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COUR D’APPEL
D’ANGERS
CHAMBRE A – CIVILE
CM/IM
ARRET N°
AFFAIRE N° RG 18/02326 – N° Portalis DBVP-V-B7C-ENDL
Jugement du 04 Juin 2018
Tribunal de Grande Instance de LAVAL
n° d’inscription au RG de première instance : 17/17
ARRET DU 20 JUIN 2023
APPELANTS :
Monsieur [T] [K]
né le 14 Mars 1983 à [Localité 9] (53)
[Adresse 1]
[Localité 3]
Madame [F] [U]
née le 05 Décembre 1983 à [Localité 6] (61)
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentés par Me Rosemonde VIGNERON, avocat postulant au barreau d’ANGERS, et Me Typhaine DESTREE, avocat plaidant au barreau de NANTES
INTIMEES :
S.A.R.L. […]
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représentée par Me Hervé CHAUVEAU de la SAS MAY’LEX, avocat au barreau de LAVAL
ASSOCIATION D’ASSUREURS LES […] représentée en France par la SAS […], prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par Me Inès RUBINEL, avocat postulant au barreau d’ANGERS, en qualité d’administratrice provisoire de Me Benoît GEORGE de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, avocat au barreau d’ANGERS, et Me StéphanIe FROGER substituant Me Frédéric DOCEUL, avocat plaidant au barreau de PARIS
INTERVENANTE VOLONTAIRE
S.A. […] venant aux droits des […]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par Me Inès RUBINEL, avocat postulant au barreau d’ANGERS, en qualité d’administratrice provisoire de Me Benoît GEORGE de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, avocat au barreau d’ANGERS, et Me StéphanIe FROGER substituant Me Frédéric DOCEUL, avocat plaidant au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue publiquement, à l’audience du 17 Mai 2022 à 14 H 00, Madame MULLER, conseillère faisant fonction de présidente ayant été préalablement entendue en son rapport, devant la Cour composée de :
Mme MULLER, conseillère faisant fonction de présidente
M. BRISQUET, Conseiller
Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée
qui en ont délibéré
Greffière lors des débats : Mme LEVEUF
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 20 juin 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine MULLER, conseillère faisant fonction de présidente, et par Christine LEVEUF, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
~~~~
Exposé du litige
Selon compromis de vente sous conditions suspensives signé le 9 janvier 2012 et notifié à chacun d’eux par lettre recommandée avec demande d’avis de réception présentée le 11 janvier 2012 et acte authentique de vente en date du 19 juillet 2012, M. [K] et sa partenaire de PACS Mme [U] (ci-après les acquéreurs) ont acquis au prix de 125 000 euros un immeuble à rénover d’une surface de 309 m² situé [Adresse 11] et [Adresse 11] (Sarthe) et destiné à être transformé en immeuble à usage d’habitation.
Pour financer l’acquisition et la réhabilitation du bâtiment professionnel en habitation principale, ils ont obtenu le 26 avril 2012 divers prêts d’un montant total de 273 710 euros de la banque qui employait alors M. [K] en qualité de conseiller clientèle.
Pour leur projet de réhabilitation, ils se sont rapprochés de la SARL […], architecte d’intérieur, qui, après une première visite des lieux le 10 janvier 2012, leur a transmis le 16 janvier 2012 sa proposition d’honoraires relative à l’avant projet sommaire, puis le 19 janvier 2012 une estimation des travaux ‘préalable à l’avant projet’ s’élevant à la somme de 150 100 euros TTC, en précisant que ‘étant donné l’avancement du projet, nous ne nous engageons pas sur les montants de travaux indiqués’.
Le contrat d’architecture d’intérieur régularisé le 3 février 2012 a fixé le taux de rémunération de l’architecte d’intérieur pour sa mission de ‘conception de maîtrise d’oeuvre et coordination des travaux’, hors missions de BET, de SPS et de pilotage des travaux, à 11 % du montant HT des travaux, sans plus de précision sur ce montant.
La phase APS «esquisse/avant projet sommaire» comprenant une ‘estimation des travaux (+/- 10 %)’ a donné lieu à une facture d’acompte n°1 émise le 17 février 2012 et à un complément intégré à la facture d’acompte n°2 relative à la phase APD/PC «avant projet détaillé/permis de construire» émise le 25 juin 2012.
Le permis de construire demandé le 5 mars 2012 avec le concours d’un architecte en vue du changement de destination du local artisanal en habitation principale de type «loft» avec démolition partielle, réfection des façades et pose de menuiseries extérieures a été accordé le 4 juin 2012.
Le 12 juillet 2012, alors que la consultation des entreprises était en cours, l’architecte d’intérieur a informé les acquéreurs que leur enveloppe budgétaire ne serait pas suffisante pour réaliser la totalité des travaux.
Après avoir insisté le 16 juillet 2012 pour trouver une solution afin que l’enveloppe de travaux se rapproche au plus près de l’estimation de départ, les acquéreurs se sont plaints, à réception du résultat de l’appel d’offres transmis le 10 septembre 2012 chiffrant le coût total des travaux à 300 761,60 euros HT, soit 359 710,87 euros TTC, de devoir abandonner leur projet du fait du non-respect par l’architecte d’intérieur de ses engagements concernant l’estimation des travaux à 150 100 euros +/- 10 %.
Ce dernier a réfuté toute responsabilité.
Après échec de la procédure de médiation initiée en application du contrat, les acquéreurs ont fait assigner les 23 et 28 décembre 2016 l’architecte d’intérieur et son assureur les […] représentés en France par la SAS […] devant le tribunal de grande instance de Laval afin d’obtenir, en l’état de leurs dernières conclusions, la condamnation de l’architecte d’intérieur pour manquement à ses obligations professionnelles dans l’évaluation du coût de réhabilitation de l’immeuble ainsi qu’à ses obligations d’information et de conseil, solidairement avec les […] et le […] à leur verser sous bénéfice de l’exécution provisoire la somme de 210 813,92 euros manquante pour financer la réhabilitation de l’immeuble acheté sur les assurances de l’architecte d’intérieur, subsidiairement la somme de 50 000 euros au titre de la perte de chance de n’avoir pu réaliser un projet immobilier différent et du préjudice économique résultant des frais exposés pour l’acquisition faite en vain et des charges d’emprunt, en tous les cas la somme de 6 000 euros au titre du préjudice moral et de jouissance, toutes avec intérêts civils et anatocisme, et la somme de 6 000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens recouvrés conformément à l’article 699 du même code.
L’architecte d’intérieur a conclu au rejet des demandes et à la condamnation des acquéreurs à lui verser une indemnité de 4 000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens recouvrés selon l’article 699 du même code.
Les […] et le […] ont conclu à titre préliminaire à la mise hors de cause des premiers et à la recevabilité de l’intervention volontaire du second ayant seul qualité d’assureur de l’architecte d’intérieur, à titre principal au rejet de toute demande à l’encontre de cet assureur qui ne garantit pas l’activité de maîtrise d’oeuvre et à sa mise hors de cause, à titre subsidiaire au rejet de toute demande à l’encontre de l’architecte d’intérieur et à la mise hors de cause de son assureur, à titre plus subsidiaire au rejet de l’intégralité des demandes à défaut de preuve des préjudices allégués, à tout le moins à la réduction de la réclamation des acquéreurs du montant de leur apport personnel de 13 327,10 euros et en tout état de cause à la condamnation de ceux-ci à verser à l’assureur une somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens recouvrés conformément à l’article 699 du même code.
Par jugement en date du 4 juin 2018, le tribunal a :
– mis hors de cause les […] représentés en France par la SAS […] et pris acte de l’intervention volontaire aux débats du […] en sa qualité d’assureur de la SARL […]
– débouté M. [K] et Mme [U] de l’ensemble de leurs demandes d’indemnisation
– condamné solidairement M. [K] et Mme [U] à payer les sommes de 2 500 euros à la SARL […] et de 1 500 euros au […] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
– condamné in solidum M. [K] et Mme [U] aux dépens de l’instance, avec application de l’article 699 du code de procédure civile au bénéfice de Me [D] et de Me Bures, avocats.
Suivant déclaration en date du 20 novembre 2018, les acquéreurs ont relevé appel de ce jugement en ce qu’il a rejeté leurs demandes contre l’architecte d’intérieur et son assureur et les a condamnés au paiement de sommes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens, intimant l’architecte d’intérieur qui leur avait fait signifier le jugement le 26 octobre 2018 et les […], mais non le […] qui a fait signifier le jugement le 1er avril 2019 à l’architecte d’intérieur.
Sur avis reçu du greffe le 7 février 2019 d’avoir à procéder par voie de signification à l’égard des […] en application de l’article 902 du code de procédure civile, ils ont fait signifier à la société […] SAS le 22 février 2019 la déclaration d’appel et leurs conclusions d’appelants déposées le 18 du même mois.
L’architecte d’intérieur a conclu le 17 mai 2019 à la confirmation du jugement, puis le 10 juillet 2019 subsidiairement à la condamnation des […] à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre.
Les […] représentés en France par la société […] ont conclu le 21 mai 2019 à la confirmation du jugement.
Les acquéreurs se sont désistés de leur appel à l’égard des […] le 30 juillet 2019 et ont revendu l’immeuble le 17 juin 2020 au prix de 105 000 euros.
La société […] SA est intervenue volontairement à l’instance d’appel le 9 août 2021 en déclarant venir aux droits des […] et accepter le désistement d’appel à leur égard.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 avril 2022 conformément à l’avis de fixation adressé aux parties le 6 octobre 2021.
Dans leurs dernières conclusions d’appel n°5 en date du 19 juillet 2021 antérieures à la clôture, M. [K] et Mme [U] demandent à la cour, au visa des articles1134 et 1147 du code civil dans leur ancienne rédaction applicable au litige, L. 124-3 du code des assurances et L. 111-1 du code de la consommation, de :
– déclarer recevable et bien-fondé leur appel principal
– débouter la société […] de l’ensemble de ses demandes
– infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a rejeté leurs demandes à l’encontre de la société […], les a condamnés solidairement à régler 2 500 euros à cette société et 1 500 euros à la société […] (sic) au titre des frais engagés et les a condamnés in solidum aux entiers dépens de l’instance
statuant à nouveau,
– dire et juger que la responsabilité contractuelle pour faute de la société […] est engagée à leur encontre
– constater la résiliation du contrat de maîtrise d’oeuvre du 2 février 2012 et ce aux torts exclusifs de la société […]
– condamner la société […] à leur régler les sommes de :
7 581,09 euros au titre des honoraires d’architecte réglés en pure perte
83 134,11 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation du coût des prêts souscrits en fonction du budget estimé par la société […]
32 300 euros au titre de l’indemnisation de leur préjudice financier lié à la nécessité de devoir cumuler échéances de prêt et paiement d’un loyer
5 000 euros chacun au titre de l’indemnisation de leur préjudice moral
20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour l’indemnisation de la perte de temps dans leur projet
15 000 euros au titre de la perte financière subie
8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés en première instance et d’appel
– condamner la société […] à supporter la charge des entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de Me Vigneron et Me Destrée
– constater leur désistement d’instance à l’encontre des […]
– débouter les […] de l’ensemble de leurs demandes.
Postérieurement à la clôture, ils ont notifié le 5 mai 2022 de nouvelles conclusions d’appel n°6 par lesquelles, d’une part, ils demandent à la cour d’ordonner le rabat de l’ordonnance de clôture au jour de l’audience dans l’intérêt de l’administration d’une bonne justice, de débouter la société […] SA de l’ensemble de ses demandes dirigées contre eux et de condamner en toute hypothèse la société […] à les garantir intégralement de l’ensemble de ses demandes (sic), d’autre part, ils réitèrent pour le surplus leurs prétentions antérieures.
Dans ses dernières conclusions d’intimée n°6 et récapitulatives en date du 15 septembre 2021, la SARL […] demande à la cour de :
– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions
– en conséquence, condamner M. [K] et Mme [U] à verser la somme de 7 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux frais et dépens
– à titre subsidiaire, dire et juger que la société […] venant désormais aux droits des […], représentés en France par la société […], devront (sic) la garantir intégralement de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre
– débouter la société […] SA de toutes ses demandes.
Dans leurs dernières conclusions n°5 et de reprise d’instance en date du 4 avril 2022, les […] représentés en France par leur mandataire général la SAS […] et la société […] SA venant aux droits des […] par suite d’une procédure de transfert dite ‘Part VII Transfer’ autorisée par la High Court of Justice of England and Wales suivant ordonnance en date du 25 novembre 2020 demandent à la cour, au visa du code civil notamment en son article 1240, du code de procédure civile notamment en ses articles 31, 32, 32-1, 122 et suivants, 400 et suivants, 564 et suivants, 909 et suivants, 910-4, de :
– constater la reprise d’instance dans les suites de la constitution de Me Rubinel, avocate au barreau d’Angers, en qualité d’administratrice provisoire de Me George
– déclarer la société […] SA venant aux droits des […] recevable et bien fondée en toutes ses demandes
– déclarer irrecevables et en tout état de cause mal fondées toutes demandes dirigées contre elle
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a mis purement et simplement hors de cause les […] aux droits desquels vient aujourd’hui la société […] SA
en conséquence et y faisant droit,
à titre liminaire, sur l’intervention volontaire de la société […] SA venant aux droits des […]
– prononcer la mise hors de cause pure et simple des […]
– prendre acte de l’intervention volontaire de la société […] SA recherchée à tort en qualité d’assureur de la société […], sous les plus expresses réserves de responsabilité et/ou de garantie
à titre principal, sur l’acceptation du désistement d’instance et d’action de M. [K] et Mme [U]
– donner acte aux appelants de leur désistement d’instance et d’action à l’égard des […] aux droits desquels vient aujourd’hui la société […]
– prendre acte de leur acceptation de ce désistement
– le déclarer parfait
toujours à titre principal, sur l’irrecevabilité de la demande d’appel en garantie formée par la société […]
– juger irrecevable la demande de la société […] tendant à la mobilisation de la garantie de son assureur comme dirigée contre une personne morale inexistante
– juger irrecevable la demande de la société […] tendant à la mobilisation de la garantie de la société […] SA venant aux droits des […] dès lors qu’en réalité, seul le Syndicat du […] était susceptible de voir éventuellement sa garantie recherchée à hauteur de cour et qu’il n’a pas été attrait à la procédure d’appel
– juger irrecevable comme nouvelle la demande de la société […] tendant à la mobilisation de la garantie de son assureur
– juger irrecevable comme tardive la demande de la société […] tendant à la mobilisation de la garantie de son assureur
– prononcer la mise hors de cause pure et simple de la société […] SA venant aux droits des […]
à titre subsidiaire, sur le mal-fondé de cette demande
– débouter la société […] de toute demande d’appel en garantie à l’encontre des […], aux droits desquels vient aujourd’hui la société […] SA, dès lors que les […] ne sont pas l’assureur en risque de la société […] et que les garanties de la police souscrite par cette dernière sont insusceptibles d’être mobilisées
– prononcer la mise hors de cause pure et simple de la société […] SA venant aux droits des […]
en tout état de cause
– condamner solidairement et, à défaut, in solidum toute(s) partie(s) succombante(s) à régler à la société […] SA la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive
– condamner solidairement et, à défaut, in solidum toute(s) partie(s) succombante(s) à régler à la société […] SA la somme de 10 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens, dont distraction au profit de la SELARL Lexavoué Rennes Angers, avocats au barreau d’Angers, qui pourra en assurer le recouvrement direct conformément à l’article 699 du même code.
Sur l’audience, le conseil de l’architecte d’intérieur, observant que les appelants forment une demande nouvelle à l’encontre de celui-ci, a déclaré être opposé à la révocation de l’ordonnance de clôture, ce à l’inverse du conseil des sociétés d’assurance, et les parties ont été invitées à communiquer en cours de délibéré les conclusions de première instance de l’architecte d’intérieur, ce à quoi a procédé le conseil des sociétés d’assurance le 31 mai 2022 après transmission par le conseil des acquéreurs le 18 du même mois de leurs propres conclusions de première instance.
Motifs de la décision
Sur la révocation de l’ordonnance de clôture
Il résulte des articles 802 et 803 du code de procédure civile, applicables en appel en vertu de l’article 907 du même code, qu’après l’ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office et que l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue.
En l’espèce, les acquéreurs ne précisent nullement dans leurs conclusions d’appel n°6 quelle serait la cause grave de nature à justifier la révocation de l’ordonnance de clôture et son report au jour de l’audience.
Si, dans son message de transmission du 5 mail 2022, leur conseil indique avoir actualisé leurs conclusions afin de prendre acte de l’intervention volontaire de la société […] SA et de solliciter le rejet des demandes, force est de constater que cette intervention volontaire a été formalisée le 9 août 2021, soit huit mois avant l’ordonnance de clôture, ce qui leur permettait de conclure en temps utile au rejet des demandes de cet assureur et, qu’au-delà de ce rejet, ils recherchent aussi pour la première fois la condamnation de l’architecte d’intérieur à les garantir de toute condamnation susceptible d’être prononcée à leur encontre.
En l’absence de toute cause grave justifiée, leur demande de révocation de l’ordonnance de clôture ne peut qu’être rejetée et leurs conclusions d’appel n°6 du 5 mai 2022 seront déclarées d’office irrecevables.
Sur le désistemement d’appel partiel, l’intervention volontaire et l’irrecevabilité des appels en garantie incidents
Conformément à l’article 401 du code de procédure civile, le désistement de l’appel, fait sans réserve le 30 juillet 2019 à l’égard des […] représentés en France par la SAS […], dont les acquéreurs admettent expressément qu’ils ne sont pas l’assureur en risque de l’architecte d’intérieur, est parfait sans avoir besoin d’être accepté par cet intimé qui n’a pas préalablement formé un appel incident ou une demande incidente, sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ne s’analysant pas comme telle.
Ce désistement a d’ailleurs été expressément accepté le 9 août 2021 tant par les […] que par la société […] SA dont il n’est pas contesté qu’elle vient à leurs droits par suite du transfert à son profit, autorisé le 25 novembre 2020, de leurs contrats d’assurance concernant les risques localisés dans l’Union européenne pour les exercices 1993 à 2020 inclus dans le contexte du Brexit et qu’elle est recevable en cette qualité en son intervention volontaire en appel.
Certes, l’architecte d’intérieur demande subsidiairement, depuis ses conclusions d’intimé n°2 du 10 juillet 2019, que les […] (sic) le garantissent intégralement de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre et, depuis ses conclusions d’intimé n°6 et récapitulatives du 15 septembre 2021, que la société […] SA venant aux droits des […] l’en garantisse de même.
Toutefois, comme le font valoir les sociétés d’assurance, ces demandes sont irrecevables à plusieurs titres.
En effet, d’une part, les […] sont une personne morale inexistante, une telle dénomination procédant d’une confusion manifeste entre les […], que l’architecte d’intérieur maintient être son assureur, et la SAS […] qui les représente en France.
D’autre part, l’architecte d’intérieur n’a, contrairement à ce qu’il prétend, formé aucune demande de garantie contre quelque société d’assurance que ce soit en première instance, de sorte que ses demandes de garantie présentées pour la première fois en appel, qui ne constituent pas des demandes reconventionnelles au sens de l’article 64 du code de procédure civile, sont irrecevables en application de l’article 564 du même code qui interdit aux parties, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, de soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait, étant observé que l’intervention volontaire de la société […] SA aux droits des […] dans les conditions ci-dessus précisées n’apporte aucun élément nouveau à la question litigieuse de la détermination de la société d’assurance auprès de laquelle l’architecte d’intérieur était assuré à l’époque des faits dommageables.
Au surplus, à supposer que sa demande de garantie à l’encontre des […] soit comprise comme visant les […] représentés en France par la SAS […], il ne peut qu’être constaté qu’elle n’a pas été présentée dans ses premières conclusions d’intimé du 17 mai 2019, ni avant l’expiration le lundi 20 mai 2019 du délai de trois mois qui lui était imparti par l’article 909 du code de procédure civile pour conclure et former appel incident, en violation de l’article 910-4 du même code qui oblige les parties, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, à présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond.
Par conséquent, le désistement d’appel partiel conjugué à l’irrecevabilité des appels en garantie incidents entraîne l’extinction de l’instance d’appel et le dessaisissement de la cour à l’égard des […] représentés en France par la SAS […], ainsi que la mise hors de cause de la société […] SA venant à leurs droits, ce qui doit être constaté, sans que cela fasse obstacle à l’examen des demandes concernant ceux-ci et la société […] SA relatives au sort des dépens et frais non compris dans les dépens ni de la demande de dommages et intérêt pour procédure abusive de cette dernière.
La cour d’appel n’est donc pas saisie de la disposition du jugement entrepris ayant mis hors de cause les […] représentés en France par la SAS […], laquelle n’a pas, dès lors, à être confirmée.
Sur les fautes imputées à l’architecte d’intérieur
L’architecte d’intérieur s’est vu confier par les acquéreurs une mission complète de conception de maîtrise d’oeuvre et de coordination des travaux relative à la réhabilitation du bâtiment professionnel du [Adresse 11] en habitation principale depuis la phase APS «esquisse/avant projet sommaire» commençant par une ‘définition des objectifs/analyse de la demande’ puis un ‘relevé d’état des lieux’ et s’achevant par une ‘estimation des travaux (+/- 10 %)’ jusqu’à la phase AOR «assistance des opérations de réception des ouvrages».
Il lui est reproché d’avoir sous-estimé gravement le budget prévisible des travaux nécessaires au projet des acquéreurs qu’il a accepté de prendre en charge, d’avoir omis de préciser dans le contrat signé le 2 février 2012 le montant estimé des travaux préalablement fixé entre les parties et d’avoir manqué à son devoir de conseil en tardant à informer les acquéreurs de l’impossibilité de mener ce projet à terme avec leur budget.
En premier lieu, le tribunal a exactement considéré que, comme le fait valoir l’architecte d’intérieur, celui-ci ne s’est pas contractuellement engagé sur un coût prévisionnel de travaux s’élevant à 150 100 euros TTC pour une réhabilitation complète avec changement de destination de l’immeuble.
En effet, les acquéreurs admettent désormais que la première visite de l’immeuble avec l’architecte d’intérieur a eu lieu, non pas le 9 janvier 2012 avant la signature du compromis de vente comme ils le prétendaient en première instance, mais le lendemain, et qu’il n’est donc pas possible qu’ils aient accepté de régulariser le compromis sur la base d’une estimation des travaux de réhabilitation arrêtée par l’architecte d’intérieur à un montant global de 150 000 TTC pour un projet bien défini (sic).
Après un échange de mails entre eux des 10 et 11 janvier 2012 portant sur la problématique de création des ouvertures en façade sud, sur l’éventuelle acquisition d’un terrain supplémentaire du même côté pour la faciliter et sur l’obstruction de l’assiette du passage censé exister en pignon est, les acquéreurs ont transmis le 15 janvier 2012 les grandes lignes de leur projet de réhabilitation, introduites par les ‘maîtres mots’ suivants : ‘luminosité, économie d’énergie, ouvertures, grande pièce de vie (salon-séjour mini 60 m²), 4/5 chambres, double garage, agrandir extérieur (le propriétaire du terrain côté SUD n’étant pas vendeur), mélange de matériaux industriel et bois : ambiance cosy (chaleureux) et épurée’, à l’architecte d’intérieur qui leur a envoyé le lendemain sa proposition d’honoraires afférente à la seule phase «avant projet sommaire» pour un montant de 1 820 euros HT, en précisant que ce montant viendrait en déduction du total des honoraires représentant 12 % du montant HT des travaux pour une mission complète avec suivi et gestion du chantier et que le relevé d’état des lieux serait effectué comme prévu la semaine suivante, soit le 24 janvier 2012, afin de pouvoir leur présenter des esquisses du projet lors du rendez-vous du 30 janvier 2012.
Le contrat d’architecture d’intérieur établi à l’issue de ce rendez-vous le 30 janvier 2012 et signé le 3 février 2012 a fixé le taux de rémunération de l’architecte d’intérieur, ‘compte tenu (…) de la complexité et de l’importance des travaux’, à 11 % du montant HT des travaux, sans plus de précision sur ce montant.
Il n’est pas anormal qu’à ce stade l’architecte d’intérieur n’ait pas encore procédé à l’estimation des travaux, avec une marge de plus ou moins 10 %, puisque cette estimation doit suivre la réalisation d’une ‘esquisse de définition des espaces’ et des ‘plans d’organisations sommaires’ et plans en ‘élévation, coupe, façade’ et clore la phase [7] «esquisse/avant projet sommaire» qui a donné lieu à une première facturation le 17 février 2012 à hauteur de la somme de 1 820 euros HT initialement convenue et à l’élaboration d’esquisses et de plans datés du 28 février 2012.
Si, sur sollicitation de M. [K] qui lui a demandé le mercredi 18 janvier 2012 de lui ‘faire parvenir par mail une attestation ou récapitulatif des travaux avec un montant de 150 000 € avec en motif réhabilitation d’un bâtiment professionnel en habitation principale, si possible avant la fin de semaine’, ce pour constituer son dossier de demande de prêt comme l’indique l’architecte d’intérieur sans être démenti par les acquéreurs, l’architecte d’intérieur a accepté de fournir le 19 janvier 2012 une estimation des travaux d’un montant total de 150 100 euros TTC se décomposant comme suit :
– lot 1 démolition – maçonnerie : 10 600 euros
– lot 2 charpente – couverture : 15 800 euros
– lot 3 menuiserie extérieure : 23 700 euros
– lot 4 isolation – doublage – plâtrerie : 22 300 euros
– lot 5 menuiserie intérieure – agencement : 13 600 euros
– lot 6 électricité : 12 400 euros
– lot 7 chauffage – ventilation : 15 600 euros
– lot 8 plomberie : 9 500 euros
– lot 9 carrelage – faïence : 13 800 euros
– lot 10 peinture – revêtements muraux : 12 800 euros
il a précisé expressément dans son mail de transmission ne pas s’engager sur les montants indiqués dans cette estimation préalable à l’avant projet compte tenu de l’état d’avancement du projet.
L’allégation des acquéreurs selon laquelle l’architecte d’intérieur leur aurait indiqué oralement, dès leur premier rendez-vous sur les lieux du 10 janvier 2012, qu’il pouvait envisager de réaliser leur projet pour un budget estimé à 150 100 euros TTC (voir page 3 sur 25 de leurs conclusions), ne repose sur aucun élément de preuve.
Il ne saurait donc être considéré que l’architecte d’intérieur s’est engagé sur cette estimation ni qu’il a confirmé aux acquéreurs entre le 16 et le 19 janvier 2019, alors que le délai de rétractation de sept jours institué par l’article L. 271-1 du code de la construction et de l’habitation au profit de l’acquéreur non professionnel d’un immeuble à usage d’habitation n’était pas encore expiré, que leur projet était réalisable pour ce montant.
Il doit, d’ailleurs, être souligné que ce délai qui a couru à compter du lendemain de la première présentation des lettres recommandées de notification du compromis de vente aux acquéreurs, intervenue le 11 janvier 2012, est arrivé à expiration le 18 janvier 2012 à 24 heures, soit avant l’envoi de cette estimation.
En second lieu, il ne peut qu’être constaté que le contrat d’architecture d’intérieur ne précise ni le montant prévisionnel des travaux ni l’enveloppe financière dont disposent les acquéreurs pour l’opération envisagée.
Certes, les acquéreurs ne sont pas fondés à se prévaloir, ce pour la première fois en appel, d’une violation de l’article L. 111-1 de l’ancien code de la consommation (antérieur à l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016) obligeant le professionnel à communiquer de manière lisible et compréhensible au consommateur, avant que ce dernier ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, diverses informations dont 1° les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné, et 2° le prix du bien ou du service, en application des articles L. 113-3 et L. 113-3-1, dès lors que cette version du texte est issue de la loi n°2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation qui ne s’applique qu’aux contrats conclus après le 13 juin 2014, celle applicable à la date de signature du contrat litigieux prévoyant seulement que tout professionnel vendeur de biens doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien.
Cependant, ils font justement valoir que l’architecte d’intérieur titulaire d’une mission de maîtrise d’oeuvre est, comme tout autre maître d’oeuvre, débiteur envers les maîtres de l’ouvrage d’une obligation générale d’information et de conseil durant tout le temps de sa mission et sur tous les aspects du projet.
À ce titre, il doit, en temps utile pour permettre à ses clients de mesurer la faisabilité et les risques de l’opération, informer ceux-ci du coût prévisionnel des travaux, se renseigner sur leurs capacités financières avant d’établir ses documents préparatoires, proposer un projet compatible avec les éléments qui lui ont été donnés sur ce point, attirer leur attention sur les conséquences, notamment financières, de leurs choix et respecter le budget arrêté qui, quand bien même il ne constitue pas un prix forfaitaire définitif, ne doit pas être trop éloigné du coût final de la construction, sous réserve d’évolutions du projet avalisées en toute connaissance de cause par les maîtres de l’ouvrage.
Le modèle indicatif de «contrat de mission de marché privé» établi par le Conseil français des architectes d’intérieur, versé aux débats par l’architecte d’intérieur, prévoit, d’ailleurs, de mentionner l’enveloppe financière du maître d’ouvrage (article 3.1) et le montant prévisionnel des travaux lorsque la rémunération est, comme en l’espèce, fixée au pourcentage (article 5.1.1).
Or l’architecte d’intérieur n’ignorait pas que les acquéreurs disposaient d’un certain budget, même si son montant n’a pas été contractualisé, puisqu’il indique dans son mail du 12 juillet 2012 : ‘je vous confirme que votre enveloppe budgétaire ne sera pas suffisante pour réaliser la totalité des travaux. J’envisage un dossier par étape, en sachant que vous nous aviez évoqué des entrés d’argent plus tardive qui permettrais de réaliser la fin des travaux’ (sic).
S’il ne peut être déduit de son courrier recommandé du 10 octobre 2012 selon lequel ‘si l’enveloppe budgétaire de 150 000 € que nous avions évoqué était compatible à l’origine de votre projet (réduction de la surface habitable, partie destinée à la location traitée plus tard) il en était tout autrement avec votre programme du 15 janvier qui contenait des exigences très différentes’ (sic) que ce budget était limité à 150 000 euros pour le projet, retenu par les parties dès la signature du contrat, de réhabilitation du bâtiment professionnel en un seul logement de type «loft», sans création d’un appartement séparé à usage locatif, il ne s’en éloignait pas sensiblement car les simulations de prêts établies le 13 janvier 2012 ont porté sur un montant total à emprunter sur 300 mois, en complément de l’apport personnel des acquéreurs d’environ 25 000 euros, soit de 262 714 euros pour un coût de construction de 150 000 euros, soit de 288 044 euros pour un coût de construction de 175 000 euros ; compte tenu du projet, très rapidement abandonné mais qu’il aurait fallu financer, de rachat d’une partie de terrain jouxtant la façade sud de l’immeuble et de l’épargne que les acquéreurs reconnaissent avoir conservée par précaution (voir leur courrier du 22 octobre 2012), il y a lieu de considérer qu’il n’excédait pas 200 000 euros.
En tout état de cause, l’architecte d’intérieur a négligé de s’assurer du budget exact dont disposaient les acquéreurs.
En troisième lieu, nonobstant l’emploi du terme ‘confirme’ dans son mail du 12 juillet 2012, l’architecte d’intérieur ne justifie pas, alors qu’il lui appartient de rapporter la preuve de l’exécution de son obligation d’information et de conseil, avoir antérieurement attiré l’attention des acquéreurs sur le risque de dépassement de leur budget.
Au contraire, sa facture d’acompte n°2 du 25 juin 2012 relative à la phase APD/PC «avant projet détaillé/permis de construire» chiffre le montant total HT de sa mission à la somme de 14 086 euros, ce qui par application du taux de rémunération fixé contractuellement à 11 % aboutit à une estimation des travaux à hauteur de 128 054 euros HT, soit 153 153 euros TTC, alors que la phase APS «esquisse/avant projet sommaire» était terminée et que le projet architectural n’a connu aucune évolution démontrée depuis le permis de construire demandé le 5 mars 2012, après validation par les acquéreurs des modifications qu’il leur a soumises dans son mail du 28 février 2012, et obtenues le 4 juin 2012.
Si cette facture précise que ‘Le montant difinitif des honoraires sera recalculé en cours d’étude’ (sic), aucune information sur l’existence ni, a fortiori, l’ampleur du dépassement prévisible n’a alors été fournie.
Au demeurant, dans sa réponse du 16 juillet 2012 au mail des acquéreurs du même jour mentionnant, en post scriptum, ‘nous devons trouver une solution pour que notre enveloppe de travaux se rapproche au plus près de l’estimation de départ, car nous, et notamment [F], sommes ‘quelque peu’ déçus de nous dire que finalement nous devons faire autant de concessions. Le choix des matériaux OK mais de là à devoir se dire qu’on aménagera simplement le bas… ‘!’, l’architecte d’intérieur s’est voulu rassurant en indiquant ‘De plus, j’ai bien pris note de votre remarque, d’ailleurs, je travaille actuellement sur votre projet dans ce sens la’ (sic).
Les parties ayant continué à échanger par mails sur les entreprises d’une certaine taille susceptibles d’intervenir au meilleur prix sur ce chantier présentant, selon les termes employés par l’architecte d’intérieur dans ses mails, de ‘la complexité’ et/ou de ‘l’ampleur’, recherche à laquelle M. [K] a contribué par des suggestions, exclusives de toutes directives contraignantes, de noms d’artisans connus de son entourage ou intervenant sur un autre projet sur [Localité 8] commun avec un tiers M. [V], l’architecte d’intérieur a finalement transmis le 10 septembre 2012 aux acquéreurs son étude des offres reçues des entreprises sollicitées chiffrant le montant total HT de travaux à la somme de 300 761,60 euros, soit 359 710,87 euros TTC, se décomposant comme suit :
– lots 1 et 2 assainissement – terrassement – maçonnerie : 48 543,10 euros selon devis Entreprise [E]
– lot 3 charpente – couverture – ossature bois – bardage : 41 630,55 euros selon devis Theard Charil (plancher bois manquant pour environ 8 000 euros)
– lot 3bis étanchéité : 2 814 euros selon devis Theard Charil
– lot 4 menuiseries extérieures : 26 909,30 euros selon devis Emaplast
– lot 5 menuiserie intérieur bois : 41 240,80 euros selon devis Menuiserie [X]
– lot 6 plâtrerie : 39 170,34 euros selon devis [W] [B]
– lot 7 électricité : 17 610 euros selon devis [M]
– lot 8 plomberie : 12 487,26 euros selon devis Sogetherm
– lot 9 ventilation : 3 108 euros selon devis [M]
– lot 10 chauffage : 20 733 56 euros selon devis Sogetherm
– lot 11 carrelage – faïence : 18 954,67 euros selon devis [R]
– lot 10 peinture : 27 560,02 euros selon devis [N] et Fils,
au vu de quoi les acquéreurs ont exprimé par mail du 30 septembre 2012 leur volonté de mettre un terme au contrat avec remboursement des honoraires versés et paiement de dommages et intérêts compensatoires (non chiffrés), faute d’être en mesure de poursuivre la réalisation du projet.
Ils ne s’en sont pas départis depuis et n’ont pas donné suite à la proposition émise le 10 octobre 2012 par l’architecte d’intérieur ‘soit de réaliser, comme déjà indiqué, une maison d’habitation dans le bâtiment pour un montant de 150 000 de travaux mais évidemment en revoyant l’intégralité de votre programme (surface, ouvertures extérieures, matériaux, revêtements…), soit de mettre un terme à notre contrat et dans un but de conciliation, de ne pas vous facturer la mission appel d’offre pourtant réalisée en majeure partie’, ce qui ne peut leur être reproché, même s’ils ne contestent pas qu’un logement pouvait être aménagé dans les lieux pour un coût de 150 000 euros, car il ne correspondait plus au projet objet du permis de construire.
Certes, l’analyse de l’appel d’offres relevant de la phase PCG «projet de conception générale» n’est pas en elle-même tardive, mais elle aurait dû être précédée d’une information loyale sur le coût prévisionnel des travaux et sur l’importance et les raisons du dépassement, prévisible pour l’architecte d’intérieur, du budget des acquéreurs de manière à permettre à ceux-ci de ne pas s’engager plus avant dans un projet financièrement irréalisable tel que conçu.
Si le vaste bâtiment anciennement à usage artisanal offrait de multiples solutions d’aménagement intérieur, plus ou moins conséquentes et onéreuses, l’architecte d’intérieur ne justifie en rien de son allégation d’un projet «à tiroirs» jamais arrêté par les acquéreurs, ce qui ne saurait se déduire du seul fait qu’ils ont mis en avant ces autres possibilités d’aménagement lorsqu’ils ont décidé de remettre l’immeuble en vente à compter de janvier 2015.
Il n’avance aucune autre explication à ce quasi-doublement du budget des acquéreurs.
En particulier, il ne prétend pas avoir découvert postérieurement au dépôt de la demande de permis de construire des sujétions imprévues, par exemple en ce qui concerne l’assainissement au sujet duquel il est précisé dès le compromis de vente que ‘Le VENDEUR déclare sous sa seule responsabilité que l’immeuble vendu est raccordé au réseau d’assainissement, mais ne garantit aucunement la conformité des installations aux normes actuellement en vigueur’, et affirme dans ses conclusions que ‘Le chantier ne présentait pas de difficultés particulières, avec accès pour les engins de gros oeuvre, terrassement’.
Toutes considérations tirées de l’activité de courtier en crédit immobilier que M. [K] a exercée à compter de 2017 et des relations entretenues par celui-ci avec M. [V], gérant du groupe Proactive Immobilier, sont inopérantes dès lors qu’elles sont insuffisantes à démontrer qu’il pouvait avoir une connaissance précise du coût des travaux avant de recevoir l’analyse de l’appel d’offres de l’architecte d’intérieur.
Du tout, il résulte que, contrairement à ce qu’a considéré le premier juge, l’architecte d’intérieur a fautivement manqué à ses obligations d’information et de conseil envers les acquéreurs sur le coût prévisionnel des travaux et sur l’incompatibilité du projet objet du permis de construire avec leur budget.
Sur la résiliation du contrat et les préjudices indemnisables
Les fautes commises par l’architecte d’intérieur justifient de résilier à ses torts exclusifs le contrat d’architecture d’intérieur du 3 février 2012.
Elles l’obligent également à indemniser les acquéreurs des préjudices qui en résultent sur le fondement de la responsabilité contractuelle.
Ces préjudices comprennent les honoraires afférents à la phase APD/PC «avant projet détaillé/permis de construire» d’un montant de 3 521,50 euros HT, soit 4 211,71 euros TTC, réglés en pure perte en l’absence d’information sur l’estimation des travaux, mais non ceux afférents à la phase APS «esquisse/avant projet sommaire» d’un montant de 2 817,20 euros HT (1 820 + 997,20), soit 3 369,37 euros TTC, que les acquéreurs auraient dû régler quand bien même l’architecte d’intérieur leur aurait annoncé, comme il le devait à l’issue de cette phase, un montant de travaux, avec une marge de plus ou moins 10 %, incompatible avec leur budget.
Ils ne comprennent pas davantage le coût en intérêts et primes d’assurance des prêts souscrits pour financer l’acquisition et la réhabilitation du bâtiment professionnel en habitation principale dès lors que les acquéreurs étaient tenus, indépendamment des fautes commises par l’architecte d’intérieur après l’expiration du délai de rétractation dont ils disposaient en vertu de l’article L. 271-1 du code de la construction et de l’habitation, de réitérer l’acte de vente devant notaire sous peine de s’exposer, non seulement au versement de la clause pénale d’un montant de 12 500 euros stipulée au compromis de vente, mais aussi à une action en exécution forcée de la vente, étant relevé qu’il n’existait aucun obstacle à la réalisation des conditions suspensives incluant l’obtention d’une autorisation administrative de changer l’affectation des locaux en application de l’article L. 631-7 du même code, mais non d’un permis de construire, et d’un prêt d’un montant maximum de 250 000 euros sur 25 ans.
Au demeurant, les acquéreurs, qui ont réglé lors de la signature du compromis de vente un dépôt de garantie de 6 250 euros et lors de la passation de l’acte authentique le solde du prix de vente, soit la somme de 118 750 euros, augmenté des droits de mutation d’un montant de 6 363 euros et des frais d’acte dont ils ne précisent pas le montant et qui, aux termes de l’offre de prêt immobilier du 26 avril 2012, disposaient d’un apport personnel de 16 327,10 euros et d’un délai expirant le 19 avril 2015 pour la mise à disposition des fonds, ne justifient en rien de leurs dires selon lesquels, sur les six prêts souscrits, ont été débloqués, d’une part, comme indiqué en première instance, le prêt Tout Habitat d’un montant de 55 160 euros sur une durée de 333 mois, période d’anticipation comprise, et le prêt Tout Habitat Facilimmo de 108 550 euros sur une durée de 336 mois, période d’anticipation comprise, d’autre part, comme indiqué pour la première fois en appel, le prêt à taux zéro+ d’un montant de 19 200 euros sur une durée de 96 mois, ni de l’affectation précise des fonds correspondants.
Leur demande chiffrée à 83 134,11 euros au titre des intérêts (27 827,57 euros) et primes d’assurance (3 151,17 euros) du prêt Tout Habitat, des intérêts (45 538,09 euros) et primes d’assurance (6 264 euros) du prêt Tout Habitat Facilimmo de 108 550 euros et des primes d’assurance (353,28 euros) du prêt à taux zéro+ jusqu’à leurs termes respectifs initialement convenus ne peut donc prospérer, d’autant qu’ils ont revendu l’immeuble le 17 juin 2020, soit avant l’arrivée de ces termes.
Par ailleurs, si faute de pouvoir mener à bien le projet objet du permis de construire qui n’était pas compatible avec leur budget, les acquéreurs ont préféré, ce qui ne saurait leur être reproché dans son principe, remettre en vente l’immeuble en passant sur internet une première annonce au prix de 225 000 euros le 13 janvier 2015 puis de nouvelles annonces au prix de 175 000 euros les 25 novembre 2016 et 9 janvier 2017, soit avant même qu’ils ne décident, dans le contexte du changement d’activité professionnelle de M. [K], de fixer leur domicile dans un immeuble pris en location à [Localité 13] à effet du 1er août 2017, le délai de près de cinq ans et demi qui s’est écoulé avant qu’ils parviennent à vendre l’immeuble au prix de 105 000 euros ne saurait être considéré comme en relation de causalité avec les fautes de l’architecte d’intérieur.
En effet, ils ne se sont résolus que tardivement à faire des ‘concessions’ sur le prix de vente au regard de ce qu’ils présentent eux-mêmes comme ‘plusieurs points de blocage’ qui ‘freinaient les potentiels acquéreurs’, liés à l’obstruction du passage vers la [Adresse 11] faisant craindre des difficultés d’accès au chantier et à l’annexion par le voisin d’une partie de la façade sur le [Adresse 11], tous faits auxquels l’architecte d’intérieur est étranger, et ils ne disconviennent pas que, dans l’intervalle, l’immeuble, entretenu a minima, s’est dégradé.
Pour les mêmes raisons, la perte constatée par rapport au prix de 125 000 euros auquel ils avaient acquis l’immeuble n’apparaît pas imputable à l’architecte d’intérieur.
La plus-value qu’ils espéraient réaliser après réhabilitation de l’immeuble ne saurait être prise en considération.
Leurs demandes chiffrées à 32 300 euros au titre du préjudice financier correspondant au loyer mensuel de 950 euros réglé, en plus des échéances des prêts, pendant 34 mois d’août 2017 à juin 2020 inclus et à 15 000 euros au titre de la perte financière sur le prix de revente de l’immeuble par rapport au prix d’acquisition doivent donc être rejetées.
En revanche, les acquéreurs ont subi un indéniable préjudice moral du fait de l’obligation de renoncer, à un stade avancé de conception du projet de réhabilitation de l’immeuble, à la réalisation de ce projet tout en continuant de supporter les contraintes inhérentes à la propriété du bien inutilisable en l’état, sans qu’il puisse être déduit de leurs changements ultérieurs d’adresse à [Localité 13], puis à [Localité 12] comme mentionné dans l’acte du 17 juin 2020, qu’ils n’ont jamais eu l’intention d’habiter l’immeuble du Mans contrairement à leur volonté clairement exprimée dès le compromis de vente.
Une somme de 1 500 euros sera allouée à chacun d’eux à ce titre, en dehors de toute prise en compte du retard, non imputable à l’architecte d’intérieur, avec lequel l’immeuble a pu être revendu.
Les fautes commises par l’architecte d’intérieur ont également fait perdre aux acquéreurs du temps consacré au suivi, à un niveau d’implication certain, du projet de réhabilitation de l’immeuble de mars à septembre 2012, puis au suivi de la revente de l’immeuble non rénové motivée par le souhait légitime de récupérer leur mise de fonds pour pouvoir réinvestir dans un autre projet.
Une somme globale de 5 000 euros leur sera allouée à ce titre, là encore sans avoir égard au retard avec lequel cette revente a pu aboutir.
En définitive, le jugement sera infirmé en ce qu’il a débouté les acquéreurs de toutes leurs demandes d’indemnisation à l’encontre de l’architecte d’intérieur qui sera condamné à leur verser les sommes de 4 211,71 euros TTC en remboursement d’une partie de ses honoraires, de 1 500 euros chacun en réparation de leur préjudice moral et de 5 000 euros en réparation de la perte de temps, les autres demandes étant rejetées.
Sur les demandes annexes
Au regard du principe selon lequel le droit d’agir en justice ne dégénère en abus susceptible d’exposer son auteur au paiement de dommages et intérêts en application des articles 1240 du code civil et 32-1 du code de procédure civile qu’en cas d’intention de nuire, mauvaise foi, erreur grossière équipollente au dol ou légèreté blâmable, la société […] SA n’est pas fondée à réclamer le paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive, que ce soit aux acquéreurs par le biais d’une demande formée postérieurement au désistement d’appel de ceux-ci à l’égard des […] aux droits desquels elle est venue secondairement, ou à l’architecte d’intérieur qui a pu peiner à identifier son assureur au vu des attestations d’assurance désignant comme assureurs ‘[…], association d’assureurs’ ayant pour mandataire la société European Brokers Alliance Ltd et comme ‘mandataire général des […] pour leurs opérations en france et [Localité 10]’ la SAS […] et qui a pu faire confusion sur son droit à appeler en garantie pour la première fois en appel, mais avant le désistement susvisé, cet assureur qui avait été intimé par les appelants.
Elle sera donc déboutée de sa demande à cette fin.
Partie perdante, l’architecte d’intérieur supportera les entiers dépens de première instance et d’appel, sans pouvoir prétendre à la prise en charge de ses frais non compris dans les dépens, le jugement étant infirmé à cet égard.
En outre, conformément à l’article 399 du code de procédure civile, applicable au désistement d’appel en vertu de l’article 405 du même code, selon lequel le désistement emporte, à défaut de convention contraire, soumission de payer les frais de l’instance éteinte, les acquéreurs seront condamnés in solidum avec lui aux dépens d’appel concernant les […] représentés par la SAS […], aux droits desquels vient la société […] SA.
En considération de l’équité et de la situation respective des parties, notamment du caractère excessif des demandes indemnitaires qui n’a pu que contribuer à l’absence de résolution amiable du litige, il n’y a pas lieu de condamner l’architecte d’intérieur à verser aux acquéreurs une somme au titre de leurs frais non compris dans les dépens sur le fondement de l’article 700 1° du code de procédure civile et l’application du même texte au profit de la société […] SA sera limitée à la somme de 1 500 euros, à la charge in solidum de l’architecte d’intérieur et des acquéreurs.
Par ces motifs
La cour,
Dit n’y avoir lieu à révocation de l’ordonnance de clôture.
Déclare d’office irrecevables les conclusions d’appel n°6 déposées le 5 mai 2022 dans l’intérêt de M. [K] et Mme [U].
Déclare parfait le désistement d’appel à l’égard des […] représentés en France par la SAS […], aux droits desquels intervient volontairement la société […] SA.
Déclare irrecevables les appels en garantie incidents de la SARL […].
En conséquence, constate l’extinction de l’instance d’appel et le dessaisissement de la cour à l’égard des […] représentés par la SAS […] et met hors de cause la société […] SA venant à leurs droits.
Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [K] et Mme [U] de toutes leurs demandes d’indemnisation à l’encontre de la SARL […] et les a condamnés, d’une part, solidairement à payer à celle-ci une somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, d’autre part, in solidum aux dépens.
Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant,
Dit que la SARL […] engage sa responsabilité contractuelle envers M. [K] et Mme [U] pour manquement à ses obligations d’information et de conseil sur le coût prévisionnel des travaux et sur l’incompatibilité du projet objet du permis de construire avec leur budget.
En conséquence, prononce la résiliation du contrat d’architecture d’intérieur du 3 février 2012 à ses torts exclusifs.
Condamne la SARL […] à payer à M. [K] et Mme [U] les sommes de :
– 4 211,71 euros (quatre mille deux cent onze euros et soixante et onze cents) TTC en remboursement d’une partie de ses honoraires
– 1 500 (mille cinq cents) euros chacun en réparation de leur préjudice moral
– 5 000 (cinq mille) euros en réparation de la perte de temps.
Déboute M. [K] et Mme [U] du surplus de leurs demandes indemnitaires.
Déboute la société […] SA de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Condamne in solidum M. [K] et Mme [U], d’une part, et la SARL […], d’autre part, à payer à la société […] SA la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application de l’article 700 1° du code de procédure civile et rejette leurs demandes respectives au même titre.
Condamne la SARL […] aux entiers dépens de première instance.
La condamne aux entiers dépens d’appel, ce in solidum avec M. [K] et Mme [U] pour ceux concernant les […] représentés par la SAS […], aux droits desquels vient la société […] SA.
Dit que les dépens seront recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
C. LEVEUF C. MULLER