Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 5
ARRET DU 13 SEPTEMBRE 2012
(n° , 8 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 11/03672
Décision déférée à la Cour : Jugement
Jugement du 04 Février 2009 -Tribunal de Commerce de MELUN – RG n° 2007/986
APPELANTE
S.A. GESTAMP NOURY agissant en la personne de son président
Ayant son siège
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
Représentée par Me Chantal-Rodene BODIN CASALIS, avocat au barreau de PARIS, toque: L0066
Assistée de Me Susanne COULON, avocat au barreau de MELUN, M32, plaidant pour la SELARL COULON RICHARD-ACA
INTIMEE
SAS ECO CONSULTANTS prise en la personne de ses représentants légaux
Ayant son siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par la SCP MONIN – D’AURIAC, Me Patrice MONIN, avocats au barreau de PARIS, toque : J071
Assistée de Me Raymond DEHORS, avocat au barreau de PARIS, toque :P375, plaidant pour la SCP R. DEHORS et Associés
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 Mai 2012, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Madame Colette PERRIN, Présidente, et Madame Patricia POMONTI, Conseillère chargée d’instruire l’affaire.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Colette PERRIN, Présidente
Madame Patricia POMONTI, Conseillère
Madame Irène LUC, Conseillère désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la cour d’appel de Paris en vertu de l’article R 312-3 du code de l’organisation judiciaire pour compléter la chambre.
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY, Greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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La société Gestamp Noury est une filiale française d’un groupe de sociétés espagnoles et a pour activité l’assemblage et l’embouteillage de pièces pour l’industrie automobile.
La société Eco Consultants exerce l’activité de conseil en économie d’énergie.
Les deux sociétés ont signé un contrat daté du 30 mai 2005 au terme duquel la société Gestamp Noury a confié à la société Eco Consultants une mission de recherche d’économies réalisables sur ses factures de gaz, d’eau, et de chauffage pour une durée de 3 ans.
Par lettre recommandée du 22 juin 2006, la société Gestamp Noury a dénoncé la validité de ce contrat.
La société Eco Consultants a fait assigner la société Gestamp Noury devant le tribunal de Melun en paiement des sommes dues en exécution du contrat d’étude
Par jugement du 4 février 2009, le tribunal de commerce de Melun a désigné M.[W] [P] en qualité d’expert avec pour mission de se rendre sur place, d’entendre tout sachant, de se faire remettre tous les documents contractuels nécessaires à l’accomplissement de sa mission et notamment les factures EDF du1er juin 2005 au 31 décembre 2008 concernant le site de Tournan, de chiffrer les économies éventuelles et de faire les comptes entre les parties.
Par jugement du 1er décembre 2010, le tribunal de commerce de Melun a :
– condamné la société SAS Gestamp Noury à payer à la société SAS Eco Consultants la somme de 136 6346€ avec intérêts au taux légal, outre celle de 15 000€ à titre de dommages et intérêts,
– dit n’y avoir lieu à publication du jugement
– rejeté l’ensemble des prétentions, fins et conclusions de la société Gestamp Noury
– ordonné l’exécution provisoire
– condamné la société SAS Gestamp Noury à payer à la société SAS Eco Consultants la somme de 3 000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
LA COUR
Vu les appels interjetés par la société Gestamp Noury contre les jugements rendus le 4 février 2009 et le 1er décembre 2010.
Vu les dernières conclusions signifiées le 2 mai 2012 par lesquelles la société Gestamp Noury demande à la cour d’infirmer les jugements rendus les 4 février et 2009 et 1er décembre 2010 dans toutes leurs dispositions à l’exception de celle qui rejette la publication et de dire :
A titre principal que le contrat d’études litigieux est nul et de nul effet
en conséquence débouter la société Eco Consultants de l’ensemble de ses prétentions
A titre subsidiaire que la clause de fixation de la rémunération est rédigée de manière ambigüe et obscure, qu’elle instaure un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties
en conséquence la déclare abusive , prononcer la résiliation du contrat et dire qu’il est privé de tout effet,
A titre encore plus subsidiaire , retenir l’ambiguïté du contrat, en faire une application stricte,
constater l’absence d’économies sur les factures 2006 par rapport aux factures antérieures pour une consommation équivalente,
et , après avoir rappelé que la clause de rémunération précise l’absence de rémunération des économies qui ne seraient pas directement la conséquence de l’action d’Eco Consultants
dire que touts les économies constatées par l’expert n’ont pas pour cause directe l’action et la prestation unique de Eco Consultants mais d’une part une décision de changement de mode d’exploitation par Gestamp Noury consistant en l’automatisation de son industrie et par voie de conséquence de son profil de consommateur d’énergie et d’autre part l’action de ses services internes en collaboration avec les services EDF en 2007
débouter Eco Consultants de l’ensemble de ses demandes
A titre infiniment plus subsidiaire
dire qu’en l’absence d’accord des parties sur un montant précis d’honoraires ou d’un montant pouvant être déterminé à partir d’éléments connus au moment de la souscription de l’obligation de les verser , il y a lieu de fixer judiciairement la somme
fixer la rémunération de Eco Consultants à la somme de 10 000€ comme juste contrepartie de sa prestation unique au égard des diligences accomplies, le service rendu et les prix habituellement pratiqués pour ce genre de prestation,
En tout état de cause
débouter Eco Consultants de ses demandes de dommages et intérêts
la débouter de ses demandes au titre de l’appel incident
ordonner la restitution à la société Gestamp Noury des sommes versées en exécution des jugements entrepris
condamner la société Eco Consultants à lui payer la somme de 15 000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens y compris les frais d’expertise.
La société Gestamp Noury expose que c’est à tort que les premiers juges ont, par jugement du 4 février 2009, désigné un expert en faisant état d’une demande en ce sens de la société Eco Consultants alors que celle-ci n’avait fait aucune demande en ce sens et qu’ainsi il a statué ultra petita ; elle ajoute que c’est à tort que le jugement du 1er décembre 2010 estime que la question de la validité du contrat a été tranchée par ce jugement.
La société Gestamp Noury soutient que le contrat est nul en raison de l’absence de délégation de pouvoir donnée à son salarié et que la société Eco Consultants ne pouvait légitimement méconnaître cette circonstance.
Elle fait valoir que le libellé du contrat concernant la rémunération de la société Eco Consultants est ambigüe et ne permettait pas d’en apprécier le montant à partir des éléments connus au jour de la signature du contrat et conclut à la résiliation du contrat.
Elle ajoute enfin que Eco Consultants n’est à l’origine d’aucune économie et doit être déboutée de ses demandes.
Vu les dernières conclusions signifiées le 22 mars 2012 par lesquelles la société Eco Consultants demande à la cour de confirmer le jugement entrepris sauf à y ajouter et dire que les condamnations principales prononcées produiront intérêts de la façon suivante :
à compter du 5 mars 2007 , date de la mise en demeure sur la somme de 12 037,74€ avec première capitalisation au 5 mars 2008 puis ainsi de suite d’année en année,
à compter du 15 octobre 2007 , date des conclusions récapitulatives n°2 sur la somme de 14 209,56€ avec première capitalisation au 15 octobre 2008 puis ainsi de suite d’année en année,
à compter du 16 juin 2008 , date des conclusions récapitulatives n°3 sur la somme de 10 031,45 € avec première capitalisation au 16 juin 2009 puis ainsi de suite d’année en année,
à compter du 19 décembre 2009 , date du dépôt du rapport de M.[S] sur le surplus soit la somme de 100 067,25€ avec capitalisation dès la première année échue
Condamner la société Gestamp Noury lui payer une somme complémentaire de 75 000€ à titre de dommages et intérêts
ordonner la publication du jugement aux frais de la société Gestamp Noury sans que le coût de chaque insertion excède 1 500€,
condamner la société Gestamp Noury à lui payer la somme de 15 000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens .
La société Eco Consultants soutient que, s’agissant de relations commerciales entre commerçants, elle peut se prévaloir de l’existence d’un mandat apparent du directeur financier de la société Gestamp Noury pour engager la société Gestamp Noury;
Elle ajoute que les conditions de sa rémunération étaient clairement définies et que la société Gestamp Noury a scrupuleusement suivi ses préconisations ce qui lui a permis de réaliser des économies .
La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile
MOTIFS
Sur le jugement du 4 février 2009 ayant ordonné une mesure d’expertise
Considérant que la société Gestamp Noury expose que c’est à tort que les premiers juges ont, par jugement du 4 février 2009, désigné un expert en faisant état d’une demande en ce sens de la société Eco Consultants alors que celle-ci n’avait fait aucune demande et qu’ainsi il a statué ultra petita ; elle ajoute que c’est à tort que le jugement du 1er décembre 2010 estime que la question de la validité du contrat a été tranchée par ce jugement;
Considérant que le jugement du 4 février 2009 a été rendu à la suite de l’assignation en paiement délivrée par la société Eco Consultants à la société Gestamp Noury en date du 12 avril 2007;
Considérant que l’article 143 du code de procédure civile dispose que « les faits dont dépend la solution du litige peuvent à la demande des parties ou d’office être l’objet d’une mesure d’instruction légalement admissible » ;
Que par jugement du 4 février 2009, les premiers juges, après avoir constaté « que pour permettre de confirmer ou d’infirmer ces dires , il convient que les éléments permettant d’en juger soient échangés et analysés » et que « pour ce faire il convient de nommer un expert qui sera chargé d ‘étudier le contrat initial et de faire le compte entre les parties », ont ordonné une expertise.
Qu’en conséquence le tribunal n’a pas, en ordonnant une mesure d’expertise, statué ultra petita mais a seulement fait application d’office de son droit de mettre en oeuvre une mesure d’instruction, en l’espèce une expertise;
Que le tribunal a seulement improprement visé l’article 145 qui prévoit la possibilité pour le juge d’ordonner une mesure d’expertise avant tout procès à la demande d’une partie , que d’ailleurs il vise également l’article 263 qui dispose que « l’expertise n’a lieu d’être ordonnée que dans le cas où des constatations ou une consultation ne pourraient suffire à éclairer le juge » ;
Que la cour requalifiera en conséquence le fondement juridique retenu par les premiers juges;
Sur le jugement du 1er décembre 2010
Considérant que les premiers juges ont à tort dit que « par jugement avant dire droit du 4 février 2009 le tribunal a fait droit à ces demandes et a notamment constaté que le contrat d’étude était valide » dès lors que ce jugement n’a pas statué au fond .
Que la cour constate que les premiers juges n’ont pas statué sur la demande de la société Gestamp Noury tendant à voir prononcer la nullité du contrat d’étude ; qu’il y a lieu en conséquence d’évoquer cette question.
Sur la validité du contrat d’études
Considérant que la société Gestamp Noury conteste la validité du contrat conclu le 30 mai 2005 au motif que M.[Y], signataire pour le compte de Eco Consultants et directeur financier ne disposait d’aucune délégation de pouvoir ;
Que Eco Consultants rétorque que le contrat conclu n’impliquait aucun déboursement par la société Gestamp Noury mais avait pour objet de lui permettre de réaliser des économies ce qui entre dans les fonctions d’un directeur financier qui disposait lors de la signature du contrat, du cachet de sa société qu’il a apposé sur le contrat ;
Qu’il convient de relever que c’est un salarié de la société Eco Consultants qui s’est rendu dans les locaux de la société Gestamp Noury pour proposer les prestations de sa société et qu’il a alors rencontré M.[Y], salarié pour sa part de la société Gestamp Noury ; que les deux sociétés n’avaient eu aucune relation antérieure qui aurait pu laisser supposer au salarié de Eco Consultants que son interlocuteur avait pouvoir de représenter la société Gestamp Noury;
Que, si M.[Y] a signé dès cette visite le contrat, la société Eco Consultants ne l’a retourné que le 28 juillet 2005 avec la signature de son directeur général délégué qui a écrit « Nous avons l’honneur de vous remettre notre premier rapport d’analyse concernant les dépenses en électricité de votre établissement accompagné de l’exemplaire de notre contrat dûment contresigné »;
Que les deux sociétés contractantes ont la même forme juridique avec à leur tête un président lequel pouvait désigner un directeur général délégué ayant les mêmes pouvoirs de représentation et de direction, de sorte que le président et le directeur général délégué de Eco Consultants ne pouvaient ignorer les limites de pouvoir d’un salarié ayant le titre de directeur financier ; que si l’extrait KBIS de la société Gestamp Noury mentionne que son président et ses deux directeurs généraux délégués sont tous trois domiciliés en Espagne, celui-ci est en date du 11 /01/2007 ; qu’il résulte de l’organigramme du comité de direction de la société Gestamp Noury, à la date de l’intervention de la société Eco Consultants, que son directeur délégué était M.[X] [D], de nationalité française et résidant en France ; que la société Eco Consultants ne peut donc arguer d’une résidence à l’étranger des dirigeants de la société Gestamp Noury lui permettant de supposer que le directeur financier avait le pouvoir de l’engager.
Qu’au demeurant le contrat qui stipule que Gestamp Noury s’engage à transmettre à Eco Consultants ses factures d’énergie consommée dans un délai de 45 jours à compter de leur réception, démontre qu’il ne comportait aucune urgence, Eco Consultants ayant d’ailleurs mis plus de deux mois à le retourner revêtu de la signature de la personne habilitée;
Qu’il s’agissait d’un engagement qui ne comportait pas de décaissement de la société Gestamp Noury mais qui comportait un engagement de partage d’économies et de rétrocession par Gestamp Noury sur une durée de 3 ans ce qui, au regard même de sa durée, justifiait un accord des organes dirigeants de la société ;
Que la société Gestamp Noury justifie que dans ses procédures internes il était prévu que « tout engagement nécessitant la rédaction d’un contrat et non la simple émission d’une commande…doit être soumis au visa de la direction générale seule habilitée à rédiger les engagements juridiques »
Que la définition des fonctions de M.[Y] montre qu’il était placé sous la responsabilité hiérarchique du directeur général délégué et que sa fonction consistait essentiellement dans la responsabilité et la supervision du service comptabilité ;
Que le 26 juin 2006, la société Gestamp Noury a dénoncé le contrat indiquant « Monsieur [Y], directeur financier pendant quelques mois, n’avait strictement aucune délégation de pouvoirs pour engager la société Gestamp Noury contractuellement…S’ajoute que nous disposons à titre interne d’un effectif chargé de l’audit notamment des dépenses d’énergie ce que probablement M.[Y], sans ancienneté dans la société, ignorait peut-être et vos prestations font double emploi »;
Qu’il résulte de ces éléments que M.[Y], signataire du contrat n’avait aucune qualité pour le faire en l’absence de toute délégation de son employeur et que la société Eco Consultants ne démontre nullement que les circonstances de la signature pouvaient lui laisser supposer qu’il aurait bénéficié du mandat d’engager la société Gestamp Noury ; qu’il y a lieu en conséquence de prononcer la nullité du contrat ;
Considérant en conséquence qu’il n’y a pas lieu d’examiner les demandes de la société Eco Consultants ;
Sur la demande de restitution
Considérant que le présent arrêt constitue le titre ouvrant droit à restitution des sommes versées au titre de l’exécution de la décision, lesdites sommes assorties des intérêts au taux légal à compter de la notification de l’arrêt, valant mise en demeure ; qu’il n’y a pas lieu de statuer sur la demande de restitution;
Sur l’article 700 du code de procédure civile
Considérant que la société Gestamp Noury a dû engager des frais non compris dans les dépens qu’il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge , qu’il y a lieu de faire application des dispositions de l’article 700 dans la mesure qui sera précisée au dispositif.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
REQUALIFIE le fondement juridique du jugement rendu le 4 février 2009 comme ayant été rendu en application de l’article 143 du code de procédure civile ,
INFIRME le jugement rendu le 1er décembre 2010,
EVOQUE le moyen soulevé de la nullité du contrat d’étude en date du 30 mai 2005,
DIT que le contrat d’étude litigieux est nul
DEBOUTE la société Eco Consultants de l’ensemble de ses prétentions
DIT n’y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en exécution des jugements entrepris
CONDAMNE la société Eco Consultants à payer à la société Gestamp Noury la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE la société Eco Consultants aux dépens y compris les frais d’expertise, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile
La GreffièreLa Présidente
E. DAMAREYC. PERRIN