Lorsque des entreprises ont échangé des informations confidentielles entre elles, pour répondre à un appel d’offres dans le cadre d’un projet de contrat de sous-traitance, celles-ci ne peuvent plus soumissionner individuellement par la suite à ce même appel d’offres, dans la mesure où leurs offres ne sont pas indépendantes et la concurrence faussée.
Sommaire
Affaire Vinci Energies
Les sociétés Vinci Energies France, Vinci Energies et Vinci, en tant que sociétés mères, ont enfreint les dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce en participant à des échanges d’informations confidentielles avec Neu en vue de la passation du marché de maintenance et de transformation des installations de gestion technique de bâtiments .
La coopération d’entreprises indépendantes
Si la coopération d’entreprises indépendantes et concurrentes en vue de répondre à un appel d’offres n’est pas anticoncurrentielle en soi, cette coopération ne doit pas donner lieu à des échanges d’informations de nature à fausser la concurrence ».
Lorsque des entreprises ont échangé des informations confidentielles entre elles pour répondre à un appel d’offres dans le cadre d’un projet de contrat de sous-traitance, celles-ci ne peuvent plus soumissionner individuellement par la suite à ce même appel d’offres.
Comportement des candidats à un appel d’offres
En premier lieu, que le comportement des candidats à un appel d’offres est susceptible d’être qualifié de pratique anticoncurrentielle dès lors qu’il empêche, restreint ou fausse le jeu de la concurrence sur le marché pertinent, et ce alors même qu’il ne constitue pas une pratique illégale au regard des procédures de passation des marchés publics.
Il importe peu, en conséquence, que le droit de la commande publique, comme le droit de l’Union portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services, n’interdise pas à un candidat d’intervenir à un même appel d’offres à titre individuel et en qualité de sous-traitant d’un autre candidat. Cette circonstance n’est en effet pas de nature à soustraire les candidats à un appel d’offres au respect des règles de concurrence.
Droit d’accès à la commande publique
Cette exigence ne constitue pas une atteinte au principe de libre accès à la commande publique, ni au principe de proportionnalité garanti par le droit européen, dès lors qu’elle n’interdit pas de manière automatique et absolue le recours à la sous-traitance, ni même le cumul de candidatures à titre individuel et en qualité de sous-traitant d’un autre candidat.
L’énoncé de principe de la décision attaquée se borne en effet à rappeler que l’échange d’informations confidentielles intervenu dans ce contexte entre des entreprises concurrentes ne leur permet plus d’élaborer une offre de manière indépendante et, par voie de conséquence, de soumettre une candidature individuelle au même appel d’offres dans des conditions conformes aux règles de concurrence.
La Cour de justice a précisément dit pour droit (affaire Lloyd’s of London précitée), que les principes qui découlent du TFUE et de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, ne s’opposent pas à une réglementation qui permet, « de les exclure s’il apparaît, sur la base d’éléments incontestables, que leurs offres n’ont pas été formulées de manière indépendante ».
Ce sont ces principes que l’Autorité a appliqués dans la décision attaquée aux paragraphes 57 et suivants, en relevant les éléments qui, selon elle, démontrent que les échanges d’informations ont permis à Santerne d’établir son offre et qu’ainsi les offres n’ont pas été formulées de manière indépendante. La pertinence de cette motivation sera appréciée dans la partie B de l’arrêt.
Pour rappel, aux termes de l’article L. 420-1 du code de commerce, « [s]ont prohibées (‘), lorsqu’elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions (‘) ».
Coopération entre entreprises
Comme l’a justement rappelé la décision attaquée, la faculté pour une entreprise de proposer une offre en coopération avec une autre, afin de s’adjoindre des compétences dont elle ne dispose pas en interne, n’est pas illicite en soi et peut avoir des effets « pro-concurrentiels » si elle permet à ces entreprises de concourir alors qu’elles n’auraient pas été capables de le faire isolément ou qu’elle leur permet de le faire sur la base d’une offre plus compétitive ou de meilleure qualité.
Toutefois, une telle coopération ne peut, pour autant, s’affranchir du respect des règles de la concurrence et ne doit pas fausser le libre jeu de celle qui doit s’exercer sur le marché pertinent, chaque offre déposée devant être élaborée en toute indépendance.
En l’espèce, s’agissant de la teneur des échanges et de leur contexte, il est constant qu’à la suite de l’appel d’offres lancé le 11 avril 2014, des échanges entre Neu et Santerne, non contestés, sont intervenus, lesquels n’ont pas porté sur l’intégralité des offres respectives déposées mais uniquement sur certaines données de Neu transmises à Santerne, à sa demande. Toutefois, cette circonstance, comme le fait que tous les soumissionnaires n’aient pas été impliqués dans les échanges, importe peu pour apprécier le caractère anticoncurrentiel des échanges dès lors, d’une part, qu’ils ont bien eu pour objet des informations sensibles en lien avec un appel d’offres en cours (en l’occurrence des éléments afférents à l’offre financière de Neu et au mémoire technique qu’elle a élaborée pour répondre à l’appel d’offres) et, d’autre part, qu’il est constant qu’ils sont intervenus avant que Neu et Santerne procèdent, chacune à titre individuel, au dépôt de leur offre, intervenu le 28 mai 2014 (réceptionnée à 10:34 pour Neu et 11:34 pour Santerne).
Le dépôt de deux dossiers de candidature séparées, incluant en apparence des offres indépendantes, a, dans les circonstances précitées, nécessairement faussé la concurrence et trompé le maître d’ouvrage sur l’intensité de celle qui s’est exercée dans le cadre de l’appel d’offres, peu important, au stade de la qualification, que cette situation ait eu un impact limité sur le choix de l’attributaire, que l’échange n’ait pas conduit à une coordination des offres ou à l’élaboration d’offre de couverture, ou que la communication se soit limitée à certains éléments seulement et que Neu n’ait pas eu connaissance des chiffrages envisagés par Santerne ou des éléments techniques prévus dans son offre.
Au regard de l’ensemble de ces développements, c’est donc à juste titre que l’Autorité a retenu le caractère anticoncurrentiel des échanges litigieux, intervenus avant dépôt des offres.
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