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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-2
ARRÊT AU FOND
DU 30 JUIN 2023
N° 2023/222
Rôle N° RG 19/12265 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEVTG
[T] [VP]
C/
SAS IDEX ENERGIES
Copie exécutoire délivrée
le : 30 juin 2023
à :
Me Sébastien BADIE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
(Vestiaire 145)
Me Jean-Claude PERIE, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AIX EN PROVENCE en date du 25 Juin 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/00513.
APPELANT
Monsieur [T] [VP], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
SAS IDEX ENERGIES Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège., demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Jean-Claude PERIE, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Nathalie OLMER de la SELARL PIOS AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseillère, chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre
Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante
Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023
Signé par Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre et Mme Cyrielle GOUNAUD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCEDURE
Monsieur [T] [VP] a été embauché par la société IDEX ENERGIES par contrat à durée déterminée à compter du 19 février 1996 en qualité d’agent de maintenance coefficient 230, position 1, niveau 2.
Les relations de travail se sont poursuivies dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à compter du 19 août 1996 et sont régies par la convention collective nationale des ouvriers, employés, techniciens et agents de maîtrise de l’exploitation d’équipements thermiques et de génie climatique.
Par courrier du 27 octobre 2006, Monsieur [VP] a été informé de la classification de son emploi en poste de technicien d’exploitation, échelon 2, niveau 6.
En dernier lieu, il exerçait des fonctions de technicien d’exploitation, échelon 3, niveau 7, statut agent de maîtrise.
Par courrier du 26 septembre 2014, Monsieur [VP] a été convoqué à un entretien préalable en vue d’une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement prévu le 10 octobre 2014. Il était le même jour mis à pied à titre conservatoire.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 20 octobre 2014, il a été licencié pour faute grave.
Monsieur [VP] a saisi, par requête réceptionnée au greffe le 15 juin 2015, le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence pour contester son licenciement et solliciter une indemnisation à ce titre.
L’affaire a été radiée du rôle du conseil des prud’hommes le 25 avril 2016, puis remise au rôle le 20 juillet 2017.
Par jugement du 25 juin 2019 notifié le 11 juillet 2019, le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence, section industrie, a rejeté les demandes de Monsieur [VP] dans leur intégralité, débouté la société IDEX ENERGIES de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamné Monsieur [VP] aux dépens.
Par déclaration du 25 juillet 2019 notifiée par voie électronique, Monsieur [VP] a interjeté appel du jugement et sollicité son infirmation en toutes ses dispositions, hormis le débouté de la demande de la société IDEX ENERGIES au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
Dans ses dernières conclusions notifiées au greffe par voie électronique le 20 mai 2020, Monsieur [T] [VP], appelant, demande à la cour, au visa de l’article L.1235-3 du code du travail, de :
– réformer la décision querellée,
– condamner l’employeur à payer au concluant :
– 9 558,00 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés,
– 955,00 euros au titre des congés payés y afférents,
– 12 402,00 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,
– 76 464,00 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif,
– 10 000,00 euros au titre de la rupture brutale et vexatoire,
– 2 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
L’appelant conteste les différents griefs qui lui sont reprochés dans le cadre du licenciement et pointe l’absence d’éléments probants de la part de la société IDEX ENERGIES.
Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 24 mars 2022, la société IDEX ENERGIES demande à la cour de :
– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence le 25 juin 2019 toutes ses dispositions,
– dire et juger que le licenciement de Monsieur [VP] repose sur des motifs établis constitutifs de fautes graves privatives des indemnités de rupture,
– le débouter en conséquence de l’intégralité de ses demandes,
– le condamner reconventionnellement à lui payer la somme de 2 000,00 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– le condamner aux entiers dépens tant de première instance que d’appel.
La société intimée réplique que :
– Monsieur [VP] a abusé de ses fonctions à des fins personnelles et manqué gravement à ses obligations contractuelles ;
– son licenciement pour faute grave est parfaitement justifié et ne saurait être considéré comme vexatoire dans la mesure où la faute grave légitimait nécessairement la mise à pied conservatoire dont il a fait l’objet.
Une ordonnance de clôture est intervenue le 3 avril 2023, renvoyant la cause et les parties à l’audience des plaidoiries du 3 mai suivant.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties et au jugement déféré.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le bien-fondé du licenciement pour faute grave :
Aux termes de l’article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
L’article L.1235-1 du code du travail dispose qu’en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Il incombe à l’employeur d’en rapporter la preuve.
La lettre de licenciement du 20 octobre 2014 énonce :
‘Monsieur,
Vous avez été convoqué, le 26 septembre 2014, par lettre recommandée avec accusé de réception, à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour faute grave, fixé au 10 octobre 2014, avec mise à pied à titre conservatoire à effet immédiat.
Vous avez choisi de vous faire assister lors de cet entretien par Monsieur [G] [E].
Vous occupez l’emploi de technicien d’exploitation depuis le 1er décembre 2006. A ce titre, vous aviez la responsabilité de coordonner la maintenance courante du Centre de détention de [Localité 3].
Les faits qui nous ont amenés à engager cette procédure disciplinaire sont les suivants :
Notre client, l’Administration Pénitentiaire, nous a informés de son insatisfaction sur la qualité de la prestation de maintenance préventive, alors que nous avons, dans le même temps, constaté une forte dégradation du compte d’exploitation du site et plus particulièrement sur les sous-secteurs de maintenance P2 et P3.
Dans ce contexte, Monsieur [O] [K] a réalisé un audit de fonctionnement de la maintenance du site de [Localité 3] pour expliquer les raisons de la dégradation du compte d’exploitation et de l’insatisfaction client, ce qui a permis de mettre en évidence les éléments ci-dessous :
1) Nous avons réalisé un contrôle de l’ensemble des factures du site. Nous avons alors pu constater de nombreuses anomalies, pour exemple :
Entre le 1er octobre 2013 et le 30 juin 2014, vous avez commandé 606 lampes, alors que l’outil de suivi de maintenance ne fait apparaître que 394 lampes remplacées.
Durant la période du 5 février 2010 au 9 mai 2011, vous avez commandé 4200 kg de ciment, cependant vous n’avez fait aucune commande de mélange à béton ou de sable corrélé avec la quantité de ciment. Il vous a donc été logiquement impossible de réaliser environ 200 m2 de dalle sur l’établissement. De plus, pendant cette période, seules les petites surfaces ont été réalisées mais ne dépassant pas 10 % des commandes effectuées.
Nous ne pouvons que constater des commandes de quantité de matériels en surnombre au regard des quantités utilisées pour les prestations de maintenance effectivement réalisées.
2) Entre le 13 avril 2012 et le 30 juin 2014, vous avez effectué diverses commandes d’outillages pour une valeur de 6 610 €. Or, après vérification, il s’avère que certains matériels ne se trouvent pas sur le site, comme par exemple le porte-outil.
Nous constatons que vous avez effectué des commandes de matériels non utiles à la prestation de maintenance et n’étant plus physiquement sur le site.
3) Le 14 août 2014, l’un de vos collègues nous a informés que vous lui aviez proposé de profiter, au cours de l’année 2010, d’une commande de ferrailles au nom de la société IDEX pour effectuer votre commande d’IPN (poutrelle en 1 à profil normal), afin que ce dernier puisse bénéficier, à titre personnel, d’une livraison et de tarifs très intéressants. A la suite de cette commande, et après livraison du matériel en question, vous lui avez proposé de vous régler directement, sans facture, ce qu’il a catégoriquement refusé.
4) Le 24 septembre 2014, un contrôle du stock dont vous êtes en charge, a été effectué. Il a constaté des mouvements de stocks injustifiés, à savoir sans justificatif de commande ou de bon d’intervention. Plus étonnant, ces mouvements de stocks mettent en évidence des retours de matériels en quantité importante, alors que ces matériels avaient été déclarés sortis depuis le dernier inventaire !
5) Courant septembre 2014, nous avons été informés par l’un de vos collègues que de façon régulière, vous sortiez de l’établissement avec le véhicule de service IDEX chargé ce matériaux et que vous aviez effectué certaines commandes de matériel pour un usage privé et non professionnel.
6) Nous avons été informés par Monsieur [M] [F], Directeur Grands Comptes au sein de la société RCI, que vous aviez exercé sur l’un de ses commerciaux, une pression en affirmant que vous étiez libre d’efectuer vos commandes où bon vous semblait et que vous passeriez vos commandes par son intermédiaire, à la seule condition de recevoir une contrepartie à titre personnel. Ces faits nous ont été confirmés par écrit en date du 5 septembre 2014.
7) Il est bien évident que le commercial a refusé de répondre favorablement à votre demande.
Selon nos engagements contractuels avec la Société RCI (Article 10-10.3), ce type de pratique est totalement interdit. Nous ne pouvons accepter un tel comportement envers nos fournisseurs qui est contraire à la déontologie.
De même, vous avez choisi de faire travailler le fournisseur PAGAN! en 2010, pour effectuer une prestation de curage des fossés pour un montant de 9 000 € H.T. Or, cette même prestation est proposée en septembre 2014 par un autre fournisseur pour un montant de 3 774, 22 € H.T. Il s’avère que ce dernier nous a informés en septembre 2014, qu’en 2010 vous lui aviez demandé de surévaluer le devis en contre partie de la réalisation du terrassement de votre villa ; Ce fournisseur n’avait pas donné suite à votre demande.
A la connaissance du résultat de cet audit, le 24 septembre 2014, nous ne pouvons que constater que vous avez abusé de vos fonctions au sein du Centre de détention, ce qui va à l’encontre des règles et des principes de notre société.
Au cours de notre entretien préalable, vous n’avez pas été en mesure de nous apporter sur les faits présentés.
Nous ne tenons pas à prendre davantage de risques avec vous.
L’ensemble de ces faits dans l’exécution de votre fonction n’est pas admissible et constitue un manquement grave à vos obligations contractuelles.
En conséquence de ce qui précède, nous vous signifions par la présente votre licenciement pour faute grave, privatif de tout droit à préavis et indemnité de licenciement qui sera effectif dès la première présentation de la présente lettre à votre domicile par les services postaux’.
Sur le premier grief (commandes de quantité de matériels en surnombre) :
La société IDEX ENERGIES verse aux débats les pièces suivantes :
– un courrier du 15 mai 2014 informant le ministère de la justice de l’affectation temporaire de Monsieur [O] [K] en vue d’assurer l’intérim de Monsieur [Y] [V], responsable de site sur le centre de détention de [Localité 3], absent ;
– un ‘compte-rendu d’audit de fonctionnement de la maintenance du site de [Localité 3]’ daté du 24 septembre 2014 et signé par Monsieur [O] [K], chef de centre de la société IDEX, détaillant différentes anomalies et constatations visant directement Monsieur [VP]. Monsieur [K] expose les circonstances l’ayant amené peu après son arrivée à contrôler l’ensemble des factures du site de [Localité 3] : ‘Lors de mon arrivée sur le site de [Localité 3], j’ai constaté une forte dégradation du compte d’exploitation du site et plus particulièrement sur les sous secteurs maintenance P2 et P3. Dans le même temps, notre client l’Administration Pénitentiaire nous informait de son insatisfaction sur la qualité de la prestation maintenance corrective et de l’absence de maintenance préventive.
Le 17/06/2014 : les surveillants de la porte d’entrée principale et des ateliers m’informent que régulièrement les véhicules IDEX sortent chargés de consommables. Suite à cette alerte M. [W] (Chef d’établissement du CD de [Localité 3]) interdit aux véhicules du groupement l’accès au CD de [Localité 3], (annexe 1),
Le 25/07/2014 : M. [N] commercial de la société RCI m’informe avoir rencontré plusieurs fois
Monsieur [VP] pour des approyisionnements du centre pénitentiaire de [Localité 3] dans le cadre du contrat qui unit nos deux sociétés. Monsieur [VP], après lui avoir affirmé qu’il était libre de commander ou bon lui semblait, lui a expliqué clairement qu’il ne commanderait qu’à la condition de recevoir des contreparties à titre personnel. Ces éléments ont été confirmés le 05/09/2014 par M. [C] (Directeur Grands comptes RCI) Annexe 2
Le 28/07/2014 : L’ensemble des factures du site ont été contrôlées. Il a été constaté, pour exemple, les anomalles suivantes…’ ;
– un document de 28 pages daté du 20 mars 2014 intitulé ‘Guide d’utilisation de la gestion des stocks’ qui précise notamment à la page 10 traitant du ‘mouvement de stock’ que ‘quelque soit le type de mouvement, le site et l’article doivent être renseignés’, le type de mouvemant étant : ‘une livraison d’achat’, ‘une sortie de stock’ et ‘une entrée en stock’ ;
– une ‘annexe 3″ consistant en un listing de commandes d’octobre 2013 à juin 2014 de 603 ampoules Osram/ Dulux/ Tubes néon ;
– une ‘annexe 4″ consistant en un tableau couvrant la période du 2 octobre 2013 au 27 juin 2014 répertoriant les demandes de remplacement d’ampoules et néons avec précision du lieu concerné.
Monsieur [VP] rétorque que les commandes passées ont nécessairement été validées par Monsieur [V]. Il souligne que le centre de détention compte 650 cellules avec chacune trois éclairages, outre de 800 à 1000 lampes pour les éclairages de couloirs. Il considère donc que le nombre de lampes commandées est ‘conforme’ et le différentiel de 200 lampes commandées par rapport à celles posées également ‘normal’. Il indique qu’il est également ‘normal’ que toutes les lampes n’apparaissent pas dans l’outil de·maintenance car lors des campagnes de maintenance (opérations de ‘relamping’) sur les éclairages, une centaine de tubes néon, starter, et autres étaient données aux deux personnes détenues classées électriciens afin qu’elles arpentent les couloirs de chaque bâtiment et changent les éclairages ne fonctionnant pas. Il ajoute que les lampes à économie d’énergie, les ampoules dichroïques et autres lampes spécifiques ne rentraient pas en stock mais étaient entreposées dans les bureaux de la maintenance, ce pour éviter toute disparition.
Ces arguments sont contestés par l’employeur qui dément le fait que les détenus possédaient un bac de néons pour réaliser les interventions qui leur étaient confiées. S’agissant des opérations de ‘relamping’, il précise que celles-ci nécessitaient une demande d’intervention et un ordre de travail et que ajoute que toute intervention devait faire l’objet d’une entrée dans le logiciel PLANON.
Concernant les commandes représentant 4200 kg de ciment sur la période du 5 février 2010 au 9 mai 2011, la société IDEX ENERGIES se réfère à l’annexe 6 du compte-rendu d’audit du 24 septembre 2014 établi par Monsieur [K] détaillant la quantité de mélange à béton nécessaire pour réaliser 189 m2 de dalle et constatant l’absence de commande de mélange à béton sur la période.
Monsieur [VP] produit un bon de livraison du 20 janvier 2010 dont il est le rédacteur relatif à la livraison par l’entreprise [P] de 9,5 tonnes de sable le 20 janvier 2010 (commande n° 13-210-000287944 de la société IDEX du même jour) ainsi qu’une facture de la SARL [P] datée du 28 mai 2010 mentionnant une livraison la veille de ‘TOUT-VENANT 0/16 (2123)’ d’une quantité de ‘8,3″ pour un montant net à payer de ‘317,66″ euros (commande n° 13-210-000334272).
Au vu de ces éléments, il subsiste un doute sur la réalité de ce premier grief lequel sera écarté.
Sur le second grief (commande de matériels non utiles à la prestation de maintenance et non présents sur le site) :
À l’appui de ce second grief, l’employeur produit l’annexe 5 du rapport du 24 septembre 2014 établi par Monsieur [O] [K] consistant dans un listing de matériel et outillage achetés entre février 2011 et juillet 2014 ainsi que deux bons de livraison du 29 juillet 2010.
La société IDEX ENERGIES ne précise pas dans les matériels commandés lesquels n’auraient pas été utiles à la prestation de maintenance et ni les matériels non présents physiquement sur le site, en dehors d’un ‘porte-outil’.
Monsieur [VP] ne conteste pas l’absence sur le site d’un porte-outil et ne fournit aucune explication sur ce point.
Le second grief est dès lors partiellement retenu.
Sur le troisième grief (proposition à un collègue de bénéficier à titre personnel de matériels commandés par la société IDEX à des tarifs intéressants) :
Pour justifier ce grief, l’employeur se réfère aux pièces suivantes :
– le compte-rendu d’audit du 24 septembre 2014 établi par Monsieur [O] [K] qui précise : ‘Le 14 août 2014, M. [L] [A] m’a informé que M. [VP] lui a commandé un IPN avec le compte IDEX et lui a demandé de régler la commande à son nom (cf. attestation M. [L] annexe 7)’ ;
– l’annexe 7 de ce rapport consistant dans une attestation en date du 14 août 2014 de Monsieur [A] [L] (pièce d’identité jointe) qui indique : ‘Lors de travaux à mon domicile personnel au cour de l’été 2010, j’ai eu besoin d’IPN et Monsieur [T] [VP] m’a proposé de profiter d’une commande en ferrailles pour IDEX afin de bénéficier de la livraison et de tarifs intéressants. Nous nous étions entendus pour que je paye ma commande lors de la livraison. Le jour de la livraison lorsque j’ai voulu régler ma commande, le chauffeur a dit n’avoir qu’un bon de livraison et n’avait aucune directive de paiement à la livraison. Monsieur [VP] m’a répondu qu’il s’occuperait de récupérer la facture pour que je puisse régler les IPN. Monsieur [S] [H] était présent ce jour là et peut en témoigner. N’ayant aucunes nouvelles, j’ai rejeté ma demande auprès de Monsieur [VP] qui m’a répondu que les factures étaient payables à 90 jours et qu’il fallait donc attendre. Au terme de cette période, lorsque je lui en ai reparlé, il a ri et m’a répondu que je n’avais qu’à la lui régler sans facture, ce que je n’ai pas voulu faire car je souhaitais payer ma marchandise par chèque pour qu’il n’y ait pas d’ambiguité. Dans cet intervalle notre chef de centre a été remplacé et lorsque j’ai voulu en faire part au nouveau chef, celui-ci m’a répondu que tout ce qui s’était passé sous la direction de l’ancien chef ne le concernait pas. Je n’avais aucune intention malhonnête et me suis retrouvé coincé dans une situation dans laquelle je n’avais plus moyen de me sortir’.
Monsieur [VP] invoque d’abord le caractère illisible de l’attestation et pointe l’absence de pièce d’identité.
L’attestation produite n’apparaît pas illisible et comporte une pièce d’identité jointe.
Le salarié soulève ensuite la prescription des faits datant de 2010 et relève qu’il résulte de l’attestation que le chef de centre, Monsieur [V], a été informé des faits reprochés en février 2011 ; que dès lors, l’employeur, qui avait connaissance des prétendus faits depuis 2011, n’en a tiré aucune conséquence.
Il ressort de l’attestation de Monsieur [A] [L] que Monsieur [V] n’a pas voulu entendre ses déclarations. Selon le rapport de Monsieur [K] (remplaçant de Monsieur [V]), Monsieur [L] l’a informé des faits litigieux le 14 août 2014 (date de l’attestation). La procédure disciplinaire ayant été engagée le 26 septembre 2014, les faits reprochés ne sont pas prescrits.
Ensuite, eu égard aux éléments produits (rapport corroboré par une attestation), la cour considère que le troisième grief, d’une particulière gravité, est établi.
Sur le quatrième grief (mouvements de stocks injustifiés) :
Pour justifier ce grief, l’employeur se réfère aux pièces suivantes :
– le compte-rendu d’audit établi par Monsieur [K] mentionnant le grief reproché dans la lettre de licenciement et relevant par ailleurs que ‘M. [VP] a pointé 10 heures supplémentaires sur le mois de septembre qu’il a justifié par ‘mise à jour du stock’ ;
– l’annexe 8 de ce rapport consistant dans un état du stock sur le site de [Localité 3] le 24 septembre 2014 avec des annotations mentionnant notamment diverses régularisations de stocks, des factures de matériels et huit pages manuscrites récapitulant les anomalies constatées et notamment diverses régularisations concernant des retours de matériels qui étaient sortis lors du précédent inventaire du 31 mars.
Monsieur [VP] conteste les faits reprochés et explique s’être vu confier par Monsieur [K] à compter de fin juin 2014, en plus de ses tâches, les sorties de stock. Il dit s’être rendu compte, à son retour de congé fin juillet, que du matériel était entreposé partout ; que les sorties de stock n’étaient pas remplies et que du matériel réceptionné avait été donné aux détenus sans entrer dans le stock. Il ajoute que des détenus avaient du matériel dans leurs chariots de travail, alors que cela n’avait rien à voir avec leurs travaux. Il explique avoir en conséquence commencé à récupérer le matériel neuf et non-utilisé qui se trouvait dans les chariots des détenus ou à l’atelier et l’avoir réinjecté dans le stock. Il indique avoir effectué des régularisations de stock aussi bien en positif qu’en négatif pour les articles donnés et utilisés durant son absence et précise qu’à compter de début septembre, le stock physique était en adéquation avec le stock informatique.
Le salarié procède par allégations pour justifier les diverses anomalies mises en évidences par l’analyse du stock en septembre 2014.
Il n’est pas contesté que Monsieur [VP] avait été désigné ‘référent opérationnel’ du groupement par note de service de Monsieur [V] à compter du 8 juillet 2013 ; que dans ce cadre, il secondait notamment le chef de centre RSEM en tout temps, gérait une équipe de maintenance, de buanderie et le pool de chauffeurs, gérait le stock entré et avait sous sa responsabilité plusieurs techniciens dont Monsieur [L], technicien d’exploitation en charge entre autre de la gestion du stock sorti.
Eu égard aux pièces produites, le quatrième grief est également justifié.
Sur le cinquième grief (commande de matériel pour un usage privé et sortie régulière de matériaux avec le véhicule IDEX) :
A l’appui de ce grief, l’employeur se réfère une nouvelle fois au rapport d’audit de Monsieur [K] qui précise avoir été informé le 17 juin 2014 par des surveillants de la porte d’entrée principale et des ateliers de la sortie régulière de véhicules IDEX chargés de consommables. Il précise que suite à cette alerte, Monsieur [W], chef d’établissement du centre de détention de [Localité 3], a interdit aux véhicules du groupement l’accès au centre de détention de [Localité 3]. Monsieur [K] ajoute dans son rapport avoir eu ensuite l’information courant septembre 2014 par un autre salarié, Monsieur [H], de la commande par Monsieur [VP] de matériel pour un usage privé et de la sortie régulière de celui-ci du centre de détention avec du matériel.
L’employeur verse aux débats une attestation de Monsieur [S] [H], technicien (copie pièce d’identité jointe), dans laquelle celui-ci confirme ses dires.
Monsieur [VP] rétorque que la sortie du véhicule avec du matériel était justifié en cas d’interventions à l’extérieur du centre de détention (travaux villa ou autre) ou de mise au rebut de matériel. Il pointe également l’absence de précision de l’attestation de Monsieur [H] qui ne mentionne ni date ni le matériel concerné. Il ajoute que le véhicule était systématiquement fouillé en se référant à une attestation de Monsieur [Z] qu’il produit.
La lecture de l’attestation datée du 10 décembre 2014 de Monsieur [Z], se présentant comme étant sans profession, met en évidence des errances en matières de stock, celui-ci évoquant la sortie de matériels en cas de sollicitations urgentes sans la création d’une demande d’intervention afin, selon ses dires, d’éviter des pénalités financières pour la société mais empêchant par la même le suivi du stock. Il évoque des ‘campagnes de rénovation de villas de fonction et autres travaux à l’extérieur du centre de détention’ et précise que les véhicules de fonction étaient souvent utilisés à ces occasions ou pour aller à la déchetterie et étaient systématiquement fouillés. Monsieur [Z] précise qu’au printemps 2014, ‘l’administration pénitentiaire et IDEX ont décidé de remettre en état tout le centre de détention’, qu’il a été mis fin à la mission du détenu magasinier qui pouvait effectuer des sorties de matériels suite à la ‘découverte en cellules de nombreux articles sortie frauduleusement des stocks’.
Au regard du caractère imprécis de l’attestation de Monsieur [H], ce grief sera écarté au bénéfice du doute.
Sur le sixième grief (pression exercée sur un commercial d’une société fournisseur) :
A l’appui de ce grief, l’employeur se rapporte au compte-rendu d’audit établi par Monsieur [K] qui précise avoir été informé directement le 25 juillet 2014 par Monsieur [N], commercial de la société RCI, du fait que Monsieur [VP] lui a ‘affirmé qu’il était libre de commander ou bon lui semblait’ puis ‘lui a expliqué clairement qu’il ne commanderait qu’à la condition de recevoir des contreparties à titre personnel’. Monsieur [K] ajoute que ces éléments lui ont été confirmés le 5 septembre 2014 par Monsieur [C] (directeur grands comptes RCI). La société produit un courriel daté du 5 septembre 2014 émanant du directeur grands compte de la société RCI, Monsieur [C], qui dit confirmer ‘le problème auquel a été confronté l’un de nos commerciaux face à un des membres de votre personnel chargé des achats de produits de maintenance’. Il précise que le commercial a refusé de répondre favorablement à la demande de Monsieur [VP] et ‘n’a plus visité le site de [Localité 3] tant que cette personne était chargée des approvisionnements’. Il relève que ‘le grand espace de liberté laissé aux approvisionneurs pour les achats de ce type de produits, associé aux propositions souvent très attractives de certains de nos confrères, permettent le développement de telles pratiques’ et ajoute que : ‘notre déontologie et nos engagements contractuels (Article 10-Divers, 10.3 déontologie) nous interdisent ce genre de pratiques’.
Monsieur [VP] pointe l’absence d’attestation émanant directement du commercial, Monsieur [I], et dit avoir indiqué en réalité à ce dernier que les prix pratiqués pour les produits aérosols étaient sans commune mesure avec ceux de ses concurrents, suite à quoi Monsieur [I] se serait énervé.
La cour constate que le témoignage de Monsieur [K] est corroboré par celui de Monsieur [C] et considère ce sixième grief suffisamment caractérisé en dépit de l’absence d’attestation de Monsieur [I].
Sur le septième grief (proposition faite à un fournisseur de surévaluer un devis) :
A l’appui de ce grief, l’employeur produit deux courriels du 9 octobre 2014 émanant de collègues de travail de Monsieur [VP] et exerçant comme lui sur le site de [Localité 3], Madame [R] [J], assistante, Madame [SF], comptable, qui relatent des propos tenus le 30 septembre 2014 lors d’une réunion par Monsieur [X], entrepreneur de travaux publics.
Madame [SF] indique ainsi : ‘Le 30/09/2014 Monsieur [X] (entrepreneur en TP), est venu dans les locaux du CD pour établir un devis, nous étions dans la salle de réunion, et il nous a confirmé, à [R] [J] et moi-même, qu’en 2010 , il était venu pour établir un devis pour le curage des fossés, et que Monsieur [VP] lui a demandé de grossir le devis IDEX et qu’en contre partie il lui fasse le terrassement de sa villa. Monsieur [X] a refusé de rentrer dans son jeu, pourtant à cette époque là il n’avait pas de travail nous a-t-il dit, et il aurait bien eu besoin du chantier, de ce fait le devis de Monsieur [X] n a pas donné suite et c est l’entreprise [P] (entrepreneur de Bel Air) qui a fait les travaux de curage des fossés. À savoir commande passée à l’entreprise [P] par Monsieur [VP] n° CD13-210-000410251 d’un montant total de 9.000 euros, et pour ce même travail aujourd’hui Monsieur [X] nous fait un devis de 3.774 euros devis joint’.
Madame [J] explique dans son courriel la raison de l’absence de production d’une attestation émanant de Monsieur [X] : ‘j’ai ai profité pour lui demander d’attester ce qu’il avait dit, à moi et à [D] [SF] . Celui-ci était d’accord pour établir un écrit. Je me suis rendue chez lui le soir même pour récupérer ses dires et il m’a dit qu’il ne pouvait faire d’attestation, Monsieur [VP] [T] étant son plus proche voisin, qu’il ne voulait en aucun cas être mêlé à cette affaire, qu’il préférait ne plus avoir à faire à la prison plutôt que se mettre tout son voisinage à dos. Cette situation lui est dommageable il en est conscient. A ce jour, il est injoignable tant au téléphone que par mail’.
Monsieur [VP] expose que c’est le chef de centre, Monsieur [B] et Monsieur [U] directeur service maintenance, qui ont choisi l’entreprise [P] en 2010 pour le curage des fosses. Le salarié produit un courriel du 24 janvier 2011 émanant de Monsieur [U] ayant pour objet ‘Planing travaux’ adressé à Madame [JL], avec en copie Monsieur [VP], indiquant notamment : ‘Peut-on valider auprès de la société [P] la semaine 5 pour le profilage des fossés (…)’. Le salarié ajoute que la tâche effectuée en 2010 et en 2011 n’était pas identique. Il explique qu’en 2010, le curage des fossés n’avait pas été effectué depuis 1992 et a nécessité pour cette raison 5 jours de travail contre 3 jours en 2014. Il relève par ailleurs que les fosses du terrain de sport et de la zone TGBY, soit 400 mètres, n’ont pas été effectuées en 2014. Le salarié communique un devis non signé daté du 23 décembre 2009 concernant un ‘reprofilage du ruisseau intérieur sur une longueur d’environ 900 ml, chargement sur camion de déblais et frais de décharge inclus’ pour un montant de 9 000,00 euros HT, 10 764,00 euros TTC, correspondant à ‘900 ml à 10,00 € HT. le ml’ et un second devis également daté du 23 décembre 2009 signé cette fois et portant sur le ‘reprofilage du ruisseau intérieur sur une longueurde 113 ml’. Il produit en outre une attestation en date du 28 novembre 2014 émanant de Monsieur [ZA] [P], gérant de société, qui indique que les travaux de curage des fossés intérieurs et extérieurs du centre de détention ont été effectués conformément à deux devis du 23 décembre 2009 ‘en fonction du travail à effectuer’ et que le devis a été ‘mis en concurrence sans pression ni avantages quel que soit’.
Un doute subsiste s’agissant de ce grief eu égard notamment à l’absence d’éléments précis concernant l’étendue des travaux réalisés en 2010 et 2014. Ce dernier grief sera par conséquent écarté.
Au total, si tous les griefs à l’encontre du salarié n’ont pas été retenus, ceux qui l’ont été présentent le caractère d’une faute grave rendant impossible la poursuite du contrat de travail pendant le préavis.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur [VP] de ses demandes en paiement d’une indemnité compensatrice de préavis avec les congés payés afférents, d’une indemnité conventionnelle de licenciement et d’une indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur la demande de dommages et intérêts au titre de la rupture brutale et vexatoire :
Il résulte des développements qui précèdent que le licenciement de Monsieur [VP] repose sur une faute grave.
Monsieur [VP] ne démontre pas le caractère vexatoire ou brutal du licenciement, ni de préjudice spécifique, il sera, par voie de confirmation du jugement déféré, débouté de cette demande.
Sur les demandes accessoires :
Il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Monsieur [VP], succombant, est condamné aux dépens d’appel et à payer la somme de 400,00 euros à la société IDEX ENERGIES au titre de ses frais irrépétibles exposés en cause d’appel.
La demande de Monsieur [VP] au titre de l’article 700 du code de procédure civile est rejetée.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions soumises à la cour,
Y AJOUTANT,
CONDAMNE Monsieur [T] [VP] aux dépens d’appel,
CONDAMNE Monsieur [T] [VP] à payer à la société IDEX ENERGIES la somme de 400,00 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés en cause d’appel,
DEBOUTE Monsieur [T] [VP] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le greffier Le président