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Dans le cadre d’une action tendant principalement à voir déréférencer des articles de presse et à voir limiter le traitement de données personnelles, seule l’action à l’encontre de la personne responsable du traitement au sens de l’article 4.7 du Règlement (UE) n°2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement de données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (ci-après, le RGPD) est susceptible d’être recevable.
Aux termes de cet article, le responsable d’un traitement est la personne physique ou morale, l’autorité publique, le service ou un autre organisme qui, seul ou conjointement avec d’autres, détermine les finalités et les moyens du traitement. Il ressort de l’arrêt de la CJUE du 13 mai 2014 Costeja, affaire C6131/12, que l’activité d’un moteur de recherche, consistant à trouver des informations publiées ou placées sur internet par des tiers, à les indexer de manière automatique, à les stocker temporairement et enfin à les mettre à disposition des internautes selon un ordre de préférence donné, doit être qualifiée de traitement de données à caractère personnel, de sorte que l’exploitant du moteur de recherche GOOGLE Inc devenu GOOGLE LLC doit être considéré comme le responsable du traitement des dites données. Si la société GOOGLE IRELAND a été désignée dans les règles de confidentialité de Google comme responsable du traitement des informations à caractère personnel pour les utilisateurs résidant dans l’Espace économique européen ou en Suisse, il n’en demeure pas moins qu’en vertu de ces mêmes règles, c’est la société GOOGLE LLC qui a été désignée comme responsable du traitement des contenus internet explorés, indexés et présentés comme résultats par le moteur de recherche Google et est seule titulaire du pouvoir de déterminer les moyens et finalités du traitement des données à caractère personnel ainsi indexées, et non la société GOOGLE IRELAND. Pour s’opposer à cette répartition des compétences et attributions, et soutenir en conséquence qu’une action dirigée à l’encontre de la société GOOGLE IRELAND serait recevable, le demandeur soutient que la société GOOGLE IRELAND serait la représentante, au sein de l’Union Européenne, de la société GOOGLE LLC. Si les défenderesses ne contestent pas la qualité de représentante de la société GOOGLE IRELAND, elles ne produisent pas la désignation écrite afferente, prévue par l’article 27.1 du RGPD. Cependant, s’il est exact que le RGPD prévoit, aux articles 3.2 et 27.1, l’obligation pour un responsable du traitement des données personnelles situé en dehors de l’Union Européenne de désigner un responsable domicilié au sein de ce territoire, il apparaît, au vu des compétences attribuées par l’article 27.4 au dit représentant et aux termes des dispositions de l’article 27.5, que l’action en justice afférente à ce traitement doit être intentée contre son responsable (Google LLC) et non contre le représentant de ce dernier (GOOGLE IRELAND). |
→ Résumé de l’affaireL’affaire concerne une demande de déréférencement de deux articles sur le moteur de recherche Google, formulée par la société [12] et [Z] [N] à l’encontre de la société Google Ireland Limited. Les articles en question contiennent des informations sensibles sur [Z] [N], notamment des condamnations pénales et des procédures judiciaires en cours. La demande de déréférencement a été rejetée par la société Google LLC, responsable du traitement des données. Le tribunal a jugé que l’indexation des articles était nécessaire à l’information du public et a rejeté la demande de déréférencement. Le tribunal a également rejeté la demande de dommages et intérêts de [Z] [N] pour non-respect du droit à la limitation du traitement des données personnelles. La demande de dommages et intérêts pour “résistance abusive” a également été rejetée. Le tribunal a condamné [Z] [N] à payer des frais irrépétibles aux défenderesses et aux entiers dépens.
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→ Les points essentielsIl résulte de cette affaire :
– qu’une personne physique peut demander à un moteur de recherche accessible sur le territoire national de supprimer de la liste des résultats, affichée à la suite d’une recherche effectuée à partir de ses prénom et nom, des liens vers des pages web identifiées par leurs URL, publiées par des tiers et contenant des informations relatives à cette personne, – que le déréférencement est justifié lorsque les données à caractère personnel sont inexactes, incomplètes, équivoques, périmées ou lorsque des motifs légitimes s’opposent au traitement de ces données, – qu’il convient à ce titre d’opérer une distinction entre : – les données dites “sensibles” (art. 9 du RGPD) : données révélant l’origine raciale ou ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques ou l’appartenance syndicale, données génétiques, données biométriques, données de santé, et données concernant la vie sexuelle ou l’orientation sexuelle, – les données relatives à des infractions ou des condamnations pénales (art. 10 du RGPD), comprenant également les informations relatives à l’implication d’une personne dans une procédure pénale, – que s’agissant des données dites “sensibles”, l’ingérence dans les droits fondamentaux au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel de la personne concernée est susceptible d’être particulièrement grave en raison de la sensibilité de ces données et leur accès à partir d’une recherche sur le nom de la personne doit être strictement nécessaire à l’information du public, sauf à ce qu’elles aient été manifestement rendues publiques par la personne qu’elles concernent, – que s’agissant des données en matière pénale, il doit être tenu compte, afin de déterminer si l’indexation est strictement nécessaire à l’information du public, de la nature et la gravité de l’infraction, du déroulement de la procédure, de son issue et de l’étape de cette procédure à laquelle renvoie l’information, du temps écoulé, du rôle joué par la personne dans la vie publique et de son comportement dans le passé (décision CJUE du 24 septembre 2019, affaire C-136/17), – que s’agissant des données en matière pénale, si la mise en balance sus-décrite conduit à privilégier le droit à l’information, alors l’exploitant du moteur de recherche devra aménager le référencement pour mettre en valeur les contenus les plus à jour, reflétant la situation judiciaire actuelle du demandeur. Les montants alloués dans cette affaire: – Partie demanderesse : 10 000 euros
– Partie défenderesse : 5 000 euros |
→ Réglementation applicableAux termes de l’article 4 du règlement européen dit RGPD, les “données à caractère personnel” sont toute information se rapportant à une personne physique identifiée ou identifiable, une “personne physique identifiable” étant une personne physique qui peut être identifiée, directement ou indirectement, notamment par référence à un identifiant, tel qu’un nom, un numéro d’identification, des données de localisation, un identifiant en ligne, ou à un ou plusieurs éléments spécifiques propres à son identité physique, physiologique, génétique, psychique, économique, culturelle ou sociale.
Au sens du RGPD , un “traitement de données personnelles” est toute opération ou tout ensemble d’opérations effectuées ou non à l’aide de procédés automatisés et appliquées à des données ou des ensembles de données à caractère personnel, telles que la collecte, l’enregistrement, l’organisation, la structuration, la conservation, l’adaptation ou la modification, l’extraction, la consultation, l’utilisation, la communication par transmission, la diffusion ou toute autre forme de mise à disposition, le rapprochement ou l’interconnexion, la limitation, l’effacement ou la destruction. Il sera ici rappelé, comme indiqué plus haut, que l’activité d’un moteur de recherche doit être qualifiée de traitement de données à caractère personnel au sens de ce texte (cf. arrêt de la CJUE du 13 mai 2014 Costeja, affaire C6131/12). Il ressort de l’article 51 de la loi du 6 janvier 1978, dans sa version issue de l’ordonnance n°2018-1125 du 12 décembre 2018 transposant en droit français le RGPD, que toute “personne physique identifiable” au sens sus-cité a le droit d’obtenir du responsable du traitement l’effacement, dans les meilleurs délais, de données à caractère personnel la concernant et ce pour les motifs et selon les conditions prévues à l’article 17 du RGPD, lequel doit être notamment interprété au regard de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. L’article 17 sus-cité dispose notamment que la personne concernée a le droit d’obtenir du responsable du traitement l’effacement, dans les meilleurs délais, de données à caractère personnel la concernant et que le responsable du traitement a l’obligation d’effacer ces données à caractère personnel dans les meilleurs délais, lorsque s’applique l’un des motifs mentionnés parmi lesquels le fait que les dites données ne sont plus nécessaires au regard des finalités pour lesquelles elles ont été collectées ou traitées ou qu’elles ont fait l’objet d’un traitement illicite. |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Maître Pierre DE ROQUEFEUIL de la SELASU LEGAL RLP
– Maître Aurélie BREGOU de la SELARL DEPREZ, GUIGNOT & ASSOCIES |
→ Mots clefs associés & définitions– Désistement d’instance
– Intervention volontaire – Irrecevabilité des demandes – Débouter – Question préjudicielle – Droit à la limitation du traitement des données – Condamnation – Article 700 du code de procédure civile – Dépens – Jugement à Paris – Désistement d’instance : renonciation à poursuivre une action en justice
– Intervention volontaire : action d’une tierce personne qui intervient volontairement dans un procès en cours – Irrecevabilité des demandes : refus d’admettre certaines demandes en justice – Débouter : rejeter une demande ou une action en justice – Question préjudicielle : question posée à une juridiction pour éclairer un point de droit avant de rendre une décision – Droit à la limitation du traitement des données : droit des individus à limiter l’utilisation de leurs données personnelles – Condamnation : décision de justice qui condamne une personne à une peine ou à une amende – Article 700 du code de procédure civile : article permettant au juge d’allouer une somme d’argent à la partie gagnante pour ses frais de justice – Dépens : frais engagés lors d’une procédure judiciaire – Jugement à Paris : décision rendue par un tribunal situé à Paris |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
■
MINUTE N°:
17ème Ch. Presse-civile
N° RG 21/07831 – N° Portalis 352J-W-B7F-CUSZ4
SC
Assignation du :
04 Juin 2021
[1]
[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :
République française
Au nom du Peuple français
JUGEMENT
rendu le 14 Février 2024
DEMANDEURS
S.A.S.U. [12]
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentée par Maître Pierre DE ROQUEFEUIL de la SELASU LEGAL RLP, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #C0627
[Z] [N]
[Adresse 2]
[Localité 1]
représenté par Maître Pierre DE ROQUEFEUIL de la SELASU LEGAL RLP, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #C0627
DEFENDERESSE
Société GOOGLE IRELAND LIMITED
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 7] (IRLANDE)
représentée par Maître Aurélie BREGOU de la SELARL DEPREZ, GUIGNOT & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0221
INTERVENANTE VOLONTAIRE
la société GOOGLE LLC
[Adresse 3]
[Localité 6] CA, ETATS-UNIS
représentée par Maître Aurélie BREGOU de la SELARL DEPREZ, GUIGNOT & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0221
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Magistrats ayant participé aux débats et au délibéré :
Delphine CHAUCHIS, Première vice-présidente adjointe
Présidente de la formation
Amicie JULLIAND, Vice-président
Sophie COMBES, Vice-Présidente
Assesseurs
Greffiers :
Martine VAIL, Greffier lors des débats, Virginie REYNAUD, Greffier à la mise à disposition
A l’audience du 13 Décembre 2023
tenue publiquement
JUGEMENT
Mis à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
Vu l’assignation en date du 4 juin 2021, délivrée à la société GOOGLE IRELAND LIMITED à la requête de la société [12] et de [Z] [N] qui demandent au tribunal d’enjoindre à la société défenderesse de procéder au déréférencement du moteur de recherche Google de deux articles accessibles aux deux adresses URL visées dans l’acte, https://www.[015]
[015] et https://www.[016], et de la condamner à leur verser des dommages et intérêts ;
Vu l’intervention volontaire de la société GOOGLE LLC par conclusions en défense et d’intervention volontaire signifiées le 15 septembre 2022 par voie électronique ;
Vu les dernières conclusions des demandeurs, notifiées par voie électronique le 15 février 2023, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, par lesquelles ils demandent au tribunal :
– en ce qui concerne le préjudice spécifique résultant du non-respect du droit de limitation entre le 22 avril 2021, date de la demande de limitation, jusqu’au 18 mai 2021, date du refus de la société GOOGLE IRELAND de procéder au déréférencement sollicité, de condamner solidairement les sociétés GOOGLE IRELAND LIMITED et GOOGLE LLC à leur verser la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts et de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu’aux dépens ;
– en ce qui concerne les demandes de [Z] [N] :
– d’enjoindre aux sociétés GOOGLE IRELAND LIMITED et GOOGLE LLC, sous astreinte de 500 euros par jour de retard de retirer, sur l’ensemble de leurs moteurs de recherche dans le monde, et subsidiairement sur ses extensions sur le territoire de l’Union Européenne à condition qu’ils ne soient en tout état de cause pas accessibles depuis le territoire de l’Union Européenne, les résultats de recherches du moteur Google Search renvoyant sur les pages suivantes, à partir des requêtes portant sur les nom et prénom de [Z] [N] pris ensemble ou séparément, à savoir les termes “[Z] [N] [G]”, “[Z] [N]”, “[N] [G]”, “[G] [N]” et “[Z] [G]” :
– https://www.[015]
[015]
-https://www.[016]
[016]
[016]
– de condamner solidairement les défenderesses à lui verser la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts, et de 11.000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu’aux dépens;
– en ce qui concerne l’exercice par [Z] [N] de son droit de limitation, au besoin, surseoir à statuer et renvoyer à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) la question suivante :
“Le droit de l’Union, et plus particulièrement l’article 18,1,d) du règlement UE 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (ci-après “RGPD”), doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose, d’une part, à ce que la vérification de la légitimité du traitement, à la suite de l’exercice par la personne concernée de son droit d’opposition, soit faite dans le cadre d’un débat contradictoire et judiciaire assurant l’impartialité de ladite vérification, et, d’autre part, à ce que le droit de limitation prévu par ce texte s’exerce pendant le temps d’un tel débat, y compris dans l’hypothèse où le responsable du traitement, bien qu’invoquant la liberté d’expression, n’exerce pas la profession de journaliste selon la loi nationale, s’est contenté d’indexer un contenu dont il n’a pas contribué à la création, permettant ainsi le profilage de la personne concernée, ou ne bénéficie manifestement d’aucun régime d’exception prévoyant que la personne concernée soit privée de son droit à la limitation ?” ;
– en ce qui concerne les demandes de la société [12] :
– d’enjoindre aux sociétés GOOGLE IRELAND LIMITED et GOOGLE LLC, sous astreinte de 500 euros par jour de retard de retirer, sur l’ensemble de ses moteurs de recherche dans le monde, et subsidiairement sur ses extensions sur le territoire de l’Union Européenne à condition qu’ils ne soient en tout état de cause pas accessibles depuis le territoire de l’Union Européenne, les résultats de recherche du moteur Google Search renvoyant sur les pages suivantes, à partir des requêtes portant sur les mots [12] pris ensemble ou séparément, à savoir les termes “[12]” et “[13]” :
– https://www.[015]
[015]
– https://www.[016]
[016]
– de condamner solidairement les défenderesses à lui verser la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts, et de 11.000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu’aux dépens;
– de condamner solidairement les défenderesses à leur verser la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral, pour résistance abusive pour avoir soulevé un incident privé d’objet, à des fins exclusivement dilatoires ;
– subsidiairement, si les demandeurs étaient condamnés à verser aux sociétés défenderesses des condamnations pécuniaires, ne pas prononcer l’exécution provisoire, et, plus subsidiairement, leur accorder un délai de paiement de deux ans, et, en cas d’appel interjeté, subsidiairement encore, une mise sous séquestre français, à la CARPA de [Localité 14], desdites condamnations, jusqu’à la décision définitive ;
Vu les dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 27 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, par lesquelles les sociétés défenderesses demandent au tribunal :
– de prononcer la mise hors de cause de la société GOOGLE IRELAND LIMITED ;
– de déclarer la société GOOGLE LLC recevable et bien fondée en son intervention volontaire ;
– de débouter [Z] [N] et la société [12] de l’ensemble de leurs demandes ;
– subsidiairement :
– de les débouter de leurs demandes de retrait des liens en cause de toutes les extensions du moteur de recherche Google dans le monde ;
– de les débouter de leur demande d’astreinte ;
– en tout état de cause :
– de les condamner solidairement à payer à la société GOOGLE IRELAND LIMITED, la somme de 5.000 euros et à la société GOOGLE LLC, la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– de condamner solidairement [Z] [N] et la société [12] aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP DEPREZ GUIGNOT & ASSOCIES dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile ;
Vu l’ordonnance de clôture en date du 15 mars 2023 ;
A l’audience du 6 septembre 2023, les parties ont indiqué que la société [12] avait été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 31 août 2023 et ont sollicité le renvoi de l’affaire afin que le liquidateur désigné prenne connaissance du dossier et intervienne le cas échéant volontairement dans la procédure pour représenter la société. Le tribunal a décidé de renvoyer l’affaire à l’audience du 13 décembre 2023 pour une éventuelle intervention du liquidateur.
Par message du 30 novembre 2023, le conseil des demandeurs a informé la juridiction que le liquidateur ne souhaitait finalement “pas intervenir ou faire intervenir la société à cette instance”.
Lors de l’audience du 13 décembre 2023, le conseil des demandeurs a confirmé que le liquidateur ne souhaitait pas intervenir dans la procédure. Il a indiqué se désister des demandes présentées dans l’intérêt de la société [12] et sollicité que la juridiction se prononce sur celles présentées par [Z] [N].
Le conseil des sociétés défenderesses a indiqué prendre acte du désistement de la société [12].
Les conseils ont soutenu oralement leurs écritures s’agissant des demandes présentées par [Z] [N].
L’affaire a été mise en délibéré au 14 février 2024, par mise à disposition au greffe.
Sur les faits
La société GOOGLE LLC se présente comme une société de droit américain, filiale du groupe ALPHABET, qui fournit divers services sur internet, dont le moteur de recherche Google (pièce n°1 en défense).
La société GOOGLE IRELAND LIMITED (ci-après GOOGLE IRELAND) se présente comme une société de droit irlandais, filiale irlandaise du groupe ALPHABET (pièce n°2 en défense). Elle indique que depuis le 22 janvier 2019, et à la suite de la réorganisation du groupe ALPHABET, elle est désignée dans les Règles de confidentialité de Google comme responsable du traitement des données à caractère personnel pour les utilisateurs résident dans l’Espace Economique Européen (EEE) et la Suisse.
La société [12], immatriculée le 18 novembre 2020, se présente comme “la société tête de groupe et de réseau d’une dizaine de sociétés [9], détenues en propre ou sous franchise, sous enseigne “[12]” , premier réseau de crèches [11] en France. Il ressort des extraits Kbis produits par les parties qu’elle a pour objet “la détention des participations, actions, valeurs mobilières dans toutes les entreprises, fonds de commerce, relativement à toute entreprise de garde d’enfants” et qu’elle a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 31 août 2023.
[Z] [N] communique pour sa part une convention de transfert de contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er mars 2021 dont il ressort qu’après avoir exercé comme responsable du développement au sein de la société HEIDI FAMILY, il occupe le poste de directeur d’exploitation du réseau d’établissements d’accueil de jeunes enfants au sein de la société [12] (ses pièces n°17 et 18, curriculum vitae et convention de transfert).
Le 5 mars 2021, ont été publiés sur le site “Warning Trading”, s’intéressant à l’actualité en matière d’escroqueries et de cybercriminalité financière (cf. notamment extrait du site “à propos de Warnig Trading”, page 48 du constat d’huissier dressé le 24 septembre 2021, pièce n°14 en demande), deux articles intitulés “Sans [Z] [N] [G], YOOPALA n’en serait jamais arrivé là” et “[9] et [12]: un accouchement dans la douleur” accessibles aux adresses URL visées dans les prétentions ci-dessus retranscrites.
L’article “Sans [Z] [N] [G], Yoopala n’en serait jamais arrivé là” (pièce n°14 en demande, page 34 à 44 du constat d’huissier sus-cité), signé du journaliste [M] [Y], évoque, sur un ton critique, l’activité de [Z] [N] au sein des entreprises YOOPALA et MULTIDISCOUNT. Il y est rappelé de précédentes condamnations de [Z] [N] et deux procédures pénales en cours le concernant.
S’agissant des anciennes condamnations, évoquées à la fin de l’article, il est fait référence à :
– une affaire d’escroquerie en bande organisée et blanchiment, portant sur un montant de 4 millions d’euros, relative à l’exploitation d’un site internet de vente en ligne “MULTIDISCOUNT” qui aurait reposé sur un système de cavalerie, passant par des paradis fiscaux, et donné lieu à une condamnation en récidive “pour des faits antérieurs à 2006” à “une peine de prison ferme en 2016, confirmée en appel en 2018” (page 44 du constat d’huissier),
– une “précédente condamnation en 2009 à Aix en Provence” pour avoir participé à “une chaîne de prospérité dans le sud de la France au début des années 2000” (page n°44 du constat d’huissier).
Il est également indiqué qu’à sa sortie de détention à la suite de sa condamnation dans l’affaire “MULTIDISCOUNT”, [Z] [N] aurait racheté la société YOOPALA, société de service à la personne et de garde d’enfants à domicile, qui aurait généré 8 millions de dettes et 1,5 million d’euros de déficit, cette société étant alors placée sous procédure de sauvegarde.
Dans le cadre des activités du demandeur au sein de la société YOOPALA, deux procédures pénales, toujours en cours à la date de rédaction de l’article, sont évoquées :
– une procédure pénale pour abus de bien social et détournement de fonds, à raison de laquelle le tribunal de commerce de Paris a sursis à statuer, selon jugement du 6 février 2018, dans l’attente du jugement du tribunal correctionnel : “Confronté à des malversations financières graves, l’administrateur judiciaire a alerté le parquet. Le Procureur de la République poursuit [Z] [N]-[G] pour abus de bien social et détournement de fonds. L’affaire n’a pas encore été jugée mais est mentionnée dans un jugement du Tribunal de commerce du 6 février 208, qui surseoit à statuer en attendant que le tribunal correctionnel rende sa décision. Dans l’attente d’une décision définitive, [Z] [N] doit être présumé innocent” (p. 43 du constat d’huissier),
– une procédure relative au volet “abus d’emplois aidés” de cette même affaire, pour laquelle le demandeur a comparu au mois de mars 2021 devant le tribunal judiciaire de Paris : “Le volet “abus d’emploi aidé” de toute cette affaire s’est tenu en première instance en mars 2021 à la 11e chambre du Tribunal judiciaire de Paris. Fin mars, [Z] [G] [N] a été condamné à quatre ans de prison ferme assortis d’un mandat de dépôt et sa femme à deux ans de prison avec sursis. Ils ont aussitôt fait appel de cette décision qui n’est par conséquent pas définitive. Dans cette attente, [Z] [N] doit donc être également présumé innocent” (page n°44 du constat d’huissier), l’article reproduisant ensuite les propos de l’avocat d’une des parties civiles.
Il est indiqué en conclusion de l’article que [Z] [N] a dès janvier 2016 trouvé un emploi dans une entreprise de minicrèche, “[10]”, d’où il “va trouver l’inspiration pour sa prochaine aventure : [9], devenu [12], le groupe qu’il continue de diriger”.Il est précisé par l’huissier, page 44 du constat, qu’un lien URL inséré dans cette phrase permet d’accéder au second article dont le déréférencement est sollicité.
L’article est notamment illustré par la reproduction d’une capture d’écran d’une vidéo reprenant une interview du demandeur datant de 2014 ainsi que de schémas explicatifs des montages financiers évoqués, et ce avec la légende “[Z] [N] ou [Z] [N]-[G] ou [Z] [G]-[N]”.
Il convient ici de préciser, au regard de la dernière procédure évoquée dans l’article, qu’il ressort du jugement du tribunal correctionnel de Paris, communiqué en pièce n°15 en défense, qu’à la suite d’une audience s’étant déroulée du 17 au 26 mars 2021, [Z] [N]-[G] a été condamné, par jugement du 26 mai 2021, des chefs de marchandage, opération illicite de prêt de main d’oeuvre exclusif dans un but lucratif, abus de confiance, complicité de faux, abus de bien ou de crédit d’une société par actions par un dirigeant à des fins personnelles, escroquerie en récidive faux, usage de faux en écriture, exécution d’un travail dissimulé, blanchiment aggravé, à la peine de cinq ans d’emprisonnement, dont un avec sursis probatoire, assortie d’un mandat d’arrêt. Le tribunal a également prononcé une interdiction d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société pendant cinq ans, ainsi qu’une interdiction d’exercer toute activité dans le secteur des services à la personne pendant une durée de cinq ans. Il ressort en outre des certificats joints que [Z] [N]-[G] a interjeté appel de cette décision le 26 mai 2021.
Le second article, intitulé “[9] et [12] : un accouchement dans la douleur” (pièce n°14 en demande, page 66 à 78 du constat d’huissier), signé du même journaliste, évoque les montages juridiques et financiers organisés par [Z] [N] en lien avec les sociétés [9] et [12] gérant un réseau de crèches.
L’article débute par le chapô suivant : “Après Yoopala et [10], [Z] [N]-[G] s’est lancé avec le groupe Matterhorn Finance dans l’offre de financement privé de crèches, créant [9] et [12]. Jusqu’à ce que l’alliance tourne court”.
Il décrit ensuite le parcours de [Z] [N]-[G] qui après avoir développé “Yoopala, une société de service à la personne sur internet spécialisée dans la petite enfance” où il a “fait rentrer beaucoup d’argent mais il a vu aussi trop grand”, s’en est trouvé “exclu”, “au chômage, avec une interdiction de gestion et une procédure pénale sur le dos”. Il est précisé qu’après avoir trouvé un nouvel emploi chez [10], il “peaufine son prochain projet de business : un appel à l’épargne privée pour investir dans les crèches”.
Puis l’article décrit la création de deux sociétés, [9] et [12], ainsi que le rôle joué dans ce cadre par [Z] [N]-[G], plus particulièrement au sein de la société ERFOND LIMITED grâce à laquelle il “peut tirer les ficelles d’une société de gestion de crèche bien française, [12] via l’entremise du Belge installé au Luxembourg, [H] [P]. Ce dernier est chargé de commercialiser l’investissement à des investisseurs privés via sa société luxembourgeoise FO Solution”.
Il indique alors que “courant 2019, sont conçues deux offres d’investissement dans les crèches, celle d’[9] dans laquelle le groupe Matterhorn et [D] [O] sont partie prenante et celle de [12] conçue par [Z] [N]-[G] pour se passer de Matterhorn et de [D] [O]. Ces deux offres d’investissements se ressemblent comme des jumelles. Elles proposent toutes les deux un investissement suivant une formule 2/3 en capital et 1/3 sous forme de prêt en compte courant”. Suit une critique de cette offre d’investissement au sujet de laquelle il est précisé “Sollicité par nos soins, Epargne Info Service, le service de protection des épargnants de l’Autorité des Marchés Financiers, déconseille cet investissement. En effet, d’après l’Autorité administrative, [12] “ne bénéficie d’aucun enregistrement / autorisation auprès de l’AMF pour proposer des services d’investissement en France de type crèches ni autre chose d’ailleurs. Il convient de ne pas donner suite aux sollicitations de cette société apparaissant des plus douteuses” ”.
Il fait ensuite état de tensions entre [D] [O] et [Z] [N]-[G] et indique : “Nous n’avons pas réussi à obtenir d’explication de la part des uns et des autres. [Z] [N]-[G] oppose une fin de non recevoir à notre démarche : “Il faut vous adresser à un dirigeant qui pourra seul prendre la décision de donner suite ou non à votre demande. Ma qualité de salarié, bien que cadre, ne m’autorise pas à divulguer quoi que ce soit” (…)”.
Il précise encore“La rupture sera actée avec la reprise d’[9] par [13], annoncée sous forme de changement de nom début 2020” puis évoque les modalités de recherches de financement mises en oeuvre par “[12]”, d’abord “les technologies de la blockchain” auxquelles elle aurait finalement renoncé, puis le “crowfunding”. Sont alors reproduits des portions de copies d’écran représentants des “Extraits de supports de communication émis par [12] pour trouver des investisseurs”.
L’article se conclut sur la situation du groupe Matterhorn Finance.
L’article est notamment illustré par des schémas explicatifs des montages financiers où figure la photographie du demandeur avec la légende “[Z] [N] ou [Z] [N]-[G] ou [Z] [G]-[N]”. Il est précisé par l’huissier, page 79 du constat, qu’un lien URL inséré au début de l’article, au niveau du nom du demandeur, permet d’accéder au premier article.
Il ressort du constat d’huissier que les articles sont librement accessibles au public. Il convient en outre de préciser, au regard de la demande de déréférencement présentée par [Z] [N], qu’ils sont référencés en première page sur Google Search via des requêtes sur les expressions “[Z] [N]”, “[N] [G]”, “[Z] [G]” (pièce n°14 en demande : pages 104 et 105,132, 161, 170 et 208).
Le 22 avril 2021, [Z] [N] a formé, par le formulaire mis en ligne par Google LLC et par courrier de son conseil adressé à GOOGLE IRELAND (pièces en demande n°1 à 3), une demande de déréférencement des URL menant à ces deux articles, ce à quoi la société GOOGLE LLC a répondu, par courriel du 18 mai 2021 (pièce n°4 en demande), qu’elle n’entendait pas faire droit à sa demande, dès lors que ces liens renvoyaient vers des contenus relatifs à sa vie professionnelle présentant un grand interêt pour le public (pièce n°10 en demande).
Outre la présente procédure, deux actions en justice ont été engagées par les demandeurs concernant les deux articles litigieux pour la première, et le second pour la dernière :
– une procédure devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, fondée sur les articles 834 et 835 alinéa 2 du code de procédure civile, formulant de demandes de retrait des liens litigieux, de limitation de traitement des données et de dommages et intérêts. Par ordonnance du 17 novembre 2021, confirmée par un arrêt du 19 octobre 2022, le juge des référés a dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes présentées par la société [12] et [Z] [N] , et dit n’y avoir lieu à transmission d’une question préjudicielle à la CJUE (pièces n°30 et 32 en défense) ;
– une procédure devant le tribunal judiciaire de Paris, chambre civile, sur le fondement de la diffamation publique envers un particulier, pour laquelle la société [12], seule demanderesse, a été déboutée par jugement du 20 avril 2022, au motif que les propos poursuivis ne présentaient pas de caractère diffamatoire. La société demanderesse indique “ne pas avoir été en mesure de faire appel” (pièce n°13 en demande).
Sur le désistement de la société [12]
Il convient, en application des articles 394 et 398 du code de procédure civile, de constater le désistement d’instance de la société [12].
Sur la mise hors de cause de la société GOOGLE IRELAND et l’intervention volontaire de la société GOOGLE LLC
Il résulte des articles 30 et 31 du code de procédure civile que l’intérêt est exigé de toute personne qui agit dans l’instance, à un titre quelconque, comme demandeur ou comme défendeur, et de l’article 32 du même code qu’est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir.
Dans le cadre d’une action tendant principalement à voir déréférencer des articles et à voir limiter le traitement de données personnelles, seule l’action à l’encontre de la personne responsable du traitement au sens de l’article 4.7 du Règlement (UE) n°2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement de données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (ci-après, le RGPD) est susceptible d’être recevable.
Il sera rappelé que, aux termes de cet article, le responsable d’un traitement est la personne physique ou morale, l’autorité publique, le service ou un autre organisme qui, seul ou conjointement avec d’autres, détermine les finalités et les moyens du traitement.
Il ressort de l’arrêt de la CJUE du 13 mai 2014 Costeja, affaire C6131/12, que l’activité d’un moteur de recherche, consistant à trouver des informations publiées ou placées sur internet par des tiers, à les indexer de manière automatique, à les stocker temporairement et enfin à les mettre à disposition des internautes selon un ordre de préférence donné, doit être qualifiée de traitement de données à caractère personnel, de sorte que l’exploitant du moteur de recherche GOOGLE Inc devenu GOOGLE LLC doit être considéré comme le responsable du traitement des dites données.
Cette position est corroborée par les règles de confidentialité de Google en date du 22 juillet 2021 (pièce n°6 en défense) qui précisent que :
“Sauf indication contraire dans un avis de confidentialité spécifique au service, le responsable du traitement de vos informations dépend de votre lieu de résidence :
Google Ireland Limited pour les utilisateurs des services Google basées dans l’Espace Economique Européen et en SuisseGoogle LLC pour les utilisateurs de services Google basés au Royaume-Uni.Google LLC est responsable du traitement des informations indexées et affichées dans des services tels que la Recherche Google et Google Maps, indépendamment de votre position”.
Il apparaît en outre que le formulaire de suppression d’informations personnelles dans le cadre de recherches effectuées sur le moteur de recherche mentionne la société GOOGLE LLC comme responsable du traitement des données (pièce n°5 en défense). La réponse adressée à la demande de suppression adressée par le conseil de [Z] [N] le 22 avril 2021 mentionne aussi un refus émanant de la société GOOGLE LLC (pièce n°4 en demande).
Ainsi, si la société GOOGLE IRELAND a été désignée dans les règles de confidentialité de Google comme responsable du traitement des informations à caractère personnel pour les utilisateurs résidant dans l’Espace économique européen ou en Suisse, il n’en demeure pas moins qu’en vertu de ces mêmes règles, c’est la société GOOGLE LLC qui a été désignée comme responsable du traitement des contenus internet explorés, indexés et présentés comme résultats par le moteur de recherche Google et est seule titulaire du pouvoir de déterminer les moyens et finalités du traitement des données à caractère personnel ainsi indexées, et non la société GOOGLE IRELAND.
Pour s’opposer à cette répartition des compétences et attributions, et soutenir en conséquence qu’une action dirigée à l’encontre de la société GOOGLE IRELAND serait recevable, le demandeur soutient que la société GOOGLE IRELAND serait la représentante, au sein de l’Union Européenne, de la société GOOGLE LLC. Si les défenderesses ne contestent pas la qualité de représentante de la société GOOGLE IRELAND, elles ne produisent pas la désignation écrite afferente, prévue par l’article 27.1 du RGPD.
Cependant, s’il est exact que le RGPD prévoit, aux articles 3.2 et 27.1, l’obligation pour un responsable du traitement des données personnelles situé en dehors de l’Union Européenne de désigner un responsable domicilié au sein de ce territoire, il apparaît, au vu des compétences attribuées par l’article 27.4 au dit représentant et aux termes des dispositions de l’article 27.5, que l’action en justice afférente à ce traitement doit être intentée contre son responsable et non contre le représentant de ce dernier.
Dans ces conditions, l’intervention volontaire de la société GOOGLE LLC doit être déclarée recevable.
Le demandeur est en revanche irrecevable à agir à l’encontre de la société GOOGLE IRELAND, faute d’intérêt à agir à son encontre.
Sur les demandes de déréférencement et de dommages et intérêts présentées par [Z] [N]
[Z] [N] déplore au sein de ses écritures que ses données personnelles, à savoir son image, son nom, son prénom ainsi que des données pénales le concernant, figurent dans des articles de presse accessibles dans les résultats de recherches sur le moteur Google Search, lors d’une requête sur les nom et prénom de [Z] [N], [Z] [G] et [Z] [N]-[G], aux URL suivantes :
– https://www.[015]/
– https://www.[016].
Il affirme que l’indexation de ces articles à partir de ses prénom et nom lui est dommageable en ce qu’elle fait obstacle au bon déroulement de sa carrière.
Se fondant sur les articles articles 10, 17, 21, 6ef, 85 du RGPD, 80 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique ainsi que sur l’arrêt de la CJUE Costeja c. Google Spain du 13 mai 2014 (C-131/12), [Z] [N] soutient que ce traitement de ses données personnelles, auquel il s’oppose, porte atteinte à sa vie privée et n’est pas strictement nécessaire à l’information du public dès lors qu’il n’est pas une personnalité publique et qu’il serait possible d’accéder aux dits articles par le moyen d’autres mots-clés que ses nom et prénom. Il sollicite par conséquent leur déréférencement, dans les termes précisés au dispositif de ses écritures, ainsi que la condamnation de la défenderesse à lui verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.
La défenderesse s’oppose à ces demandes dès lors, notamment, que l’indexation litigieuse est strictement nécessaire à l’information du public s’agissant de l’évocation de procédures pénales récentes, pour certaines toujours en cours, et qui ne relèvent pas de la vie privée du demandeur mais de sa vie professionnelle. Elle souligne que [Z] [N] ne démontre pas l’incidence qu’aurait le référencement de ces articles sur sa réinsertion professionnelle et sociale.
*
Il sera rappelé qu’aux termes de l’article 4 du règlement européen dit RGPD, les “données à caractère personnel” sont toute information se rapportant à une personne physique identifiée ou identifiable, une “personne physique identifiable” étant une personne physique qui peut être identifiée, directement ou indirectement, notamment par référence à un identifiant, tel qu’un nom, un numéro d’identification, des données de localisation, un identifiant en ligne, ou à un ou plusieurs éléments spécifiques propres à son identité physique, physiologique, génétique, psychique, économique, culturelle ou sociale.
Au sens du RGPD , un “traitement de données personnelles” est toute opération ou tout ensemble d’opérations effectuées ou non à l’aide de procédés automatisés et appliquées à des données ou des ensembles de données à caractère personnel, telles que la collecte, l’enregistrement, l’organisation, la structuration, la conservation, l’adaptation ou la modification, l’extraction, la consultation, l’utilisation, la communication par transmission, la diffusion ou toute autre forme de mise à disposition, le rapprochement ou l’interconnexion, la limitation, l’effacement ou la destruction. Il sera ici rappelé, comme indiqué plus haut, que l’activité d’un moteur de recherche doit être qualifiée de traitement de données à caractère personnel au sens de ce texte (cf. arrêt de la CJUE du 13 mai 2014 Costeja, affaire C6131/12).
Il ressort de l’article 51 de la loi du 6 janvier 1978, dans sa version issue de l’ordonnance n°2018-1125 du 12 décembre 2018 transposant en droit français le RGPD, que toute “personne physique identifiable” au sens sus-cité a le droit d’obtenir du responsable du traitement l’effacement, dans les meilleurs délais, de données à caractère personnel la concernant et ce pour les motifs et selon les conditions prévues à l’article 17 du RGPD, lequel doit être notamment interprété au regard de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne.
L’article 17 sus-cité dispose notamment que la personne concernée a le droit d’obtenir du responsable du traitement l’effacement, dans les meilleurs délais, de données à caractère personnel la concernant et que le responsable du traitement a l’obligation d’effacer ces données à caractère personnel dans les meilleurs délais, lorsque s’applique l’un des motifs mentionnés parmi lesquels le fait que les dites données ne sont plus nécessaires au regard des finalités pour lesquelles elles ont été collectées ou traitées ou qu’elles ont fait l’objet d’un traitement illicite.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments :
– qu’une personne physique peut demander à un moteur de recherche accessible sur le territoire national de supprimer de la liste des résultats, affichée à la suite d’une recherche effectuée à partir de ses prénom et nom, des liens vers des pages web identifiées par leurs URL, publiées par des tiers et contenant des informations relatives à cette personne,
– que le déréférencement est justifié lorsque les données à caractère personnel sont inexactes, incomplètes, équivoques, périmées ou lorsque des motifs légitimes s’opposent au traitement de ces données,
– que les droits à la vie privée et à la protection des données à caractère personnel doivent se concilier avec les droits à la liberté d’expression et d’information, dans la recherche d’un juste équilibre prenant en compte l’intérêt légitime des internautes potentiellement intéressés à avoir accès à une information,
– qu’il convient à ce titre d’opérer une distinction entre :
– les données dites “sensibles” (art. 9 du RGPD) : données révélant l’origine raciale ou ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques ou l’appartenance syndicale, données génétiques, données biométriques, données de santé, et données concernant la vie sexuelle ou l’orientation sexuelle,
– les données relatives à des infractions ou des condamnations pénales (art. 10 du RGPD), comprenant également les informations relatives à l’implication d’une personne dans une procédure pénale,
– les autres données à caractère personnel ne relevant d’aucune de ces deux catégories,
– que s’agissant des données dites “sensibles”, l’ingérence dans les droits fondamentaux au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel de la personne concernée est susceptible d’être particulièrement grave en raison de la sensibilité de ces données et leur accès à partir d’une recherche sur le nom de la personne doit être strictement nécessaire à l’information du public, sauf à ce qu’elles aient été manifestement rendues publiques par la personne qu’elles concernent,
– que s’agissant des données en matière pénale, il doit être tenu compte, afin de déterminer si l’indexation est strictement nécessaire à l’information du public, de la nature et la gravité de l’infraction, du déroulement de la procédure, de son issue et de l’étape de cette procédure à laquelle renvoie l’information, du temps écoulé, du rôle joué par la personne dans la vie publique et de son comportement dans le passé (décision CJUE du 24 septembre 2019, affaire C-136/17),
– que s’agissant des données en matière pénale, si la mise en balance sus-décrite conduit à privilégier le droit à l’information, alors l’exploitant du moteur de recherche devra aménager le référencement pour mettre en valeur les contenus les plus à jour, reflétant la situation judiciaire actuelle du demandeur.
*
Sur l’article intitulé “Sans [Z] [N] [G], Yoopala n’en serait jamais arrivé là”
Comme rappelé plus haut, cet article apparaît sur la liste des résultats d’une recherche effectuée sur le moteur de recherche Google à partir des nom et prénom du demandeur.
En l’espèce, les données se rapportant, dans l’article, au demandeur sont ses nom et prénom, son parcours professionnel, des condamnations pénales le concernant ainsi que des procédures pénales où il serait mis en cause, et relèvent par conséquent en partie de l’article 10 du RGPD.
Le traitement de ces données par la société GOOGLE LLC dans le cadre de l’indexation de l’article constitue une ingérence importante, compte tenu du caractère particulièrement sensible des informations pénales qu’elles contiennent, dans le droit fondamental de [Z] [N] à voir protéger ces données ainsi que sa vie privée. En effet, contrairement à ce que soutient la défenderesse, la mention dans une publication, et par conséquent le traitement de cette mention dans le cadre de l’indexation, des condamnations pénales dont une personne a fait l’objet, y compris à l’occasion de son activité professionnelle, porte atteinte à son droit au respect dû à sa vie privée (CEDH, arrêt du 28 juin 2018, M.L. et W.W. c. Allemagne, n° 60798/10 et 65599/10).
Il convient par conséquent de déterminer si l’indexation est strictement nécessaire à l’information du public en tenant compte à cette fin de la nature et la gravité de l’infraction, du déroulement de la procédure, de son issue et de l’étape de cette procédure à laquelle renvoie l’information, du temps écoulé, du rôle joué par la personne dans la vie publique et de son comportement dans le passé.
L’article sus-cité retrace le parcours de [Z] [N] à compter de 2013 en décrivant les difficultés rencontrées par les sociétés qu’il a dirigées et son rôle dans celles-ci, ainsi que les condamnations et procédures pénales le concernant, en lien avec son activité au sein de ses sociétés.
Les procédures et décisions pénales évoquées, qui correspondent aux données les plus sensibles, sont récentes, la plus ancienne datant de 2009 et la dernière de 2021, et présentent une certaine gravité au vu des préjudices financiers évoqués et des peines d’emprisonnement prononcées. Leur mention est d’un particulier intérêt pour le public dès lors qu’elles concernent des faits commis à l’occasion de la gestion de sociétés dont l’activité, marchande ou de service à la personne, est en lien avec le public et que [Z] [N] est présenté comme ayant eu un rôle central dans ces faits, ce alors qu’il est annoncé en fin d’article qu’il envisage de “continuer à diriger” un nouveau groupe, consacré au service à la personne, appelé “[9] devenu [12]”.
Il sera enfin relevé qu’il n’est ni démontré, ni même allégué, par le demandeur que ces données, notamment celles à caractère pénal, seraient inexactes. La décision du tribunal correctionnel de Paris en date du 26 mai 2021 communiquée par les défenderesses (pièce n°15) vient d’ailleurs corroborer l’information donnée selon laquelle une audience concernant le demandeur a eu lieu en mars 2021 devant le “tribunal judiciaire de Paris” et qu’il a été condamné à “quatre ans de prison ferme”, ce qui correspond au quantum de la peine ferme prononcée par la juridiction.
L’indexation de cet article, à partir des données personnelles de [Z] [N] apparaît dès lors strictement nécessaire à l’information du public.
La demande de déréférencement de [Z] [N] concernant cet article sera par conséquent rejetée.
Sur l’article intitulé “[9] et [12] : un accouchement dans la douleur”
Comme rappelé plus haut, cet article apparaît sur la liste des résultats d’une recherche effectuée sur le moteur de recherche Google à partir des nom et prénom du demandeur.
En l’espèce, les données se rapportant, dans l’article, au demandeur sont ses nom et prénom ainsi que son parcours professionnel, et ne relèvent par conséquent pas des articles 9 et 10 du RGPD. Il sera ici indiqué que le fait qu’un lien URL permette d’accéder à l’autre article est sans incidence s’agissant d’une demande de déréférencement dans le cadre de laquelle le tribunal apprécie les données figurant dans chaque article pour apprécier la pertinence de l’indexation effectuée à partir de celles-ci. Ainsi le fait que soit mentionnée une “interdiction de gérer une entreprise” concernant [Z] [N] ne permet pas de considérer que l’article contiendrait des données relevant de l’article 10 sus-cité dès lors qu’aucun élément de l’article ne permet de rattacher cette mesure, qui peut résulter d’une décision commerciale, à une condamnation pénale. Il en va de même de l’expression indiquant qu’il aurait “une procédure pénale sur le dos” compte tenu son caractère vague et inconsistant empêchant d’y voir une donnée personnelle de nature pénale.
[Z] [N] ne pourra dès lors obtenir le déréférencement de l’article litigieux que s’il établit que les données utilisées sont inexactes, incomplètes, équivoques, périmées ou lorsque des motifs légitimes s’opposent à leur traitement, et qu’il n’existe pas un intérêt prépondérant des internautes potentiellement intéressés à avoir accès à ces informations.
Il sera d’abord relevé que les données à caractère personnel contenues dans l’article litigieux ne relèvent pas de la vie privée du demandeur qui y est évoqué à travers sa vie professionnelle.
En outre [Z] [N] ne soutient pas que les données le concernant sont inexactes, incomplètes ou équivoques. Elles ne sont pas davantage périmées dès lors que les faits évoqués sont particulièrement récents.
Il sera enfin relevé que l’article litigieux aborde un sujet d’intérêt général, à savoir les stratégies menées au sein de sociétés envisageant de faire appel à l’épargne privée, thème pouvant légitimement intéressé les personnes souhaitant investir des fonds leur appartenant.
Face à l’intérêt prépondérant que représente pour le public intéressé l’accès à l’intégralité des informations contenues dans cet article, le motif légitime allégué par le demandeur, à savoir les répercussions sur sa vie professionnelle, par ailleurs non établies dès lors que dans sa demande de déréférencement, il indiquait être toujours employé au sein de la société [12] et qu’il ne justifie pas de difficultés récentes, ne saurait justifier qu’il soit fait droit à la demande de déréférencement sus-visée.
La demande de déréférencement de [Z] [N] concernant cet article sera par conséquent rejetée.
Sur la demande d’indemnisation de [Z] [N] fondée sur le non-respect du droit à la limitation du traitement des données personnelles et sur sa demande subsidiaire tendant à la transmission d’une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union Européenne
[Z] [N] estime, au visa des articles 18.1.d), 18.3, 9 et 10 du RGPD, avoir subi un préjudice en raison de la non limitation du traitement de ses données pendant le temps qu’avait pris la société GOOGLE LLC pour formuler son refus de procéder au déréférencement, soit entre le 22 avril 2021,date de la demande de retrait, et le 18 mai 2021, date du refus. Il soutient par ailleurs que la société GOOGLE LLC aurait dû procéder à cette limitation pendant le temps de la présente instance. Il demande par conséquent le versement de dommages et intérêts en indemnisation de son préjudice. Subsidiairement, il sollicite que soit transmise à la CJUE la question préjudicielle rappelée dans le dispositif de ses écritures.
La société défenderesse s’oppose à ces demandes. Elle précise que le droit à la limitation d’un traitement de données à caractère personnel prévu par l’article 18.1.d) du RGPD est une prérogative du responsable du traitement qui peut décider d’y faire droit ou non durant le temps où il vérifie si les motifs légitimes et impérieux qu’il poursuit prévalent sur ceux de la personne concernée. Elle soutient en l’espèce que [Z] [N] n’est pas fondé à solliciter réparation d’un préjudice résultant d’une atteinte au droit de limitation du traitement de ses données à caractère personnel dès lors qu’il n’a justifié d’aucune raison tenant à sa situation particulière lui permettant de s’opposer audit traitement sur le fondement de l’article 21 du RGPD et que la vérification avait déjà été faite par elle sur le point de savoir si les motifs légitimes qu’elle poursuit prévalaient sur les intérêts du demandeur. Elle rappelle que le juge des référés, dans sa décision du 17 novembre 2021, a statué en ce sens. Elle ajoute que les dispositions de l’article 18.1.d) du RGPD sont dénuées d’ambigüité et que la transmission d’une question préjudicielle n’est dès lors pas nécessaire.
*
Il résulte de l’article 21 du RGPD que toute personne bénéficie d’un “droit d’opposition” au traitement de ses données, et ce dans les conditions suivantes :
“1. La personne concernée a le droit de s’opposer à tout moment, pour des raisons tenant à sa situation particulière, à un traitement des données à caractère personnel la concernant fondé sur l’article 6, paragraphe 1, point e) ou f), y compris un profilage fondé sur ces dispositions. Le responsable du traitement ne traite plus les données à caractère personnel, à moins qu’il existe des motifs légitimes et impérieux pour le traitement qui prévalent sur les intérêts et les droits et libertés de la personne concernée, ou pour la constatation, l’exercice ou la défense de droits en justice (…)”.
L’article 18 du RGPD précise que :
“1.La personne concernée a le droit d’obtenir du responsable de traitement la limitation du traitement lorsqu’un des éléments suivants s’applique:
a) l’exactitude des données à caractère personnel est contestée par la personne concernée, pendant une durée permettant au responsable du traitement de vérifier l’exactitude des données à caractère personnel;
b) le traitement est illicite et la personne concernée s’oppose à leur effacement et exige à la place la limitation de leur utilisation;
c) le responsable du traitement n’a plus besoin des données à caractère personnel aux fins de traitement mais celles-ci sont encore nécessaires à la personne concernée pour la constatation, l’exercice ou la défense des droits en justice;
d) la personne concernée s’est opposée au traitement en vertu de l’article 21, paragraphe 1, pendant la vérification portant sur le point de savoir si les motifs légitimes poursuivis par le responsable du traitement prévalent sur ceux de la personne concernée (…)”.
Il ressort de l’article 18.1.d) du RGPD que [Z] [N] pouvait demander à la société GOOGLE LLC de limiter le traitement de ses données personnelles pendant qu’elle vérifiait si les motifs légitimes qu’elle poursuit, à savoir l’indexation de contenus au moyen des mots-clés afin de communiquer aux utilisateurs de son moteur de recherche des résultats pertinents, devaient prévaloir ou non sur les raisons tenant à sa situation particulière invoquées pour s’opposer au dit traitement.
Il sera immédiatement précisé ici que contrairement à ce que soutient [Z] [N], l’article 18.1.d) du RGPD est rédigé dans des termes dénués d’ambigüité quant à celui auprès de qui la limitation du traitement peut être sollicitée, à savoir le responsable du traitement, et quant à la nature de la période pendant laquelle cette limitation peut avoir lieu, à savoir pendant “la vérification” effectuée par le responsable auprès de qui la demande a été faite. La défenderesse justifie d’ailleurs que cette interprétation est usuellement admise et diffusée, notamment par la Commission informatique et liberté (CNIL) sur son site internet (page 33 des écritures en défense). Il n’y a dès lors pas lieu, en tout état de cause, en application des dispositions de l’article 267 du traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne, à ce stade d’une décision susceptible de recours juridictionnel, de poser une question préjudicielle à la CJUE aux fins d’interprétation et en conséquence de surseoir à statuer.
Il apparaît que [Z] [N] a présenté une demande de limitation du traitement de ses données personnelles sur le fondement des textes sus-visés dans le cadre de sa demande de déréférencement faite le 22 avril 2021 (sa pièce n°1). Cette demande de suppression de l’indexation a été rejetée par la société GOOGLE LLC par mail du 18 mai 2021 (pièce n°4). Il n’est pas contesté que durant ce laps de temps, la défenderesse n’a pas procédé à la limitation du traitement des données définies à l’article 18.2 du RGPD.
Il apparaît cependant au vu de la demande de limitation présentée le 22 avril 2021, que [Z] [N] n’invoquait dans sa demande aucune raison particulière au sens du texte sus-cité, de nature à justifier que la société GOOGLE LLC procède aux vérifications prévues et mette en oeuvre, pendant ce temps, la limitation du traitement des données personnelles du demandeur.
[Z] [N] ne s’est en effet pas prévalu d’inexactitude relativement aux condamnations pénales évoquées mais de l’absence de son consentement à la publication des articles en cause. En outre, s’il a évoqué l’atteinte portée à “son avenir professionnel” et à “sa liberté de travailler”, il ressort de sa demande que ceux-ci ne paraissaient pas manifestement compromis dès lors qu’il précisait avoir un employeur.
La société GOOGLE LLC n’ayant dès lors commis aucune faute en ne faisant pas droit à la limitation de traitement de ses données sollicitée par [Z] [N], la demande de dommages et intérêts présentée par ce dernier sera rejetée.
Sur la demande de dommages et intérêts présentée par [Z] [N] pour “résistance abusive” de la société GOOGLE LLC
Cette demande n’étant ni fondée en droit, ni motivée, elle sera rejetée.
Sur les demandes accessoires
Compte tenu du désistement d’instance de la société [12] et de son motif, il n’est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés pour sa défense et non compris dans les dépens. Il ne sera dès lors pas fait droit à la demande présentée par les défenderesses à son encontre sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Il serait en revanche inéquitable de laisser aux défenderesses la charge des frais irrépétibles qu’elles ont dû exposer pour la défense de leurs intérêts vis-à-vis de [Z] [N]. Il y aura lieu en conséquence de condamner le demandeur à payer à chacune la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
[Z] [N] sera condamné aux entiers dépens, avec autorisation pour la SCP DEPREZ GUIGNOT & ASSOCIES de recouvrer directement ceux qu’elle aura exposés, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
[Z] [N] ne communiquant aucun élément à l’appui de sa demande de délai de grâce tendant à différer l’exécution des dispositions pécuniaires ci-dessus et de celle tendant à procéder au paiement dans les mains d’un séquestre, les demandes présentées à ce titre seront rejetées.
L’exécution provisoire de droit étant compatible avec la nature de l’affaire, il n’y a pas lieu d’y déroger contrairement à ce que sollicite [Z] [N].
Statuant, après débats publics, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort :
Constate le désistement d’instance de la société [12],
Reçoit la société GOOGLE LLC en son intervention volontaire,
Déclare irrecevables les demandes présentées par [Z] [N] à l’encontre de la société GOOGLE IRELAND LIMITED,
Déboute [Z] [N] de l’intégralité de ses demandes formées à l’encontre de la société GOOGLE LLC,
Dit n’y avoir lieu à transmission d’une question préjudicielle à la CJUE sur le droit à la limitation du traitement des données à cracatère personnel et en particulier sur l’article 18,1,d) du règlement UE 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données,
Condamne [Z] [N] à verser à la société GOOGLE LLC et à la société GOOGLE IRELAND LIMITED la somme de DEUX MILLE EUROS (2.000 €) chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute la société GOOGLE LLC et la société GOOGLE IRELAND LIMITED de leur demande présentée à l’encontre de la société [12] sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne [Z] [N] aux dépens, avec autorisation pour la SCP DEPREZ GUIGNOT & ASSOCIES de recouvrer directement ceux qu’elle aura exposés, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Fait et jugé à Paris le 14 Février 2024
Le GreffierLa Présidente