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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D’APPEL DE NANCY
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT N° /23 DU 05 OCTOBRE 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 22/02622 – N° Portalis DBVR-V-B7G-FCQE
Décision déférée à la Cour :
jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de VERDUN, R.G. n° 22/00234, en date du 10 octobre 2022,
APPELANTS :
Monsieur [X] [N]
né le 15 Février 1968 à [Localité 5], domicilié [Adresse 1]
Représenté par Me Laura KOSNISKY-LORDIER, avocat au barreau de NANCY
Madame [B] [F] épouse [N]
née le 11 Septembre 1969 à [Localité 5], domiciliée [Adresse 1]
Représentée par Me Laura KOSNISKY-LORDIER, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉES :
La S.A. FRANFINANCE,
société anonyme au capital de 31357 776,00 €, immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° B 719 807 406 dont le siège social est [Adresse 3], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Sandrine AUBRY de la SCP AUBRUN-FRANCOIS AUBRY, avocat au barreau de NANCY
La société S.E.L.A.R.L. MJ SYNERGIE,
en la personne de Maître [C] [D], dont le siège social est [Adresse 2], ès qualité de mandataire ad’hoc de la SARL IDEOSUN
Non représentée bien que la déclaration d’appel lui ait été régulièrement signifiée à personne morale par acte de Me [G] [P], huissier de justice à [Localité 4] en date du 30 décembre 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 07 Septembre 2023, en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Francis MARTIN, président de chambre,
Madame Nathalie ABEL, conseillère,
Madame Fabienne GIRARDOT, conseillère, chargée du rapport
qui en ont délibéré ;
Greffier, lors des débats : Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET ;
A l’issue des débats, le président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 05 Octobre 2023, en application du deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
ARRÊT : réputé contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 05 Octobre 2023, par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre et par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier ;
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
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EXPOSE DU LITIGE
Suivant bon de commande signé le 2 juillet 2008, Mme [B] [F] épouse [N] a confié à la SARL IDEOSUN, dans le cadre d’un démarchage à domicile, la fourniture et l’installation d’un kit photovoltaïque en montage intégré au bâti de modules solaires, avec raccordement EDF, pour un montant de 27 000 euros TTC, financé au moyen d’un contrat de prêt consenti à M. [X] [N] et Mme [B] [F] épouse [N] (ci-après les époux [N]) par la SA Franfinance suivant offre préalable signée le même jour, prévoyant un remboursement sur une durée de 156 mois au taux de 7,50 % l’an après un différé de paiement de six mois.
Le bon de commande a prévu d’offrir aux époux [N] ‘ un forfait montage dossier administratif ‘.
Le 10 septembre 2008, Mme [B] [F] épouse [N] a signé un ‘ bon d’accord de fin de travaux ‘ concernant ‘ le kit photovoltaïque ‘, comprenant la mention dactylographiée de ce que ‘ le matériel livré et installé est conforme à la commande ‘ et portant la mention manuscrite ‘ très bien ‘, ainsi que la demande de financement précisant que le matériel a été livré ‘ en parfait état, conformément au bon de commande ‘ et qu’il a été ‘accepté sans restriction ni réserve ‘, et que ‘ la prestation de service a été exécutée conformément à sa commande et à son entière satisfaction ‘.
La facture a été acquittée le 10 septembre 2008.
Par courrier en date du 15 décembre 2008, la SA Franfinance a confirmé aux époux [N] les modalités de leur crédit, prévoyant le prélèvement de la première échéance le 10 juin 2009, et leur a transmis par courrier du 24 juin 2009 le tableau d’amortissement du contrat.
Une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l’encontre de la SARL IDEOSUN le 25 septembre 2009. Par jugement en date du 23 juillet 2014, le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse a prononcé la clôture de la liquidation pour insuffisance d’actif. La SELARL MJ Synergie, prise en la personne de Me [C] [D], a été nommée en qualité de mandataire ad hoc.
Le prêt a été soldé par anticipation le 11 janvier 2016.
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Par actes d’huissiers des 16 et 17 mars 2022, les époux [N] ont fait assigner devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Verdun la SELARL MJ Synergie, ès qualités, ainsi que la SA Franfinance, afin de voir prononcer l’annulation du contrat de vente (pour dol et irrégularités du bon de commande) et du contrat de crédit affecté, et de voir condamner le prêteur à leur rembourser les sommes versées en exécution du contrat de prêt avec dispense de remboursement du capital emprunté, ainsi que l’intégralité du prix de vente, de même que les intérêts conventionnels et frais payés à la SA Franfinance, outre des dommages et intérêts au titre de l’enlèvement de l’installation et de la remise en état de l’immeuble et au titre des réparations de l’onduleur, et en réparation de leur préjudice moral.
La SA Franfinance a conclu à l’irrecevabilité des demandes des époux [N] pour cause de prescription et en l’absence de déclaration de créance à la procédure collective du vendeur, et sur le fond, à la régularité des contrats. Subsidiairement, elle s’est prévalue de la confirmation par les époux [N] de la nullité du bon de commande résultant de son exécution volontaire, et de son absence de faute. Plus subsidiairement, elle a demandé de subordonner l’obligation de rembourser les échéances aux époux [N] à la restitution du matériel installé.
La SELARL MJ Synergie, ès qualités, n’a pas été représentée à l’audience de mise en délibéré.
Par jugement en date du 10 octobre 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Verdun a :
dit n’y avoir lieu à statuer sur les demandes tendant à ‘ voir dire et juger ‘,
– déclaré les époux [N] irrecevables en toutes leurs demandes,
– condamné in solidum les époux [N] aux dépens de l’instance,
– condamné in solidum les époux [N] à payer à la SA Franfinance la somme de 300 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté les époux [N] de leur demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté les parties du surplus de leurs demandes,
– rappelé que l’exécution provisoire est de droit.
Le juge a retenu que le point de départ de la prescription de l’action en nullité du contrat de vente pour cause de dol devait être fixé à la date de réception de la première facture d’achat de l’énergie électrique produite par l’installation, soit au 20 mai 2010, déterminant la prescription de l’action engagée les 16 et 17 mars 2022. De même, il a constaté que le point de départ de l’action en nullité du bon de commande fondée sur la violation des dispositions du code de la consommation devait être fixé à la date de sa signature, soit au 2 juillet 2008, compte tenu de la reproduction au verso du contrat des dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-26 du code de la consommation permettant aux emprunteurs d’avoir connaissance des irrégularités alléguées.
-o0o-
Le 21 novembre 2022, les époux [N] ont formé appel du jugement tendant à son annulation, sinon à son infirmation en tous ses chefs critiqués.
Dans leurs dernières conclusions transmises le 29 juin 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, les époux [N], appelants, demandent à la cour sur le fondement de l’article liminaire du code de la consommation et des articles 1109 et 1116 anciens du code civil, 16 de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finance rectificative pour 2012, L. 121-23 à L. 121-26 du code de la consommation, dans leur rédaction issue de la loi n° 93-949 du 26 juillet 1993, L. 121-28, tel qu’issu de la loi n°2008-776 du 4 août 2008 :
– d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
* déclaré les époux [N] irrecevables en toutes leurs demandes,
* condamné in solidum les époux [N] aux dépens de l’instance,
* condamné in solidum les époux [N] à payer à la SA Franfinance la somme de 300 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
* débouté les époux [N] de leur demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
* débouté les parties du surplus de leurs demandes,
– rappelé que l’exécution provisoire est de droit,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
– de déclarer leurs demandes recevables et bien fondées,
– de prononcer la nullité du contrat de vente conclu avec la société IDEOSUN,
– de prononcer en conséquence la nullité du contrat de prêt affecté conclu avec la SA Franfinance,
– de constater que la SA Franfinance a commis une faute dans le déblocage des fonds et doit être privée de sa créance de restitution du capital emprunté, et de condamner la SA Franfinance à procéder au remboursement de l’ensemble des sommes qu’ils ont versées au titre de l’exécution normale du contrat de prêt litigieux,
– de condamner la SA Franfinance à leur verser l’intégralité des sommes suivantes :
* 27 000 euros correspondant à l’intégralité du prix de vente de l’installation,
* 15 274,67 euros correspondant aux intérêts conventionnels et frais qu’ils ont payés à la SA Franfinance en exécution du prêt souscrit jusqu’à son remboursement anticipé,
* 4 232,42 euros correspondant au montant des réparations relatives à l’onduleur,
* 10 000 euros au titre de l’enlèvement de l’installation litigieuse et de la remise en état de l’immeuble,
* 5 000 euros au titre du préjudice moral,
* 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– de débouter la SA Franfinance et la société IDEOSUN de l’intégralité de leurs prétentions, fins et conclusions contraires,
– de condamner la SA Franfinance à supporter les dépens de l’instance.
Au soutien de leurs demandes, les époux [N] font valoir en substance :
– que leurs demandes sont recevables dans la mesure où le point de départ de la prescription court à compter du moment où le consommateur a connu non seulement l’existence du dommage mais aussi du fait générateur de responsabilité et du lien de causalité ; qu’en cas de méconnaissance d’une obligation d’information, de conseil ou d’alerte, la connaissance parfaite du dommage ne saurait faire présumer celle de la faute ; que leurs craintes d’une absence complète d’autofinancement et de rentabilité de leur installation ne se sont dès lors véritablement confirmées qu’après plusieurs années de production et après la lecture du rapport d’expertise qui leur a été remis le 14 octobre 2020, ce qui les a conduit à saisir un avocat ; qu’ils ont fait procéder au changement de l’onduleur après une première panne le 20 février 2011, puis le 6 avril 2012 ; que s’agissant de la connaissance effective du fait générateur de responsabilité, un consommateur normalement diligent ne peut identifier les irrégularités que l’instrumentum pourrait renfermer ; que selon le droit interne et le droit de l’Union, le principe d’effectivité commande d’écarter un régime de prescription qui serait basé sur une présomption de connaissance parfaite par le consommateur des irrégularités renfermées dans le contrat, et ce dès la signature de celui-ci ; qu’ils ont légitimement ignoré la faute commise par la banque et leur attention a été attirée à cet égard lorsqu’ils ont saisi un avocat ; qu’ils n’étaient pas en mesure de déceler par eux-même l’irrégularité affectant l’acte qui ne ressortait pas de la seule lecture de celui-ci ; que leur ignorance a été entretenue par la carence de la banque qui ne leur a signalé aucune irrégularité en méconnaissance de ses obligations ;
– que leurs demandes ne se heurtent pas à l’interdiction des poursuites puisqu’elles ne tendent pas à la condamnation du vendeur au paiement d’une somme d’argent ni à la restitution du prix de vente, et ne sont pas fondées sur le défaut de paiement d’une telle somme ;
– qu’ils ont donné leur consentement à l’opération sur la considération d’une promesse d’autofinancement de l’installation (justifiant le report de paiement à six mois et procédant de la nature même de la chose vendue) ou à tout le moins d’une économie d’énergie ressortant du discours du démarcheur et de documents publicitaires sur lesquels il s’est appuyé, de sorte que cette promesse est entrée dans le champ contractuel ; que cette promesse s’est avérée mensongère et qu’ils ont été victimes d’un dol dont la banque s’est rendue complice ; que les factures de production depuis le 2 mars 2009 établissent un gain de 122,17 euros par mois pour des échéances de prêt de 317,36 euros ; que c’est au prix de man’uvres et en tout état de cause d’une réticence dolosive, ayant provoqué une erreur déterminante, que leur consentement au crédit affecté comme au contrat principal a été obtenu ;
– que le bon de commande, à l’instar de la facture acquittée, ne précise pas les caractéristiques des biens (marque, taille, poids, dimensions et puissance des panneaux et de l’onduleur, caractéristiques du matériel d’intégration au bâti et prix unitaire des biens commandés), ni le délai et les modalités de livraison des biens et prestations de service ainsi que les modalités de financement ; que la banque a commis une faute dans le déblocage des fonds ;
– que les irrégularités dénoncées relèvent d’un manquement à l’ordre public dont la nullité absolue n’est pas susceptible de confirmation ; que la banque ne peut être admise à reprocher à des profanes de ne pas avoir vu les irrégularités de la vente s’agissant d’une obligation qui lui incombe ;
– que la banque a participé au dol commis à leur préjudice et s’en est rendue complice en mettant à la disposition des démarcheurs ses imprimés types ; que le report de six mois conforte la présentation du vendeur selon laquelle l’installation serait autofinancée ; que c’est au prix de man’uvres dont la banque s’est rendue complice, et en tout état de cause d’une réticence dolosive ayant provoqué une erreur déterminante, que leur consentement au crédit affecté comme au contrat principal a été obtenu ;
– que la SA Franfinance a commis une faute dans le déblocage des fonds à défaut de vérification préalable de la régularité du bon de commande et de l’exécution complète des travaux, le bon d’accord de fin de travaux et la demande de financement présentant un caractère ambigu et imprécis quant à leur objet ;
– que leur préjudice doit être intégralement réparé dans toutes ses composantes ; que l’installation photovoltaïque est certes fonctionnelle (malgré divers désordres) et leur procure un gain grâce à la revente de l’électricité produite, mais l’économie réalisée est beaucoup trop faible pour amortir le coût du crédit et rentabiliser l’opération, ce qui, nécessairement, était entré dans le champ contractuel ; qu’ils perdent de l’argent à cause de cette opération, ce qui leur cause nécessairement un préjudice ; qu’en raison de la mauvaise qualité du matériel vendu, l’onduleur est tombé en panne à deux reprises à peine trois ans après la pose ; que leur préjudice est aggravé par la liquidation judiciaire du vendeur dans la mesure où l’annulation des contrats entrainera une nécessaire restitution du prix de vente et qu’ils ne pourront le recouvrer.
Dans ses dernières conclusions transmises le 3 mai 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la SA Franfinance, intimée et appelante à titre incident, demande à la cour sur le fondement des articles 12 du code de procédure civile, 122 et 125 du code de procédure civile, L. 121-23 ancien devenu L. 111-1 du code de procédure civile, 1109 du code civil applicable au litige, L. 311-33 du code de la consommation, 1103 et 1231-1 du code civil, 1902 du code civil et 2224 du code civil :
– de déclarer les époux [N] mal fondés en leur appel, et de les en débouter,
– de la déclarer recevable et bien fondée en son appel et en toutes ses demandes,
Y faisant droit,
In limine litis,
– de déclarer irrecevable pour cause de prescription l’intégralité des demandes formulées par les époux [N],
– de confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,
– de débouter les époux [N] de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
– de condamner solidairement les époux [N] à lui payer une somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– de condamner solidairement les époux [N] aux frais et dépens de la procédure d’appel et de première instance,
A titre principal,
– de déclarer les demandes des époux [N] irrecevables,
– de juger que tant le bon de commande que le contrat de crédit signés entre les parties sont réguliers et conformes aux dispositions du code de la consommation,
– de juger qu’elle n’a commis aucune erreur et/ou aucun manquement envers les époux [N],
En conséquence,
– de débouter les époux [N] de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
– de juger n’y avoir lieu à prononcer la nullité ou la résolution du contrat de crédit signé avec les époux [N],
– de juger que le contrat de crédit signé entre les parties continue de s’appliquer,
– de condamner solidairement les époux [N] à lui payer une somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– de condamner solidairement les époux [N] aux entiers frais et dépens de la procédure d’appel et de première instance,
A titre subsidiaire,
– de déclarer les demandes des époux [N] mal fondées,
– de juger qu’elle n’a commis aucun manquement dans la libération des fonds,
– de juger qu’elle peut prétendre au remboursement des sommes prêtées conformément aux dispositions de l’article L. 311-33 du code de la consommation,
En conséquence,
– de débouter les époux [N] de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
– de condamner solidairement les époux [N] à lui payer une somme de 27 000 euros au titre de l’obligation pour l’emprunteur de rembourser le capital prêté déduction faite des remboursements effectués,
– de condamner solidairement les époux [N] à lui payer une somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– de condamner solidairement les époux [N] aux entiers frais et dépens de la procédure d’appel et de première instance,
A titre infiniment subsidiaire, si la cour estime que les époux [N] n’ont pas l’obligation de lui restituer le montant du capital prêté,
– de débouter les époux [N] de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
– de juger qu’elle n’aura l’obligation de rembourser aux époux [N] le montant des échéances impayées qu’à la condition que ces derniers aient restitué le matériel installé,
– de condamner solidairement les époux [N] à lui payer une somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– de condamner solidairement les époux [N] aux entiers frais et dépens de la procédure d’appel et de première instance.
Au soutien de ses demandes, la SA Franfinance fait valoir en substance :
– que le contrat de crédit a été signé le 2 juillet 2008 et que la procédure a été engagée à son encontre le 17 mars 2022, de sorte que le délai de prescription des demandes de cinq ans était expiré ; que le crédit est totalement remboursé à ce jour ;
– que les demandes sont irrecevables en l’absence de déclaration de créance à la liquidation judiciaire du vendeur ;
– qu’aucune obligation ne lui imposait en juillet 2008 de vérifier la conformité du bon de commande ni de contrôler les livraisons et prestations effectuées ; qu’en tout état de cause, le bon de commande comporte toutes les mentions exigées par la loi en 2008 ; qu’il s’agit d’une prestation simple de service ne nécessitant pas d’explications supplémentaires ; que la mention du prix unitaire du panneau n’est pas exigée ;
– que subsidiairement, la nullité relative du bon de commande résultant de ses irrégularités peur être couverte par la volonté des parties, même tacite, de confirmer l’acte, à la condition que son acte d’exécution volontaire soit accompli en connaissance du vice ; que les époux [N] étaient informés des exigences légales et réglementaires relatives au bon de commande conclu hors établissement et qu’ils ont entendu réparer les vices en laissant le contrat se poursuivre pendant près de douze ans et par plusieurs actes positifs d’exécution (absence de rétractation, libre accès laissé aux techniciens, réception des travaux sans réserve, signature du certificat de livraison) ;
– que les époux [N] ne rapportent pas la preuve de promesses orales du vendeur concernant le rendement escompté ou un autofinancement ; que la rentabilité de l’installation ne peut pas être une cause de nullité si elle n’est pas contractuelle ;
– qu’elle s’est assurée de la bonne livraison et de la bonne fourniture de services avant de débloquer les fonds, ainsi que de la capacité financière des époux [N] ; qu’aucun grief ne peut être retenu à son encontre ; que les époux [N] doivent lui rembourser le capital prêté sous déduction des sommes versées ;
– que subsidiairement, les époux [N] ne justifient pas d’un préjudice subi consécutif aux fautes invoquées pour être exonérés de l’obligation de rembourser les fonds prêtés ; qu’elle n’avait aucune démarche particulière à effectuer autre que la signature de la fiche de réception de travaux pour s’assurer de la livraison et de l’installation du kit photovoltaïque ; que les travaux ont été effectués et que l’installation est fonctionnelle depuis bientôt 12 ans et procure aux époux [N] des économies sur leurs factures et des revenus pour le surplus ;
– qu’en cas de résolution du contrat, il appartient aux époux [N] de remettre les choses dans leur état initial, à savoir de restituer le matériel livré et installé, et que la restitution des échéances versées ne pourra intervenir qu’à l’issue ; que le coût des travaux de remise en état ne peut lui incomber.
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La SELARL MJ Synergie, ès qualités, régulièrement convoquée par acte de commissaire de justice délivré le 30 décembre 2022 à personne se déclarant habilitée à le recevoir, n’a pas constitué avocat.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 5 juillet 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la prescription de l’action des époux [N] en annulation du contrat de vente
La prescription quinquennale de droit commun est prévue à l’article 2224 du code civil, qui dispose que ‘ les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. ‘
Aussi, le point de départ de la prescription est la date de la convention lorsque l’examen de sa teneur permet de constater la violation des dispositions du code de la consommation ou l’erreur provoquée par le dol déterminante du consentement, ou lorsque tel n’est pas le cas, la date de la révélation de celles-ci à l’emprunteur.
Il est donc nécessaire pour déterminer le point de départ de la prescription de constater si l’emprunteur était en mesure de déceler par lui-même, à la lecture de l’acte, la violation des dispositions du code de la consommation ou l’erreur provoquée par le dol, et lorsqu’une telle erreur ne s’impose pas à la simple lecture de l’acte, de rechercher à quelle date l’erreur alléguée affectant l’acte de vente a été révélée à l’emprunteur.
En l’espèce, il y a lieu de constater que les conditions générales du contrat de vente, figurant au verso du bon de commande, reproduisent les articles du code de la consommation L. 121-23 à L. 121-26 applicables au démarchage à domicile dans leur version en vigueur à la date de signature du bon de commande.
Or, la reproduction lisible, dans un contrat conclu hors établissement, des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à ce type de contrat permet au souscripteur de prendre connaissance du vice résultant de l’inobservation de ces dispositions.
En effet, l’article L. 121-23 du code de la consommation dans sa version applicable à la date du contrat (issue de la loi n°93-949 du 26 juillet 1993) dispose que les opérations visées à l’article L. 121-21 doivent faire l’objet d’un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :
1° Noms du fournisseur et du démarcheur ;
2° Adresse du fournisseur ;
3° Adresse du lieu de conclusion du contrat ;
4° Désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés ;
5° Conditions d’exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou d’exécution de la prestation de services ;
6° Prix global à payer et modalités de paiement ; en cas de vente à tempérament ou de vente à crédit, les formes exigées par la réglementation sur la vente à crédit, ainsi que le taux nominal de l’intérêt et le taux effectif global de l’intérêt déterminé dans les conditions prévues à l’article L. 313-1 ;
7° Faculté de renonciation prévue à l’article L. 121-25, ainsi que les conditions d’exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26.
Dans ces conditions, il en résulte que dès la signature du bon de commande, les époux [N] étaient en mesure de déceler par eux-mêmes, à la lecture de l’acte, la violation alléguée des dispositions du code de la consommation ressortant de la reproduction lisible du formalisme applicable au type de contrat consenti leur permettant d’en prendre connaissance, ce qui est compatible avec le principe d’effectivité des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union européenne.
Aussi, tel que retenu à juste titre par le premier juge, le délai de prescription de cinq ans a commencé à courir à compter du 2 juillet 2008, date de signature du bon de commande, de sorte que l’action des époux [N] fondée sur l’inobservation par le vendeur des dispositions du code de la consommation était prescrite à la date de son introduction le 16 mars 2022 et que leurs demandes doivent être déclarées irrecevables sur ce fondement.
S’agissant de l’erreur sur la rentabilité économique et l’autofinancement de l’installation photovoltaïque provoquée par le dol dont se prévalent les époux [N], il y a lieu de considérer que la réception de la première facture annuelle de rachat de l’électricité produite par l’installation leur permettait d’appréhender la réalité de sa rentabilité ainsi que les conséquences financières sur le paiement des échéances du crédit affecté.
En l’espèce, les époux [N] produisent une première facture établie par EDF le 20 mai 2010 portant sur le rachat de l’électricité produite sur la période du 3 mars 2009 au 3 mars 2010 pour un montant de 1 537,19 euros, soit 128 euros par mois.
Or, le contrat de crédit affecté a prévu le paiement d’échéances mensuelles de 317,36 euros.
Dans ces conditions, les époux [N] ont découvert au jour de la réception de la première facture de rachat de l’électricité produite les faits leur permettant d’exercer une action en annulation du contrat de vente pour dol au regard du prix perçu résultant de la vente d’électricité.
Aussi, le premier juge a retenu à juste titre que le délai de prescription de cinq ans avait commencé à courir à compter de la réception par les époux [N] de la première facture établie le 20 mai 2010, de sorte que leur action fondée sur le dol du vendeur était prescrite à la date de son introduction le 16 mars 2022 et que leurs demandes doivent être déclarées irrecevables sur ce fondement.
Dès lors, le jugement déféré sera confirmé sur ces points.
Sur les demandes accessoires
Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Les époux [N] qui succombent à hauteur de cour seront condamnés aux dépens d’appel et seront déboutés de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Eu égard à la situation respective des parties, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
DEBOUTE M. [X] [N] et Mme [B] [F] épouse [N] de leur demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [X] [N] et Mme [B] [F] épouse [N] in solidum aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre à la Cour d’Appel de NANCY, et par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Minute en douze pages.