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Un fonctionnaire de police a été condamné au paiement d’une amende de 1 000 euros pour l’infraction prévue à l’article R. 625-8-1 du code pénal d’« injure non publique commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée ».
Ces faits ont également donner lieu à sa révocation car ils constituent des manquements graves et caractérisés aux obligations de réserve, de probité, d’obéissance, d’exemplarité et de dignité auxquelles sont astreints les fonctionnaires de police, ils sont établis et constituent une faute disciplinaire.
La circonstance que les commentaires en cause ont été tenus dans un groupe de discussion qui n’était ouvert qu’à ses membres, dont d’ailleurs certains n’appartenaient pas à la police nationale, n’est pas de nature à atténuer la faute commise et à rendre illégale la sanction prise à son encontre.
Un comportement dans la vie privée du fonctionnaire peut être de nature à justifier une sanction disciplinaire lorsqu’il est incompatible avec la qualité d’agent public, qu’il a pour effet de perturber le bon déroulement du service ou de jeter le discrédit sur l’administration, ce qui est le cas en l’espèce eu égard à la teneur des propos échangés et à la très large médiatisation des faits qui a été de nature à jeter un discrédit sur l’ensemble de la police nationale.
La circonstance que d’autres agents ayant commis des faits aussi graves n’auraient pas été sanctionnés ou auraient été sanctionnés avec une moindre sévérité est sans incidence sur la légalité de l’arrêté de révocation.
En la cause, l’intéressé avait, dans un fil d’une discussion sur un réseau social, au sein d’un groupe composé notamment de plusieurs collègues de son unité, à plusieurs reprises, notamment pendant le temps du service, tenu des propos racistes, misogynes, antisémites et discriminatoires et n’a eu aucun comportement modérateur ou dissuasif des commentaires de même nature émis par les autres membres du groupe.
L’inspection générale de la police nationale a analysé les conversations qui ont eu lieu sur le groupe en question et établi un rapport d’enquête, après audition. Par arrêté du 11 septembre 2020 le ministre de l’intérieur a prononcé sa révocation.
En l’absence de disposition législative contraire, l’autorité investie du pouvoir disciplinaire, à laquelle il incombe d’établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public, peut apporter la preuve de ces faits devant le juge administratif par tout moyen.
Toutefois, tout employeur public est tenu, vis-à-vis de ses agents, à une obligation de loyauté. Il ne saurait, par suite, fonder une sanction disciplinaire à l’encontre de l’un de ses agents sur des pièces ou documents qu’il a obtenus en méconnaissance de cette obligation, sauf si un intérêt public majeur le justifie. En l’espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier qu’un élément aurait été obtenu de manière déloyale.
Aux termes de l’article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires :
« Toute faute commise par un fonctionnaire dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions l’expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ».
Aux termes de l’article R 434-12 du code de la sécurité intérieure : « Le policier (…) ne se départ de sa dignité en aucune circonstance. En tout temps, dans ou en dehors du service y compris lorsqu’il s’exprime à travers les réseaux de communication électronique sociaux, il s’abstient de tout acte, propos ou comportement de nature à nuire à la considération portée à la police nationale et à la gendarmerie nationale. Il veille à ne porter, par la nature de ses relations, aucune atteinte à leur crédit ou à leur réputation ».
II appartient au juge de l’excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l’objet d’une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 15 décembre 2022, 21DA02728, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B… A… a demandé au tribunal administratif de Rouen d’annuler la décision du 11 septembre 2020 par laquelle le ministre de l’intérieur a prononcé sa révocation, d’enjoindre à l’Etat de reconstituer sa carrière et de supprimer la mention de la sanction dans son dossier individuel, dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2004524 du 26 octobre 2021 le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 novembre 2021, et un mémoire enregistré le 15 juillet 2022, M. A…, représenté par Me Philippe, demande à la cour :
1°) d’annuler ce jugement ;
2°) d’annuler la décision du 11 septembre 2020 par laquelle le ministre de l’intérieur a prononcé sa révocation ;
3°) d’enjoindre à l’Etat de reconstituer sa carrière et de supprimer la mention de la sanction dans son dossier individuel, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l’arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
– l’enquête administrative a été sommaire ;
– les faits ne sont pas de nature à justifier une sanction disciplinaire car le groupe de discussion avait une vocation purement privée ;
– la sanction est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation, au vu notamment de sa manière de servir, et elle est disproportionnée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juillet 2022, le ministre de l’intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 19 juillet 2022 la date de clôture de l’instruction a été fixée au 25 août 2022 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983;
– la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat ;
– le code pénal ;
-le code de la sécurité intérieure ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
– les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B… A…, gardien de la paix exerçait ses fonctions dans l’unité d’aide et d’assistance judiciaire de la police de Rouen-Elbeuf. Le 24 décembre 2019, une enquête administrative a été ouverte à la suite du signalement effectué la veille par un gardien de la paix ayant fait l’objet de messages notamment à caractère raciste sur un groupe d’un réseau social. L’inspection générale de la police nationale a analysé les conversations qui ont eu lieu sur le groupe en question et établi un rapport d’enquête le 13 janvier 2020 après audition de M. A… le 6 janvier 2020. Par arrêté du 11 septembre 2020 le ministre de l’intérieur a prononcé sa révocation. Par un jugement n°2004524 du 26 octobre 2021 le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses conclusions d’annulation de l’arrêté du 11 septembre 2020. M. A… relève appel de ce jugement.
2. En premier lieu, aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe général du droit, n’oblige l’administration à procéder à une enquête disciplinaire et, notamment, à entendre les témoins éventuels des faits invoqués par M. A…. En l’absence de disposition législative contraire, l’autorité investie du pouvoir disciplinaire, à laquelle il incombe d’établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public, peut apporter la preuve de ces faits devant le juge administratif par tout moyen. Toutefois, tout employeur public est tenu, vis-à-vis de ses agents, à une obligation de loyauté. Il ne saurait, par suite, fonder une sanction disciplinaire à l’encontre de l’un de ses agents sur des pièces ou documents qu’il a obtenus en méconnaissance de cette obligation, sauf si un intérêt public majeur le justifie. En l’espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier qu’un élément aurait été obtenu de manière déloyale. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure d’enquête suivie pour prononcer la sanction attaquée a été sommaire ou irrégulière doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l’article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : « Toute faute commise par un fonctionnaire dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions l’expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ». Aux termes de l’article R 434-12 du code de la sécurité intérieure : « Le policier (…) ne se départ de sa dignité en aucune circonstance. / En tout temps, dans ou en dehors du service y compris lorsqu’il s’exprime à travers les réseaux de communication électronique sociaux, il s’abstient de tout acte, propos ou comportement de nature à nuire à la considération portée à la police nationale et à la gendarmerie nationale. Il veille à ne porter, par la nature de ses relations, aucune atteinte à leur crédit ou à leur réputation ».
4. II appartient au juge de l’excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l’objet d’une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A… a, entre novembre et décembre 2019, dans un fil d’une discussion sur un réseau social, au sein d’un groupe composé notamment de plusieurs collègues de son unité, à plusieurs reprises, notamment pendant le temps du service, tenu des propos racistes, misogynes, antisémites et discriminatoires et n’a eu aucun comportement modérateur ou dissuasif des commentaires de même nature émis par les autres membres du groupe. Par un jugement du 5 novembre 2021 le tribunal de police d’Evreux a reconnu M. A… coupable des faits qui lui étaient reprochés et l’a condamné au paiement d’une amende de 1 000 euros pour l’infraction prévue à l’article R. 625-8-1 du code pénal d’« injure non publique commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée ». Les faits reprochés à M. A… constituent des manquements graves et caractérisés aux obligations de réserve, de probité, d’obéissance, d’exemplarité et de dignité auxquelles sont astreints les fonctionnaires de police, ils sont établis et constituent une faute disciplinaire.
6. La circonstance que les commentaires de M. A… ont été tenus dans un groupe de discussion qui n’était ouvert qu’à ses membres, dont d’ailleurs certains n’appartenaient pas à la police nationale, n’est pas de nature à atténuer la faute commise et à rendre illégale la sanction prise à son encontre dès lors qu’un comportement dans la vie privée peut être de nature à justifier une sanction disciplinaire lorsqu’il est incompatible avec la qualité d’agent public, qu’il a pour effet de perturber le bon déroulement du service ou de jeter le discrédit sur l’administration, ce qui est le cas en l’espèce eu égard à la teneur des propos échangés et à la très large médiatisation des faits qui a été de nature à jeter un discrédit sur l’ensemble de la police nationale. La circonstance que d’autres agents ayant commis des faits aussi graves n’auraient pas été sanctionnés ou auraient été sanctionnés avec une moindre sévérité est sans incidence sur la légalité de l’arrêté attaqué. Par suite, c’est sans erreur d’appréciation et sans disproportion au regard de la gravité des fautes commises que le ministre de l’intérieur a prononcé la révocation de M. A….
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que par le jugement attaqué du 26 octobre 2021 du tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes. Ses conclusions à fin d’injonction et celles présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A… est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B… A… et au ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l’audience publique du 22 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
— Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
– M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
– Mme Dominique Bureau, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 décembre 2022.
Le président-rapporteur,
Signé : M. C… La présidente de chambre,
Signé : G. BorotLa greffière,
Signé : C. Flandrin
La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière
C. Huls-Carlier