Élagage : 16 mai 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/02712

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Élagage : 16 mai 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/02712
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N° RG 21/02712 – N° Portalis DBVM-V-B7F-K5SA

C1

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

la SELARL BSV

la SELARL BRUN KANEDANIAN

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 16 MAI 2023

Appel d’un jugement (N° R.G. 1119000092)

rendu par le Tribunal judiciaire de Grenoble

en date du 16 avril 2021

suivant déclaration d’appel du 18 juin 2021

APPELANTS :

Mme [J] [F] épouse [R]

née le 08 novembre 1954 à [Localité 7] (Maroc)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

M. [Y] [R]

né le 04 avril 1960 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentés par Me Laure BELLIN de la SELARL BSV, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMÉE :

S.C.I. CHALETNIZIER prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège situé :

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Jean Christophe KANEDANIAN de la SELARL BRUN KANEDANIAN, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Mme Catherine Clerc, présidente,

Mme Joëlle Blatry, conseiller,

Mme Véronique Lamoine, conseiller,

Assistées lors des débats de Anne Burel, greffier

DÉBATS :

A l’audience publique du 20 mars 2023, madame Lamoine a été entendue en son rapport.

Les avocats ont été entendus en leurs observations.

Et l’affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l’arrêt a été rendu.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Les époux [Y] [R] et [J] [F] ont acquis en janvier 2012 une maison d’habitation située à [Localité 4] (38) sur une parcelle cadastrée numéro AC [Cadastre 1], contiguë de la parcelle AC [Cadastre 5] propriété de la SCI CHALETNIZIER.

Dès l’année 2014, des différends ont vu le jour entre les parties à propos de la hauteur d’arbres (sapins) situés sur la parcelle de la SCI CHALETNIZIER, ainsi que de la taille de haies.

La SCI CHALETNIZIER a fait procéder à l’élagage d’une haie en novembre 2017.

Par acte du 26 décembre 2018, les époux [R] ont assigné la SCI CHALETNIZIER devant le tribunal d’instance de Grenoble pour voir, aux termes de leurs dernières écritures :

condamner la SCI CHALETNIZIER, sous astreinte de 150 € par jour de retard passé le délai de 90 jours de la signification de la décision à intervenir, à procéder à l’élagage de leur haie d’épicéas et de lilas, ainsi que des pins présents sur leur propriété dans le respect des dispositions des articles 671 et suivants du code civil,

condamner la SCI CHALETNIZIER aux dépens et à leur payer les sommes de :

1 000 € au titre du préjudice de jouissance subi,

1 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 16 avril 2021, le tribunal judiciaire de Grenoble :

a débouté les époux [R] de l’ensemble de leurs demandes,

les a condamnés aux dépens et à payer à la SCI CHALETNIZIER la somme de 700 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration au greffe en date du 18 juin 2021, les époux [R] ont interjeté appel de ce jugement.

Par dernières conclusions (n° 3) notifiées le 3 février 2023, ils demandent à la cour d’infirmer le jugement déféré, et de condamner la SCI CHALETNIZIER à :

procéder, sous astreinte de 150 € par jour de retard passé le délai de 90 jours de la signification de la décision à intervenir, à l’élagage de leur haie d’épicéas et de lilas conformément à l’article 673 du code civil,

à supporter les dépens de première instance et d’appel et à leur payer les sommes de :

1 000 € au titre du préjudice de jouissance subi,

1 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Ils demandent encore qu’il soit “jugé que la SCI CHALETNIZIER devra effectuer un entretien régulier de sa haie afin que celle-ci n’empiète pas sur leur tènement” (sic).

Ils font valoir :

que la haie implantée sur le terrain de la SCI CHALETNIZIER en limite de propriété empiète très largement sur leur propriété en traversant la limite séparative, ainsi qu’il ressort du procès-verbal de constat d’huissier qu’ils produisent,

que l’on voit nettement, sur les photographies incluses dans ce procès-verbal, que les branches de cette haie traversent le grillage matérialisant la limite séparative, et que celui-ci est entièrement envahi par cette végétation,

que l’huissier a encore constaté que, dans cette haie, des arbustes parasites (frênes, ronces, noisetiers) ont poussé et que leurs racines prolifèrent sous le grillage en pénétrant sur leur terrain,

que des branches de cette haie déforment le grillage, et que des pieds de lilas poussent en bordure du grillage, l’empiétement sur leur propriété atteignant presque un mètre,

qu’en l’état de ces éléments et de la présence du grillage, le tribunal ne pouvait considérer, dans les motifs du jugement déféré, qu’ « aucune matérialisation, même fictive (…) de la limite de propriété » n’était faite,

qu’ils ont fait dresser un nouveau procès-verbal de constat, plus récent et postérieur au prononcé du jugement déféré, en date du 21 juillet 2021, duquel il résulte :

que les branches de la haie de lilas s’avancent sur leur propriété sur environ 120 cm,

que les branches d’arbres sauvages, notamment des noisetiers, s’avancent également sur leur propriété d’environ 140 cm,

que des rejets de lilas ont leurs racines dans leur propriété,

que des branches d’épicéas s’avancent à travers le grillage sur leur propriété, l’huissier ayant procédé à deux mesures, l’une montrant une avancée de 120 cm sur leur propriété, l’autre de 120/130 cm,

qu’ainsi, l’huissier mandaté a procédé à des constatations purement objectives sans donner un quelconque avis ainsi que son statut le prévoit,

que la clôture métallique existante est ancienne,

qu’elle avait été posée par les propriétaires précédents bien avant que la SCI CHALETNIZIER construise son chalet,

qu’ils subissent un préjudice important par l’invasion constante de la végétation provenant de la parcelle voisine qui n’est pas correctement entretenue sur ce point, ce qui justifie pleinement leur demande de dommages-intérêts.

La SCI CHALETNIZIER, par uniques conclusions notifiées le 25 octobre 2021, demande :

la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions,

le débouté des époux [R] de l’intégralité de leurs prétentions,

leur condamnation aux entiers dépens et à lui payer les sommes de :

5 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive

3 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir :

que les époux [R] se sont rendus à la raison en limitant leurs demandes en appel à la seule haie d’épicéas et de lilas, abandonnant leurs demandes au titre des pins et des mélèzes se trouvant à l’intérieur de propriété,

que les éléments fournis par les époux [R] à l’appui de leurs demandes ne constituent pas la preuve que les dispositions de l’article 672 du code civil ne soient pas respectées en l’espèce,

que, s’agissant des dispositions de l’article 673 du même code, en l’espèce l’existence d’un grillage ne constitue pas la preuve de la limite de propriété ainsi que le tribunal l’a justement retenu, ces limites n’étant pas clairement établies dans le cas présent,

que les époux [R] le reconnaissent eux-mêmes puisque, le 4 juin 2021, ils l’ont sollicitée afin de faire établir un bornage amiable de leurs parcelles,

qu’il ressort du devis produit qu’il n’existe en l’état aucune trace d’un précédent bornage,

que les époux [R] n’ont, pour autant, pas donné suite à leur initiative en vue du bornage, la réponse positive qu’elle avait, de son côté, apporté à leur proposition en ce sens ne contenant de réserves que sur le principe de la prise en charge des frais ainsi que sur la mise en concurrence d’autres cabinets de géomètres afin d’obtenir un meilleur prix,

que dès lors, plus aucune démarche n’a été entreprise par les époux [R],

que ces derniers sont donc toujours dans l’incapacité de prouver que sa haie empiète sur leur propriété, l’emplacement-même de cette haie quant à la limite séparative étant inconnu (mitoyenneté ou bien assise sur l’une ou l’autre propriété),

qu’elle tient à souligner qu’elle a procédé à un nouvel élagage de sa haie en octobre 2020, et que les époux [R], pourtant informés par l’intermédiaire des conseils des parties, n’ont pas répondu à sa demande aux fins que l’entreprise mandatée puisse intervenir de leur côté de la haie pour procéder à un élagage complet,

que, dans ces conditions, il n’est démontré l’existence d’aucun préjudice indemnisable,

qu’à l’inverse, les époux [R], par la persistance de leur action alors-même que la limite séparative des propriétés n’est toujours pas établie, abusent du droit d’ester en justice et d’exercer un recours, ce qui lui cause un préjudice.

L’instruction a été clôturée par une ordonnance rendue le 21 février 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande aux fins d’élagage de la haie sous astreinte

Les époux [R] limitent leur demande, en cause d’appel, à l’élagage d’une haie en limite de propriété au visa des dispositions de l’article 673 du Code civil, en ce que, selon eux, les branches de cette haie implantée sur le terrain de la SCI CHALETNIZIER traversent la clôture et pénètrent sur leur propriété, de même que des arbustes parasites (frênes, ronces, noisetiers) ayant pris naissance et poussé dans la dite haie, leurs racines proliférant sous le grillage en cause.

Or, ainsi que l’a justement retenu le tribunal dans le jugement déféré, la limite exacte entre les parcelles cadastrées AC [Cadastre 1] (époux [R]) et AC [Cadastre 5] (SCI CHALETNIZIER) n’est pas déterminée en l’état, les limites de propriété étant discutées et aucun élément de preuve de leur emplacement exact n’est fourni, aucun bornage contradictoire n’ayant été réalisé jusqu’à ce jour.

Dès lors, la simple circonstance que des branches d’une haie implantée derrière un grillage du côté de la propriété de la SCI CHALETNIZIER traversent ce grillage en direction de la propriété des époux [R] ne suffit pas à établir que les conditions de l’article 673 invoqué par les appelants soient réunies, à savoir l’existence de branches avançant sur leur propriété, ou encore de racines, ronces ou brindilles avançant sur leur héritage en l’absence de toute limite précise établie, la présence, même ancienne, du grillage n’en constituant pas la preuve par elle-même.

Sur la demande tendant à voir juger que la SCI CHALETNIZIER devra effectuer un entretien régulier de sa haie afin que celle-ci n’empiète pas sur le tènement des époux [R]

Il ne peut être fait droit à une telle demande, générale, qui ne constitue pas une véritable prétention en ce qu’elle tend à voir condamner une personne in futurum à exécuter les obligations qui lui incombent en vertu du respect du droit de propriété d’autrui.

Sur la demande principale en dommages-intérêts

Faute pour les époux [R] d’établir la réalité de branches, arbustes ou racines s’avançant effectivement de la propriété voisine sur leur propriété, leur demande de dommages-intérêts n’est pas justifiée et ne peut qu’être rejetée.

Sur la demande reconventionnelle en dommages-intérêts et sur les autres demandes

Les époux [R], qui succombent en leur appel, devront supporter les dépens conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile. Pour les mêmes motifs, il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en leur faveur.

Il est équitable de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la SCI CHALETNIZIER.

En revanche, sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive n’est fondée sur la preuve d’aucun abus du droit d’agir en justice ou d’exercer un recours, et elle sera par conséquent rejetée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré.

Y ajoutant,

Condamne les époux [Y] [R] et [J] [F] à payer à la SCI CHALETNIZIER la somme complémentaire de 1 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Rejette toutes les autres demandes.

Condamne les époux [Y] [R] et [J] [F] aux dépens d’appel.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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