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COUR D’APPEL
DE RIOM
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
Du 16 mai 2023
N° RG 21/01123 – N° Portalis DBVU-V-B7F-FTGN
-LB- Arrêt n° 233
[U] [V], [K] [V] épouse [F] / [Z] [L]
Jugement au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CLERMONT-FERRAND, décision attaquée en date du 05 Janvier 2021, enregistrée sous le n° 20/03585
Arrêt rendu le MARDI SEIZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
M. Philippe VALLEIX, Président
M. Daniel ACQUARONE, Conseiller
Mme Laurence BEDOS, Conseiller
En présence de :
Mme Marlène BERTHET, greffier lors de l’appel des causes et du prononcé
ENTRE :
M. [U] [V]
[Adresse 2]
[Localité 4]
et
Mme [K] [V] épouse [F]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentés par Maître Christophe GALAND de la SARL TRUNO & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
Timbre fiscal acquitté
APPELANTS
ET :
M. [Z] [L]
[Adresse 5]
[Adresse 6]
[Localité 8]
Non représenté
INTIME
DÉBATS :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 19 janvier 2023, en application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. VALLEIX, rapporteur.
ARRÊT : RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 16 mai 2023, après prorogé du délibéré initiallement prévu le 14 mars 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. VALLEIX, président et par Mme BERTHET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Depuis 2015, M. [U] [V] et Mme [K] [V] épouse [F] sont propriétaires en indivision d’une maison d’habitation reçue en héritage de leur père, située [Localité 8], qu’ils utilisent à titre de résidence secondaire.
Au mois d’avril 2018, M. [V] et Mme [V] ont constaté que le thuya situé en bordure de leur propriété, un arbre de près de soixante ans, avait été élagué de plusieurs branchages le long du tronc et présentait une forte prise au vent en raison du déséquilibre de l’élagage réalisé. Au début de l’année 2019, le vent ayant entraîné le déracinement de l’arbre, ce qui a occasionné des dégradations du mûr d’enceinte et des clôtures de la propriété, M. [V] et Mme [V] ont fait appel à un spécialiste afin de procéder à l’abattage de l’arbre.
Soupçonnant M. [Z] [L], propriétaire d’un gîte situé à l’intérieur du village à 300 mètres de leur propriété, d’être l’auteur de l’élagage du thuya, M. [V] et Mme [V] ont sollicité de ce dernier, par courrier du 7 juillet 2018, la prise en charge des frais exposés.
En l’absence de réponse, M. [V] et Mme [V] ont déposé plainte à l’encontre de M. [L] auprès de la gendarmerie de [Localité 7] le 23 avril 2019. Ils ont été avisés par courrier du procureur général près la cour d’appel de Riom en date du 5 février 2020 du classement sans suite de leur plainte pour cause de prescription.
Au mois de juin 2019, les consorts [V] ont fait procéder à l’essouchage de l’arbre, aux travaux de reprise du muret d’enceinte et à l’engazonnement du terrain.
Après une ultime démarche amiable entreprise par un courrier de leur conseil en date du 2 juillet 2020, M. [V] et Mme [V] ont fait assigner devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand M. [Z] [L], pour obtenir, sur le fondement des articles 1240 et 1241 code civil sa condamnation au paiement des sommes de 3986,30 euros en réparation de leur préjudice matériel, 2000 euros au titre de leur préjudice de jouissance, 2000 euros pour résistance abusive et 1500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement réputé contradictoire en date du 5 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a rejeté les demandes formées par M. [U] [V] et Mme [K] [V] épouse [F] et condamné ces derniers aux entiers dépens.
M. [U] [V] Mme [K] [V] épouse [F] ont relevé appel de cette décision par déclaration électronique du 19 mai 2021.
Ils ont fait signifier à M. [Z] [L] la déclaration d’appel et leurs conclusions par actes d’huissier délivrés le 26 juillet 2021, remis à sa personne.
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 17 novembre 2022.
Vu les conclusions en date du 27 juillet 2021 aux termes desquelles M. [U] [V] et Mme [K] [V] épouse [F] demandent à la cour de :
Infirmer le jugement rendu le 5 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand et, statuant à nouveau,
-Dire que M. [Z] [L] est responsable civilement de l’élagage massif de l’arbre situé sur leur propriété ayant causé son déracinement et des dégâts matériels ;
En conséquence,
-Condamner M. [Z] [L] à leur payer une indemnité de 3986,30 euros pour leur préjudice matériel ;
-Condamner M. [Z] [L] à leur payer une indemnité de 2000 euros pour leur préjudice de jouissance ;
-Condamner M. [Z] [L] à leur payer une indemnité de 2000 euros pour résistance abusive ;
-Condamner M. [Z] [L] à leur payer une indemnité de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
-Condamner M. [L] aux entiers dépens.
En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées pour l’exposé complet des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
-Sur la responsabilité de M. [Z] [L] :
Le premier juge a débouté les consorts [V] de leurs demandes, présentées sur le fondement des articles 1240 et 1241 du code civil, en retenant que les pièces communiquées ne permettaient pas de confirmer que M. [Z] [L] avait reconnu être l’auteur de l’élagage sauvage du thuya.
En cause d’appel, M. [V] et Mme [V] produisent le procès-verbal d’audition de M. [Z] [L] par les gendarmes de la brigade de Rochefort-Montagne en date du 5 juin 2019, dont ils ont sollicité communication auprès du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand le 1er mars 2021.
Il ressort de cette pièce que M. [L] a expressément reconnu avoir procédé à l’élagage du thuya situé sur la propriété des consorts [V], en justifiant cet acte par le fait que l’enchevêtrement des branches de l’arbre avec les câbles du réseau était à l’origine de perturbations de la connexion Internet alimentant son gîte-restaurant. Il a en outre admis n’avoir apporté aucune réponse aux courriers que lui ont adressés les consorts [V].
Devant la cour, les consorts [V] produisent :
-Des photographies du thuya, un très bel arbre haut de plusieurs mètres, permettant de constater la coupe dissymétrique des branchages le long du tronc ;
-Le courrier recommandé adressé à M. [L] le 7 juillet 2018 réclamant à ce dernier la prise en charge des frais d’expertise par un spécialiste pour envisager des solutions de consolidation de l’arbre ou l’abattage de celui-ci pour des raisons de sécurité ;
-Le devis établi le 3 août 2018 par M. [O], de la société Duo de l’arbre, pour un montant de 647 euros sur lequel il est indiqué : « Coupe à la base d’un thuya présentant un déséquilibre suite à une taille sévère des branchages le long du tronc. Câbles électriques fortement insérés dans les branches pouvant occasionner une abrasion de la gaine et provoquer un court-circuit, évacuation des déchets verts et du tronc » ;
-Des photographies montrant la chute de branchages du thuya, puis le déracinement de celui-ci ;
-Le courrier adressé le 2 juillet 2020 par le conseil des consorts [V] à M. [Z] [L], l’avisant de la situation et l’invitant à indemniser ces derniers de leur préjudice matériel dans un cadre amiable ;
-Un courrier de l’entreprise Duo de l’arbre en date du 19 septembre 2020 aux termes duquel il est indiqué : « M. [V] a sollicité en juillet 2018 l’entreprise Duo de l’arbre afin d’expertiser un thuya suite à ‘une taille sévère des branchages le long du tronc’. M. [O] a constaté que cet élagage entraînait un déséquilibre de l’arbre et une prise au vent risquant à terme de provoquer son déracinement. J’ai été amené à intervenir pour l’abattage de cet arbre en avril 2019 et j’ai effectivement constaté un déracinement partiel qui apparaissait comme la conséquence directe de l’élagage subi par ce thuya un an auparavant. » ;
-Les devis de la SARL Formules Jardins relatif aux travaux d’essouchage, de reprise de maçonnerie, d’engazonnement et de plantation d’un nouveau thuya ;
-Les procès-verbaux établis par la gendarmerie de [Localité 7] (plainte et audition );
Il est démontré par ces pièces d’une part que M. [L] a reconnu être l’auteur de l’élagage du thuya, propriété des consorts [V], d’autre part que cette opération, qualifiée par M. [O], spécialiste, de « taille sévère des branchages du tronc », a été réalisée de façon totalement inappropriée, enfin que cette intervention a entraîné des conséquences autres qu’esthétiques, en particulier la chute de branchages en raison de la prise au vent, à l’origine de dégradations des maçonneries situées à proximité, et la nécessité d’abattre l’arbre.
Si M. [L] a prétendu dans son audition qu’au mois de mars 2019 des techniciens de France Telecom étaient venus procéder à l’élagage complet de l’arbre en dégageant l’ensemble des branches sur quatre mètres de hauteur, la réalité de cette situation ne résulte d’aucun élément du dossier, étant précisé que les appelants produisent en cause d’appel un courriel du maire de [Localité 8] qui précise n’avoir reçu aucune information quant à une intervention de ce type sur le territoire de la commune à la période considérée.
Au sujet du risque d’abrasion mis en exergue par le spécialiste intervenu pour expertiser l’arbre, les consorts [V] expliquent que le thuya existait avant l’installation des lignes électriques et téléphoniques, qu’aucun élagage ne leur a été demandé au cours des décennies durant lesquelles les fils traversaient le feuillage du thuya, mais que, par suite de l’élagage totalement dissymétrique, le vent s’engouffrait de façon anormale dans les branchages de la partie haute de l’arbre, entraînant un balancement inhabituel et la chute de branches, potentiellement dangereux. Aucun élément du dossier ne permet en effet de considérer qu’un risque existait auparavant, M. [L] n’ayant fait aucune allusion à ce sujet dans son audition, étant observé encore que le maire de la commune a été informé du litige et n’a pas signalé que des incidents seraient survenus ou risquaient de survenir en raison de la proximité des lignes électriques avec le thuya.
Enfin, les consorts [V] justifient par les pièces communiquées de la réalité de leur préjudice matériel, mais également de leur préjudice de jouissance, alors que le thuya était un très bel arbre, ancien, et que son abattage a modifié la configuration esthétique des extérieurs de la résidence.
En considération de l’ensemble de ces explications, le jugement sera infirmé et les demandes présentées par les consorts [V] seront intégralement accueillies, y compris s’agissant de leur demande indemnitaire pour résistance abusive, alors que M. [L], qui a reconnu dans le cadre de la plainte déposée à son encontre être l’auteur de « l’élagage sauvage » réalisé, a pourtant ignoré les démarches entreprises à son égard pour parvenir à un règlement amiable du litige.
– Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné les consorts [V] aux dépens de première instance.
M. [Z] [L] sera condamné à supporter les dépens de première instance et d’appel ainsi qu’à payer à M. [V] et Mme [V] la somme de 2500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,
Infirme le jugement et statuant à nouveau,
-Déclare M. [Z] [L] responsable du préjudice subi par M. [U] [V] et Mme [K] [V] épouse [F] ;
-Condamne M. [Z] [L] à payer à M. [U] [V] et Mme [K] [V] épouse [F], pris ensemble, les sommes suivantes :
-3986,30 euros en réparation de leur préjudice matériel ;
-2000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance ;
-2000 euros en réparation du préjudice résultant de la résistance abusive de M. [Z] [L] ;
-Condamne M. [Z] [L] à supporter les dépens de première instance et d’appel ;
-Condamne M. [Z] [L] à payer à M. [U] [V] et Mme [K] [V] épouse [F], pris ensemble, une indemnité de 2500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le greffier Le président