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CIV. 3
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 10 septembre 2020
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 501 F-D
Pourvoi n° Z 18-26.659
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 SEPTEMBRE 2020
La société […], société civile immobilière, dont le siège est […] , a formé le pourvoi n° Z 18-26.659 contre l’arrêt rendu le 24 septembre 2018 par la cour d’appel de Toulouse (1re chambre, section 1), dans le litige l’opposant à M. I… A…, domicilié […] , défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dagneaux, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la SCI […], de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de M. A…, après débats en l’audience publique du 3 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dagneaux, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Toulouse, 24 septembre 2018), la SCI […] est propriétaire de plusieurs parcelles cadastrées […] , […] et […].
2. Ces parcelles bénéficient d’une servitude de vue, instituée par acte notarié du 29 novembre 1957, grevant les parcelles contiguës, cadastrées […] , […] et […] appartenant à M. A…, et ainsi rédigée :
« Une servitude de vue grevant la parcelle présentement vendue est constituée au profit de la maison à construire par les vendeurs sur le terrain restant leur appartenir.
À cet effet, il est convenu d’un commun accord entre toutes parties, ce qui est expressément accepté par l’acquéreur, que la hauteur de tout arbre ou obstacle quelconque pouvant se trouver présentement ou ultérieurement sur le terrain faisant l’objet des présentes ne pourra dépasser une hauteur limite de huit mètres. »
3. Soutenant que des arbres plantés sur le fonds contigu excédaient la hauteur de huit mètres et empêchaient l’exercice de la servitude de vue, la SCI […] a assigné M. A… en élagage.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. La SCI […] fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande de contre-expertise, de déclarer les demandes d’élagage des arbres n° 1, 4, 8 à 12, 19, 21 à 30, 32 à 35, et 37 à 39 irrecevables comme prescrites, de la débouter de sa demande subsidiaire d’élagage des arbres n° 3, 5 et 6, et de condamner M. A… à réduire jusqu’à huit mètres de hauteur les seuls arbres n° 2, 13 à 15, 17, 18, 20, 31 et 36, à l’exclusion des arbres n° 3, 5 et 6, alors :
« 1°/ que les juges sont tenus de ne pas dénaturer la convention des parties ; qu’en l’espèce, l’acte de vente du 29 novembre 1957 instituait au profit du fonds de la SCI […] une servitude de vue impliquant ainsi, pour en assurer l’existence, de limiter à huit mètres la hauteur des arbres plantés sur le fonds servant ; qu’en cantonnant l’obligation faite au propriétaire du fonds servant à celle de respecter la hauteur de huit mètres, sans tenir compte de l’existence de la servitude de vue instituée par cet acte, la cour d’appel a dénaturé la clause de servitude de vue stipulée à l’acte de vente du 29 novembre 1957, en violation de l’article 1134 du code civil ;
2°/ qu’il est permis aux propriétaires d’établir sur leurs propriétés, ou en faveur de leurs propriétés, telles servitudes que bon leur semble ; que l’usage et l’étendue des servitudes ainsi établies se règlent par le titre qui les constitue ; qu’à cet égard, les servitudes de vue ont pour objet de ménager au profit d’un fonds dominant une vue sur ou à travers le fonds voisin ; que par ailleurs, quand on établit une servitude, on est censé accorder tout ce qui est nécessaire pour en user ; qu’en l’espèce, la SCI […] faisait valoir que l’acte de vente du 29 novembre 1957 instituait au profit de sa propriété une servitude de vue sur la vallée et imposait au propriétaire du fonds voisin, pour en assurer l’existence, de limiter à huit mètres la hauteur des arbres plantés sur le fonds servant ; qu’elle précisait que, outre cette limitation de la hauteur des arbres, le propriétaire du fonds voisin était de toute façon tenu d’assurer le respect de la vue stipulée au profit du fonds dominant ; qu’en décidant de cantonner l’engagement souscrit par le propriétaire du fonds servant à la seule obligation de limiter la hauteur de ses arbres à huit mètres, sans rechercher si cette limitation n’avait pas pour seul objet d’assurer le respect d’une servitude de vue qui devait être respectée par ailleurs, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 686, 696 et 706 du code civil. »
Réponse de la Cour
5. Ayant retenu, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, de l’acte du 29 novembre 1957, que son ambiguïté rendait nécessaire, qu’afin d’assurer le respect de la servitude de vue, seuls les arbres dépassant la hauteur de huit mètres devaient être élagués, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
6. La SCI […] fait le même grief à l’arrêt, alors « que les opérations d’expertise judiciaire doivent se dérouler dans le respect du principe de la contradiction ; qu’à ce titre, les experts sont tenus de soumettre à un débat contradictoire tous les éléments de l’expertise, y compris les dires des parties ; que le non-respect du principe de la contradiction est susceptible de priver de valeur probante les conclusions de l’expert judiciaire ; qu’en se bornant à opposer en l’espèce que, compte tenu des conclusions de l’expert, les demandes de la SCI […] tendant à voir ordonner une nouvelle expertise afin de voir étendre la mesure d’instruction étaient mal fondées, sans s’interroger sur le point de savoir si l’absence de réponse aux dires formulées en ce sens par la SCI auprès de l’expert n’était pas de nature à priver ses conclusions de leur valeur probante à raison d’une violation du principe de la contradiction, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 16 du code de procédure civile et de l’article 6, § 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. »