Économies d’énergie : 26 janvier 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/04688

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Économies d’énergie : 26 janvier 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/04688
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 60A

3e chambre

ARRET N°

DEFAUT

DU 26 JANVIER 2023

N° RG 21/04688

N° Portalis DBV3-V-B7F-UU7Q

AFFAIRE :

Mutuelle MACSF ASSURANCES

C/

[N] [L]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 01 Juillet 2021 par le TJ de Nanterre

N° Chambre : 2

N° RG : 18/09951

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Xavier FRERING

Me Mélina PEDROLETTI

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SIX JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

MACSF ASSURANCES

RCS 775 665 631

[Adresse 2]

[Localité 10]

Représentant : Maître Xavier FRERING de la SELARL CAUSIDICOR, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J133 – N° du dossier MCS/1514

APPELANTE

****************

1/ Monsieur [N] [L]

né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 11]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentant : Maître Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 – N° du dossier 25302

Représentant : Maître Sylvie VERNASSIERE de la SELARL VERNASSIERE HUDSON AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B1163

INTIME

2/ CPAM DES YVELINES

[Adresse 9]

[Localité 7]

INTIMEE DEFAILLANTE

3/ CPAM DES BOUCHES DU RHONE

Le [Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 12]

INTIMEE DEFAILLANTE

4/ CRAMIF

[Adresse 3]

[Localité 6]

INTIMEE DEFAILLANTE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 14 Novembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Gwenael COUGARD, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Florence PERRET, Président,,

Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,

Madame Gwenael COUGARD, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,

——-

FAITS ET PROCEDURE

Le 10 janvier 2005 à [Localité 12] ([Localité 12]), M. [N] [L], piéton, a été victime d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué le véhicule motocyclette assuré auprès de la société la Mutuelle d’Assurances du Corps de Santé Français (ci-après, la MACSF), laquelle ne conteste pas le droit à indemnisation. Il s’agit d’un accident de travail.

Par ordonnance du 20 octobre 2011, le juge des référés a désigné en qualité d’expert le docteur [X] et a alloué à la victime une indemnité de 5 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice corporel.

L’expert s’est adjoint le docteur [C] (ORL) et le docteur [J] (psychiatre) et a procédé à sa mission. Aux termes d’un rapport dressé le 25 octobre 2013, il a conclu ainsi que suit :

– blessures subies :

un traumatisme crânien,

une plaie à l’arcade,

une plaie à l’arcade,

une plaie au nez,

une déformation du poignet droit,

une dermabrasion du genou gauche,

une dermabrasion et un hématome jambe gauche,

une fracture de la styloïde cubitale droite,

une fracture des os propres du nez,

– consolidation : 1er octobre 2009,

– déficit fonctionnel temporaire total :

le 10 janvier 2005,

du 20 au 27 janvier 2005,

le 1er avril 2005,

du 21 au 24 mars 2006,

– déficit fonctionnel temporaire partiel à 20% : du 11 janvier 2005 au 1er octobre 2009, en excluant les périodes de DFTT,

– déficit fonctionnel permanent, intégrant les séquelles ORL, psychiatriques, neurologiques et orthopédiques : 16%,

– souffrances endurées : 3,5/7,

– préjudice esthétique temporaire : 1/7 (pas de préjudice esthétique permanent),

– incidence professionnelle : il existe une moindre efficience du fait du ralentissement dépressif,

– préjudice d’agrément : perte d’envie de la pratique sportive,

– préjudice sexuel : pas d’impossibilité physiologique mais M. [L] nous rapporte un appauvrissement de sa vie sexuelle, en rapport avec ses troubles psychologiques,

– pas de nécessité d’aide par une tierce personne, ni avant ni après consolidation,

– soins post-consolidation justifiés sur le plan psychiatrique pendant un an,

– soins futurs : soins justifiés sur le plan psychiatrique pendant un an.

Aux termes de ce rapport, M. [L], par actes du 24 septembre 2018, a fait assigner la MACSF, la Caisse primaire d’assurance maladie (ci-après, la CPAM) des Yvelines, la CPAM des Bouches-du-Rhône et la Caisse Régionale d’Assurance Maladie d’Île-de-France (ci-après, la CRAMIF) devant le tribunal de grande instance de Nanterre.

Par jugement du 1er juillet 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

– dit que le droit à indemnisation de M. [L] est entier,

– condamné la MACSF à payer à M. [L] les sommes suivantes, à titre de réparation de son préjudice corporel, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour :

au titre des dépenses de santé restées à charge……………………………….532,64 euros,

au titre des frais divers…………………………………………………………..3 432, 20 euros,

au titre de la tierce personne temporaire…………………………………………8 905 euros,

au titre de la souffrance endurée………………………………………………….12 000 euros,

au titre du préjudice esthétique temporaire………………………………………3 000 euros,

au titre du préjudice d’agrément…………………………………………………….5 000 euros,

au titre du préjudice sexuel……………………………………………………………3 000 euros,

– dit que les intérêts échus des capitaux produiront intérêts dans les conditions fixées par l’article 1343-2 du code civil,

– condamné la MACSF à payer à M. [L] les intérêts au double du taux de l’intérêt légal sur le montant de l’indemnité allouée, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, à compter du 10 avril 2005 et jusqu’au 28 mai 2014,

– déclaré le jugement commun à la CPAM des Yvelines, à la CPAM des Bouches-du-Rhône et à la CRAMIF,

– condamné la MACSF au dépens comprenant les frais d’expertise,

– condamné la MACSF à payer à M. [L] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné l’exécution provisoire du jugement à concurrence de la moitié de l’indemnité allouée et en totalité en ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens,

– rejeté pour le surplus.

Par acte du 21 juillet 2021, la MACSF a interjeté appel et prie la cour, par dernières écritures du 25 août 2022, de :

– confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux postes de préjudice suivants :

incidence professionnelle,

déficit fonctionnel permanent,

préjudice d’agrément,

préjudice sexuel,

préjudice d’établissement,

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la MACSF à payer à M. [L] les intérêts au double du taux de l’intérêt légal sur le montant de l’indemnité allouée, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, à compter du 10 avril 2005 et jusqu’au 28 mai 2014,

Et, statuant à nouveau,

– condamner la MACSF à payer à M. [L] les intérêts au double du taux de l’intérêt légal :

à titre principal, sur le montant de l’offre d’indemnisation définitive du 3 novembre 2008, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, à compter du 10 avril 2005 et jusqu’au 3 novembre 2008,

à titre subsidiaire, sur le montant de l’offre d’indemnisation définitive du 28 mai 2014, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, à compter du 10 avril 2005 et jusqu’au 28 mai 2014,

– laisser les frais irrépétibles à la charge de chacune des parties,

– condamner M. [L] aux dépens d’appel.

Par dernières écritures du 21 septembre 2022, M. [L] prie la cour de :

– débouter la MASCF de son appel et la déclarer mal fondée,

– déclarer M. [L] recevable et bien fondé en son appel incident,

En conséquence,

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. [L] de ses demandes indemnitaires formulées au titre du préjudice d’établissement, et a condamné la MACSF à verser à la victime les sommes suivantes :

au titre de l’incidence professionnelle s’agissant de la dévalorisation professionnelle….. …………………………………………………………………….10 000 euros,

au titre du déficit fonctionnel permanent………………………………………27 520 euros,

au titre du préjudice d’agrément…………………………………………………….5 000 euros,

au titre du préjudice sexuel……………………………………………………………3 000 euros,

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a fixé comme date retenue pour terme de la sanction du doublement des intérêts le 28 mai 2014, date de la seconde offre formulée par la MACSF,

– confirmer le jugement déféré en toutes ses autres dispositions,

Statuant à nouveau,

– condamner la MASCF à payer à M. [L], sauf à parfaire, les sommes suivantes :

au titre l’incidence professionnelle s’agissant uniquement de la dévalorisation professionnelle………………………………………………………………………….60 000 euros, avant déduction de la rente AT (le jugement sera confirmé s’agissant de l’indemnisation du poste de l’incidence professionnelle concernant la pénibilité accrue – 50 000 euros),

au titre du déficit fonctionnel permanent………………………………………35 200 euros,

au titre du préjudice d’agrément…………………………………………………..10 000 euros,

au titre du préjudice sexuel……………………………………………………………8 000 euros,

au titre du préjudice d’établissement…………………………………………….13 000 euros,

– fixer comme date retenue pour le terme de la sanction du doublement des intérêts la date de la décision définitive à venir,

– ordonner la capitalisation des intérêts de droit au double du taux légal, en application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil,

– condamner la MACSF à payer à M. [L] la somme de 4 800 euros TTC au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens avec recouvrement direct, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La MACSF a fait signifier à la CPAM des Bouches-du-Rhône la déclaration d’appel, par acte du 26 août 2021 remis à domicile, et ses conclusions, par actes des 21 octobre 2021, 14 mars 2022 et 25 août 2022 remis par voie électronique.

L’appelante a également fait signifier à la CPAM des Yvelines la déclaration d’appel, par acte du 27 août 2021 remis à personne habilitée, et ses conclusions, par actes des 25 octobre 2021, 14 mars 2022 et 6 septembre 2022, remis selon les mêmes modalités.

L’appelante a enfin fait signifier à la CRAMIF la déclaration d’appel, par acte du 26 août 2021 remis à personne habilitée, et ses conclusions, par actes des 25 octobre 2021,14 mars 2022 et 30 août 2022, remis selon les mêmes modalités.

Néanmoins, ces intimées n’ont pas constitué avocat.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 6 octobre 2022.

Motifs de la décision

La MACSF a limité son appel au chef statuant sur le doublement des intérêts au taux légal.

M. [L], formant appel incident, a pour sa part, sollicité la réformation du jugement sur les postes de l’incidence professionnelle, du déficit fonctionnel permanent, du préjudice d’agrément, du préjudice sexuel et du préjudice d’établissement.

‘ sur l’incidence professionnelle

Le premier juge a alloué à M. [L] une somme de 50 000 euros au titre de la pénibilité accrue et 10 000 euros au titre de la dévalorisation sur le marché du travail, et a déduit la rente accident de travail, de sorte qu’aucune somme ne reste due à ce titre.

M. [L] ne sollicite pas l’infirmation de la somme allouée au titre de la pénibilité mais conteste l’appréciation faite par le tribunal pour la dévalorisation, pour laquelle il demande une somme de 60 000 euros, affirmant que les séquelles subies ne lui ont pas permis d’obtenir la promotion escomptée au sein de la Poste, puis qu’elles l’ont empêché de rester au poste auquel il avait été nommé au sein de la SNCF, le contraignant à changer de poste, qu’il occupe depuis plus de 10 ans en raison des problèmes de santé.

En réponse, la MACSF critique l’analyse de M. [L], affirmant que l’accident ne l’a pas empêché de changer d’emploi pour intégrer La Poste d’abord, puis la SNCF. Elle estime que les difficultés professionnelles de M. [L] sont apparues deux ans après l’accident, alors qu’il avait été embauché par la SNCF et semblent résulter de sa relation tendue avec son supérieur hiérarchique. Elle ajoute que les pièces produites par M. [L] ne sont pas probantes. Elle relève enfin que le stress professionnel présenté par ce dernier à compter de mi-2018 a conduit à l’augmentation des syndromes vertigineux sans lien avec l’accident.

Sur ce,

Ce poste a pour objet d’indemniser non la perte de revenus mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi en raison de la dévalorisation sur le marché du travail, de la perte d’une chance professionnelle ou l’augmentation de la pénibilité, de la nécessité de devoir abandonner sa profession au profit d’une autre. Ce poste doit également inclure les frais de reclassement professionnel, de formation, de changement de poste, d’incidence sur la retraite.

Il sera rappelé que M. [L] était âgé de 49 ans lors de l’accident survenu en janvier 2005, et 53 ans à la date de la consolidation fixée au 1er octobre 2009. L’expert a conclu, au titre de l’incidence professionnelle, qu’il existe une moindre efficience du fait du ralentissement dépressif.’

Par ailleurs, l’expert, considérant qu’il n’existe pas d’état antérieur, a précisé que M. [L] présentait des séquelles sur le plan ORL, en lien avec des acouphènes gauches et une sensation vertigineuse pour lesquels une imputabilité totale est retenue, et sur le plan psychiatrique, du fait d’une déplétion narcissique liée à la souffrance de la perte de ses capacités antérieures, associée à une modification du caractère, depuis l’irritabilité jusqu’au renoncement et à la passivité. L’expert a également considéré des troubles de la mémoire et de l’attention très vraisemblablement consécutifs aux troubles psychiatriques.

Il sera de surcroît rappelé que le premier juge a alloué une somme de 50 000 euros au titre de la pénibilité, en considérant celle-ci avérée du fait de la moindre efficience du fait du ralentissement dépressif, outre qu’il a pris en compte la dévalorisation comme une conséquence de la pénibilité retenue.

L’appréciation de la pénibilité n’est pas contestée par les parties.

Pour étayer ses dires quant au fait que les séquelles de l’accident ont perturbé son avancement professionnel et généré une dévalorisation justifiant une indemnisation supérieure, M. [L] verse aux débats diverses pièces parmi lesquelles :

– une attestation rédigée par M. [B] qui expose : ‘au second semestre 2004, j’ai été chargé par la directrice de l’immobilier de La Poste, dont j’étais l’adjoint en charge de la direction des services aux occupants, de recruter avec l’aide du cabinet [S] [U], le responsable de la maintenance immobilière dont la trajectoire était de devenir le directeur de la gestion du parc, compte tenu de la création annoncée de la foncière Poste Immo. La procédure de recrutement a désigné M. [N] [L]. L’intégration de M. [L] au cours du premier semestre 2005 s’est effectuée avec du retard, eu égard à l’accident dont il a été victime début 2005. M. [L] a eu de nombreux arrêts durant sa période d’essai de 6 mois, puis au cours de sa tenue de poste (M. [L] posait des jours RTT et de congés pour ne pas être en arrêt maladie). La directrice de l’immobilier a confirmé M. [L] dans sa fonction de responsable de la maintenance, à l’issue de sa période d’essai, eu égard à son investissement dans le poste. Néanmoins, afin de le protéger d’une charge trop importante et compte tenu de ses problèmes de santé, la directrice de l’immobilier ne l’a pas promu au poste de directeur de la gestion du parc, comme initialement prévu. La différence de salaire entre celui de M. [L] et celui du directeur de la gestion du parc recruté en 2006 était de l’ordre de 50 % environ. Je peux dire que les problèmes de santé de M. [L] ont notablement affecté sa trajectoire professionnelle au sein de La Poste.’

– une seconde attestation rédigée par un autre salarié de La Poste, M. [I], administrateur des PTT hors classe, directeur de la qualité du groupe dans les années 2003-2008. Ce dernier explique avoir fait la connaissance de M. [L] en 2005, dont il a pu apprécier les compétences professionnelles et humaines dans les sujets et domaines où il avait travaillé antérieurement. Il poursuit dans ces termes : ‘c’est ainsi qu’ayant parlé de lui à la directrice de l’immobilier, j’ai appris par elle que M. [L] lui donnait satisfaction mais que, malheureusement, elle n’avait pu le nommer au poste pour lequel elle l’avait recruté. Non pas que M. [L] ne fasse pas l’affaire, mais parce que, lors de la période de recrutement, il avait été victime d’un accident lui laissant des séquelles tels vertiges, périodes de fatigue intense, difficultés de concentration. Et il était donc handicapé pour tenir le poste.’

Ces deux témoignages sont concordants et méritent attention, même s’ils n’ont pas été établis directement par ladite directrice de l’immobilier.

M. [L] a par la suite rejoint la SNCF comme responsable de maintenance au pôle immobilier. Il résulte des bulletins de salaire produits à compter de l’année 2015 qu’il occupe un poste de ‘chef du département expertise coût global économie d’énergie’. Aucune pièce établie par la SNCF ne permet d’objectiver qu’il n’a pu conserver l’emploi pour lequel il avait été recruté en raison des séquelles de cet accident, ni que l’absence d’évolution professionnelle par la suite en est la conséquence directe.

Cependant, M. [L] verse un certificat médical de son médecin traitant très détaillé et complet, rédigé en avril 2013, qui fait état du stress professionnel important rencontré par M. [L], et de l’aggravation des phénomènes de vertige en conséquence de ce stress. Le médecin traitant indique que le syndrome vertigineux paraît stabilisé depuis début 2011, mais relève que M. [L] présente toujours un syndrome dépressif à relier au stress professionnel qui nécessite un suivi mensuel.

Il est certain, à l’examen des bulletins de salaire produits pour les années 2015 à 2021 que M. [L] n’a pu bénéficier d’aucune évolution professionnelle ni augmentation de salaire.

L’ensemble de ces éléments conduit la cour à retenir que la dévalorisation professionnelle subie par M. [L] est plus importante que le seul retard de 4 mois et l’incidence sur l’évolution de carrière retenus par le premier juge. En effet, M. [L] n’a pas pu obtenir le poste pour lequel il était recruté par La Poste, les éléments concordants qu’il verse étant suffisants à démontrer la réalité de ses affirmations à ce sujet. De surcroît, il est certain qu’il a été replacé à un autre poste équivalent au sein de la SNCF, alors qu’il avait été initialement recruté à une fonction de responsable de la maintenance. Il a toujours un emploi de cadre supérieur, mais aucune évolution de poste ni de salaire ne peut être constatée depuis 10 ans, cette situation pouvant être mise en lien avec le stress professionnel rencontré rapidement après son entrée à la SNCF et ayant conduit à l’aggravation des phénomènes vertigineux, et partant aux difficultés professionnelles supportées.

Aucun élément ne permettant toutefois d’avoir la certitude que les séquelles subies par M. [L] sont la seule cause de cette absence de promotion au sein de la SNCF, en l’absence d’élément objectivant une telle explication, la dévalorisation professionnelle sera indemnisée justement et totalement par l’octroi d’une somme de 30 000 euros, pour tenir compte de l’âge de M. [L] à la date de la consolidation, sa carrière professionnelle et le niveau de poste occupé, et de la durée prévisible d’activité jusqu’à son départ à la retraite.

La rente accident du travail est à déduire de ce poste (119 151,47 euros à déduire de la somme allouée au titre de l’incidence professionnelle, soit 50 000 + 25 000), de sorte qu’aucune somme n’est à allouée à M. [L].

‘ le déficit fonctionnel permanent

Le premier juge a alloué la somme de 27 520 euros.

M. [L] sollicite la réformation de ce poste de préjudice, sollicitant, comme en première instance qu’il lui soit alloué une somme de 35 200 euros, en retenant une valeur du point de 2 200 euros pour tenir compte de séquelles ophtalmologiques non prises en compte par l’expert.

La MACSF s’oppose à cette demande.

Sur ce,

Ce préjudice a pour composante les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les douleurs qui persistent depuis la consolidation, la perte de la qualité de la vie et les troubles définitifs apportés à ces conditions d’existence.

L’expert a retenu un déficit fonctionnel permanent de 16 %, en considérant les séquelles ORL, les séquelles psychiatriques, les séquelles orthopédiques, les séquelles neurologiques.

Il résulte en effet de l’expertise qu’aucune séquelle ophtalmologique n’a été retenue par l’expert.

Le professeur [X] a écarté ces séquelles, en considérant que les myiodésopsies (perception de filaments dans le champ visuel) étaient consécutives à l’âge et non à l’accident. M. [L] s’appuie sur les conclusions du rapport amiable, le docteur [P], qui l’avait examiné avant l’expert judiciaire, qui pour sa part avait imputé ce problème à l’accident.

Cependant, il sera observé que M. [L] n’a pas formulé de dire sur ce point au professeur [X], à la suite de son pré-rapport, ce alors même qu’un médecin-conseil l’accompagnait à l’expertise, et qu’il était assisté de son avocat.

Il ne peut se contenter de s’appuyer sur les conclusions de l’expert amiable pour contredire cette analyse du professeur [X], et sa demande d’infirmation du jugement est écartée pour ce poste de préjudice.

‘ le préjudice d’agrément

Le tribunal a alloué à M. [L] la somme de 5 000 euros.

M. [L] sollicite, comme en première instance, la somme de 10 000 euros. La MACSF demande à la cour de confirmer le jugement.

Sur ce,

Ce poste de préjudice indemnise l’impossibilité ou les difficultés pour la victime de pratiquer ou de poursuivre régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs.

Il est relevé par l’expert que M. [L] pourrait reprendre le sport mais qu’il n’en a plus l’envie, l’expert constatant un sentiment de perte massive du fait de ses performances antérieures.

Il était en effet noté qu’il pratiquait de nombreuses activités, à savoir la moto, le parapente, le footing, le golf, l’aviation légère (ULM), le ski, la randonnée, et qu’il aimait par ailleurs bricoler.

Le fait qu’il ait arrêté toutes les activités d’agrément qui étaient les siennes, variées et exigeantes, au motif qu’il en a perdu le goût, du fait d’un sentiment de perte lié à l’impossibilité pour lui d’atteindre ses performances antérieures doit être pris en compte et justifie, en tenant compte de l’importance que représentait pour lui de telles activités pour son épanouissement personnel, de toutes les activités auxquelles il s’adonnait, qu’il lui soit alloué une somme de 8 000 euros.

Le jugement est infirmé et la MACSF condamnée à lui allouer une somme de 8 000 euros en réparation du préjudice d’agrément.

‘ le préjudice sexuel

Le tribunal a accordé à M. [L] la somme de 3 000 euros.

M. [L] sollicite, comme en première instance, une somme de 8 000 euros tandis que la MACSF conclut à la confirmation du jugement.

Sur ce,

Ce poste de préjudice tend à réparer les effets permanents des séquelles touchant à la sphère sexuelle. Il faut distinguer :

– le préjudice morphologique, lié à l’atteinte des organes sexuels primaires et secondaires,

– le préjudice lié à la vie sexuelle elle-même, qui repose essentiellement sur la perte de plaisir ou de confort lors de l’accomplissement de l’acte sexuel.

– le préjudice lié à une impossibilité ou une difficulté à procréer.

L’expert n’a pas retenu de préjudice sexuel, en exposant qu’il n’existe pas d’impossibilité physiologique, M. [L] ayant exposé un appauvrissement de sa vie sexuelle en rapports avec ses troubles psychologiques.

M. [L] évoque le certificat du docteur [H] du 4 novembre 2010, cité par le professeur [X] qui évoquait la baisse de la libido, et le certificat de son médecin traitant en date du 10 novembre 2012 qui faisait état de l’absence de libido.

Cependant, ces deux certificats ont été remis à l’expert et à son sapiteur psychiatre, le docteur [J], sans que ceux-ci concluent à l’existence d’un préjudice sexuel.

La baisse de la libido a été prise en compte cependant par le tribunal qui a justement réparé cette situation en accordant à M. [L] une somme de 3 000 euros, sans que ce dernier justifie qu’une somme supérieure devrait lui être allouée. Le jugement est en conséquence confirmé.

‘ le préjudice d’établissement

Le tribunal a rejeté la demande présentée au titre d’un préjudice d’établissement.

M. [L] sollicite la somme de 13 000 euros et la MACSF s’oppose à cette demande.

Sur ce,

Ce préjudice consiste dans la perte d’espoir et de chance de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité du handicap.

Il est établi que M. [L], qui vivait en couple n’avait pas d’enfant avant son accident, a eu un enfant en 2014 avec son compagne, dont il s’est finalement séparé en octobre 2016. M. [L] explique que la séparation est consécutive à l’évolution de son caractère.

Aucun élément ne permet d’objectiver que la séparation est la conséquence de l’accident, alors qu’après la survenance de ce dommage, la vie commune s’est poursuivie pendant 11 ans, qu’un enfant est né en 2014, et que la séparation n’est intervenue que très longtemps après l’accident. Il ne justifie pas non plus qu’il aurait été privé de réaliser un projet familial, ce d’autant qu’il a eu un enfant en 2014 alors qu’il était déjà âgé de 59 ans.

Sa demande présentée au titre du préjudice d’établissement n’est pas fondée et sera comme en première instance, rejetée.

‘ sur le doublement des intérêts au taux légal

Le tribunal a condamné la MACSF à payer le double du taux de l’intérêt légal sur le montant de l’indemnité allouée, avant imputation de la créance du tiers payeur et déduction des provisions versées, à compter du 10 avril 2005 et jusqu’au 28 mai 2014.

Le tribunal a retenu comme point de départ la date située trois mois après l’accident et le terme du délai en estimant que l’offre faite était insuffisante.

La MACSF conteste tant l’assiette de la sanction que la période de sanction. Sur l’assiette, elle estime que l’offre qu’elle a faite le 3 novembre 2008 est bien complète, puisqu’elle inclut tous les postes de préjudice retenus par le docteur [P] (rapport du 4 octobre 2007). A défaut, c’est l’offre du 28 mai 2014 qui doit être prise en compte, qualifiée de complète par le tribunal. Quant à la période d’application de la sanction, la MACSF ne conteste pas le point de départ au 10 avril 2005, mais estime que le terme doit correspondre au jour où l’offre tardive a été formulée, soit le 3 novembre 2008, ou subsidiairement le 28 mai 2014.

En réponse, M. [L] estime que l’offre du 3 novembre 2008 est incomplète et que seul le montant suffisant de l’offre d’indemnité de l’assureur peut constituer l’assiette de la sanction.

Sur ce,

Aux termes de l’article L 211-9 du code des assurances, une offre d’indemnité, comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice, doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximal de 8 mois à compter de l’accident. Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l’assureur n’a pas, dans les trois mois de l’accident, été informé de la consolidation de l’état de la victime. L’offre définitive doit alors être faite dans un délai de 5 mois suivant la date à laquelle l’assureur a été informé de cette consolidation. En tout état de cause, le délai le plus favorable à la victime s’applique.

A défaut d’offre dans les délais impartis par l’article L 211-9 du code des assurances, le montant de l’indemnité offerte par l’assureur ou allouée par le juge, produit, en vertu de l’article L 211-13 du même code, des intérêts de plein droit au double du taux de l’intérêt légal à compter de l’expiration du délai et jusqu’au jour de l’offre ou du jugement devenu définitif.

Les parties ne discutent pas le point de départ de l’offre au 10 avril 2005.

La sanction du doublement des intérêts doit avoir pour assiette le montant de l’offre d’indemnisation du 28 mai 2014 qui a été faite en tenant compte du rapport d’expertise judiciaire qui a constaté la consolidation de M. [L] et qui peut être considérée complète.

Une offre ayant été effectuée par le 28 mai 2014, il y a lieu de dire que le montant de cette offre, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, produira intérêts au double du taux de l’intérêt légal du 10 avril 2005, date non contestée par les parties, au 28 mai 2014.

Le jugement est infirmé quant à l’assiette, la sanction ne pouvant porter que sur le montant de l’offre qui était complète, et non sur le montant de la condamnation.

‘ sur les autres demandes

La MACSF est condamnée à payer la somme de 3 000 euros d’indemnité de procédure à M. [L].

Elle supporte par ailleurs les dépens exposés en appel,qui seront recouvrés, conformément à l’article 699 du code de procédure civile, par Me Melina Pedroletti, qui en a fait la demande, les dispositions du jugement statuant sur les dépens et l’indemnité de procédure étant par ailleurs confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement au titre de la dévalorisation professionnelle, du préjudice d’agrément et en ce qu’il a appliqué le doublement des intérêts légaux sur le montant de la condamnation,

Confirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Dit que l’incidence professionnelle au titre de la dévalorisation professionnelle sera justement réparée par la somme de 30 000 euros et que, après déduction de la rente accident du travail, aucune somme ne revient à M. [N] [L],

Condamne la MACSF à payer à M. [N] [L] la somme de 8 000 euros au titre du préjudice d’agrément,

Condamne la MACSF à payer à M. [N] [L] les intérêts au double du taux légal sur le montant de l’offre faite le 28 mai 2014, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, à compter du 10 avril 2005 et jusqu’au 28 mai 2014,

Y ajoutant,

Condamne la MACSF à payer à M. [N] [L] la somme de 3 000 euros d’indemnité de procédure,

Condamne la MACSF aux dépens exposés en appel, qui seront recouvrés, conformément à l’article 699 du code de procédure civile, par Me Melina Pedroletti, qui en a fait la demande.

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Florence PERRET, Président, et par Madame Claudine AUBERT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

 


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