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La phase d’écriture d’un film est critique. Même bien encadrée par le contrat de production, la détermination des droits des scénaristes peut être problématique. En cas de litige sur la direction que prend le scénario, dans l’œuvre audiovisuelle qui est une œuvre de l’esprit menée de manière collective, l’intérêt individuel s’infléchit devant l’intérêt de la communauté en vue de l’achèvement du film.
En l’espèce, l’artiste Jérémy Ferrari coscénariste d’un film, a été débouté d’une demande en résiliation et atteinte à son droit moral contre le producteur. L’artiste reprochait au producteur d’avoir manqué à ses engagements contractuels et d’avoir dénaturé son scénario en y portant des modifications sans son consentement, modifications qui auraient porté atteinte à son droit moral.
Il soutenait également qu’il avait été exclu de la réécriture du scénario et du tournage du film et que toute modification du scénario qui en pouvait altérer son esprit, nécessitait son accord. Le producteur aurait également failli à ses obligations en faisant intervenir Franck Dubosc comme coauteur et modifiant le titre du film.
Au stade de la procédure, le film n’étant pas sorti en salles, l’article L 121-5 du code de la propriété intellectuelle (CPI) n’était pas applicable : « L’oeuvre audiovisuelle est réputée achevée lorsque la version définitive a été établie d’un commun accord entre, d’une part, le réalisateur ou, éventuellement, les coauteurs et, d’autre part, le producteur … Toute modification de cette version par addition, suppression ou changement d’un élément quelconque exige l’accord des coauteurs … Les droits propres des auteurs ne peuvent être exercés par eux que sur l’oeuvre audiovisuelle achevée. »
Un auteur ne peut prétendre exercer son droit moral autrement que sur l’œuvre audiovisuelle achevée et non sur un scénario qui n’est qu’une étape d’un film, scénario coécrit en l’espèce dans le cadre d’une collaboration entre différents auteurs.
Le contrat de production était bien rédigé et encadrait les différentes étapes d’écriture. Selon la clause applicable
« A chaque étape d’écriture et jusqu’à la version définitive du scénario dialogué, le Producteur aura la possibilité :
a) Soit de poursuivre sa collaboration avec l’Auteur en lui adjoignant ou non un ou plusieurs nouveau(x) coauteur(s) Dans ce cas, le choix de ce ou ces nouveaux coauteurs sera effectué d’un commun accord avec l’Auteur ;
b) Soit de renoncer à poursuivre le projet et donc sa collaboration avec l’Auteur : Dans ce cas le contrat serait résolu de plein droit et l’Auteur conserverait purement et simplement sans formalité ni réserve, les sommes versées au titre du travail remis, étant précisé que l’Auteur reprendrait alors la pleine et entière propriété de ses droits sur son travail.
c) Le Producteur aura la faculté de demander à l’Auteur d’apporter à l’ensemble de ses travaux d’écriture et en particulier au scénario et à l’adaptation dialoguée, toutes modifications, suppressions ou additions qu’il jugerait utiles, notamment pour permettre au Producteur de ne pas excéder les limites du budget de réalisation, sous réserve que ces changements n’altèrent pas ni l’esprit ni le caractère de l’oeuvre. »
Il a été jugé que si c’est sur une idée originale de Jérémy Ferrari que le scénario a été écrit, le scénario de départ que l’artiste qualifiait à tort de « son » scénario n’a pas seulement été écrit par lui mais coécrit avec d’autres coscénaristes. Il était donc le fruit d’un travail artistique plural. Aucune prééminence n’a été accordée à l’auteur par rapport aux autres auteurs coscénaristes.
S’il est vrai que les modifications apportées au scénario devaient être opportunes et respecter le droit moral de l’artiste, celui-ci ne pouvait apprécier souverainement sans discussion avec les coauteurs que la version modifiée ne respectait pas son esprit, niant par la même le travail d’équipe du scénario qu’il avait accepté.
Le tribunal a considéré que Jérémy Ferrari avait délibérément fait le choix de se désolidariser de la rédaction du scénario en confiant par ailleurs sans plus attendre la défense de ses intérêts à son conseil. Ce retrait ne lui permettait pas de retirer sa contribution au scénario inachevé ni d’interdire la poursuite de la réalisation du film.
C’est ainsi que l’article L121-6 du CPI a prévu que « si l’un des auteurs REFUSE d’achever sa contribution à l’oeuvre audiovisuelle ou se trouve dans l’impossibilité d’achever cette contribution par suite de force majeure, il ne pourra s’opposer à l’utilisation, en vue de l’achèvement de l’oeuvre, de la partie de cette contribution déjà réalisée. Il aura, pour cette contribution, la qualité d’auteur et jouira des droits qui en découlent. »
Il s’ensuit que la société de production était en droit de passer outre le refus de l’artiste et de poursuivre l’adaptation du scénario en vue de la réalisation du film.
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