] pour 4 ha 73 a et 30 ca, soit une superficie totale de 19 ha 54 a ;
Déclare recevable la demande de nullité de la cession du bail du 30 janvier 2016 ;
Déboute Mme F… de cette demande ;
Constate la libération par les consorts Z… de la parcelle […] et l’absence de demande d’indemnité d’occupation ;
Condamne in solidum MM. Robert, Jacques et Pascal Z… à verser à Mme F… la somme de 2.034 € à titre de dommages et intérêts au titre du coût de remise en place des piquets en limite de la parcelle […] ;
Y ajoutant
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 1° du code de procédure civile en cause d’appel ;
Condamne Mme F… aux dépens d’appel.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT
A. BORDEC. E…