Économies d’énergie : 13 septembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/06125

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Économies d’énergie : 13 septembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/06125
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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 1

ARRET DU 13 SEPTEMBRE 2023

(n°106/2023, 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général :22/06125 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFQ4A

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 22 Mars 2022 -Juge de la mise en état du tribunal Judiciaire de PARIS – 6ème chambre – 1ère section – RG n° 21/06996

APPELANTE

ASSOCIATION QUALITE ENERGIES RENOUVELABLES – QUALIT’ENR

Association Loi 1901

Immatriculée sous le numéro SIREN 489 907 360

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités auditsiège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Charlotte ABATI de la SELARL AYRTON AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1289

Assistée de Me Christian COURSAGET, substituant Me Charlotte ABATI, tous de la SELARL AYRTON AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, toque : C1289

INTIMEE

S.A.S. ACTION ENERGY ET DEVELOPPEMENT

Société au capital de 10 300 euros

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de BOBIGNY sous le numéro 849 800917

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités auditsiège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Emmanuel BOUKRIS, avocat au barreau de PARIS, toque G0265

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 juin 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Isabelle DOUILLET, présidente et Mme Déborah BOHEE, conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.

Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre

Mme Françoise BARUTEL, conseillère

Mme Déborah BOHEE, conseillère.

Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON

ARRET :

Contradictoire

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Carole TREJAUT, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

La société ACTION ENERGY ET DÉVELOPPEMENT, créée le 5 avril 2019, est une société dont l’objet social portait initialement principalement sur la vente de produits et équipements en économie d’énergie. A compter du 7 mars 2020, elle a notamment étendu son objet social à l’installation des équipements en économie d’énergie.

L’association QUALIT’ENR a pour objet de « développer la qualité d’installation dans le domaine des énergies renouvelables» en délivrant aux professionnels des certifications afin d’assurer aux particuliers bénéficiaires «une installation de qualité conforme aux règles de l’art».

L’association QUALIT’ENR gère plusieurs appellations qualité, notamment QUALI’PAC pour les systèmes de chauffage comportant une pompe à chaleur, QUALI’SOL pour les chauffe-eau et capteurs solaires ou QUALI’PV pour le photovoltaïque raccordé au réseau.

Elle est titulaires des marques communautaires semi-figuratives suivantes :

– QUALI’PV, n°9007204, enregistrée le 02/11/2010 dans les classes n°9, 35, 37, 38, 41, 42, régulièrement renouvelée,

– QUALI’SOL, n°9007162, enregistrée le 02/11/2010 dans les classes n°11, 35, 37, 38, 41, 42, régulièrement renouvelée,

– QUALI’PAC, n°9007105, enregistrée le 03/11/2010 dans les classes n°11, 35, 37, 38, 41, 42, régulièrement renouvelée.

Les 6 et 10 avril 2020, la société ACTION ENERGY ET DÉVELOPPEMENT a sollicité de l’association QUALIT’ENR les qualifications QUALI’PAC et QUALI’SOL.

Par courrier daté du 2 juillet 2020, l’association QUALIT’ENR a informé la société ACTION ENERGY ET DEVELOPPEMENT qu’elle ne pouvait répondre favorablement à ses demandes de qualification Quali’Sol CESI, Quali’Pac Chauffage et Quali’Pac CET en l’état des justificatifs transmis.

Par courriers électroniques datés du même jour, la société ACTION ENERGY ET DEVELOPPEMENT a mis en demeure l’association QUALIT’ENR de lui délivrer les qualifications demandées ou de justifier du refus de ces qualifications.

Par courrier électronique daté du 10 juillet 2020, l’association QUALIT’ENR a précisé à la société ACTION ENERGY ET DEVELOPPEMENT que le refus de qualification était lié à l’absence de relevé de sinistralité communiqué conformément au règlement d’usage, l’entreprise n’ayant pas justifié être couverte par une assurance entre le 4 avril 2019 et le 1er mars 2020.

Par courriers électroniques des 7, 10 et 29 juillet 2020, la société ACTION ENERGY ET DEVELOPPEMENT a mis de nouveau en demeure l’association QUALIT’ENR de lui délivrer les qualifications demandées, menaçant de déposer plainte à son encontre à défaut.

Par courrier électronique daté du 4 septembre 2020, le conseil de l’association QUALIT’ENR a mis en demeure la société ACTION ENERGY ET DEVELOPPEMENT de cesser d’utiliser les logos des qualifications Quali’Pac, Quali’Sol et Quali’Pv dans les en-têtes et pieds de page de ses courriels.

Le 24 septembre 2020, l’instance d’appel et de réclamation de l’association QUALIT’ENR a rejeté la contestation formée par la société ACTION ENERGY ET DEVELOPPEMENT sur le refus des qualifications qui lui avait été notifié le 2 juillet 2020, invoquant le critère de sinistralité non rempli et la violation des conditions d’utilisation de ses marques.

Cette décision a été portée à la connaissance de la société ACTION ENERGY ET DEVELOPPEMENT par courrier daté du 29 septembre 2020.

Par courriers datés des 1er et 5 novembre 2020, la société ACTION ENERGY ET DEVELOPPEMENT a mis en demeure l’association QUALIT’ENR de justifier son refus par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Suivant acte d’huissier de justice délivré le 20 mai 2021, la société ACTION ENERGY ET DEVELOPPEMENT a fait assigner l’association QUALIT’ENR devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins de la voir condamner à l’indemniser au titre de la perte de chance de réaliser un chiffre d’affaires du 2 juillet au 15 octobre 2020 et de voir désigner un expert judiciaire afin de définir le montant de la perte de chance qu’elle a subie, instance enrôlée sous le N° de RG 21/6996.

Puis, suivant acte d’huissier de justice délivré le 2 juin 2021, l’association QUALIT’ENR a fait assigner la société ACTION ENERGY ET DEVELOPPEMENT devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins de la voir condamner à l’indemniser au titre de l’usage frauduleux des marques Quali’Pv, Quali’Sol et Quali’Pac et de lui interdire de les utiliser sous astreinte, instance enrôlée sous le N° de RG 21/7459.

Dans son ordonnance rendue le 22 mars 2022 dans l’instance enrôlée sous le N° de RG 21/6996, dont appel, le juge de la mise en état a :

– rejeté la demande de sursis à statuer présentée par l’association QUALIT’ENR dans l’attente que la troisième chambre deuxième section de ce tribunal statue sur le dossier RG 21/07459 ;

– dit n’y avoir lieu à redistribution aux fins de jonction des instances RG 21/06996 et RG 21/07459 ;

– renvoyé l’examen de l’affaire à l’audience de mise en état du 23 mai 2022 à 13H40 pour les conclusions au fond de Me [W] notifiées avant le 15 mai 2022 ;

– informé les parties que leur présence à l’audience de mise en état n’est pas nécessaire, sauf difficulté particulière, leurs observations devant, en tout état de cause, être adressées au juge de la mise en état par message RVPA afin de permettre la contradiction ;

– réservé les dépens.

Le 23 mars 2022, l’association QUALIT’ENR a interjeté appel de l’ordonnance.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par RVPA le 1er juin 2022, l’association QUALIT’ENR, appelante, demande à la cour de :

Vu les pièces versées au débat ;

Vu les articles 378 et 395 du code de procédure civile ;

– infirmer l’ordonnance rendue par le juge de la mise en état ;

– surseoir à statuer dans l’attente d’une décision devenue définitive concernant l’action en contrefaçon pendant devant le tribunal judiciaire de Paris (RG n° 21/07459) ;

– débouter la société ACTION ENERGY ET DEVELOPPEMENT de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par RVPA le 22 mai 2022, la société ACTION ENERGY ET DEVELOPPEMENT, intimée, demande à la cour de : Vu les articles 377, 378 et 700 du code de procédure civile,

Vu la jurisprudence et les pièces citées,

– débouter l’association QUALIT’ENR de sa demande ;

– confirmer l’ordonnance du 22 mars 2022, RG n° 21/06996, rendue par le juge de la mise en état en toutes ses dispositions ;

– condamner QUALIT’ENR à payer à la société ACTION ENERGY ET DEVELOPPEMENT la somme de 10 000 euros pour procédure dilatoire ;

– condamner QUALIT’ENR à payer à la société ACTION ENERGY ET DEVELOPPEMENT la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 mai 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées.

Sur le chef de l’ordonnance non critiqué

L’ordonnance n’est pas critiquée, et est donc définitive, en ce que le juge de la mise en état a dit n’y avoir lieu à redistribution aux fins de jonction des instances RG 21/06996 et RG 21/07459.

Sur le sursis à statuer

L’association QUALIT’ENR expose que les demandes en réparation formées par la société ACTION ENERGY ET DEVELOPPEMENT dans son assignation reposent intégralement sur son refus de qualification motivé, en dernier lieu, par des faits de contrefaçon de ses marques commis par la société ACTION ENERGY ET DEVELOPPEMENT et par un critère de sinistralité non rempli; que le juge de la mise en état a, par une mauvaise lecture des demandes de la société ACTION ENERGY ET DEVELOPPEMENT, considéré que les éventuelles fautes commises par l’association QUALIT’ENR pouvaient être analysées indépendamment d’une contrefaçon commise par la société ACTION ENERGY ET DEVELOPPEMENT ; que par cette considération, le juge de la mise en état a restreint les demandes de la société ACTION ENERGY ET DEVELOPPEMENT rappelées ci-dessus ; que les demandes de la société ACTION ENERGY ET DEVELOPPEMENT n’impliquent pas uniquement la recherche d’éventuelles fautes commises par l’association QUALIT’ENR dans son processus décisionnel mais également l’analyse du bien-fondé de la décision de refus de qualification, décision qui repose notamment sur les actes de contrefaçon commis par la société ACTION ENERGY ET DEVELOPPEMENT, objet de l’instance qu’elle a introduite; qu’il existe en conséquence un risque de contrariété de décision entre ces deux instances; que dans ce contexte, dans une bonne administration de la justice, il convient de surseoir à statuer dans l’attente d’une décision devenue irrévocable (exempte de tout appel ou pourvoi) rendue par les juges du tribunal judiciaire s’agissant de la contrefaçon en cause.

La société ACTION ENERGY ET DEVELOPPEMENT rappelle que l’association QUALIT’ENR, par décision en date du 2 juillet 2020, a refusé de lui délivrer les qualifications sollicitées, cette décision étant le point de départ du contentieux opposant les parties, refus motivé uniquement par l’absence de production de relevés de sinistralité couvrant la période entre le 4 avril 2019 et le 1er mars 2020 et que l’usage argué illicite des marques n’a été constaté que postérieurement à compter du 7 juillet 2020, de sorte que le refus de certification ne repose pas sur ce motif; que l’issue de l’action intentée par QUALIT’ENR dépend au contraire de l’issue de l’action qu’elle a elle-même intentée; que dans ces conditions, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de sursis à statuer.

La cour rappelle qu’aux termes de l’article 378 du code de procédure civile « La décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine ». Hors les cas où cette mesure est imposée par la loi, l’appréciation de l’opportunité de surseoir à statuer relève du pouvoir discrétionnaire de la juridiction, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice.

En l’espèce, l’action en responsabilité introduite par la société ACTION ENERGY ET DEVELOPPEMENT contre l’association QUALIT’ENR nécessite, en premier lieu, l’examen des éventuelles fautes commises par celle-ci à l’occasion du refus de la qualification sollicitée et le bien fondé des motifs opposés à cette demande de qualification. Dans ce cadre, l’association QUALIT’ENR a d’abord mis uniquement en avant le non respect du critère de sinistralité, en l’absence de preuve d’une couverture par une assurance pour une période supérieure à 6 mois. Puis, ce n’est que dans un deuxième temps qu’a été ajouté un motif relatif à la violation des conditions d’usage des marques.

Ce n’est, d’ailleurs, que suite à l’introduction de cette action en responsabilité que l’association QUALIT’ENR a saisi le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de ses marques.

Ainsi, si ces deux instances concernent les mêmes parties, elles ne portent pas sur le même objet, ni sur les mêmes dispositions légales, de sorte qu’il n’existe pas de risque de contrariété de décisions.

C’est en conséquence, à juste titre, que le premier juge a refusé d’ordonner un sursis à statuer dans l’attente d’une décision définitive dans le contentieux de contrefaçon de marques, l’ordonnance déférée étant confirmée de ce chef.

Sur les demandes reconventionnelles de la société ACTION ENERGY ET DEVELOPPEMENT

La société ACTION ENERGY ET DEVELOPPEMENT soutient que l’appel de l’ordonnance interjeté par QUALIT’ENR n’a qu’un but dilatoire afin de retarder l’examen de ses demandes, son refus de lui octroyer la certification reposant sur des motifs illégitimes et, en aucun cas, sur des actes de contrefaçon ; que, pour cette raison, l’association QUALIT’ENR a introduit une action en contrefaçon à son encontre afin de compenser sa condamnation future avec les éventuelles sommes qu’elle pourrait recouvrer si elle gagnait le procès qu’elle a intenté; que par conséquent, elle est bien fondée à solliciter la condamnation de l’association QUALIT’ENR à lui payer la somme de 10 000 euros pour procédure dilatoire.

L’association QUALIT’ENR soutient que le présent appel n’est pas dilatoire au regard du risque avéré de contradiction de jugements; qu’elle a été en outre particulièrement diligente pour que cet appel soit traité rapidement et qu’il ne ralentisse pas la procédure au fond.

La cour rappelle que l’accès au juge étant un droit fondamental et un principe général garantissant le respect du droit, ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles que le fait d’agir en justice ou d’exercer une voie de recours légalement ouverte est susceptible de constituer un abus. Or, la société ACTION ENERGY ET DEVELOPPEMENT ne démontre pas la faute commise par l’association QUALIT’ENR qui aurait fait dégénérer en abus son droit d’agir en justice, l’intéressée ayant pu légitimement se méprendre sur l’étendue de ses droits. Elle ne justifie pas en outre de l’existence d’un préjudice distinct de celui causé par la nécessité de se défendre en justice qui sera réparé par l’allocation d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur les autres demandes

L’association QUALIT’ENR, succombant, sera condamnée aux dépens d’appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés à l’occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

Enfin, l’équité et la situation des parties commandent de condamner l’association QUALIT’ENR à verser à la société ACTION ENERGY ET DEVELOPPEMENT une somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute la société ACTION ENERGY ET DEVELOPPEMENT de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts,

Condamne l’association QUALIT’ENR aux dépens d’appel,

Condamne l’association QUALIT’ENR à verser à la société ACTION ENERGY ET DEVELOPPEMENT une somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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