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16 décembre 2016
Cour d’appel de Paris
RG n°
16/01448
Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 2
ARRET DU 16 DECEMBRE 2016
(n°226, 13 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 16/01448
Décision déférée à la Cour : jugement du 17 décembre 2015 – Tribunal de grande instance de PARIS – 3ème chambre 1ère section – RG n°14/06841
APPELANTS
M. [P] [D] [I]
Né le [Date naissance 1] 1936 à [Localité 1] ([Localité 1])
De nationalité française
Exerçant la profession de gérant de société
Demeurant [Adresse 1]
S.A.R.L. PRODUCTIONS ALLELUIA, agissant en la personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 2]
[Localité 2]
Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 652 057 605
Représentés par Me André SCHMIDT de l’AARPI A. SCHMIDT – L. GOLDGRAB, avocat au barreau de PARIS, toque P 391
Assistés de Me Christine AUBERT-MAGUERO plaidant pour l’AARPI A. SCHMIDT – L. GOLDGRAB, avocat au barreau de PARIS, toque P 391
INTIMEE
S.A.S. ECRITURE COMMUNICATION, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 3]
[Localité 2]
Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro B 382 204 089
Représentée par Me Anne VEIL, avocat au barreau de PARIS, toque E 1147
Assistée de Me Valérie LARDET, avocat au barreau de PARIS, toque B 586 substituant
Me Anne VEIL, avocat au barreau de PARIS, toque E 1147
COMPOSITION DE LA COUR :
Après rapport oral, l’affaire a été débattue le 16 novembre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Colette PERRIN, Présidente
Mme Sylvie NEROT, Conseillère
Mme Véronique RENARD, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Colette PERRIN, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.
Monsieur [P] [I] et la société Productions Alleluia qui se présentent en leurs qualités, respectivement, d’exécuteur testamentaire en charge de l’exercice du droit moral de [X] [G] dit [X] [J], décédé le [Date décès 1] 2010, et d’éditeur de musique titulaire du droit de reproduction de ses oeuvres, exposent qu’ils ont constaté qu’en 2013 la société Ecriture Communication (exerçant sous la dénomination « Editions de l’Archipel ») a publié un ouvrage à vocation bibliographique intitulé [X] [J] ‘ Le charme rebelle signé par l’écrivain [S] [W] reproduisant 60 extraits (à raison de 2 à 4 vers chacun) de 58 chansons de [X] [J], deux d’entre elles étant reproduites deux fois.
Estimant que cette reproduction sans autorisation était constitutive de contrefaçon, elles ont adressé à cet éditeur diverses mises en demeure de régulariser la situation, puis vainement tenté de rechercher une solution amiable en se voyant opposer l’exception de courte citation avant de l’assigner en contrefaçon de droits d’auteur.
Par jugement contradictoire rendu le 17 décembre 2015, le tribunal de grande instance de Paris a, en substance et avec exécution provisoire :
> déclaré monsieur [I] irrecevable en ses demandes relatives aux chansons « son dernier rêve » et en celles écrites par [W] [P], [K] [Q], [F] [O], [Q] [U], [Z] [X], [V] [Y], [N] [S], [M] [H], [D] [L] et [F] [D],
> déclaré la société Productions Alleluia recevable en ses demandes en contrefaçon de droits d’auteur à l’encontre de la société Ecriture Communication relativement à toutes les chansons objet du litige, à l’exception de la chanson « Paris Gavroche »,
> dit que cette dernière a fait usage de son droit de courte citation et débouté les requérants de leur action en contrefaçon fondée sur les oeuvres pour lesquelles ils étaient recevables à agir,
> débouté la société Ecriture Communication de sa demande fondée sur l’abus de procédure,
> condamné in solidum les requérants à verser à la défenderesse la somme de 10.000 euos au titre de ses frais non répétibles et à supporter les dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 12 octobre 2016, monsieur [P] [I] et la société à responsabilité limitée Productions Alleluia, appelants, demandent pour l’essentiel à la cour de confirmer le jugement en ses dispositions qui leur sont favorables (s’agissant des oeuvres pour lesquelles il les a déclaré recevables à agir et du débouté de la société Ecriture Communication en sa demande fondée sur l’abus de procédure), de l’infirmer pour le surplus et :
> de déclarer monsieur [P] [I] recevable à agir au titre du droit moral de [X] [J] pour les oeuvres intitulées Les nomades, C’est beau la vie, Deux enfants au soleil, D’où que vienne l’accordéon, La fête aux copains, La jeunesse, La commune, Un jour futur, Rien à voir, La matinée, La leçon buissonnière, Berceuse pour un petit loupiot, La porte à droite, Les cerisiers, Ariane, Je meurs, Betty de Manchester, Les mercenaires, Les yeux d’Elsa, J’entends, j’entends, Que serais-je sans toi, Au bout de mon âge, Les poètes, J’arrive où je suis étranger et Les feux de Paris,
> de dire qu’en reproduisant sans leur autorisation dans l’oeuvre précitée des extraits de l’ensemble des chansons en cause, la société Ecriture Communication a commis des actes de contrefaçon des droits, moral et patrimoniaux, d’auteur,
> de la condamner à verser à chacun d’eux la somme de 10.000 euros en réparation, respectivement, de l’atteinte au droit moral de [X] [J] et aux droits patrimoniaux dont l’éditeur est cessionnaire,
> d’ordonner une mesure de publication (par voie de presse) et une mesure d’interdiction de commercialisation, sous astreinte, tant que seront maintenus les extraits de ces oeuvres,
> de la condamner, enfin, à leur verser la somme de 10.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 31 mai 2016, la société par actions simplifiée Ecriture Communication prie la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et, y ajoutant, de condamner les appelants à lui verser la somme complémentaire de 15.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
SUR CE,
Sur la recevabilité à agir de monsieur [I] pour la défense du droit moral sur cinquante-neuf extraits d’oeuvres dont [X] [J] fut l’auteur-compositeur ou le compositeur
Considérant que monsieur [I], précisant que la chanson intitulée « Son dernier rêve » n’a été ni écrite ni composée par [X] [J] et que, contrairement à la société Productions Alleluia qui poursuit l’atteinte à ses droits patrimoniaux du fait de la représentation non autorisée de cette oeuvre précise, il n’agit pas pour défendre le droit moral de [X] [J] sur cette oeuvre, approuve le tribunal en ce qu’il retient, a contrario, qu’il est recevable à agir au titre de la défense du droit moral sur 32 chansons de cet auteur et observe que l’intimée ne le conteste pas ;
Que, sur les 25 autres chansons dont des extraits figurent dans l’ouvrage litigieux, il évoque distinctement les conditions de création de 18 d’entre elles écrites par des paroliers autres que [W] [P] puis celles qui ont présidé à la mise en musique de 7 oeuvres issues de l’oeuvre poétique de ce dernier dans le cadre d’une concertation que le tribunal a, à son sens, déniée de manière erronée en retenant la qualification d’oeuvres composites ;
Qu’au soutien de sa demande d’infirmation du jugement en ce qu’il l’a partiellement déclaré irrecevable à agir en réparation de l’atteinte au droit moral de leur chef, il fait valoir qu’à tort et en se contredisant, le tribunal a, certes, exactement retenu que le parolier et le compositeur de la musique de ces chansons ont bien concouru à une oeuvre commune avec une inspiration commune mais considéré que chaque contribution était « aisément séparable » de l’oeuvre alors qu’elle est indivisible ;
Que monsieur [I] entend démontrer, au moyen de deux attestations (l’une écrite par [F] [O], l’autre par lui-même) et en se référant à deux ouvrages (celui de [T] [Z] et l’ouvrage litigieux de [S] [W]), que soit que le texte ait été créé par l’auteur en même temps que la musique, soit qu’il ait été mis en musique après discussion, échange de vues et mise au point entre les deux coauteurs, la concertation exigée par la loi est bien effective ;
Considérant, ceci rappelé, que l’existence d’une oeuvre de collaboration qui est, selon le premier alinéa de l’article L 113-3 du code de la propriété intellectuelle, « la propriété commune des auteurs » ne saurait être niée du seul fait qu’elle a fait l’objet de contributions successives ou que les contributions, telles les paroles et la musique d’une chanson, sont des oeuvres matériellement détachables, comme le fait valoir l’intimée qui fonde son moyen d’irrecevabilité sur le fait que [X] [J] n’est pas le parolier des 25 chansons en cause ;
Qu’il suffit que soit faite la démonstration d’une communauté d’inspiration et d’un mutuel contrôle de ses auteurs ;
Considérant en l’espèce et s’agissant des quatre chansons dont les paroles sont l’oeuvre de [Q] [U] seule (« Les nomades »), de [Q] [U] et de [Z] [X] (« C’est beau la vie ») et de [Z] [X] seule (« Deux enfants au soleil », « D’où que vienne l’accordéon ») que s’il est vrai que les critiques de l’intimée relatives à l’attestation de monsieur [I] sont pertinentes dès lors qu’il est partie à l’instance, elle peut être regardée comme une simple source de renseignements émanant d’un ami de longue date et le plus proche du chanteur décédé, tenu comme tel dans l’ouvrage de monsieur [W] lui-même, pour peu qu’elle soit corroborée par d’autres éléments de preuve ;
Que monsieur [I] décrit, certes, d’une manière générale le processus créatif des chansons de [X] [J], insistant sur les échanges de vues avec des paroliers proches de sa sensibilité politique et sociale ou sur de réelles discussions pouvant conduire à des modifications parfois substantielles des textes, et cite, parmi d’autres, « [U]/[X] « C’est beau la vie » « Deux enfants au soleil » … » en indiquant qu’« il en a été ainsi » pour elles, de la même façon que [T] [Z] évoque à leur sujet « un tandem de parolières apprécié dans le métier » et « une collaboration suivie » ;
Que ces éléments, dont l’emploi non circonstancié du terme « collaboration », ne suffisent toutefois pas, à eux seuls, à rapporter la preuve du mutuel contrôle des auteurs dans l’élaboration des oeuvres dont il est précisément question ;
Que, de plus, cette étroite collaboration ne ressort pas des propos recueillis par [T] [Z] et [S] [W] que met en avant l’intimée, madame [U] indiquant notamment au premier : « (‘) quand nous lui apportions des textes, il ne réagissait pas beaucoup. Il disait : « je vais voir ». Il n’a jamais été très rapide. Certaines musiques ont été faites très vite, d’autres pas. (…) » ou brièvement au second, s’agissant de la chanson « Les nomades » pour laquelle elle a attendu, explique-t-elle, que lui vienne une idée : « [J] en a fait une très belle musique » ;
Qu’il en va de même des chansons intitulées « C’est beau la vie » dont [Q] [U] précise qu’elle a été écrite par elles deux en une matinée, d’abord présentée à [B] [F] puis à [X] [J] qui en a composé la musique le 07 novembre 1963, jour du décès du père de madame [U], ainsi que des paroles de « Deux enfants au soleil », accueillies avec réticence par [X] [J] qui la jugeait en décalage avec son image et n’en a composé la musique que pour être interprétée par un tiers ;
Que ces éléments ne permettent pas de retenir l’étroite concertation des auteurs invoquée par monsieur [I] et ne conduisent pas à l’infirmation du jugement de leur chef ;
Considérant, s’agissant des trois chansons dont le parolier est [V] [Y] (« La fête aux copains », « La jeunesse », « La commune »), que [P] [I] évoque, dans son attestation, de réelles discussions avec cet écrivain sur les chansons au rang desquelles figure « La fête aux copains » sans toutefois en détailler la teneur, de la même façon que [T] [Z] décrit l’amitié entre les deux hommes qui a conduit [X] [J] à demander à [V] [Y] d’écrire pour lui le texte de cette chanson « comme un geste d’amitié » ; que [S] [W], rapportant les propos tenus par [X] [J], écrit, quant à lui, dans l’ouvrage litigieux que la chanson « La commune » est « presque une commande mais il y a quelquefois des commandes qui sont nécessaires » ;
Que ces divers éléments ne permettent pas d ‘éclairer le contenu de ces commandes – simple suggestion d’un thème, communication d’idées générales ou exigences particulières de [X] [J] sur des paroles précises dont il entendait composer la musique -, ni de rapporter la preuve, une fois ces textes remis au musicien, d’un travail créatif qui aurait été mené en commun ;
Que l’appelant échoue, par conséquent, en sa contestation relative à ces trois oeuvres ;
Considérant, s’agissant des trois chansons dont l’auteur des paroles est [K] [Q] (« Un jour futur », « Rien à voir », « La matinée »), que, de la même façon, les ouvrages de [S] [W] et de [T] [Z], le premier rapportant les propos de [X] [J] disant : « Quand j’ai fait « La matinée » avec [Q], je n’avais jamais chanté en duo », le second reprenant les propos d'[K] [Q] déclarant notamment « c’est à cette époque que notre collaboration a commencé. Après j’ai écrit directement pour lui » permettent de justifier d’une proximité entre ces deux auteurs ;
Que l’intensité des échanges entre les auteurs évoquée par l’appelant ne ressort cependant pas de la lecture de ces ouvrages, [T] [Z] précisant seulement qu'[K] [Q] montrait à [X] [J] les textes qu’il avait rédigés dans les mois qui précédaient ; que, concernant le texte de la chanson « La matinée » il est seulement dit qu’il était posé parmi d’autres sur une table, qu’il l’a pris et en a composé la musique pour l’interpréter avec son épouse ; que rien ne permet donc de considérer que ces trois chansons précises puissent être tenues pour le résultat d’une concertation étroite entre le parolier et le musicien, le fruit de leur commune inspiration et qu’il n’y a pas lieu à infirmation ;
Considérant, s’agissant des quatre chansons dont les paroles ont pour auteur [F] [O] (« La leçon buissonnière », « Berceuse pour un petit loupiot », « La porte à droite » et « Les cerisiers »), qu’il ressort de l’attestation de ce dernier datée du 13 mai 2014 qu’elles peuvent, en revanche, être tenues pour des oeuvres de collaboration dès lors qu’il précise notamment qu’elle se passait « d’une manière très simple : soit lors de nos entrevues, mais la plupart du temps par téléphone. Je lui envoyais mes poèmes, souvent sous la forme de petites plaquettes et lui me disait les textes qu’il avait repérés parce qu’ils correspondaient à sa sensibilité. Il trouvait alors sa musique et il m’envoyait le plus souvent son projet sur une petite cassette qu’il avait enregistrée dans son bureau. Et puis commençaient de longues discussions au téléphone. Je dois dire que j’étais sous le charme » ;
Que, certes, citant la chanson « Berceuse pour un petit loupiot », il précise que certains textes lui revenaient inchangés ; que, toutefois, cela ne permet pas de considérer, comme le voudrait l’intimée, qu’il ne s’agit pas d’une oeuvre de collaboration dès lors que ce plein accord s’inscrit dans un contexte de mutuel échange, de même qu’il n’est pas déterminant et pour la même raison que le texte brut de la chanson « La leçon buissonnière » soit issu d’un recueil de poèmes de [F] [O] paru trois ans avant la composition de la chanson ou ait été proposée à d’autres musiciens, tels [O] [C] ou [V] [B] ;
Que l’intimée ne peut valablement nier une communauté d’inspiration que scellerait l’indivisibilité de l’oeuvre en qualifiant d’insignifiantes les modifications du texte qu’a pu souhaiter [X] [J] et qu’évoque [F] [O] en parlant des paroles de la chanson « Les cerisiers » qu’il a dû adapter pour une interprète féminine ou bien de modifications tenant le plus souvent à la longueur des textes dès lors que ces interventions, dans le contexte précis décrit par ce parolier, sont de nature à démontrer que ces oeuvres sont le fruit d’une concertation entre les auteurs ;
Que le jugement doit par conséquent être infirmé en ce qu’il a déclaré que le requérant n’était pas recevable à agir en contrefaçon de ces quatre oeuvres ;
Considérant, s’agissant de la chanson « Ariane » dont les paroles sont l’oeuvre de [N] [S], que les conditions tenant à la diffusion de cette chanson ou les liens contractuels unissant le parolier et le musicien invoqués ne sont pas suffisants pour rapporter la preuve requise d’une communauté d’inspiration ayant donné naissance à cette oeuvre et, partant, de considérer que monsieur [I] est recevable à agir comme il le fait à ce titre ;
Que, s’agissant de la chanson « Je meurs » dont les paroles sont l’oeuvre de [M] [H], l’entretien accordé à monsieur [W] par cet auteur ne se borne pas à faire état d’une succession de créations, comme tendrait à le démontrer l’extrait de citation tel que reproduit dans les conclusions de l’intimée aux termes duquel [M] [H] expose qu’il a d’abord confié ce texte sorti de ses poches à monsieur [I] puis qu’une dizaine de jours plus tard « il me fait écouter une maquette chantée par [X] [J] : c’était ma chanson « Je meurs » que [X] [J] venait de mettre en musique et qu’il chantait en s’accompagnant de la guitare » ; qu’il a, en effet, ajouté : « [X] m’a demandé de changer un ou deux mots, ce que j’ai fait, bien entendu, et il a enregistré cette chanson (…) » ;
Que, toutefois, ces précisions de monsieur [H] relatives à des corrections de faible importance dont la teneur n’est, au demeurant, pas spécifiée ne permettent pas d’emporter la conviction de la cour sur l’existence d’une participation intellectuelle concertée à l’origine de l’oeuvre créée, si bien que le jugement sera confirmé sur ce point ;
Que, s’agissant de la chanson « Betty de Manchester » dont les paroles sont l’oeuvre de [D] [L], le seul soulignement du terme « ensemble », par trop imprécis, extrait d’une phrase tirée de l’ouvrage de monsieur [W] ainsi rédigée : « Ah ! Betty de Manchester ! s’exclame [J] en souriant. [L] était un préfet aux champs qui écrivait des choses pas mal et qui m’envoyait des textes. Ensemble, on a fait une ou deux chansons, dont celle-ci qui me plaisait assez » ne permet pas davantage d’emporter sa conviction sur l’existence d’une oeuvre de collaboration et d’infirmer le jugement en sa disposition relative à l’irrecevabilité à agir de ce chef ;
Que, s’agissant de la chanson « Les mercenaires » dont les paroles sont l’oeuvre de [F] [D], c’est avec pertinence que les appelants critiquent l’argumentation adverse selon laquelle il s’agit d’une oeuvre écrite à quatre mains, [X] [J] et [F] [D] pour les paroles, [X] [J] et [I] [V] pour la musique, et que « les appelants ne prouvent pas davantage la participation concertée de tous les auteurs à l’élaboration de la chanson » ;
Qu’à juste titre ils font valoir qu’à suivre le raisonnement de la société intimée, [X] [J] en tant que compositeur n’aurait pas collaboré avec [X] [J] en tant que parolier et sont, par conséquent, fondés à poursuivre l’infirmation du jugement qui a déclaré monsieur [I] irrecevable à agir pour la défense du droit moral de [X] [J] sur cette oeuvre ;
Considérant, s’agissant enfin des sept chansons dont les paroles sont issues de l’oeuvre poétique de [W] [P] (« Les yeux d'[C] », « J’entends, j’entends », « Que serais-je sans toi », « Au bout de mon âge », « Les poètes », « J’arrive où je suis étranger », « Les feux de Paris »), que, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal et à ce que prétend l’intimée, ces chansons, objet du litige et non point l’oeuvre poétique de [W] [P], ont toutes fait l’objet d’un dépôt à la Sacem (pièce 21bis des appelants) antérieurement au décès de ce dernier survenu le 24 décembre 1982 et ont donc été créées antérieurement à cette date ;
Que l’affirmation des appelants selon laquelle « les poèmes mis en musique étaient fréquemment modifiés et adaptés par le jeu de l’inspiration et du savoir faire (talent) du compositeur-interprète [X] [J] puis la chanson était soumise à [W] [P] » pour en déduire que « toutes ces chansons » sont le fruit d’une concertation entre ces deux auteurs se révèle par trop générale, compte tenu notamment du fait que la première lettre produite de [W] [P] à [X] [J], qu’il ne connait visiblement pas, date du 1er février 1961 et que [X] [J] lui-même déclare avoir fait la connaissance du poète à l’occasion de la création de la chanson « J’entends, j’entends » (pièces 31 et 32 des appelants) soit en 1961 ;
Qu’il en résulte qu’une communauté d’inspiration ne peut être revendiquée antérieurement, et en particulier pour la création de la chanson « Les yeux d'[C] » (1955), de même que pour la chanson « J’entends, j’entends » puisqu’évoquant cette première rencontre dans une interview, [X] [J] précise : « il m’a parlé de la chanson, du poème « J’entends, j’entends » dont il approuvait le choix des vers à chanter. Il m’a fait des compliments sur la musique » ;
Que pour les cinq autres chansons en cause, force est de considérer que le propos de [X] [A], exécuteur testamentaire de [W] [P], sur les rapports qu’entretenaient les deux hommes, à savoir : « [X] [J] avait des conversations techniques avec [P] sur la manière de mettre en musique ses poèmes, quel titre donner, quels verbes enlever. Il y avait une certaine complicité entre eux » (pièce 31bis des appelants) se trouve conforté par les écrits de [W] [P] lui-même qui, contrairement à ce que soutient l’intimée prétendant qu’il se contentait de donner son accord une fois le travail terminé, intervenait activement dans la création de l’oeuvre ;
Que quand bien même cet auteur a fait montre d’une grande tolérance, il n’en a pas moins pu écrire : « pour ce qui est des coupures, voulez-vous simplement m’envoyer une copie du poème avec les coupures indiquées. C’est à peu près certain que je vous dirai que cela va, n’étant pas dans ce domaine extrêmement tatillon » ou, en cours de création : « ai-je besoin de vous faire remarquer que le fredonnement de guitare est basé sur les diverses manières de diviser les huit syllabes (‘) Liberté vous est laissée, là comme ailleurs, de tenir compte de cela, de changer, etc ‘ Il me semble que ce dernier morceau est un peu trop ténu pour Z., mais si bon lui semble … » ;
Que, dans un entretien consacré à [P] et la chanson, [X] [J] a, quant à lui, indiqué : « J’allais donc lui faire écouter ce que je faisais pour avoir son accord », laissé par ailleurs des brouillons de travail montrant des modifications apportées aux textes d'[P] ou encore précisé, s’agissant du poème « Que serais-je sans toi » : « J ‘ai pris le vers pour un refrain. Je me suis même permis dans ce quatrain d’intervertir les deux derniers vers parce qu’il était plus fort, pour la chanson, de terminer ainsi. Je ne sais pas si j’ai eu raison … » ;
Que cette convergence d’éléments circonstanciés conduit à considérer qu’est rapportée la preuve d’un mutuel contrôle de ces deux auteurs pour parvenir à la création de ces cinq chansons ; que le jugement qui en décide autrement doit par conséquent être infirmé ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que monsieur [I] est recevable à agir pour la défense du droit moral de [X] [J] portant sur les trente-deux oeuvres dont il est à la fois le parolier et le compositeur, mais aussi sur dix autres oeuvres issues de sa collaboration avec [F] [O], [F] [D] et [W] [P] (à savoir : « La leçon buissonnière », « Berceuse pour un petit loupiot », « La porte à droite » et « Les cerisiers » ; « Les mercenaires » ; « Que serais-je sans toi », « Au bout de mon âge », « Les poètes », « J’arrive où je suis étranger », « Les feux de Paris ») pour lesquelles il est fondé à prétendre à une copropriété totale sur la totalité de l’oeuvre et totale sur chacune des parties en raison de la nature indivise de ses droits ;
Que le jugement qui a déclaré monsieur [I] irrecevable à agir du chef de ces dix dernières oeuvres sera infirmé dans cette limite ;
Sur la recevabilité à agir de la société Productions Alleluia sur le fondement de l’atteinte aux droits patrimoniaux dont il est cessionnaire portant sur cinquante-neuf extraits d’oeuvres dont [X] [J] fut l’auteur-compositeur ou le compositeur
Considérant qu’hormis la chanson intitulée « Paris Gavroche » invoquée par monsieur [I] pour la défense du droit moral de [X] [J] mais qui ne figure pas en son catalogue, cette société agit en contrefaçon des droits patrimoniaux d’auteur attachés auxdites oeuvres en justifiant du bien-fondé de son action ;
Que force est de considérer que le tribunal l’a déclarée recevable à agir et que la société Ecriture Communication ne le conteste pas, se bornant à poursuivre la confirmation du jugement ; qu’il n’y a donc pas lieu de statuer ;
Sur l’atteinte aux droits patrimoniaux détenus par la société Productions Alleluia
Considérant qu ‘alors que le tribunal l’a déboutée de son action en se fondant sur les dispositions de l’article L 122-5, 3° sous a) du code de la propriété intellectuelle qui introduit une limitation au monopole dont bénéficie l’auteur pour « (‘) les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de l’oeuvre à laquelle elles sont incorporées (…) » en retenant la brièveté des citations en regard de l’oeuvre citée et de l’oeuvre citante ainsi que leur caractère informatif au sein de l’oeuvre biographique incriminée, la société Productions Alleluia excipe d’abord des dispositions de l’article L 122-4 du même code pour dire que la reproduction partielle des chansons est contrefaisante ;
Que, sur l’exception de courte citation qui lui est opposée, elle soutient que pour six de ces oeuvres, la source, et plus précisément le nom de l’éditeur, n’en est pas mentionnée ; qu’en outre, les emprunts incriminés que l’intimée se dispense d’analyser individuellement en indiquant de manière contestable, selon elle, que l’ouvrage dépend du genre des « biographies » alors que cette publication est purement commerciale, ne répondent pas aux finalités explicitées à l’article L 122-5 précité, d’interprétation étroite ; qu’enfin, leur brièveté ne saurait être retenue, compte tenu du nombre de vers reproduits (soit un total de 226 vers), du fait que deux oeuvres sont citées deux fois et eu égard à la longueur du propos qu’ils sont censés illustrer ;
Considérant, ceci étant exposé et s’agissant de la référence aux sources de cinq extraits des chansons « C’était [Y] », « Betty de Mantchester », « Paris Gavroche », « Les Mercenaires » et « Freddy la nature » dont il est question, la sixième chanson (« Ma vie mais qu’est-ce que c’est ») ne faisant pas l’objet du litige, que l’intimée démontre que les noms des paroliers et du musicien ont été dûment mentionnés dans l’ouvrage en cause et qu’il contient également in fine des références précises sur la discographie de [X] [J] ;
Que, sur l’exigence de brièveté qui doit caractériser la citation, la société Ecriture Communication se livre à un décompte précis des extraits incriminés (pages 23 et 24/28 de ses dernières conclusions) ; qu’en regard des oeuvres citées, les emprunts sont de l’ordre de deux à cinq vers sur des chansons qui en totalisent, prises isolément, entre 20 et 62 (pièces 10 et 11) pour un total de 219 vers cités sur les 2.282 vers qui composent la totalité des chansons en cause ; qu’en regard de l’oeuvre citante qui comporte 622 pages, le total de ces citations représente, toujours selon les calculs de l’intimée, moins de 7 pages, soit 1,1 % de l’ouvrage dans lesquelles elles s’incorporent ;
Que ces décomptes, propres à démontrer que les emprunts litigieux satisfont à l’exigence de brièveté exigée par le texte précité, ne sont pas contestés par les appelants, pas plus qu’ils ne soutiennent qu’en raison de leur importance ils nuiraient à l’exploitation des oeuvres ; que la seule critique qu’ils formulent, en présentant quatre exemples, tient à leur disproportion en regard du propos qu’ils sont censés illustrer et ressort davantage de l’examen de leur justification ;
Que pour ce qui est, en effet, de leur finalité et alors que les appelants soutiennent que l’analyse doit être menée in concreto en ajoutant que l’intimée ne peut se prévaloir d’aucun des cas restrictivement prévus à l’article L 122-5, 3° précité qui justifient l’atteinte au monopole dont bénéficie l’auteur, la société Ecriture Communication affirme, sans procéder à une analyse circonstanciée de chacun des emprunts : « s’agissant d’une biographie consacrée à l’un des grands auteur-compositeur et interprète français connu pour ses engagements politiques, ses idéaux communistes, la censure dont il fit parfois l’objet, s’agissant d’un homme emblématique d’une époque, dont l’oeuvre est en prise directe avec l’histoire, la biographie exhaustive que lui consacre monsieur [S] [W] présente indéniablement un caractère critique, pédagogique et d’information » ; qu’elle précise que cet ouvrage a fait l’objet d’un travail considérable et qu’il est « doublé » d’une présentation des chansons interprétées par [X] [J], « incontournable » selon elle, s’agissant d’une biographie exhaustive ;
Qu’il y a lieu de relever que le caractère « critique, pédagogique et d’information » dont se prévaut l’intimée se rapporte, dans ses écritures, à la « biographie exhaustive » prise dans sa généralité et que la présentation « incontournable » d’emprunts destinés à « doubler » un texte, qui ne résulte que ses seules assertions et sans analyse au cas par cas, ne ressort pas de la liste des finalités limitativement posées par le législateur ;
Qu’avec pertinence les appelants font valoir que ces citations ne font l’objet d’aucune controverse ou dénonciation dans l’oeuvre à laquelle elles sont incorporées, que l’oeuvre citante ne les introduit pas afin d’éclairer un propos ou d’approfondir une analyse à visée pédagogique et qu’elles ne trouvent pas leur justification dans la liberté d’information, l’intimée ne démontrant pas en quoi elles servent à enrichir les connaissances du public ;
Qu’à titre exemplatif, ils évoquent notamment un extrait d’interview de [X] [J] figurant dans l’ouvrage litigieux, à savoir : « A la maison, les jeunes chantaient [R] et les moins jeunes [J] [H] et [X] [E], précisera-t-il aussi. Ma mère adorait [X] [E]. C’était alors un peu la guerre ! » immédiatement suivi d’un extrait de la chanson « L’idole à papa » :
« Il y avait deux clans dans la famille
Du temps où j’étais un mouflet
[J] [N] faisait pâmer les filles
Et tous les garçons rigolaient »
pour soutenir, à raison, que cet extrait de la chanson « l’idole à papa » ne vient pas en renfort du moindre propos critique, pédagogique ou d’information ; qu’ils ajoutent que cette citation a pour unique finalité de donner une certaine consistance littéraire au chapitre en cause ;
Qu’il en va de même du premier chapitre de l’ouvrage en cause relatif à la famille [G] introduit par un extrait de la chanson suivante :
« C’était [Y], rappelle-toi,
le jardin sous la neige … »
immédiatement suivi du propos suivant : « C’était encore [Y] et le jardin était sans doute sous la neige le vendredi 26 décembre 1930 lorsque [X] [J] voit le jour à Vaucresson dans les Hauts-de-Seine « au domicile de ses père et mère, [Adresse 4] » à 11 heures 30 » ;
Qu’il s’infère de ce qui précède que la société Ecriture Communication ne peut opposer à la société Productions Alleluia l’exception de courte citation d’une oeuvre protégée qui ne trouve sa licéité que dans les cas restrictivement prévus par la loi ;
Que doit être infirmé le jugement qui en décide autrement ;
Sur l’atteinte au droit moral de [X] [J]
Considérant que si le tribunal a apprécié globalement les atteintes aux droits, patrimonial et moral, de l’auteur pour faire application de l’exception de courte citation et sans se prononcer sur les attributs du droit moral, monsieur [I] les détaille au soutien de sa demande d’infirmation ;
Que ce dépositaire du droit moral de [X] [J] invoque, pour ce faire, le fait que les paroles ne pouvaient être dissociées de la chanson sans l’accord des ayants-droit, que, par ailleurs, toute coupure et a fortiori les citations « en foule » des chansons en cause sont autant d’atteintes au droit au respect de l’intégrité des oeuvres, notamment en ce qu’elles ne représentent qu’un aspect de la pensée de l’auteur « découpé de l’oeuvre avec plus ou moins de bonheur » et qu’enfin, de son vivant, [X] [J] s’est toujours refusé à collaborer avec des auteurs de biographies, manifestant expressément sa volonté de s’opposer à leur publication ;
Considérant, ceci rappelé, qu’il y d’abord lieu de considérer qu’est sans portée l’argument de l’intimée selon lequel le droit de divulgation post mortem n’est pas absolu et que monsieur [I] n’agirait pas dans une perspective altruiste dans la mesure où le présent litige ne porte pas sur la communication au public d’oeuvres posthumes ;
Que le sont aussi, compte tenu de ce qui précède, les arguments de la société intimée tirés du caractère détachable des paroles et de la musique d’une chanson car appartenant à des genres différents ou encore l’argumentation qu’elle développe relative à l’existence de reproductions de l’intégralité des textes de ces chansons dès lors que sont ici incriminées des coupures non autorisées insérées dans un ouvrage à vocation biographique qui sont, par nature, différentes des extraits à finalité pédagogique figurant dans les manuels scolaires dont l’intimée fait aussi état ;
Que s’il est vrai que, de son vivant, [X] [J] a cédé par différents contrats à la société appelante « le droit exclusif de reproduire fragments ou extraits de l’oeuvre » ou ne s’est pas opposé à la publication, en 1994/1995 et en la seule occasion de la promotion d’un album consacré à [W] [P], d’un numéro spécial de la revue « Je chante » incluant des éléments biographiques et des extraits de ses chansons, ainsi que le prouve la société intimée en produisant cette publication en pièce 9, et s’il est, par ailleurs, constant que les extraits en cause n’ont pas fait l’objet de modifications matérielles, il n’en demeure pas moins que le respect dû à l’oeuvre, attribut du droit moral, peut s’étendre au droit au respect de son esprit ;
Que monsieur [M], agissant au service de l’oeuvre, est fondé à se prévaloir d’une telle atteinte qui prend en considération le contexte dans lequel elle est reproduite dès lors que les extraits litigieux, constituant des emprunts à des textes intégraux de chansons, qui ne sont introduits ni à des fins critiques, pédagogiques ou informatives, comme il a été dit, sont incorporés dans un ouvrage à vocation biographique sur l’utilité desquelles [X] [J] a, de son vivant et à plusieurs, émis les plus expresses réserves, voire son hostilité de principe ;
Qu’en effet, postérieurement à 1994 et encore récemment, [X] [J] a manifesté son refus de telles oeuvres dans des interviews accordées en 2003 et dans une lettre datée de 2006 (pièces 22 à 25 des appelants), lequel a été, de plus, rendu public par des tiers comme [E] [T] (pièce 26) ;
Que dans une interview parue dans l’hebdomadaire « Le Nouvel Obs » de janvier 2013 intitulé « Les colères de [X] [J] » il évoquait une biographie en disant qu’« elle a été écrite sans mon approbation. Je ne peux empêcher sa parution, mais j’ai refusé de rencontrer l’auteur qui connait parfaitement ma position. (‘) Je suis sollicité depuis 20 ans (‘) et j’ai toujours refusé de répondre à ces demandes, je ne change pas d’avis » ;
Qu’il réitérait son propos dans un autre article, la même année, affirmant notamment : « Tout ce qu’il y a à retenir de moi, on le trouve dans mes textes, le reste c’est de l’anecdote, s’il en sort une, ce sera contre ma volonté » et de la même façon en 2006 dans le contexte d’un projet de biographie écrite par son ami [M] [K], lorsqu’il écrivait : « j’ai toujours refusé ce qu’il me demande et je n’ai pas changé d’opinion aujourd’hui » ;
Que la prérogative dévolue à monsieur [I] d’exécuter les intentions expresses de [X] [J] quant à son oeuvre lui permet, du fait de l’incorporation, pour des motifs invoqués sans pertinence, de partie seulement des textes en cause alors que [X] [J] estimait que ce qu’il y avait à retenir de lui se trouvait dans ses textes, ceci dans une oeuvre qu’il aurait jugée « écrite sans (son) approbation », de se prévaloir d’une atteinte à son droit moral ;
Que le jugement qui a rejeté cette action doit, en conséquence, être infirmé en cette disposition ;
Sur les mesures réparatrices
Considérant qu’au visa des dispositions de l’article L 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, la société Productions Alleluia et monsieur [P] [I] poursuivent, chacun, l’allocation d’une somme de 10.000 euros en réparation de leurs préjudices respectifs découlant de l’utilisation non autorisée d’extraits d’une soixantaine de chansons de [X] [J] ;
Que, s’agissant du préjudice patrimonial subi par la société Productions Alleluia, il y a lieu de se référer, faute de plus amples éléments, à la somme de 1.000 euros HT dont font état les appelants et qui correspond à ce qu’a réclamé cette société à la société Editions Communication elle-même (sans limitation de tirage et pour une durée de cinq années) laquelle, postérieurement à la délivrance de l’acte introduisant la présente instance et en dépit des moyens qu’elle a pu y développer sur l’exception de courte citation, lui a demandé l’autorisation de publier 31 extraits de textes issus de l’oeuvre de l’auteur-compositeur [R] [CC] décédé en 2011 dans un ouvrage à vocation biographique intitulé « [R] [CC] dernier domicile connu », l’appelante expliquant que la modicité de cette somme prend en considération le fait qu’il s’agissait d’un auteur peu connu « mais qui gagnait à l’être » ;
Qu’eu égard à ces éléments et compte tenu du nombre d’extraits incorporés à l’ouvrage litigieux, de la connaissance qu’a le public de l’auteur-compositeur et des faits de contrefaçon retenus, il y a lieu de fixer à 6.000 euros le montant des dommages-intérêts auxquels la société Ecriture Communication sera condamnée en réparation de ce préjudice ;
Que, s’agissant de l’atteinte au droit moral retenu, il échet de considérer que la société intimée ne pouvait ignorer que [X] [J] estimait que seuls ses textes pouvaient véhiculer ce qu’il y avait à dire de lui ; que les découpages arbitrairement pratiqués à près de soixante reprises dans un ouvrage ayant une vocation biographique auquel il opposait son ferme refus doivent être sanctionnés par l’allocation d’une somme de 5.000 euros au profit de monsieur [I] ;
Que ces réparations par équivalent réparant à suffisance les préjudices subis, il n’y a pas lieu d’accueillir la demande de publication formée par les appelants ;
Que la demande d’interdiction se heurte à l’absence de mise en cause de monsieur [S] [W], auteur de l’ouvrage intitulé « [X] [J] ‘ Le rebelle » ; qu’elle ne saurait prospérer ;
Sur les autres demandes
Considérant que la solution donnée au présent litige conduit à réformer le jugement en ses dispositions relatives aux frais non compris dans les dépens et aux dépens ;
Que l’équité commande de condamner la société Ecriture Communication à verser aux appelants la somme de 10.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens ;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement sauf en ce qu’il a déclaré monsieur [I] irrecevable à agir en son action en contrefaçon de droits d’auteur portant sur les extraits de chansons suivantes : « Les nomades », « C’est beau la vie », « Deux enfants au soleil », « D’où que vienne l’accordéon », « La fête aux copains », « La jeunesse », « La commune », « Un jour futur », « Rien à voir », « La matinée », « Ariane », « Je meurs », « Betty de Manchester », « Les yeux d'[C] », « J’entends, j’entends » et, statuant à nouveau ;
Déclare monsieur [I], agissant en qualité d’exécuteur testamentaire de [X] [G] dit [X] [J] en charge de l’exercice de son droit moral, recevable à agir en ce que son action porte sur les trente-deux chansons dont [X] [J] est le parolier et le compositeur et sur les dix chansons suivantes : « La leçon buissonnière », « Berceuse pour un petit loupiot », « La porte à droite » et « Les cerisiers », « Les mercenaires », « Que serais-je sans toi », « Au bout de mon âge », « Les poètes », « J’arrive où je suis étranger », « Les feux de Paris »,
Rejette l’exception de courte citation opposée par la société Ecriture Communication SAS à l’action de la société Production Alleluia SARL et de monsieur [P] [I] ;
Dit qu’en reproduisant sans l’autorisation de la société Production Alleluia SARL et de monsieur [P] [I], dans l’ouvrage intitulé « [X] [J] ‘ Le charme rebelle » dont monsieur [S] [W] est l’auteur, des extraits des chansons précitées la société Ecriture Communication SAS a commis des actes de contrefaçon en portant atteinte aux droits patrimoniaux de reproduction dont la société Production Alleluia SARL est cessionnaire ainsi qu’au droit moral d’auteur de [X] [J] ;
Condamne la société Ecriture Communication SAS à verser à la société Productions Alleluia SARL une somme de 6.000 euros en réparation du préjudice patrimonial subi et à monsieur [I] la somme de 5.000 euros réparant l’atteinte portée au droit moral de [X] [J] ;
Déboute la société Production Alleluia SARL et monsieur [P] [I] de leurs demandes aux fins de publication du dispositif de la présente décision et d’interdiction de poursuivre la commercialisation de l’ouvrage dont monsieur [W] est l’auteur ;
Condamne la société Ecriture Communication SAS à verser à la société Productions Alleluia SARL et à monsieur [P] [I] la somme globale de 10.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance et d’appel avec faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La Greffière La Présidente